Interview de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, à "Canal Plus" le 3 septembre 2008, sur la mutation d'un haut fonctionnaire en Corse, sur la préparation du budget 2009 avec le projet d'un prêt à taux zéro pour les travaux d'économie d'énergie.

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Média : Canal Plus

Texte intégral

M. Biraben et C. Roux.- C. Roux : E. Woerth, ministre du Budget, ce n'est pas le poste le plus confortable en ce moment : la récession en vue, le couac sur l'ISF, la polémique sur le financement du RSA ou encore les prévisions de croissance revues sérieusement à la baisse. Il ne lui reste qu'à attendre des jours meilleurs, et ce n'est pas l'affaire Corse qui va faciliter les choses, E. Woerth, bonjour !

M. Biraben : E. Woerth bonjour, l'affaire Corse est-elle, comme le dit F. Bayrou, un crime de lèse copain de sa majesté ?

Ecoutez, F. Bayrou, aujourd'hui, chaque fois qu'il parle, je trouve qu'il rate une occasion de se taire. L'affaire Corse, d'abord, je ne sais pas si c'est une affaire, la Corse c'est assez compliqué... Non, non fondamentalement je ne le crois pas du tout. Je pense qu'un haut fonctionnaire, il est à la disposition du Gouvernement, d'un Gouvernement c'est vrai. Dans tous les pays, il y a une protection quand on est haut fonctionnaire, il y a des avantages. En contrepartie de cela, il y a aussi des fonctions qui doivent être sanctionnées quand elles ne sont pas remplies comme le souhaite le Gouvernement, cela a été, je crois, ce cas.

C. Roux : Vous savez bien, ce que se disent les gens ce matin en écoutant cette information c'est : est-ce que si cela n'avait pas été le jardin de C. Clavier, est-ce que cela se serait passé de la même manière ?

Eh bien oui, cela se serait passé de la même manière. Je pense que quelqu'un peut être jugé sur ses résultats, il y a une responsabilité quand on est haut fonctionnaire - et le Gouvernement en tire les conséquences - lorsqu'il y a faute, il y a sanction. Mais enfin, j'entends parler de limogeage, ce n'est pas un limogeage, on n'est pas dans le secteur privé, on est dans le secteur public, c'est une mutation.

C. Roux : Ce n'est pas une sanction ?

Ecoutez, ce fonctionnaire, c'est une sanction, certainement, c'est une mutation.

M. Biraben : C'est moins bien comme poste !

Je n'ai pas à m'exprimer là-dessus, vous demanderez au ministère de l'Intérieur. Je ne vais pas juger de la qualité des postes, mais c'est comme ça, je crois qu'à sanction égale en tout cas, erreur, à faute considérée comme grave par le Gouvernement, il y a sanction. Cette sanction c'est une mutation, ce n'est pas autre chose. Et c'est normal, les hauts fonctionnaires sont à disposition du Gouvernement sur des postes aussi importants que ça. Il y a des contreparties au travail aujourd'hui de fonctionnaire.

C. Roux : On entendait le Premier ministre dire : on n'a pas de comptes à rendre, est-ce que vous êtes d'accord avec ça ?

Evidemment que le Premier ministre... évidemment qu'il a raison, c'est ce que je disais, je ne dis pas autre chose quand je dis cela. Il y a une responsabilité, il y a des postes très importants comme celui de ce haut fonctionnaire. Il y a en face des risques, des responsabilités qui doivent être assumés, c'est à la hiérarchie après d'en tirer les conséquences. Vous savez, c'est le cas pour les préfets, c'est le cas pour beaucoup de monde dans la fonction publique.

C. Roux : Alors on revient sur vos dossiers, vous êtes en train de boucler le budget, forcément avec une révision de croissance à la baisse, cela risque d'être un budget rigoureux, est-ce que cela sera un budget écolo ?

Eh bien oui, bien sûr, déjà c'était le cas l'année dernière, puisqu'on avait intégré pas mal de choses sur le plan écologique. Cette année, à nouveau c'est de tirer les conséquences du Grenelle de l'Environnement qui était piloté par J.-L. Borloo et par N. Kosciusko-Morizet. Il y a donc une fiscalité, une approche un peu différente.

C. Roux : Quels seront les avantages justement ?

Est sortie publiquement l'idée du prêt à taux zéro « Verdi » comme on dit, c'est-à-dire qu'en face de travaux de nature à économiser l'énergie, clairement, à clairement économiser l'énergie, il y a un avantage fiscal.

C. Roux : Quel avantage fiscal, est-ce que vous avez des détails ?

Non, je ne vais pas donner les détails, parce que vous savez, le budget, il ne sera présenté qu'à la fin du mois de septembre, donc là, ce sont des pistes.

C. Roux : Alors on a lu dans la presse, c'est dans le Parisien de ce matin, on parlait d'un prêt de 20.000 à 30.000 euros, plafonné à 30.000euros, remboursables sur 7 à 8 ans.

Les modalités, je ne veux pas me prononcer sur les modalités, parce que les modalités seront arrêtées définitivement quand on présentera le budget et puis elles seront aussi discutées devant le Parlement, on a quelque temps pour le faire. J'ai vu ce qu'ont écrit les journaux. L'idée elle est assez simple, sur cette idée de prêt à taux zéro qui a été mise en avant par J.-L. Borloo. C'est l'idée tout simplement de dire si vous faites des travaux qui sont écologiquement corrects et forts, eh bien vous bénéficiez d'un soutien supplémentaire de l'Etat. C'est une bonification d'intérêt le prêt à taux zéro.

M. Biraben : Vous confirmez le coût de l'éco prêt à un milliard par an ?

Non, je ne vais pas confirmer de chiffres aujourd'hui sur la fiscalité.

C. Roux : On n'aura pas de chiffres ce matin ? M. Biraben : Ce n'est pas possible, mais vous êtes ministre du Budget, les chiffres c'est votre truc !

Oui, mais je suis ministre du Budget au moment justement où le budget commence à être discuté. Donc on précisera tous ces chiffres exactement à la fin du mois de septembre.

C. Roux : Autre question, le bonus-malus sera-t-il étendu à d'autres produits, on a parlé des téléviseurs par exemple, on sait que cela coûte cher, le bonus-malus.

Vous savez moi, je ne suis pas un grand enthousiaste du bonus-malus, parce que je considère que cela coûte cher. Maintenant cela marche, cela a marché sur les véhicules automobiles, je pense qu'il faut resserrer le dispositif un peu plus pour que financièrement...Ce qui compte d'abord, c'est que nos finances soient durables, c'est que les finances publiques de la France, elles soient durables. C'est important l'écologie, je suis un des premiers à le dire, mais en même temps, s'il n'y avait pas de finances durables, il n'y a pas de chance d'avoir quelques marges de manoeuvre que ce soit pour l'écologie.

C. Roux : Donc, pas un grand enthousiasme dans la bouche d'un ministre du Budget, cela veut dire que vous y êtes défavorable, c'est une tradition.

Je me suis déjà exprimé là-dessus, il n'y a aucune polémique avec J.-L. Borloo, certainement pas, j'aime beaucoup ce qu'il fait. Mais en même temps, le bonus-malus, évidemment à un moment donné, cela coûte un peu à l'Etat et on n'a pas beaucoup, comme vous l'avez remarqué, de marges de manoeuvre sur le plan financier. Alors cela a marché sur le plan de l'automobile, certes cela crée un autre type de fiscalité, cela fait vendre, à ce moment là, il y a la TVA, etc. Ce n'est pas totalement négatif sur le plan financier, mais il faut faire attention. Il ne faut pas élargir, outre mesure à des listes de produits considérables ce bonusmalus, car il y a une autre raison aussi, c'est que c'est très difficile à recouvrer ou à payer. C'est facile pour les automobiles, c'est plus compliqué dans d'autres catégories de produits. Maintenant, il faut évidemment inciter nos concitoyens et nous-mêmes d'ailleurs à acheter des produits qui soient écologiquement corrects. Donc, il peut y avoir des malus forts sur des produits écologiquement incorrects.

C. Roux : Voilà on y vient, c'est-à-dire que cela va devenir un malus environnemental, puis après un bonus.

Sur des produits, écologiquement, vraiment incorrects, il faut là, évidemment pouvoir ne pas orienter la consommation vers eux et la différence de prix est très importante. Il faut peut-être, sur certains produits, avoir évidemment un bonus, un clin d'oeil, parce que c'est plus sympathique et c'est certainement plus politique, c'est plus pédagogique. Et puis il faut, je pense aussi, une politique de label, il faut essayer de montrer à nos concitoyens ce qui est bon pour l'environnement, il y a beaucoup de produits qui sont bien meilleurs que d'autres.

C. Roux : La question sur laquelle on vous attend ce matin, c'est : est-ce que le fait d'avoir revu à la baisse la croissance, donc 1 % l'a dit F. Fillon en début de semaine, va vous obliger à réduire un peu la voilure sur le Grenelle ?

De doute façon, ce n'est pas le problème de la réduction de la croissance. D'abord, l'écologie peut être facteur de croissance, vraiment l'écologie, l'industrie verte, les services autour de l'environnement c'est une extraordinaire marge de manoeuvre en terme de croissance. Donc ne posons pas les choses comme ça ! Maintenant, revoir la croissance, F. Fillon a donné un chiffre hier ou avant-hier autour de 1 %, c'est ce qu'il a indiqué. C'est évidemment faible, par rapport à la zone euro, c'est tout à fait...

C. Roux : Pardonnez-moi, mais est-ce que cela aura des conséquences sur le Grenelle de l'Environnement ?

Cela aura des conséquences, non cela n'a pas de conséquences sur le Grenelle de l'Environnement, cela a des conséquences sur les finances publiques d'une manière générale, sur nos marges de manoeuvre en termes financiers. Cela nous incite évidemment à encore plus de vigilance et cela m'incite évidemment encore plus à la vigilance. Cela ne veut pas dire...

C. Roux : Sur le Grenelle en particulier ou pas du tout ?

Sur le Grenelle aussi, le Grenelle est une source bien évidemment à la fois de croissance et aussi une source de dépenses. Donc ces dépenses, nous devons bien mesurer l'efficacité de la dépense, c'est ça qui est très très important. C'est de bien, bien regarder, de bien, bien réfléchir, quel est l'impact aujourd'hui d'une dépense publique. Et dans le domaine du Grenelle de l'Environnement, il est souvent très fort.

M. Biraben : Vous parlez de dépenses, il y a aussi des questions qui se posent sur les recettes, est-ce que vous avez la même position que L. Parisot sur l'ISF, est-ce une catastrophe économique ?

Ecoutez, l'ISF on l'a déjà beaucoup réformé ; en France, tout tourne autour du problème de l'ISF. Donc l'ISF, le Premier ministre aussi s'est exprimé en disant qu'on ne changerait pas aujourd'hui l'ISF, qu'il n'y aurait pas de mesure dans le projet de finance là-dessus. C'est un sujet qui dépasse même l'ISF d'ailleurs, c'est un sujet en lui-même toujours extraordinairement polémique, porteur d'image, donc c'est un sujet compliqué. Nous l'avons beaucoup réformé, l'Impôt de solidarité sur la fortune, avec le bouclier fiscal, 50%, on ne peut pas travailler plus d'un jour sur deux pour l'Etat, c'est déjà pas mal - ça c'est une déontologie, une morale sur le plan fiscal, l'ISF est évidemment contenu. Le président de la République, le Premier ministre a parlé aussi éventuellement d'auto déclaration, c'est-à-dire une capacité à changer les modes déclaratifs de l'ISF, mais c'est tout, c'est des ajustements...

M. Biraben : Donc ce n'est pas une catastrophe, enfin pour vous ?

Non, je ne pense pas que cela soit une catastrophe, je ne crois pas du tout que cela soit une catastrophe aujourd'hui, parce que l'ISF a déjà été réformé.

M. Biraben : C. Bartolone était assis à votre place hier et nous lui avons demandé de vous poser une question. On vous demandera de poser une question au suivant, celui qui viendra après vous. C. Roux : Alors la question de C. Bartolone : vous amorcez une réforme de la TP, la taxe professionnelle, à quand plus de justice dans sa répartition ?

Eh bien voila une question technique et puis certainement politique. La taxe professionnelle c'est aussi un autre impôt très, très symbolique. Les entreprises la décrient beaucoup, à juste titre d'ailleurs, elle pèse beaucoup et en même temps c'est une source de financement très importante pour les collectivités locales, donc, il faut équilibrer les choses. Nous réformerons la taxe professionnelle, je l'ai indiqué, C. Lagarde l'a plusieurs fois indiqué.

C. Roux : Cela ira vers plus de justice dans sa répartition ? C'est ce que vous demande C. Bartolone ?

Je ne sais pas quelle forme prendra in fine la réforme de la taxe professionnelle, nous verrons bien - il y aura ce débat, notamment avec les collectivités territoriales. Moi je vais faire voter un budget tri annuel, donc nous allons avoir ce débat très vite sur la taxe professionnelle pour prendre des mesures à partir de l'année prochaine. Vous savez, la taxe professionnelle il y a deux ans de décalage, donc il faut prendre des mesures et puis au fur et à mesure du temps, elles prennent leur impact. En tout cas, c'est vrai que cela pèse sur la compétitivité des entreprises, c'est un impôt qui n'existe pas, par ailleurs, mais en même temps c'est une source de financement très importante pour les collectivités territoriales.

C. Roux : Vous pensez que C. Bartolone a eu sa réponse là ?

Non !

M. Biraben : On vous laissera poser votre question à P. Moscovici

Et vous croyez que j'aurai ma réponse ?

M. Biraben : Oui, absolument, enfin vous verrez bien. C. Roux : J'aime, j'aime pas, rapidement. J'aime, j'aime pas Domenech, toujours patron des Bleus ?

Je n'ai pas d'opinion, enfin j'espère que Domenech... voilà, que les Bleus vont mieux marcher qu'à l'Euro.

M. Biraben : J'aime, j'aime pas les 50 ans de Madonna ?

Moi j'aime bien, je trouve que 50 ans c'est un merveilleux âge et elle les porte plutôt bien.

C. Roux : Vous avez quel âge ?

52.

C. Roux : J'aime, j'aime pas S. Palin ?

Je ne sais pas qui c'est !

C. Roux : La colistière de McCain.

Ah d'accord, vous passez de Madonna à la colistière de McCain ! Je ne la connais pas, enfin on ne la connaît pas, personne ne la connaît. Je vois qu'il y a des polémiques, mais il faut se méfier aussi des polémiques américaines, elles vous tombent dessus tout d'un coup. Ils désossent complètement votre vie, ils montent en épingle, je n'aime pas beaucoup ça par contre.

M. Biraben : Merci beaucoup, E. Woerth, passez une bonne journée.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 4 septembre