Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur le rayonnement culturel, le patrimoine et la création artistique, Rome le 19 septembre 2008.

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Circonstance : Voyage en Italie les 18 et 19 septembre 2008-visite à la Villa Médicis à Rome le 19 pour les 25e Journées du patrimoine

Texte intégral


Monsieur le secrétaire d'Etat, Monsieur le Directeur général,
Cher Frédéric Mitterrand, dont la voix nous est tellement, à nous, Français, familière, qu'en l'entendant on se prendrait à rêver d'être un de ces personnages historiques qu'il a rendus à la fois si proches et si sympathiques,
Chers pensionnaires, Mesdames et Messieurs,
C'est un grand plaisir pour moi, accompagné de Michel Barnier, d'être parmi vous aujourd'hui, parce que j'ai pensé que la Villa Médicis c'était l'endroit idéal pour lancer ce grand rendez-vous culturel que sont les 25ème Journées du patrimoine.
Je veux y voir un double symbole.
D'abord, c'est un peu au nom de la Présidence française de l'Union européenne que je m'exprime - puisqu'il s'agit de Journées européennes. Depuis plusieurs années, cette très belle idée française a séduit le Continent. Et au-delà des 15 000 sites français, 40 000 sites européens ouvrent leurs portes demain et après-demain. Or la Villa, par son histoire, son architecture, ses jardins, compte parmi les joyaux de notre patrimoine à l'étranger. Un patrimoine dont nos concitoyens ne soupçonnent pas toujours la richesse. Hors de ses frontières, la France est dépositaire d'un patrimoine remarquable : je pense au Palais Buquoy de Prague, au Domaine National de Jérusalem, à Saint-Louis-des-Français de Lisbonne. Chez nous, ces monuments seraient classés et protégés au titre des monuments historiques. Même s'ils sont soumis aux réglementations des pays dans lesquels ils se trouvent, nous avons une responsabilité particulière à leur égard.
Ce patrimoine, la France se fait un devoir de le donner à admirer, et elle espère entraîner un grand mouvement de réciprocité de la part de nos partenaires. Au fond, le patrimoine n'est-il pas la plus belle manière de forger l'identité européenne ? Et c'est la raison pour laquelle, forts du succès des Journées du Patrimoine partout en Europe, nous avons donc proposé à nos 26 partenaires une grande initiative visant à créer un « Label du patrimoine européen ». Nous voulons ainsi incarner, dans des lieux exceptionnels, cet héritage commun qui s'est inscrit dans la pierre au cours des siècles.
Le deuxième symbole de ma venue à la Villa, c'est le thème même des Journées du Patrimoine : « Patrimoine et Création » ; on pourrait dire que c'est un sujet conçu sur-mesure pour l'Académie de France, ici, à Rome.
Ici, rayonne toujours la richesse des travaux qui y ont vu le jour. On imagine Fragonard, dont les oeuvres décorent le bureau du Premier ministre français... On dit souvent, j'ai vu qu'il y avait un livre qui venait de sortir qui s'intitulait "Matignon, cet enfer". Franchement, "un enfer" au milieu des Fragonard... ! Il y a pire ! Ici, je pense à Berlioz achevant la "Symphonie fantastique" ...
Il serait évidemment bien trop long de lister les artistes français, francophones et italiens qui sont venus ici puiser leur inspiration, qui sont venus parfaire leur talent, allumer l'étincelle parfois de leur carrière. Peintres, compositeurs, graveurs, sculpteurs, architectes, et - plus récemment - écrivains, cinéastes, plasticiens, designers, photographes, scénographes, restaurateurs d'oeuvres d'art et historiens de l'art : tous ont ici, conformément à l'idéal de la Renaissance, goûté à cet air de liberté et à cette effervescence qui est propre à la ville de Rome, et à son Académie française.
Vous avez, cher Frédéric Mitterrand, la noble charge d'en consolider les fondements et de tracer pour elle de nouvelles perspectives.
Les fondements, ce sont ceux qu'André Malraux avait inspirés à Balthus : participer aux échanges culturels et artistiques, accueillir de jeunes artistes ou de jeunes chercheurs pour leur permettre de poursuivre leurs travaux. Vous avez donc pour mission d'être, non seulement un centre culturel, mais aussi un véritable laboratoire de l'Europe de la culture.
Aujourd'hui, d'autres horizons peuvent se dessiner pour la Villa Médicis, sous l'impulsion de votre nouveau Directeur général. Je sais que vous souhaitez ouvrir davantage cette institution sur de nouvelles formes de création, comme l'audiovisuel, ou sur la Méditerranée.
Cette démarche s'inscrit parfaitement dans la perspective tracée par le Président de la République dans le cadre de l'Union pour la Méditerranée. Ce sont des démarches de ce type - je pense aussi au Musée des civilisations de la Méditerranée qui va voir le jour à Marseille ; Marseille qui vient d'être désignée comme capitale européenne de la culture 2013 - qui charpenteront nos relations avec les cultures du Sud.
Jean Monnet disait au sujet de la construction européenne : « Si c'était à refaire, je commencerais par la culture ». Après tout, pourquoi ne pas essayer de s'en inspirer pour le rapprochement des rives de la Méditerranée ? C'est en tous cas un rôle qui est à la dimension de la Villa Médicis.
Ce rôle, votre Maison ne peut le remplir que parce qu'elle accueille le meilleur de notre propre création.
C'est par votre volonté, c'est par votre talent, chers pensionnaires, que la Villa pourra rester le symbole du rayonnement de la culture française à l'extérieur de nos frontières.
J'entends bien les critiques, d'ailleurs aussi récurrentes qu'injustes, sur le prétendu « déclin de la culture française » dans le monde. Mais Jean Nouvel a reçu le prix Priztker ! Mais Paul Andreu a construit l'Opéra de Pékin ! Mais Annette Messager s'est vue décerner le Lion d'or à Venise ! Mais Marion Cotillard a remporté un Oscar ! Mais Pascal Dusapin a joué dans le monde entier !
Voilà, je pourrais prolonger la liste des contre-exemples qui sont la meilleure réponse à des polémiques lancées par des pessimistes. Pour autant, on peut faire mieux et il faut faire mieux. Il faut mieux soutenir et mieux montrer nos artistes. Il faut mieux aider ceux qui ont choisi la France comme lieu de création. La scène française est passionnante, elle est bouillonnante. Nous devons en faire le coeur de notre politique culturelle et la faire mieux partager.
Je ne prendrai que quatre exemples :
- pour les arts plastiques, nous avons décidé de nouvelles mesures pour dynamiser le marché de l'art en France et nous réfléchissons, avec le ministre de la Culture, à l'aménagement d'un site d'exposition des artistes confirmés.
- sur le patrimoine, nous savons que son entretien est vital, non seulement pour le patrimoine lui-même, mais aussi pour les métiers d'art - et la restauration de la Villa en témoigne. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé, au moment où le Parlement va plafonner les niches fiscales, qu'une seule de ces niches échapperait au plafonnement, celle qui concerne les monuments historiques.
- Parce qu'il est crucial pour les auteurs et l'ensemble de la filière de l'édition de disposer sur tout le territoire d'un réseau de distribution qui contribue à la diversité littéraire et à la préservation de l'expression francophone, nous mettons en place un Label qui permettra aux communes qui le souhaiteront d'exonérer certaines librairies indépendantes de la fiscalité, et en particulier de la taxe professionnelle.
- Et puis enfin, parce que les créateurs qui vivent grâce aux industries culturelles sont parfois lourdement lésés par le développement des échanges entre internautes, nous allons présenter au Parlement cet automne un projet de loi emblématique, précisément baptisé « Création et Internet », qui permettra de trouver, je l'espère, un point d'équilibre plus satisfaisant entre les droits des artistes et ceux des internautes.
Mesdames et Messieurs, Monsieur le Directeur,
Patrimoine, Création, Europe, voilà le message d'ambition que je voulais délivrer à la Villa et en particulier à tous nos amis italiens qui nous font l'honneur d'être avec nous aujourd'hui.
J'espère qu'ils seront toujours plus nombreux à venir à votre rencontre. Et je veux souhaiter à vos pensionnaires le plus bel épanouissement artistique dans ces murs où la République s'honore de les accueillir.
Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 22 septembre 2008