Texte intégral
Monsieur le Président,
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Le 21 janvier dernier, j'ai rappelé, au nom du gouvernement, devant l'Assemblée Nationale, les grandes orientations de la politique énergétique de la France. Ce débat a montré qu'il est possible de trouver un véritable consensus sur cette politique : consensus sur l'équilibre de notre politique énergétique, entre maîtrise de la consommation, appel aux différentes formes d'énergie, diversification autour de l'axe central du nucléaire et développement des énergies nouvelles renouvelables ; consensus aussi - me semble-t-il - sur les questions de société évoquées, au premier rang desquelles le gouvernement place le service public.
Il me revient aujourd'hui de vous présenter un projet de loi relatif à l'un des axes de cette politique. Il ne s'agit certes pas de son unique pilier, puisque - nous l'avons réaffirmé ce jour-là - notre politique est diversifiée. Mais, enfin, il est bien question d'un pilier fondamental : la politique énergétique de la France, c'est aussi, c'est surtout, c'est d'abord la défense et la croissance du service public de l'électricité ! C'est conscient des enjeux essentiels qui y sont attachés, que nous vous présentons, Dominique Strauss-Kahn et moi même, au nom du gouvernement, ce projet de loi relatif à la " modernisation et au développement du service public de l'électricité ".
Le Premier ministre avait souligné lors de sa déclaration d'investiture, que "les services publics relèvent d'une conception fondamentale de la société à laquelle nous tenons par dessus tout ; ils sont au cur du lien social ; ils garantissent à tous une égalité de traitement". En même temps, le Premier ministre avait indiqué que certaines adaptations étaient nécessaires. Nous devons, en effet, accroître la participation de nos grands services publics à la réalisation des objectifs prioritaires que sont la croissance et l'emploi. Tel est bien l'objet de ce projet de loi. Deux remarques introductives : à un moment de son histoire, le secteur électrique a bénéficié d'une démarche délibérément très ouverte.
a) Le secteur électrique français se trouve aujourd'hui à un moment de son histoire ; le Parlement est saisi d'une importante réforme et il est crucial pour l'avenir du secteur électrique que cette réforme soit réalisée dans de bonnes conditions.
L'ambition du gouvernement est de doter le pays d'une loi de modernisation et de développement du service public de l'électricité qui complète le dispositif législatif existant, notamment la loi de 1946. La loi de 1946, qui a dessiné le secteur électrique depuis plus de cinquante ans, constitue le socle politique et juridique, sur lequel ce texte a été bâti. Cette loi, d'une grande portée historique, facteur de progrès social, de réussite technologique et de croissance économique, est fondatrice du mouvement qui nous amène aujourd'hui à vous présenter ce texte : un texte qui s'inscrit fidèlement dans son sillage. Le mercredi 27 mars 1946, à la tribune de l'Assemblée Nationale Constituante, le Ministre de la production industrielle, Marcel Paul, évoquait l'uvre du Conseil national de la Résistance, regroupant tous les grands partis, tous les mouvements de résistance et les grandes centrales ouvrières.
Le projet de loi, que j'ai l'honneur de vous soumettre, contribue à rendre le système électrique plus compétitif, par l'introduction maîtrisée de certains éléments concurrentiels.
Il constitue ainsi le moyen de transposer en droit français la directive européenne sur le "marché intérieur de l'électricité" adoptée en 1996. A cet égard, l'exercice de transposition s'impose - et il s'impose sans attendre - pour respecter des engagements internationaux de la France. J'ajoute qu'en l'absence de transposition, des contentieux ne manqueraient pas de conduire, à des décisions juridictionnelles qui imposeraient, dès 1999, une application directe de la directive, sans protection du service public. Entendons-nous bien : refuser ce projet de loi, ce ne serait pas défendre une conception plus exigeante du service public de l'électricité : ce serait grever, obérer, hypothéquer son développement ! Ne nous trompons pas d'enjeu : voter contre ce texte, ce serait porter un rude coup au service public !
Il est vrai que cette directive a fait l'objet de nombreuses critiques. Fondées, pour certaines... J'en parle librement : d'autres, avant moi, ont engagé ces difficiles négociations, avec l'idée de garantir les intérêts français du mieux qu'ils pouvaient le faire à l'époque... Cependant il faut être réaliste : la directive a été adoptée par le Conseil des ministres et par le Parlement européen, elle n'est pas renégociable et elle ne sera donc pas renégociée : nous sommes l'un des tout derniers Etats membres à la transposer. Elle s'impose aux autres : elle s'impose à nous. Il faut d'ailleurs lui rendre une justice : en application du "principe de subsidiarité " à la distribution de l'électricité, elle nous laisse des marges de manuvre, non négligeables, dont le gouvernement veut profiter. C'est là notre chance et tout l'enjeu de ce débat : sur la base du texte gouvernemental, le travail du Parlement peut faire en sorte, doit faire en sorte, qu'une transposition nécessaire deviennent l'occasion de vrais progrès. Ayons ensemble une lecture politique, progressiste, de ce texte.
b) Pour élaborer ce projet de loi, le gouvernement a adopté une démarche ouverte et transparente, fondée sur une très large concertation.
Cette concertation - ouverte - a été menée dès le début de l'année 1998 la base d'un "Livre blanc" intitulé "Vers la future organisation électrique française", qui a été diffusé à plus de 20.000 exemplaires, qui posait explicitement de multiples questions, sur lesquelles la consultation était particulièrement nécessaire, et qui présentait certaines orientations - encore très générales - envisagées par les pouvoirs publics.
Le gouvernement a également sollicité l'avis de nombreuses instances : le Conseil économique et social, le Conseil supérieur de l'électricité et du gaz - présidé avec compétence par Jean-Pierre Kuchéida -, le Conseil de la concurrence et les Conseils économiques et sociaux régionaux.
Votre collègue, M. Jean-Louis Dumont, Député de la Meuse, a été chargé par le Premier Ministre, sur ma proposition, d'une - très utile - mission de réflexion et de médiation.
Le débat national, qui a suivi, a concouru à la prise de conscience, par les forces économiques et sociales, de la nécessaire évolution du système électrique français. De nombreuses contributions ont été reçues. Elles ont enrichi la réflexion des pouvoirs publics et l'ont souvent - reconnaissons-le ! - utilement infléchie. Vous en avez tous reçu le fruit, sous la forme de trois importants volumes. Depuis, le travail que vous avez effectué en commission, saisie au fond, sous la présidence d'André Lajoinie, a permis à votre rapporteur, Christian Bataille, de contribuer à une première et importante amélioration du texte.
La concertation a permis de mettre en lumière quelques attentes essentielles de notre pays à l'occasion de cette réforme :
- assurer la cohésion sociale, ainsi que la solidarité entre les territoires ·
- démocratiser le secteur de l'électricité par une plus grande implication des usagers ; ·
- dynamiser le secteur de l'électricité tout en veillant à la compétitivité d'EDF.
Au travers du projet de loi, le gouvernement a souhaité que soient prises en compte les aspirations de notre pays en matière de cohésion sociale, de développement industriel, de préparation du long terme et d'équilibre du territoire.
a) Le projet de loi a pour ambition de dessiner un service public de l'électricité conforté, qui allie dynamisme, équité et solidarité.
Pour la première fois, le projet de loi définit le contenu du service public de l'électricité : il précise les différentes missions de service public, les catégories de clients auxquelles elles s'adressent et les opérateurs qui en ont la charge.
La première mission du service public de l'électricité a trait au développement équilibré des capacités de production d'électricité, c'est-à-dire à la mise en uvre d'une politique énergétique publique dans le choix des différentes sources d'énergie. Les obligations imposées aux opérateurs doivent permettre d'atteindre les objectifs de la politique énergétique nationale, qui trouveront leur traduction concrète dans la programmation pluriannuelle des investissements de production.
La deuxième mission du service public de l'électricité concerne le développement des réseaux, qui sont au cur du fonctionnement du système électrique et doivent donc être au service de tous les utilisateurs. Ces réseaux ont les caractéristiques de monopoles naturels. Les préoccupations liées à la bonne gestion économique du secteur, comme à la protection de l'environnement et du cadre de vie, s'opposent à une duplication extensive.
La troisième mission concerne la fourniture d'électricité. Pour les clients " non éligibles ", comme les appelle le texte européen, elle vise la fourniture d'électricité sur l'ensemble du territoire national. Ce projet donne ainsi, pour la première fois, une valeur législative au principe de péréquation nationale des tarifs. Pour les clients " éligibles " et les producteurs raccordés aux réseaux, il est de la responsabilité de la puissance publique qu'il n'y ait pas de discontinuité dans la fourniture d'électricité, discontinuité qui pourrait avoir des effets négatifs sur la production industrielle et sur l'emploi. C'est pourquoi l'obligation de pouvoir assurer une fourniture de secours ou de recours est, au premier chef, une mission de service public. Nous aurons l'occasion d'en parler, en évoquant la durée des contrats.
Le projet de loi met en place des mécanismes de financement permettant de répartir équitablement les charges résultant des missions de service public entre les opérateurs du secteur, et de garantir le bon accomplissement de ces missions.
Il ne suffit pas de dire ce qu'est le service public et qui en a la charge. Il faut encore prévoir son financement, lorsque celui-ci n'est pas assuré de façon naturelle et équitable par les recettes courantes. Le projet de loi met en place des mécanismes de financement permettant de répartir équitablement les charges résultant des missions de service public entre les opérateurs du secteur. Dans le domaine de la production, domaine ouvert à la concurrence, ces charges feront l'objet d'une répartition au moyen d'un " fonds des charges d'intérêt général de l'électricité ". Dans le domaine de la distribution, qui reste sous monopole, ces charges feront l'objet d'une mutualisation entre les distributeurs, par le biais du fonds de péréquation de l'électricité institué par la loi de 1946. Le service public doit tout particulièrement concourir à la cohésion sociale : le projet du gouvernement renforce clairement cet objectif par la création d'un mécanisme de soutien pour la fourniture d'électricité aux plus démunis, qui constitue un pas décisif vers plus de justice sociale et l'instauration d'un droit à l'électricité pour tous. Et je sais que sur ces bancs, à gauche, plusieurs groupes sont sensibles à cette avancée de la démocratie vers de nouveaux droits.
Au-delà des mécanismes financiers, les missions de service public doivent aussi s'exercer en tenant compte de l'ensemble des politiques nationales et en liaison avec les collectivités concédantes du service public de la distribution d'énergie électrique. Afin d'assurer des missions de service public au plus près des besoins des citoyens, et de donner un nouvel essor à une " démocratie de proximité " dans le secteur de l'électricité, le projet de loi prévoit que le gouvernement s'appuie également sur les instances compétentes au niveau local pour les questions de service. C'est une marque supplémentaire d'une nouvelle étape dans la décentralisation politique de notre pays.
b) Le projet de loi organise une ouverture maîtrisée du marché de l'électricité à la concurrence pour participer au combat pour l'emploi.
Les règles françaises conduiront à l'éligibilité des grands consommateurs finals d'électricité, notamment les principaux établissements industriels.
Lorsqu'une entreprise - industrielle le plus souvent - est gros consommateur final, en effet, le prix de l'électricité peut constituer un élément notable de sa compétitivité, et par conséquent de ses décisions en termes d'investissements et de créations d'emplois. Confronté à la concurrence, il est naturel qu'il puisse bénéficier de la concurrence en matière de fourniture d'électricité, et doit pouvoir se fournir en électricité sur l'ensemble de ses sites européens. De plus, avec la mise en place de la "zone euro", les grands clients auront la possibilité de comparer le prix de la fourniture.
Dès aujourd'hui les consommateurs finals éligibles représentent 26 % de la consommation nationale. A partir de février 2000, ils représenteront 30 % environ de la consommation nationale et, en février 2003, près de 33 % de la consommation nationale. Les consommateurs finals éligibles français devraient être environ 400 cette année, 800 en février 2000 et 3000 en février 2003.
L'introduction d'éléments de concurrence dans le secteur électrique français ne s'accompagne, en aucune façon, d'un recul du service public, dès lors qu'elle remplit des obligations de service public, claires et appliquées, par tous et partout. Elle permet au contraire de progresser vers une meilleure satisfaction des aspirations des consommateurs, en stimulant par une concurrence, qu'EDF - consciente de ses succès - ne peut craindre, tous les opérateurs dans la recherche d'un meilleur service.
Il n'y aura pas de service public à deux vitesses : ce sont tous les consommateurs individuels et entreprises qui doivent bénéficier à la fois de la baisse des tarifs et des progrès technologiques.
c) Il existera des outils pour mettre en uvre une politique nationale de l'énergie, recueillant l'assentiment le plus large, en donnant le rôle qui doit être le sien au Parlement.
L'énergie n'est pas un bien de consommation comme les autres et fait l'objet, compte tenu des enjeux qui y sont attachés - ceux de l'indépendance nationale -, d'une politique publique forte, la politique énergétique.
La programmation pluriannuelle des investissements traduira concrètement cette politique énergétique dans le domaine de l'électricité. Elle garantira la sécurité d'approvisionnement, la protection de l'environnement et la compétitivité de la fourniture, à travers un développement équilibré des capacités de production. La programmation pluriannuelle sera élaborée et révisée périodiquement sous l'autorité du Ministre chargé de l'énergie, qui s'appuiera notamment sur les bilans prévisionnels établis par le gestionnaire du réseau de transport, et sur le schéma de service collectif de l'énergie prévue par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. Elle fera l'objet d'un rapport au Parlement tous les cinq ans - le premier de ces rapports étant présenté dans l'année suivant la promulgation de la loi. Afin d'assurer le maintien d'une politique énergétique cohérente, la délivrance des autorisations devra être compatible avec la programmation pluriannuelle des investissements de production.
Si les capacités de production installées s'écartent des objectifs de cette programmation, les pouvoirs publics pourront décider de ne plus accorder temporairement d'autorisations pour certains types d'installations. Une telle décision devra, bien entendu, respecter la plus grande transparence et faire l'objet d'une annonce publique.
Corrélativement les pouvoirs publics pourront décider de recourir à la procédure d'appels d'offres, quand les investissements spontanés ne suffisent pas pour répondre aux objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements de production.
d) Le projet de loi vise enfin à développer le rôle des collectivités locales, pour concilier autonomie locale et principe d'égalité, et pour accroître la production décentralisée.
Le projet de loi réaffirme, pour les collectivités locales, leur qualité d'autorité concédante de la distribution, ainsi que leur mission de contrôle des missions de service public concédées. Les règles techniques et environnementales, ainsi que les conditions financières en matière de redevance et de pénalités, seront harmonisées sur l'ensemble du territoire national, afin d'assurer le respect de l'égalité, et notamment de permettre la péréquation nationale des tarifs, principe des principes, s'il en est, du service public français.
Le projet de loi développe la possibilité, pour les collectivités locales, d'intervenir en matière de maîtrise de la demande d'électricité et de production locale décentralisée. En particulier, l'intervention des collectivités est étendue à la production d'électricité dans les installations mettant en oeuvre des énergies renouvelables. La possibilité - très innovante - d'intervenir en matière de maîtrise de la demande d'électricité, notamment chez les particuliers, reçoit un fondement législatif clair. Les collectivités locales, mais aussi - ne l'oublions pas - les distributeurs non nationalisés reconnus par la loi de 1946, sont un des acteurs majeurs d'une mise en oeuvre de la politique de l'électricité dans le pays. Ce projet ne doit laisser planer aucun doute : les initiatives locales doivent être libérées, dès lors qu'elles coïncident avec la politique nationale de l'énergie décidée par le gouvernement et placée sous le contrôle du Parlement.
Dans le cadre ainsi tracé, le gouvernement a entendu jouer pleinement le jeu d'une concurrence équitable et maîtrisée.
a) Il est essentiel que les utilisateurs des réseaux publics de transport et de distribution de l'électricité, qui sont au cur du système électrique, puissent avoir accès au réseau dans des conditions transparentes et non discriminatoires, en payant une juste rémunération du service rendu. Le projet de loi met en place les garanties nécessaires à l'indépendance du gestionnaire du réseau de transport sans remettre en cause, bien évidemment, l'intégrité d'EDF. EDF continue, EDF reste et restera une entreprise publique, EDF a vocation à rester à 100 % publique.
L'un des facteurs de réussite d'EDF est qu'il s'agit d'une entreprise électrique intégrée de production, de transport et de distribution. Ce facteur de réussite ne doit pas être remis en cause alors que la directive n'oblige en aucun cas à séparer juridiquement le gestionnaire du réseau de transport.
Le gouvernement a donc décidé de désigner EDF, en s'appuyant sur les capacités techniques remarquables des ses collaborateurs, comme gestionnaire unique du réseau de transport.
Conformément à la directive, ses missions sont d'exploiter et de développer le réseau de transport, et d'assurer dans des conditions justes et objectives l'accès des utilisateurs aux réseaux.
Le gestionnaire du réseau de transport fera donc partie de l'entreprise publique. C'est pourquoi de fortes garanties sont données pour assurer son indépendance par rapport aux différents acteurs : la séparation comptable de la fonction transport, la séparation de gestion et les moyens mis à la disposition du gestionnaire, le mode de nomination de son directeur et l'obligation de garantir la confidentialité des informations commercialement sensibles constituent les principaux facteurs de cette indépendance. Je sais que vous aurez à coeur de les compléter... Vous pouvez compter sur l'ouverture d'esprit, à cet égard aussi, du gouvernement.
b) Une régulation transparente et efficace aura pour objet d'assurer le bon fonctionnement du secteur électrique, notamment par la coexistence harmonieuse du service public et de la concurrence, au bénéfice de tous les consommateurs.
Il reviendra au gouvernement sous le contrôle du Parlement de définir et d'appliquer les choix de politique énergétique, notamment ce qui concerne la programmation pluriannuelle des investissements, l'autorisation d'installations de production et le lancement d'appels d'offres. De même, il devra définir les missions de service public, de réglementer ces tarifs et de constater le montant des charges d'intérêt général et d'établir la réglementation générale de l'électricité.
Le projet de loi choisit de confier à une Commission de régulation de l'électricité indépendante, la responsabilité du contrôle de l'accès des utilisateurs aux réseaux.
La Commission de régulation de l'électricité est formée d'un collège de six membres et dispose de pouvoirs propres pour assurer l'accès équitable et transparent des tiers aux réseaux publics de transport et de distribution de l'électricité. Elle sera chargée de préciser les règles définies par le Ministre chargé de l'énergie concernant les conditions d'accès aux réseaux et leur utilisation, de régler les litiges entre les gestionnaires et les utilisateurs de réseaux publics, liés à l'accès à ces réseaux et à leur utilisation, et de sanctionner les manquements aux dispositions législatives et réglementaires qui régissent l'accès aux réseaux, au moyen de sanctions pécuniaires ou d'interdictions temporaires d'accès au réseau.
Elle aura aussi la charge d'établir les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution, le montant des charges d'intérêt général liées à la production, le montant des
" coûts échoués " et les mesures conservatoires en cas d'atteinte grave et immédiate à la sécurité et à la qualité de fonctionnement des réseaux publics.
Le projet de loi vise enfin à conforter les formidables acquis d'un demi-siècle d'histoire industrielle dans le secteur électrique.
a) Le projet de loi met en place les conditions nécessaires pour garantir l'avenir industriel d'EDF et lui permettre de demeurer le premier électricien européen, présent dans le monde entier.
EDF - je le répète - demeurera une entreprise publique intégrée de production, de transport, de distribution et de fourniture d'électricité. EDF sera en particulier le gestionnaire désigné du réseau de transport français.
L'objet légal d'EDF, c'est-à-dire son domaine autorisé d'intervention en tant qu'établissement public, est notablement accru vis-à-vis des clients éligibles, pour lui permettre d'affronter la concurrence à armes égales.
La demande industrielle peut, en effet, inclure des prestations qui constituent le complément technique ou commercial de la fourniture d'électricité. Les concurrents d'EDF pourront offrir ces prestations aux clients éligibles alors qu'EDF, en vertu de son objet légal, ne le peut pas légalement aujourd'hui. Le projet de loi propose donc d'élargir les marges de manuvre d'EDF vis-à-vis des clients éligibles, dans le respect du principe d'égalité dans la concurrence. Doter EDF des mêmes capacités que les autres producteurs, à saisir les opportunités d'un marché européen en véritable mutation : voilà notre ambition pour la grande entreprise publique !
Pour les clients non éligibles sur le territoire national, pour lesquels EDF conservera un monopole de fourniture, l'interdiction faite à EDF par la loi de 1946 d'intervenir à l'aval du compteur sera maintenue : pas de concurrence malsaine avec les petites entreprises, les artisans et les petits commerçants. Toutefois, afin de répondre aux objectifs de politique énergétique et environnementale, EDF pourra mener des actions destinées à promouvoir l'utilisation rationnelle de l'énergie.
En deux mots : faisons de l'Europe le marché domestique d'EDF. La réussite et le développement de l'entreprise publique se feront au bénéfice du pays.
b) La réforme proposée conforte le statut du personnel, pour garantir les acquis sociaux, et crée les conditions de son extension.
La loi de 1946 prévoit que le statut du personnel s'applique à l'ensemble du personnel des industries électriques et gazières, sous réserve de diverses exceptions. Ce principe sera maintenu : ni le personnel, ni bien sûr les clients, n'ont à redouter ce projet de loi ! L'ouverture à la concurrence ne doit pas entraîner une diminution des garanties pour le personnel de ces industries. En outre, l'équité commande que la concurrence s'exerce dans un contexte d'égalité des règles pour tous les opérateurs. Le projet de loi introduit des mécanismes de négociation collective de branche. La négociation collective est en soi utile. En outre, elle est particulièrement adaptée à un secteur où les acteurs vont devenir plus nombreux et diversifiés. Elle devrait déboucher sur une dynamique européenne au profit des salariés du secteur. Il n'est pas interdit d'espérer une convention européenne de branche. Demain, pourquoi ne pas imaginer à EDF un comité de groupe européen ?
Mesdames et Messieurs les Députés,
La transposition de la directive présentait bien des dangers : économiques, industriels, sociaux, culturels aussi - puisque pouvait être menacée la notion même de service public. Tel n'est résolument pas le cas : le service public de l'électricité demeure ; il a vocation à se développer ; ce projet de loi lui donne les moyens de se moderniser. Je suis convaincu, qu'ensemble nous pouvons en souligner la nature équilibrée. Nous pouvons aussi, je crois, nous féliciter du caractère mesuré et progressif des évolutions proposées : nous promouvons une évolution sans révolution.
Il faut à présent que notre pays saisisse l'opportunité de moderniser et de conforter le service public de l'électricité, d'imprimer une nouvelle dynamique au secteur électrique par une plus grande ouverture de son marché, et d'assurer au secteur électrique français - et en particulier à l'établissement public EDF - une place prépondérante au sein du marché intérieur européen de l'électricité.
A la tribune de l'Assemblée Nationale Constituante, le mercredi 27 mars 1946, le Ministre de la production industrielle, M. Marcel Paul, concluait la présentation de sa loi par ces mots :
" il nous faut (...) penser à ceux qui consomment les kilowatts-heure d'électricité (...) ". Oui, Mesdames et Messieurs les Députés, d'abord penser aux consommateurs, notamment aux grands consommateurs, ces industries créatrices de croissance et d'emplois. Mais aussi penser aux autres consommateurs que sont les ménages, et notamment aux plus modestes d'entre eux. Et, enfin, bien sûr, préserver les intérêts d'EDF et traiter, comme il le mérite, un personnel qui a fait du service public de l'électricité l'un des services publics auxquels les Français sont, bien légitimement, les plus attachés.
Décidément, ce texte difficile par sa technicité juridique, est d'une grande clarté par l'élan politique qui est le sien : poursuivre la modernisation du pays, soutenir la croissance économique, assurer la cohésion sociale, développer le service public, grâce aux réussites entrepreneuriales françaises, au premier rang desquelles il faut compter notre grande entreprise publique.
(Source http://www.industrie.gouv.fr ; le 17 mars 1999)
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Le 21 janvier dernier, j'ai rappelé, au nom du gouvernement, devant l'Assemblée Nationale, les grandes orientations de la politique énergétique de la France. Ce débat a montré qu'il est possible de trouver un véritable consensus sur cette politique : consensus sur l'équilibre de notre politique énergétique, entre maîtrise de la consommation, appel aux différentes formes d'énergie, diversification autour de l'axe central du nucléaire et développement des énergies nouvelles renouvelables ; consensus aussi - me semble-t-il - sur les questions de société évoquées, au premier rang desquelles le gouvernement place le service public.
Il me revient aujourd'hui de vous présenter un projet de loi relatif à l'un des axes de cette politique. Il ne s'agit certes pas de son unique pilier, puisque - nous l'avons réaffirmé ce jour-là - notre politique est diversifiée. Mais, enfin, il est bien question d'un pilier fondamental : la politique énergétique de la France, c'est aussi, c'est surtout, c'est d'abord la défense et la croissance du service public de l'électricité ! C'est conscient des enjeux essentiels qui y sont attachés, que nous vous présentons, Dominique Strauss-Kahn et moi même, au nom du gouvernement, ce projet de loi relatif à la " modernisation et au développement du service public de l'électricité ".
Le Premier ministre avait souligné lors de sa déclaration d'investiture, que "les services publics relèvent d'une conception fondamentale de la société à laquelle nous tenons par dessus tout ; ils sont au cur du lien social ; ils garantissent à tous une égalité de traitement". En même temps, le Premier ministre avait indiqué que certaines adaptations étaient nécessaires. Nous devons, en effet, accroître la participation de nos grands services publics à la réalisation des objectifs prioritaires que sont la croissance et l'emploi. Tel est bien l'objet de ce projet de loi. Deux remarques introductives : à un moment de son histoire, le secteur électrique a bénéficié d'une démarche délibérément très ouverte.
a) Le secteur électrique français se trouve aujourd'hui à un moment de son histoire ; le Parlement est saisi d'une importante réforme et il est crucial pour l'avenir du secteur électrique que cette réforme soit réalisée dans de bonnes conditions.
L'ambition du gouvernement est de doter le pays d'une loi de modernisation et de développement du service public de l'électricité qui complète le dispositif législatif existant, notamment la loi de 1946. La loi de 1946, qui a dessiné le secteur électrique depuis plus de cinquante ans, constitue le socle politique et juridique, sur lequel ce texte a été bâti. Cette loi, d'une grande portée historique, facteur de progrès social, de réussite technologique et de croissance économique, est fondatrice du mouvement qui nous amène aujourd'hui à vous présenter ce texte : un texte qui s'inscrit fidèlement dans son sillage. Le mercredi 27 mars 1946, à la tribune de l'Assemblée Nationale Constituante, le Ministre de la production industrielle, Marcel Paul, évoquait l'uvre du Conseil national de la Résistance, regroupant tous les grands partis, tous les mouvements de résistance et les grandes centrales ouvrières.
Le projet de loi, que j'ai l'honneur de vous soumettre, contribue à rendre le système électrique plus compétitif, par l'introduction maîtrisée de certains éléments concurrentiels.
Il constitue ainsi le moyen de transposer en droit français la directive européenne sur le "marché intérieur de l'électricité" adoptée en 1996. A cet égard, l'exercice de transposition s'impose - et il s'impose sans attendre - pour respecter des engagements internationaux de la France. J'ajoute qu'en l'absence de transposition, des contentieux ne manqueraient pas de conduire, à des décisions juridictionnelles qui imposeraient, dès 1999, une application directe de la directive, sans protection du service public. Entendons-nous bien : refuser ce projet de loi, ce ne serait pas défendre une conception plus exigeante du service public de l'électricité : ce serait grever, obérer, hypothéquer son développement ! Ne nous trompons pas d'enjeu : voter contre ce texte, ce serait porter un rude coup au service public !
Il est vrai que cette directive a fait l'objet de nombreuses critiques. Fondées, pour certaines... J'en parle librement : d'autres, avant moi, ont engagé ces difficiles négociations, avec l'idée de garantir les intérêts français du mieux qu'ils pouvaient le faire à l'époque... Cependant il faut être réaliste : la directive a été adoptée par le Conseil des ministres et par le Parlement européen, elle n'est pas renégociable et elle ne sera donc pas renégociée : nous sommes l'un des tout derniers Etats membres à la transposer. Elle s'impose aux autres : elle s'impose à nous. Il faut d'ailleurs lui rendre une justice : en application du "principe de subsidiarité " à la distribution de l'électricité, elle nous laisse des marges de manuvre, non négligeables, dont le gouvernement veut profiter. C'est là notre chance et tout l'enjeu de ce débat : sur la base du texte gouvernemental, le travail du Parlement peut faire en sorte, doit faire en sorte, qu'une transposition nécessaire deviennent l'occasion de vrais progrès. Ayons ensemble une lecture politique, progressiste, de ce texte.
b) Pour élaborer ce projet de loi, le gouvernement a adopté une démarche ouverte et transparente, fondée sur une très large concertation.
Cette concertation - ouverte - a été menée dès le début de l'année 1998 la base d'un "Livre blanc" intitulé "Vers la future organisation électrique française", qui a été diffusé à plus de 20.000 exemplaires, qui posait explicitement de multiples questions, sur lesquelles la consultation était particulièrement nécessaire, et qui présentait certaines orientations - encore très générales - envisagées par les pouvoirs publics.
Le gouvernement a également sollicité l'avis de nombreuses instances : le Conseil économique et social, le Conseil supérieur de l'électricité et du gaz - présidé avec compétence par Jean-Pierre Kuchéida -, le Conseil de la concurrence et les Conseils économiques et sociaux régionaux.
Votre collègue, M. Jean-Louis Dumont, Député de la Meuse, a été chargé par le Premier Ministre, sur ma proposition, d'une - très utile - mission de réflexion et de médiation.
Le débat national, qui a suivi, a concouru à la prise de conscience, par les forces économiques et sociales, de la nécessaire évolution du système électrique français. De nombreuses contributions ont été reçues. Elles ont enrichi la réflexion des pouvoirs publics et l'ont souvent - reconnaissons-le ! - utilement infléchie. Vous en avez tous reçu le fruit, sous la forme de trois importants volumes. Depuis, le travail que vous avez effectué en commission, saisie au fond, sous la présidence d'André Lajoinie, a permis à votre rapporteur, Christian Bataille, de contribuer à une première et importante amélioration du texte.
La concertation a permis de mettre en lumière quelques attentes essentielles de notre pays à l'occasion de cette réforme :
- assurer la cohésion sociale, ainsi que la solidarité entre les territoires ·
- démocratiser le secteur de l'électricité par une plus grande implication des usagers ; ·
- dynamiser le secteur de l'électricité tout en veillant à la compétitivité d'EDF.
Au travers du projet de loi, le gouvernement a souhaité que soient prises en compte les aspirations de notre pays en matière de cohésion sociale, de développement industriel, de préparation du long terme et d'équilibre du territoire.
a) Le projet de loi a pour ambition de dessiner un service public de l'électricité conforté, qui allie dynamisme, équité et solidarité.
Pour la première fois, le projet de loi définit le contenu du service public de l'électricité : il précise les différentes missions de service public, les catégories de clients auxquelles elles s'adressent et les opérateurs qui en ont la charge.
La première mission du service public de l'électricité a trait au développement équilibré des capacités de production d'électricité, c'est-à-dire à la mise en uvre d'une politique énergétique publique dans le choix des différentes sources d'énergie. Les obligations imposées aux opérateurs doivent permettre d'atteindre les objectifs de la politique énergétique nationale, qui trouveront leur traduction concrète dans la programmation pluriannuelle des investissements de production.
La deuxième mission du service public de l'électricité concerne le développement des réseaux, qui sont au cur du fonctionnement du système électrique et doivent donc être au service de tous les utilisateurs. Ces réseaux ont les caractéristiques de monopoles naturels. Les préoccupations liées à la bonne gestion économique du secteur, comme à la protection de l'environnement et du cadre de vie, s'opposent à une duplication extensive.
La troisième mission concerne la fourniture d'électricité. Pour les clients " non éligibles ", comme les appelle le texte européen, elle vise la fourniture d'électricité sur l'ensemble du territoire national. Ce projet donne ainsi, pour la première fois, une valeur législative au principe de péréquation nationale des tarifs. Pour les clients " éligibles " et les producteurs raccordés aux réseaux, il est de la responsabilité de la puissance publique qu'il n'y ait pas de discontinuité dans la fourniture d'électricité, discontinuité qui pourrait avoir des effets négatifs sur la production industrielle et sur l'emploi. C'est pourquoi l'obligation de pouvoir assurer une fourniture de secours ou de recours est, au premier chef, une mission de service public. Nous aurons l'occasion d'en parler, en évoquant la durée des contrats.
Le projet de loi met en place des mécanismes de financement permettant de répartir équitablement les charges résultant des missions de service public entre les opérateurs du secteur, et de garantir le bon accomplissement de ces missions.
Il ne suffit pas de dire ce qu'est le service public et qui en a la charge. Il faut encore prévoir son financement, lorsque celui-ci n'est pas assuré de façon naturelle et équitable par les recettes courantes. Le projet de loi met en place des mécanismes de financement permettant de répartir équitablement les charges résultant des missions de service public entre les opérateurs du secteur. Dans le domaine de la production, domaine ouvert à la concurrence, ces charges feront l'objet d'une répartition au moyen d'un " fonds des charges d'intérêt général de l'électricité ". Dans le domaine de la distribution, qui reste sous monopole, ces charges feront l'objet d'une mutualisation entre les distributeurs, par le biais du fonds de péréquation de l'électricité institué par la loi de 1946. Le service public doit tout particulièrement concourir à la cohésion sociale : le projet du gouvernement renforce clairement cet objectif par la création d'un mécanisme de soutien pour la fourniture d'électricité aux plus démunis, qui constitue un pas décisif vers plus de justice sociale et l'instauration d'un droit à l'électricité pour tous. Et je sais que sur ces bancs, à gauche, plusieurs groupes sont sensibles à cette avancée de la démocratie vers de nouveaux droits.
Au-delà des mécanismes financiers, les missions de service public doivent aussi s'exercer en tenant compte de l'ensemble des politiques nationales et en liaison avec les collectivités concédantes du service public de la distribution d'énergie électrique. Afin d'assurer des missions de service public au plus près des besoins des citoyens, et de donner un nouvel essor à une " démocratie de proximité " dans le secteur de l'électricité, le projet de loi prévoit que le gouvernement s'appuie également sur les instances compétentes au niveau local pour les questions de service. C'est une marque supplémentaire d'une nouvelle étape dans la décentralisation politique de notre pays.
b) Le projet de loi organise une ouverture maîtrisée du marché de l'électricité à la concurrence pour participer au combat pour l'emploi.
Les règles françaises conduiront à l'éligibilité des grands consommateurs finals d'électricité, notamment les principaux établissements industriels.
Lorsqu'une entreprise - industrielle le plus souvent - est gros consommateur final, en effet, le prix de l'électricité peut constituer un élément notable de sa compétitivité, et par conséquent de ses décisions en termes d'investissements et de créations d'emplois. Confronté à la concurrence, il est naturel qu'il puisse bénéficier de la concurrence en matière de fourniture d'électricité, et doit pouvoir se fournir en électricité sur l'ensemble de ses sites européens. De plus, avec la mise en place de la "zone euro", les grands clients auront la possibilité de comparer le prix de la fourniture.
Dès aujourd'hui les consommateurs finals éligibles représentent 26 % de la consommation nationale. A partir de février 2000, ils représenteront 30 % environ de la consommation nationale et, en février 2003, près de 33 % de la consommation nationale. Les consommateurs finals éligibles français devraient être environ 400 cette année, 800 en février 2000 et 3000 en février 2003.
L'introduction d'éléments de concurrence dans le secteur électrique français ne s'accompagne, en aucune façon, d'un recul du service public, dès lors qu'elle remplit des obligations de service public, claires et appliquées, par tous et partout. Elle permet au contraire de progresser vers une meilleure satisfaction des aspirations des consommateurs, en stimulant par une concurrence, qu'EDF - consciente de ses succès - ne peut craindre, tous les opérateurs dans la recherche d'un meilleur service.
Il n'y aura pas de service public à deux vitesses : ce sont tous les consommateurs individuels et entreprises qui doivent bénéficier à la fois de la baisse des tarifs et des progrès technologiques.
c) Il existera des outils pour mettre en uvre une politique nationale de l'énergie, recueillant l'assentiment le plus large, en donnant le rôle qui doit être le sien au Parlement.
L'énergie n'est pas un bien de consommation comme les autres et fait l'objet, compte tenu des enjeux qui y sont attachés - ceux de l'indépendance nationale -, d'une politique publique forte, la politique énergétique.
La programmation pluriannuelle des investissements traduira concrètement cette politique énergétique dans le domaine de l'électricité. Elle garantira la sécurité d'approvisionnement, la protection de l'environnement et la compétitivité de la fourniture, à travers un développement équilibré des capacités de production. La programmation pluriannuelle sera élaborée et révisée périodiquement sous l'autorité du Ministre chargé de l'énergie, qui s'appuiera notamment sur les bilans prévisionnels établis par le gestionnaire du réseau de transport, et sur le schéma de service collectif de l'énergie prévue par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. Elle fera l'objet d'un rapport au Parlement tous les cinq ans - le premier de ces rapports étant présenté dans l'année suivant la promulgation de la loi. Afin d'assurer le maintien d'une politique énergétique cohérente, la délivrance des autorisations devra être compatible avec la programmation pluriannuelle des investissements de production.
Si les capacités de production installées s'écartent des objectifs de cette programmation, les pouvoirs publics pourront décider de ne plus accorder temporairement d'autorisations pour certains types d'installations. Une telle décision devra, bien entendu, respecter la plus grande transparence et faire l'objet d'une annonce publique.
Corrélativement les pouvoirs publics pourront décider de recourir à la procédure d'appels d'offres, quand les investissements spontanés ne suffisent pas pour répondre aux objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements de production.
d) Le projet de loi vise enfin à développer le rôle des collectivités locales, pour concilier autonomie locale et principe d'égalité, et pour accroître la production décentralisée.
Le projet de loi réaffirme, pour les collectivités locales, leur qualité d'autorité concédante de la distribution, ainsi que leur mission de contrôle des missions de service public concédées. Les règles techniques et environnementales, ainsi que les conditions financières en matière de redevance et de pénalités, seront harmonisées sur l'ensemble du territoire national, afin d'assurer le respect de l'égalité, et notamment de permettre la péréquation nationale des tarifs, principe des principes, s'il en est, du service public français.
Le projet de loi développe la possibilité, pour les collectivités locales, d'intervenir en matière de maîtrise de la demande d'électricité et de production locale décentralisée. En particulier, l'intervention des collectivités est étendue à la production d'électricité dans les installations mettant en oeuvre des énergies renouvelables. La possibilité - très innovante - d'intervenir en matière de maîtrise de la demande d'électricité, notamment chez les particuliers, reçoit un fondement législatif clair. Les collectivités locales, mais aussi - ne l'oublions pas - les distributeurs non nationalisés reconnus par la loi de 1946, sont un des acteurs majeurs d'une mise en oeuvre de la politique de l'électricité dans le pays. Ce projet ne doit laisser planer aucun doute : les initiatives locales doivent être libérées, dès lors qu'elles coïncident avec la politique nationale de l'énergie décidée par le gouvernement et placée sous le contrôle du Parlement.
Dans le cadre ainsi tracé, le gouvernement a entendu jouer pleinement le jeu d'une concurrence équitable et maîtrisée.
a) Il est essentiel que les utilisateurs des réseaux publics de transport et de distribution de l'électricité, qui sont au cur du système électrique, puissent avoir accès au réseau dans des conditions transparentes et non discriminatoires, en payant une juste rémunération du service rendu. Le projet de loi met en place les garanties nécessaires à l'indépendance du gestionnaire du réseau de transport sans remettre en cause, bien évidemment, l'intégrité d'EDF. EDF continue, EDF reste et restera une entreprise publique, EDF a vocation à rester à 100 % publique.
L'un des facteurs de réussite d'EDF est qu'il s'agit d'une entreprise électrique intégrée de production, de transport et de distribution. Ce facteur de réussite ne doit pas être remis en cause alors que la directive n'oblige en aucun cas à séparer juridiquement le gestionnaire du réseau de transport.
Le gouvernement a donc décidé de désigner EDF, en s'appuyant sur les capacités techniques remarquables des ses collaborateurs, comme gestionnaire unique du réseau de transport.
Conformément à la directive, ses missions sont d'exploiter et de développer le réseau de transport, et d'assurer dans des conditions justes et objectives l'accès des utilisateurs aux réseaux.
Le gestionnaire du réseau de transport fera donc partie de l'entreprise publique. C'est pourquoi de fortes garanties sont données pour assurer son indépendance par rapport aux différents acteurs : la séparation comptable de la fonction transport, la séparation de gestion et les moyens mis à la disposition du gestionnaire, le mode de nomination de son directeur et l'obligation de garantir la confidentialité des informations commercialement sensibles constituent les principaux facteurs de cette indépendance. Je sais que vous aurez à coeur de les compléter... Vous pouvez compter sur l'ouverture d'esprit, à cet égard aussi, du gouvernement.
b) Une régulation transparente et efficace aura pour objet d'assurer le bon fonctionnement du secteur électrique, notamment par la coexistence harmonieuse du service public et de la concurrence, au bénéfice de tous les consommateurs.
Il reviendra au gouvernement sous le contrôle du Parlement de définir et d'appliquer les choix de politique énergétique, notamment ce qui concerne la programmation pluriannuelle des investissements, l'autorisation d'installations de production et le lancement d'appels d'offres. De même, il devra définir les missions de service public, de réglementer ces tarifs et de constater le montant des charges d'intérêt général et d'établir la réglementation générale de l'électricité.
Le projet de loi choisit de confier à une Commission de régulation de l'électricité indépendante, la responsabilité du contrôle de l'accès des utilisateurs aux réseaux.
La Commission de régulation de l'électricité est formée d'un collège de six membres et dispose de pouvoirs propres pour assurer l'accès équitable et transparent des tiers aux réseaux publics de transport et de distribution de l'électricité. Elle sera chargée de préciser les règles définies par le Ministre chargé de l'énergie concernant les conditions d'accès aux réseaux et leur utilisation, de régler les litiges entre les gestionnaires et les utilisateurs de réseaux publics, liés à l'accès à ces réseaux et à leur utilisation, et de sanctionner les manquements aux dispositions législatives et réglementaires qui régissent l'accès aux réseaux, au moyen de sanctions pécuniaires ou d'interdictions temporaires d'accès au réseau.
Elle aura aussi la charge d'établir les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution, le montant des charges d'intérêt général liées à la production, le montant des
" coûts échoués " et les mesures conservatoires en cas d'atteinte grave et immédiate à la sécurité et à la qualité de fonctionnement des réseaux publics.
Le projet de loi vise enfin à conforter les formidables acquis d'un demi-siècle d'histoire industrielle dans le secteur électrique.
a) Le projet de loi met en place les conditions nécessaires pour garantir l'avenir industriel d'EDF et lui permettre de demeurer le premier électricien européen, présent dans le monde entier.
EDF - je le répète - demeurera une entreprise publique intégrée de production, de transport, de distribution et de fourniture d'électricité. EDF sera en particulier le gestionnaire désigné du réseau de transport français.
L'objet légal d'EDF, c'est-à-dire son domaine autorisé d'intervention en tant qu'établissement public, est notablement accru vis-à-vis des clients éligibles, pour lui permettre d'affronter la concurrence à armes égales.
La demande industrielle peut, en effet, inclure des prestations qui constituent le complément technique ou commercial de la fourniture d'électricité. Les concurrents d'EDF pourront offrir ces prestations aux clients éligibles alors qu'EDF, en vertu de son objet légal, ne le peut pas légalement aujourd'hui. Le projet de loi propose donc d'élargir les marges de manuvre d'EDF vis-à-vis des clients éligibles, dans le respect du principe d'égalité dans la concurrence. Doter EDF des mêmes capacités que les autres producteurs, à saisir les opportunités d'un marché européen en véritable mutation : voilà notre ambition pour la grande entreprise publique !
Pour les clients non éligibles sur le territoire national, pour lesquels EDF conservera un monopole de fourniture, l'interdiction faite à EDF par la loi de 1946 d'intervenir à l'aval du compteur sera maintenue : pas de concurrence malsaine avec les petites entreprises, les artisans et les petits commerçants. Toutefois, afin de répondre aux objectifs de politique énergétique et environnementale, EDF pourra mener des actions destinées à promouvoir l'utilisation rationnelle de l'énergie.
En deux mots : faisons de l'Europe le marché domestique d'EDF. La réussite et le développement de l'entreprise publique se feront au bénéfice du pays.
b) La réforme proposée conforte le statut du personnel, pour garantir les acquis sociaux, et crée les conditions de son extension.
La loi de 1946 prévoit que le statut du personnel s'applique à l'ensemble du personnel des industries électriques et gazières, sous réserve de diverses exceptions. Ce principe sera maintenu : ni le personnel, ni bien sûr les clients, n'ont à redouter ce projet de loi ! L'ouverture à la concurrence ne doit pas entraîner une diminution des garanties pour le personnel de ces industries. En outre, l'équité commande que la concurrence s'exerce dans un contexte d'égalité des règles pour tous les opérateurs. Le projet de loi introduit des mécanismes de négociation collective de branche. La négociation collective est en soi utile. En outre, elle est particulièrement adaptée à un secteur où les acteurs vont devenir plus nombreux et diversifiés. Elle devrait déboucher sur une dynamique européenne au profit des salariés du secteur. Il n'est pas interdit d'espérer une convention européenne de branche. Demain, pourquoi ne pas imaginer à EDF un comité de groupe européen ?
Mesdames et Messieurs les Députés,
La transposition de la directive présentait bien des dangers : économiques, industriels, sociaux, culturels aussi - puisque pouvait être menacée la notion même de service public. Tel n'est résolument pas le cas : le service public de l'électricité demeure ; il a vocation à se développer ; ce projet de loi lui donne les moyens de se moderniser. Je suis convaincu, qu'ensemble nous pouvons en souligner la nature équilibrée. Nous pouvons aussi, je crois, nous féliciter du caractère mesuré et progressif des évolutions proposées : nous promouvons une évolution sans révolution.
Il faut à présent que notre pays saisisse l'opportunité de moderniser et de conforter le service public de l'électricité, d'imprimer une nouvelle dynamique au secteur électrique par une plus grande ouverture de son marché, et d'assurer au secteur électrique français - et en particulier à l'établissement public EDF - une place prépondérante au sein du marché intérieur européen de l'électricité.
A la tribune de l'Assemblée Nationale Constituante, le mercredi 27 mars 1946, le Ministre de la production industrielle, M. Marcel Paul, concluait la présentation de sa loi par ces mots :
" il nous faut (...) penser à ceux qui consomment les kilowatts-heure d'électricité (...) ". Oui, Mesdames et Messieurs les Députés, d'abord penser aux consommateurs, notamment aux grands consommateurs, ces industries créatrices de croissance et d'emplois. Mais aussi penser aux autres consommateurs que sont les ménages, et notamment aux plus modestes d'entre eux. Et, enfin, bien sûr, préserver les intérêts d'EDF et traiter, comme il le mérite, un personnel qui a fait du service public de l'électricité l'un des services publics auxquels les Français sont, bien légitimement, les plus attachés.
Décidément, ce texte difficile par sa technicité juridique, est d'une grande clarté par l'élan politique qui est le sien : poursuivre la modernisation du pays, soutenir la croissance économique, assurer la cohésion sociale, développer le service public, grâce aux réussites entrepreneuriales françaises, au premier rang desquelles il faut compter notre grande entreprise publique.
(Source http://www.industrie.gouv.fr ; le 17 mars 1999)