Interview de Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville, à "LCI" le 17 octobre 2008, sur sa politique en faveur du logement, pour aider à l'accession à la propriété.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

C. Barbier.- C. Boutin, bonjour. 360.000 mises en chantier en 2008. Il y en avait 435.000 en 2007. La crise est-elle déjà présente, à l'oeuvre dans l'immobilier ?

360.000 c'est l'équivalent de 2004. On n'avait jamais fait autant depuis 25 ans. Donc, effectivement, il y a une chute mais on est encore à des niveaux très élevés, très, très élevés. On pense qu'il y aura 70.000 constructions en moins - ce qui naturellement pose un problème - mais on est quand même encore à des niveaux très élevés.

Cela ne va pas s'aggraver ? De nombreuses collectivités locales sont en difficulté à cause de leur endettement, des taux variables. Dans les villes de province, on ne va pas voir des chantiers s'arrêter ?

Il y a des chantiers arrêtés, et heureusement que j'avais préparé ce projet de loi, qui est quand même assez technique, pour pouvoir répondre à la crise. Et le président de la République a boosté et confirmé mon projet de loi et ses orientations. En fait, je pense que nous allons pouvoir arrêter cette chute.

L'Etat promet d'acheter 30.000 logements en stock pour soutenir le marché. Le président de la République l'avait annoncé au tout début du mois d'octobre. Où en est-on de ce plan d'aide ?

D'abord, ce n'est pas l'Etat qui va acheter. L'Etat va subventionner des logements qui vont être acquis par le monde HLM et la filiale de la Caisse des Dépôts. Donc il va y avoir la possibilité, avec ses 30 %... Si vous voulez, que je vous explique clairement : un programme de construction n'est pas complètement mis en chantier, parce qu'il y a 30 % qui n'a pas été commercialisé. Grâce à l'aide de l'Etat, les organismes HLM et la filiale de la SNI (vont) pouvoir acquérir cette proportion, si bien que c'est 100 % du programme qui va être réalisé. C'est un levier très important qui est fait par cette mesure. C'est déjà en cours, on a mis autour de la table tous les partenaires.

Mais est-ce que vous ne craignez pas qu'au passage, les prix de l'immobilier s'effondrent ?

Je ne pense pas que les prix de l'immobilier vont s'effondrer, en zones tendues en particulier, c'est-à-dire la région Ile-de-France, Nord, PACA, etc., parce qu'il y a un besoin, il y a un besoin et l'offre est insuffisante. Donc ça va sans doute se réguler, se normaliser, mais je ne crois pas que cela va beaucoup baisser.

Votre budget recule en 2009 de près de 7 %. Est-ce que le Gouvernement abandonne la priorité logement ?

Pas du tout. Il faut arrêter de dire cela ; c'est complètement faux ! Mes capacités financières sont en augmentation de 200 millions. Il y a le budget. Vous savez qu'on est en restriction budgétaire, et qu'il ne fallait pas augmenter les déficits. Tous les ministres qui pouvaient faire appel à des recettes extrabudgétaires devaient le faire. Je l'ai fait avec le 1 %. Cela a été des négociations qui ont abouti jeudi dernier. Et quand on voit mon budget plus les recettes extrabudgétaires, j'ai une augmentation de 200 millions par rapport à l'année dernière. Alors, arrêtons de dire que mon budget diminue !

Et dans toute cette masse d'argent, l'argent qui ira au logement social est-ce qu'il diminue ? Certains disent que ça va passer de 800 millions à 550 millions.

Mais c'est complètement faux. J'ai le financement pour 120.000 logements sociaux. Cette année, nous en avons réalisé 108.000. J'ai actuellement le financement P.L.A.I., c'est-à-dire pour les logements très sociaux. J'avais une enveloppe pour 20.000 P.L.A.I., j'en ai 14.000 qui ont été engagés. J'ai encore la possibilité d'en financer 6.000 en 2008 et en 2009, c'est la même chose. Il faut arrêter de dire des choses qui sont fausses.

Vous aviez demandé aux banques d'allonger la durée des prêts relais pour les Français qui ont vendu un logement, qui en ont acheté un autre et qui essaient de faire les deux. Etes-vous satisfaite de cette décision des banques qui vont allonger la durée ou est-ce que vous demandez plus maintenant ?

Je trouve déjà... L'Etat, et le président de la République a eu un accent remarquable dans cette crise, et il y a un certain nombre d'efforts qui ont été faits vis-à-vis des banques. Je trouvais normal, et je vais lancer cet appel pour que les banques fassent un effort par rapport à ceux qui sont sous un crédit relais. Je suis heureuse que les banques aient entendu cet appel et qu'elles fassent un effort. Alors, est-ce que c'est suffisant ou pas ? On va voir. Mais déjà il y a une ( ?) qui est un bon signe par rapport à la crise.

20.000 logements à 15 euros par jour : c'était votre objectif. En période de crise, 15 euros par jour pour des ménages à budget restreint, c'est déjà beaucoup. Est-ce que vous ne devez pas réviser vos ambitions à la baisse ?

Pas du tout. J'avais 20.000 effectivement possibles, et le Président a boosté et les a passés à 30.000. 15 euros par jour ça fait 450 euros, c'est fait pour des familles moyennes, classes moyennes et modestes. Ce projet de loi est fléché vers les classes moyennes et modestes, parce qu'il faut que tout le monde puisse arriver à se loger. 56 % des Français sont propriétaires et tout le monde a le rêve de devenir propriétaire en France.

Oui, mais aujourd'hui, les gens se disent que ce n'est pas demain qu'on va acheter un logement, on va rester locataire. Ce sont donc les loyers qui vont flamber ?

Non, non, non, non, c'est beaucoup plus compliqué que cela. Actuellement, dans l'accession populaire à la propriété, l'objectif est de libérer des logements HLM pour que des personnes qui sont en centre d'hébergement et de réinsertion sociale, qui sont des travailleurs pauvres, puissent aller dans le logement ordinaire.

Libérer des logements HLM, c'est en demandant à des Français qui ont dépassé le plafond de ressources de quitter ce logement.

Par exemple.

Ne devriez-vous pas être plus souple avec ces Français, qui ne sont pas très riches ?

Ils sont juste au-dessus du plafond des ressources et c'est la crise.

Ecoutez, ça vise les personnes qui ont deux fois le niveau de ressources. Cela veut dire, excusez-moi du peu, 9.000 euros net par mois pour une famille de 4 personnes. Il n'y a pas beaucoup...

Donc, vous êtes sans pitié, là. Ceux-là...

Ils peuvent aller dans le privé. Il y a des tas de gens qui sont en condition de ressources, qui respectent cela et qui n'arrivent pas à se loger. Que les gens qui ont 9.000 euros nets par mois puissent aller dans le privé, ça me semble normal.

Votre loi logement actuellement en débat au Sénat soulève des critiques, notamment d'une partie de la majorité. Est-ce que votre texte ne va pas être détricoté ?

Il n'est pas du tout détricoté. Il y a un article qui pose problème et sur lequel tout le monde s'est focalisé, comme d'habitude, qui est l'article 17, sur la proposition d'ouverture... l'article 55. Mais on va y revenir. Il y a beaucoup de choses. Vous savez, déjà, nous avons voté les conventions d'utilité sociale avec les HLM, c'est-à-dire à côté... moi je veux mettre la personne au coeur de ma politique... à coté de l'entretien des bâtiments, je veux qu'il y ait un suivi des personnes qui habitent dans ces HLM. Il y a la péréquation qui est votée. Je veux dire qu'on avance de façon très... et le 1 % également.

Alors, le fameux article qui fâche, l'article 17, c'est la loi dite SRU. Retirerez-vous de cet article, qui prévoit de ne plus compter dans le quota de 20 % de logements sociaux, les logements en accession aidée à la propriété ?

Je suis une femme de conviction et j'aime bien le débat. La République, la démocratie c'est le débat. Il y aura un débat et puis on verra ce que l'on fait. Moi je ne veux pas non plus bloquer tout le monde. Mais je crois qu'il y a une question de justice et d'équité. L'accession populaire à la propriété, ce sont les mêmes personnes, les mêmes revenus, la même aide de l'Etat et la comptabilité de 5 ans, comme quand les HLM vendent un logement, qu'il devienne propriété, il est comptabilisé pendant 5 ans pour les 20 %. Je propose la même chose pour l'accession populaire.

Vous ne voulez pas aider les communes de droite, les communes les plus riches ?

Mais pas du tout. D'abord, au résultat des élections, il y a beaucoup de villes qui sont passées à gauche. Ce n'est pas du tout un problème de droite ou de gauche.

M. Alliot-Marie veut rouvrir le dossier de la dotation de la solidarité urbaine, la solidarité villes riches - villes pauvres. Bonne piste, casse cou ?

Non, je pense que c'est une bonne piste. Actuellement, on fait du saupoudrage. On a envie au Gouvernement d'être efficace. Il faut que cela se fasse en concertation et c'est ce que fait Madame Alliot-Marie.

Etre efficace ! Dans la loi sur le Grenelle de l'environnement en discussion à l'Assemblée, faut-il ne pas être trop exigeant sur les futures données écologiques des logements de manière à ne pas trop renchérir le prix de ces logements ?

C'est un sujet qui me préoccupe effectivement. Je suis tout à fait favorable à sauver la planète. Mais ce que je crains, et là il faut... je n'ai pas obtenu gain de cause, j'en suis désolée. Les personnes qui ont des revenus suffisamment importants vont pouvoir adapter leur logement. Je crains pour ceux qui ont moins de revenus, qui ne vont pas pouvoir adapter leur logement aux nouvelles exigences, et qui consommeront davantage d'énergie, je trouve que c'est dommage.

Le budget logement social de la ville de Paris va passer de 424 millions à 400 millions d'euros pour 2009. Vous avez toujours voulu être attentive aux centres villes. Etes-vous inquiète de cette nouvelle politique à Paris.

A Paris, c'est très compliqué. Il faut savoir que Paris et la région Ile-de-France concentrent les deux tiers des problématiques de logement et d'hébergement. La politique de la ville de Paris, je pense qu'ils font ce qu'ils peuvent. L'Etat sera toujours au côté de la ville de Paris pour aider à l'hébergement.

Après l'affaire de la Marseillaise sifflée lors de France-Tunisie, mardi, B. Laporte a suggéré qu'on arrête de jouer contre des équipes du Maghreb et F. Amara, votre secrétaire d'Etat à la Ville, a dit "non, il faut continuer". Alors, de quel côté êtes vous ?

Moi je suis du côté de... Je suis... je pense que le malaise qui est à montre que nous avons un problème vis-à-vis des valeurs communes. Et moi je veux que nous essayions de nous retrouver autour de nos valeurs communes. Si on ne respecte pas l'hymne national, quel qu'il soit, c'est qu'il y a un problème au niveau des valeurs communes. C'est la raison pour laquelle je lance un grand débat. Il se trouve que j'ai anticipé, je vous le dis en scoop, le 23 octobre un grand débat, un "oui qui" (phon) sur les valeurs communes, parce que la politique de la Ville elle touche à ses valeurs communes.

On connaît vos convictions religieuses. Etes-vous pour le travail du dimanche ?

Non, cela ne vous étonnera pas.

Et, néanmoins, on y va. L. Chatel, X. Bertrand...

Oui, mais écoutez, on verra. Il va y avoir un débat. Le tout n'est pas... Vous savez, la crise aujourd'hui nous montre bien nos priorités : est-ce que c'est uniquement le tout économique ? Est-ce que c'est simplement parce qu'on va payer davantage qu'on a l'adhésion des Français ? Peut-être qu'il faudrait se poser les questions dans un autre sens.

Là aussi, des valeurs. Et le dimanche est une valeur.

Le repos est une chose importante, oui, effectivement.

C. Boutin, merci, et bonne journée.

Merci.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 17 octobre 2008