Déclaration de Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur les priorités de la Présidence française du Conseil de l'Union européenne en matière d'agriculture et de pêche, Bruxelles le 16 juillet 2008.

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Circonstance : Présentation des priorités de la présidence française devant la Commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen

Texte intégral

MONSIEUR LE PRESIDENT, CHER MIROSLAV OUZKY,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Mesdames, Messieurs,
C'est un plaisir de venir vous rencontrer aujourd'hui pour vous présenter les priorités qui seront celles de la Présidence française au Conseil Agriculture et Pêche, dans votre champ de compétences.
A titre liminaire, je voudrais souligner que notre Présidence, nous ne pouvons pas la réussir seuls. Nous la réussirons avec nos partenaires : la Commission, les autres Etats Membres, et vous-mêmes au Parlement européen. Vous le savez, toute Présidence n'est que le maillon d'une chaîne, étroitement liée au pays qui la précède et au pays qui la suit. Je souhaite donc tout d'abord adresser mes plus vifs remerciements à la Présidence slovène, à Iztok Jarc et à ses équipes qui ont effectué un travail remarquable.
Pour notre part, nous avons élaboré, dans le cadre du « trio » avec les futures présidences tchèque et suédoise, un document de travail commun, qui trace les objectifs de travail pour les 18 mois à venir, comme l'ont fait avant nous, et pour la première fois, l'Allemagne, le Portugal et la Slovénie.
Dans le domaine agricole, la Présidence française doit être l'occasion de porter un projet, celui d'une agriculture stratégique et durable pour notre continent. Dans le contexte de la crise alimentaire mondiale, j'ai la conviction que l'agriculture est un actif stratégique pour l'Europe. Ce secteur doit aujourd'hui répondre à un double défi : produire plus, et produire mieux. Produire plus, c'est contribuer à la sécurité alimentaire de notre continent. Produire mieux, c'est répondre à la demande des citoyens européens :
- d'une agriculture durable, économe de ses intrants,
- et d'une agriculture à même de leur fournir des produits de qualité, respectant un haut niveau de sécurité sanitaire des aliments.
Tel est le « fil rouge » de notre Présidence, dont je voudrais décliner devant vous les aspects qui concernent plus spécifiquement la sécurité sanitaire.
Mon premier axe de travail concerne la sécurisation de l'utilisation de certains intrants dans la production primaire agricole.
Plusieurs textes ayant pour objectif le renforcement de la sécurité sanitaire dans ce domaine sont actuellement en cours de discussion.
* Je pense en premier lieu au corpus réglementaire communément appelé « paquet pesticides ». Je tiens à ce sujet à saluer le travail exemplaire de la Présidence slovène qui a obtenu un accord politique sur le projet de règlement lors du Conseil agriculture de juin dernier.
Dans la continuité de ce qui a été fait jusqu'ici, je souhaite que ces projets de texte puissent aboutir sous Présidence française en 2ème lecture, en étroite concertation avec vos rapporteurs, Hiltrud Breyer et Christa Klass. Je sais que le calendrier est tendu, mais l'adoption de ce paquet est un enjeu majeur.
Le « paquet pesticides » est en effet capital pour l'avenir de notre agriculture, car il a une double vocation :
- réduire l'impact des produits phytosanitaires sur notre environnement et sur la santé publique, en premier lieu celle des agriculteurs ;
- mais aussi harmoniser les conditions de concurrence entre les agriculteurs au sein de l'Union européenne.
Le compromis qui a été finalement trouvé au Conseil en juin permet de marquer un rapprochement entre la position initiale du Conseil, celle de la Commission et celle du Parlement. J'ai donc bon espoir que nous parvenions à un compromis sur ces textes pour définir une politique à la fois ambitieuse et réaliste.
Les points principaux que nous aurons à discuter ensemble sur le règlement sont :
- les critères d'exclusion des substances
- le système d'autorisation par zone : je sais que le Parlement n'y est guère favorable. Le compromis de la Présidence slovène allie maintien du zonage (garant d'une harmonisation) et possibilité pour un Etat membre de prendre une mesure d'interdiction
- la durée de protection des données
- et enfin la base juridique.
Sur la directive nous devrons trouver ensemble comment fixer aux états membres de manière acceptable pour eux des objectifs en matière de réduction de l'utilisation des pesticides
Je pense que sur tous ces points du règlement comme sur la directive un compromis peut-être trouvé, en bonne intelligence entre le Parlement, le Conseil et la Commission.
* Un autre sujet attire également toute mon attention : il s'agit du projet de règlement sur la fixation des limites maximales de résidus de médicaments vétérinaires dans les produits d'origine animale destinés à l'alimentation humaine, communément appelé règlement LMR.
Il a pour but :
- d'améliorer la disponibilité des médicaments vétérinaires en facilitant la fixation des limites maximales de résidus,
- et d'apporter des solutions dans le cas où des résidus de ces substances sont détectés dans des aliments alors qu'aucun seuil n'a été fixé au niveau communautaire. Ce texte soulève également la question de l'importation des denrées contenant des résidus de substances dont l'usage est interdit dans l'Union européenne.
Le Parlement européen a effectué un travail très important sur ce texte en adoptant un certain nombre d'amendements à la proposition de la Commission. Il a notamment posé le principe de l'interdiction de la présence de résidus de substances non autorisées dans les pays de l'Union européenne. De fait, une autre position ne serait probablement pas comprise par nos concitoyens. Je mettrai toute mon énergie à aller le plus loin possible sur ce dossier sous ma Présidence, en lien étroit avec votre rapporteur Avril Doyle.
Mon deuxième axe de travail concerne le respect des normes européennes pour les importations de pays tiers.
Un mémorandum, soutenu par 20 Etats membres, a été présenté au Conseil de l'agriculture du mois de juin.
Cette démarche part du constat que l'accroissement des échanges mondiaux rend plus probables aujourd'hui l'émergence et la diffusion de facteurs de risques ou de maladies. Il est par conséquent indispensable de porter à la sécurité sanitaire des produits importés, et à leur conformité aux règles communautaires, la même attention que pour nos propres produits.
Il ne s'agit pas d'instaurer des barrières techniques indues comme certains pourraient le craindre, mais d'assurer un haut niveau de protection sanitaire et phytosanitaire aux frontières de l'Union : les consommateurs européens doivent pouvoir bénéficier des mêmes garanties pour tous les produits, qu'ils soient produits en Europe ou importés. Il s'agit aussi d'éviter les distorsions de concurrence qui pénalisent les producteurs européens.
A ce titre, votre souci est celui de la Présidence française, et j'ai bien noté votre unanimité du 19 juin dernier lorsque le Parlement a voté par 527 voix la résolution sur les « Poulets chlorés ».
ON PEUT AUSSI CITER UN AUTRE EXEMPLE : L'AFFAIRE DE L'HUILE DE TOURNESOL EN PROVENANCE D'UKRAINE A MIS EN EVIDENCE QU'IL N'Y AVAIT SUR CE TYPE DE PRODUITS
AUCUN CONTROLE COMMUNAUTAIRE, NI SUR LES CONDITIONS DE PRODUCTION, NI A L'ENTREE SUR LE TERRITOIRE COMMUNAUTAIRE.
LE CONSTAT QUE NOUS FAISONS, C'EST QU'IL FAUT AMELIORER L'HARMONISATION DES CONTROLES ENTRE LES DIFFERENTS ETATS MEMBRE MAIS AUSSI REVOIR CERTAINES REGLES.
JE VEILLERAI, EN PARTENARIAT ETROIT AVEC LA COMMISSION ET VOUS MEMES, A CE QUE SOIT INSTAURE UN VERITABLE DEBAT AU SECOND SEMESTRE POUR ABOUTIR A UN PLAN D'ACTIONS EN LA MATIERE AFIN :
1. d'améliorer des contrôles à l'importation et la conception d'un nouveau cadre stratégique communautaire ;
2. de procéder à une analyse complète des risques sanitaires et phytosanitaires à l'importation ;
3. de mener une réflexion sur les moyens de prendre en compte les préférences collectives européennes dans le commerce international.
Vous le voyez, il s'agit d'actions ciblées qui ont pour objectif de maintenir pour les consommateurs européens, la possibilité d'un choix éclairé en leur assurant le haut niveau de sécurité qu'ils souhaitent. Afin d'enrichir nos débats, j'ai également saisi le Conseil Economique et Social Européen de ce dossier. Je m'engage à vous tenir informés des avancées de nos réflexions tout au long de la Présidence française.
Enfin, le programme de la Présidence française ne se limitera pas au seul domaine de la protection de la santé du consommateur.
Deux autres sujets au croisement de la politique agricole et de la politique nutritionnelle font également partie des préoccupations que je souhaite porter pendant ma Présidence. Il s'agit du Programme européen d'aide aux plus démunis et de la distribution des fruits et légumes dans les écoles, sur lesquels nous pourrons revenir plus en détail si vous le souhaitez.
Nous serons également amenés à travailler sur le projet de règlement adopté récemment par la Commission concernant les sous-produits animaux. Je souhaite que nous puissions avancer autant que possible sous Présidence française, en étroite collaboration avec le Parlement.
La présentation du plan d'action de la Commission pour la stratégie communautaire de santé animale est prévue pour le mois de septembre. Certains aspects de ce plan interfèrent avec le bilan de santé de la PAC (gestion des crises, mesures de biosécurité...), et une articulation adéquate devra être trouvée. Ce sera l'occasion de privilégier la prévention (« prévenir plutôt que guérir ») et de responsabiliser l'ensemble des acteurs.
NOUS TRAITERONS AUSSI DES SUJETS FORESTIERS QUI INTERESSENT LA BIODIVERSITE ET LE DEVELOPPEMENT DURABLE, QUI SONT IMPORTANTS POUR VOUS COMME POUR MOI. EN SEPTEMBRE, LA COMMISSION DEVRAIT RENDRE PUBLICS UNE COMMUNICATION ET UN PROJET DE REGLEMENT, POUR COMPLETER LE DISPOSITIF QUI EXISTE DEJA EN MATIERE DE LUTTE CONTRE L'IMPORTATION DE BOIS ET DE PRODUITS DERIVES ILLEGAUX. CE PROJET DE REGLEMENT SERA INSTRUIT EN CODECISION. JE VEILLERAI A CE QUE NOUS PUISSIONS ABOUTIR RAPIDEMENT A L'ADOPTION D'UNE OPTION LEGISLATIVE EFFICACE ET OPERATIONNELLE, EN COLLABORATION ETROITE AVEC LE PARLEMENT.
En conclusion, je voudrai rappeler que la Présidence française organise un certain nombre de manifestations qui viennent compléter ce volet législatif. Je compte naturellement sur la participation du Parlement européen à l'occasion de ces débats.
Je souhaite, tout d'abord vous signaler le colloque qui sera organisé à Paris les 25-26 novembre sur l'utilisation durable des pesticides ce qui traduit l'importance que j'attache à ce sujet. Au moment où nous légiférons ensemble, l'objectif sera d'une part de promouvoir la nouvelle réglementation communautaire, et d'autre part de partager les expériences des Etats membres en matière de maîtrise de l'utilisation des pesticides.
Les 23 et 24 octobre 2008 se déroulera à Paris un colloque sur les produits traditionnels. L'intention est de montrer qu'il n'y a pas de raison d'opposer la conservation de notre patrimoine culinaire avec le respect des règles de sécurité sanitaire des aliments. Car notre modèle agricole européen a pour objectif une offre alimentaire sûre, traçable et de bonne qualité gustative et nutritionnelle.
Enfin, réunis à Varsovie en novembre dernier, les ministres des forêts des 46 pays européens ont décidé d'organiser du 20 au 24 octobre prochain la première semaine forestière européenne. Une série de manifestations sera organisée à Bruxelles, à Rome et dans tous les pays européens. J'aurai l'honneur de lancer cette semaine le 20 octobre à Bruxelles en forêt de Soignes. J'ai conscience que ce jour-là, vous serez à Strasbourg en plénière mais je souhaite vous dire qu'à l'occasion de cette très importante manifestation, je mettrai l'accent sur le rôle des forêts européennes, pour préserver la biodiversité et combattre le changement climatique.
Comme vous pouvez le constater, le programme de la Présidence française dans votre champ de compétences est ambitieux. Nous avons besoin de tous pour réussir.
Je voudrais vous redire mon entière disponibilité et vous confirmer que je reviendrai avec grand plaisir vous voir autant de fois que vous le souhaiterez.
Je vous remercie de votre attention et je suis prêt à répondre à toutes les questions que vous voudrez bien me poser.
Source http://www.ue2008.fr, le 5 août 2008