Déclaration de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur le projet de loi de finances 2009 pour l'action extérieure de l'Etat, Paris le 5 novembre 2008.

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Circonstance : Audition de Bernard Kouchner devant la commission élargie de l'Assemblée nationale sur le projet de loi de finances 2009 pour l'action extérieure de l'Etat, à Paris le 5 novembre 2008

Texte intégral

Monsieur le Président Poniatowski, vous m'avez posé une question de grande actualité à propos du président des Etats-Unis qui vient d'être élu, M. Barack Obama. Je me réjouis de cette élection, même si le résultat était attendu depuis quelque temps. La victoire est éclatante, avec 364 grands électeurs contre 162. C'est sans précédent, tout comme la participation qui, alors que le taux record est celui de 1908 - 66 % -, est actuellement estimée à 62 % et devrait être encore supérieure lorsque tous les chiffres seront connus. Cette élection marque le retour de l'Amérique et le retour de l'intérêt du reste du monde pour l'Amérique. Nous en verrons plus tard les résultats.
Le nouveau président, qui entrera en fonctions le 20 janvier et prépare déjà ses équipes économiques et internationales, devra faire face à une double crise : une crise de confiance interne aux Etats-Unis, qui devra être traitée entre Américains, et la crise économique - l'une étant liée à l'autre. L'Amérique est un peuple très dynamique qui va certainement retrouver son optimisme coutumier, quelque peu en berne ces dernières années. Le fait que des erreurs aient été commises n'empêchera pas l'Amérique de rester un grand pays, avec lequel il faudra compter.
Les premières décisions du président Obama porteront sans doute, et c'est compréhensible, sur la situation intérieure des Etats-Unis plutôt que sur la situation extérieure.
La double crise morale et économique aux Etats-Unis se double d'une double guerre, en Irak et en Afghanistan - sans parler des endroits où la communauté internationale ne fait pas grand-chose.
Je me réjouis que notre pays puisse engager avec les Etats-Unis un vrai partenariat - qui n'a rien du suivisme dénoncé par certains. Nous étions en bons termes avec l'administration de M. Bush et nous pouvions discuter de tout, mais nous n'étions pas en accord sur les grands sujets - comme la Syrie et le Moyen-Orient, ou le changement climatique. Les choses vont changer. M. Obama attend ce partenariat. Nous l'avons déjà informé de nos efforts et l'Union lui remettra prochainement un document sur le partenariat transatlantique, qui comporte quatre points.
Le premier de ces points est le multilatéralisme. Malgré le poids que les Etats-Unis conserveront de toute évidence, il ne sera plus question qu'un seul pays décide, pas même dans le domaine économique. Le dollar roi, c'est terminé, et, même si cela ne doit pas se faire du jour au lendemain, il faut que nous puissions arrêter de financer le déficit américain et qu'il y ait dans le monde plusieurs monnaies fortes.
Le multilatéralisme, c'est aussi l'Organisation des Nations unies, pour laquelle il faut pouvoir proposer une réforme qui, cette fois, ira à son terme.
C'est surtout parce qu'il y a eu une vision française, puis européenne - dont le mérite revient au président Sarkozy - que les pays du G20 se réuniront le 15 novembre à Washington pour tracer des pistes. Pour la réforme du FMI, on verra. Nous devrions voir s'esquisser, au début de la présidence de M. Obama, la régulation nécessaire d'un monde devenu fou dans le domaine de la finance - ses déclarations publiques sont très claires à cet égard.
Pour le reste, ce n'est pas à nous de déterminer le format du G20, au sein duquel certains pays se réunissent, depuis la crise de 1998, en marge du G8. Pour anticiper sur la question que posera tout à l'heure M. Loncle, je précise que la France a insisté pour que l'Espagne, huitième puissance économique du monde, trouve sa place dans cette géométrie quelque peu variable. Il y a de grandes chances que cette demande soit satisfaite, mais la réponse ne dépend pas de nous, car les invitations sont lancées de Washington. De fait, il est légitime que, la crise ayant pris naissance aux Etats-Unis, ce soit là qu'on cherche un début de solution. Peut-être d'autres pays suivront-ils, mais il est déjà certain que l'Inde, la Chine et le Brésil participeront à cette négociation.
Le deuxième point abordé dans ce document est le Moyen-Orient. Comment pouvez-vous dire, Monsieur Lecoq, que la France n'est pas présente dans cette région ? Je vous rappelle que la Conférence de Paris a permis de réunir 7 milliards d'euros et que la France est plus présente que les autres pays sur cette question. Avec mes homologues italien et espagnol, M. D'Alema et M. Moratinos, nous nous sommes rendus ensemble au Liban. Aujourd'hui, le président de ce pays est élu - son ministre assistait d'ailleurs hier à la Conférence de Marseille - et le premier échange diplomatique entre la Syrie et le Liban depuis l'époque du mandat et la guerre vient d'avoir lieu, à l'initiative de la France.
L'Iran, l'Irak, l'Egypte, le Hamas et Israël sont autant d'autres éléments évoqués dans ce document.
La France, qui soutient déjà de nombreuses activités palestiniennes, souhaite également prendre sa place en termes politiques afin que l'État palestinien puisse être créé.
Dans une troisième partie, ce document comporte des propositions relatives à l'Afghanistan et au Pakistan. La France, dans le cadre de la Présidence de l'Union européenne, a pris des initiatives à cet égard et j'espère que nous ne serons pas déçus par les Présidences suivantes.
Le dernier point concerne les rapports avec la Russie, à propos de laquelle une stratégie commune - même si elle n'est pas en tous points identiques - devra être mise en place avec les Etats-Unis. C'est d'ailleurs le thème qui sera abordé ce soir dans le cadre des réunions parlementaires organisées au Quai d'Orsay, et je serai heureux de donner à ceux d'entre vous qui souhaiteront y participer plus de précisions sur notre politique vis-à-vis non seulement de la Géorgie, mais aussi de la Russie.
Monsieur le Président Poniatowski, je le répète, nous aurons un partenariat transatlantique, et non pas un rapport de soumission.
M. le Député - Bref, ce sera comme avant !
M. le Ministre - Je ne répondrai pas à cette provocation !
M. le Député - Ce n'est pas de la provocation, c'est la réalité !
M. le Ministre - C'est votre réalité, pas la nôtre !
M. le Député - Il ne faut pas rêver !
M. le Ministre - Si, il faut rêver ! Si les Américains n'avaient pas rêvé, ils n'auraient pas élu Barack Obama !
M. le Député - Ils n'ont pas rêvé : ils ont choisi un nationaliste, comme vous pourrez très vite le constater !
M. le Ministre. Je ne trouve pas insultant de qualifier quelqu'un de nationaliste ; en revanche, comme l'avait dit François Mitterrand à Strasbourg, "le nationalisme, c'est la guerre".
M. le Député - Nous sommes d'accord, mais pas assez de nationalisme, c'est la guerre aussi !
M. le Ministre - J'avais dit que je ne répondrais pas aux provocations. J'en reviens donc à Jean-François Mancel, qui a été assez aimable pour remercier les agents du ministère, en effet excellents - même si l'on me demande de supprimer en trois ans 700 équivalents temps plein sur 16.000, sachant que, dans les administrations, que je fréquente depuis longtemps, il est des endroits où l'on travaille plus que d'autres.
Si la réforme se passe bien, c'est parce que je parle franchement et que je dialogue avec les agents du ministère.
Par ailleurs, un ministre n'est jamais content de son budget et, à cet égard je vous saurai toujours gré d'abonder dans mon sens !
Il reste que non seulement ce budget n'est pas en recul, mais il est en augmentation de 7 %, ce dont je suis assez fier.
Dans le contexte de crise financière, c'est à juste titre que les ONG et l'opinion publique appellent l'attention sur l'Afrique : la nécessaire régulation d'un système financier devenu fou ne doit pas faire oublier l'aide aux politiques de développement des pays les plus pauvres. L'enveloppe supplémentaire de 90 millions est la bienvenue ; nous avons obtenu, en dehors des arbitrages budgétaires, déjà clos, le maintien des capacités d'engagement en matière d'aide.
Cette crise financière aura évidemment des effets déstabilisateurs sur les Etats pauvres, dont les banques sont souvent des succursales de banques occidentales et dont l'économie réelle est également menacée. Elle va provoquer une redistribution des rôles à l'échelle du globe ; notre réseau diplomatique nous sera très utile pour apprécier ces évolutions et tenir pleinement notre place : les ministères des Finances ne sont pas seuls concernés, nous aurons à jouer un rôle direct auprès des populations. Nous participerons à l'application des décisions de Washington, pour lesquelles nous avons également joué notre rôle de proposition.
Je suis bien d'accord avec vous, il faut cesser de gérer les crises au cas par cas ; cela dit, elles nous surprennent toujours. Nous avons un appareil nouveau avec le centre de crises, qui nous met sur un plan d'égalité avec d'autres pays. Cela nous permet d'améliorer notre capacité de prévention. Pour le reste, il est vrai que le "nation-building" n'est pas dans la culture française, mais nous ferons en sorte de rester actifs dans les pays qui ont souffert. Par ailleurs, la nouvelle direction de la mondialisation comprendra des responsables économiques qui pourront jouer leur rôle.
S'agissant du calendrier des réformes, les premières réalisations concrètes seront visibles dès le début 2009 ; mais le Centre de crises dont je viens de parler, réalisé dans un contexte de budget extrêmement serré, en est déjà une. Je vous invite à le visiter si ce n'est déjà fait. Cinquante agents du ministère y travaillent en permanence car, hélas, il se passe des choses tous les jours : ainsi, alors que nous recevions les familles des sept Français enlevés au Cameroun, un ressortissant français travaillant dans une ONG a été enlevé à Kaboul. J'ai appris hier l'intention de journalistes d'aller enquêter au Cameroun ; il se trouve que ce sont des personnes que nous avions déjà fait libérer, mais nous n'allons pas leur interdire de partir pour autant : il n'est pas possible que nous soyons les censeurs des journalistes, qui doivent pouvoir faire leur travail.
Dans l'administration centrale, la création de la direction générale de la mondialisation est prévue pour le début 2009 ; l'opération devrait être terminée à la fin de l'année. Il y aura de réelles nouveautés, comme la création d'un pôle de réflexion sur les religions - laquelle était confiée jusqu'à présent à une seule personne.
Dans les postes, l'évolution des effectifs traduira une modulation selon les missions confiées aux ambassades : missions élargies, missions prioritaires ou présence diplomatique. J'étais ces derniers jours en Afrique avec le ministre anglais des Affaires étrangères, David Miliband : son pays n'a de représentation diplomatique ni en République centrafricaine, ni au Tchad. Nous, nous en avons partout. Notre réseau diplomatique va demeurer le deuxième du monde, mais nous l'adaptons à l'évolution de ce monde.
En ce qui concerne les opérateurs, Monsieur Mancel, la transformation en EPIC de CulturesFrance et de l'opérateur "mobilité" s'accompagnera d'une évolution de la tutelle de l'Agence française de développement. Le projet de décret est en cours. Nous souhaitons que davantage de décisions soient prises au niveau local, même si l'AFD continue à jouer son rôle de banque et d'investisseur.
La réforme concerne aussi les bâtiments, avec le regroupement de notre dispositif sur trois sites parisiens, auquel s'ajoute celui de Nantes. S'agissant de la gestion des ressources humaines et du dispositif de deuxième carrière, nous avons eu une première avance de trésorerie pour un premier dispositif pour gérer la carrière de vingt diplomates ; nous avons traité quatorze cas. Pour la deuxième carrière, nous allons demander une deuxième enveloppe à M. Woerth, qui, je l'espère, sera d'accord. Nous souhaitons en effet que les ambassadeurs, à partir de cinquante ou cinquante-cinq ans, puissent entamer une deuxième carrière. Dans le "mouvement" que je m'apprête à soumettre au président de la République, toutes les propositions concernent des personnes de plus de soixante et un ans.
Il n'y a pas lieu de mettre au placard des personnes qui remplissent parfaitement leurs fonctions mais, en même temps, il faut développer l'idée qu'une deuxième carrière est possible, surtout dans le privé.
Le Livre blanc préconisait l'ouverture de "budgets-pays" pour doter l'ambassadeur d'un outil de pilotage. Ils existent déjà dans de grands pays fédéraux comme le Canada ou l'Allemagne. Dans ce dernier pays, il faut réduire un peu le nombre d'agents - ils sont actuellement 400 - et déplacer les postes vers des pays émergents comme l'Inde ou la Chine. Le dispositif se heurte cependant à une difficulté pratique, le ministère peinant à identifier l'ensemble des dépenses d'un poste donné, mais nous nous inspirons de l'expérimentation allemande.
Pour mettre en place des rémunérations différentes, il faudrait que vous nous aidiez.
En ce qui concerne les attachés économiques et bientôt environnementaux, nous dépendons d'autres ministères. Nous voulons récupérer des postes dans le budget des Affaires étrangères. En effet, il est inconcevable que nous réalisions la réduction de 700 équivalents temps plein en trois ans si le nombre d'attachés économiques et autres ne diminue pas. Mais nous ne possédons pas d'outil pour vérifier l'exhaustivité des données transmises par les autres ministères.
Par souci élémentaire d'équité, nous souhaitons soumettre la mesure de gratuité de la scolarité à un double plafonnement. D'une part, le tarif de l'inscription sera plafonné au niveau du coût moyen d'un lycéen scolarisé en France, soit 7 000 ou 8 000 euros. D'autre part, l'exonération sera accordée en fonction du revenu parental, les associations proposant un plafond de 150 000 euros par an, ce qui me semble un peu élevé.
Madame Colot, le CIMEE, qui était chargé de mesurer les moyens de l'Etat consacrés à son action extérieure, ne s'est réuni qu'une fois entre 1997 et 2006. Les équipes du Livre blanc ont donc proposé la création de CORINTE, le Comité des réseaux internationaux de l'Etat à l'étranger. Nous sommes en train d'élaborer les instruments juridiques nécessaires à sa création, qui devrait intervenir début 2009. Les ministères des Affaires étrangères, des Finances, de la Défense et de l'Intérieur seront représentés dans CORINTE, qui sera placé sous la présidence du Premier ministre ou, par délégation, du ministre des Affaires étrangères. Tout ministre concerné par un point précis de l'ordre du jour sera convoqué.
L'externalisation doit être envisagée sous deux angles. Premièrement, avant d'y songer, il convient d'effectuer une analyse prévisionnelle des coûts et des avantages à court et long terme. Deuxièmement, la qualité du service dépend du sérieux du prestataire - en matière de visas ou de gardiennage, nous avons eu de très bonnes expériences et de très mauvaises. En tout état de cause, l'externalisation ne doit pas être totale, mais encadrée par nos services, notamment pour garantir la sécurité. Au total, une vingtaine de postes seront supprimés chaque année au titre de l'externalisation. A compter de 2009, le ministère pourra recycler les économies de masse salariale en crédits de fonctionnement, ce qui permettra de financer des prestations de services dans nos ambassades.
La Caisse des Français de l'étranger reçoit le concours de l'Etat depuis le 1er juillet 2006. Les modalités d'abondement du budget d'action sanitaire et sociale de la Caisse sont fixées par convention conclue chaque année avec le ministère des Affaires étrangères. Le coût des prestations et la prise en charge différant énormément d'un pays à l'autre, nous devons intervenir pour égaliser les situations. Le taux de participation est fixé annuellement par arrêté conjoint des ministères du Budget, des Affaires sociales et des Affaires étrangères. Nous souhaitons le maintenir au niveau de 2008 : 33 %.
Les frais de scolarité ont certes augmenté, surtout du fait de l'amélioration de l'outil, qui entraîne une hausse des frais de fonctionnement. J'ajoute que les frais de scolarité augmentent de 6 à 7 %. Nous nous efforçons de trouver un juste milieu entre la gratuité et le sacrifice des familles, même si cette mesure généreuse pénalise un peu les élèves locaux, ce qui n'est pas le but visé. La contribution des entreprises continuera d'être prise en compte, au moins dans une certaine mesure.
Monsieur Rochebloine, je vous remercie pour votre projet d'amendement.
L'enveloppe des bourses sera malheureusement limitée cette année ; avec 5 millions d'euros en moins, il sera extrêmement difficile de respecter les engagements présidentiels.
La taxe de 2 % sur les établissements conventionnés doit être intégrée dans le calcul.
L'amélioration du fonctionnement de l'AEFE est à mettre au crédit de Maryse Bossière et d'Anne-Marie Descôtes, la seconde ayant succédé à la première à la présidence de l'Agence.
Nous ne sommes pas les seuls à pâtir de l'absence de fongibilité asymétrique, pourtant prévue par la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances. La mesure sera envisageable une fois résorbés les déficits sur l'ensemble des crédits des masses salariales de tous les ministères. Pour redresser la situation et équilibrer le budget, chacun doit consentir des sacrifices.
L'organisation de la francophonie va être regroupée sur un site unique, la Maison de la Francophonie, dans un immeuble de l'avenue Bosquet qui sera mis à sa disposition pour cinquante ans. Cet immeuble a été acquis par la SOVAFIM, Société de valorisation foncière et immobilière, qui appartient à l'Etat, pour 59 millions, qui entrent donc dans les caisses de l'Etat. La SOVAFIM le louera au ministère des Affaires étrangères pendant cinquante ans pour 5,3 millions par an. Vous voyez donc que nous ne faisons pas que de mauvaises opérations ! L'organisation contribuera à hauteur de la cession de ses biens en France, soit 12 millions qui viendront en déduction du loyer. Quant au projet de loi autorisant l'approbation de la convention signée à Québec le 18 octobre, il sera présenté au Parlement au plus vite, mais je ne peux pas encore donner de date. Le ministère du budget nous impose trop souvent une logique purement comptable.
J'en viens aux questions de Mme Delaunay.
CampusFrance va rejoindre l'opérateur unique qui sera mis en place et étendre ses compétences à la coopération technique. Les espaces CampusFrance dans les ambassades connaissent un grand succès et j'ai au moins pu maintenir le budget des bourses pour les étudiants étrangers. J'ai pu constater en Egypte que les demandes de visas pour la France - même lorsqu'elles résultent de bourses égyptiennes - sont très difficilement satisfaites, et ce n'est pas le ministère de l'Immigration qui est en cause. Certes, il faut choisir nos étudiants : nous ne pouvons pas prendre n'importe lequel, dans n'importe quel domaine, mais il faut absolument satisfaire davantage de demandes sous peine de voir la francophonie régresser. Nous disposerons dans les prochaines semaines d'un excellent rapport sur ce sujet de l'orientation et l'accueil en France des meilleurs étudiants étrangers, le rapport Gelas-Lunel-Cohen, dont il faudra nous inspirer.
Quant à parler d'un désengagement du ministère du domaine de l'audiovisuel extérieur, je vous en prie ! Il n'y a aucun désengagement, et une comparaison avec l'époque où le ministère en était chargé vous le montrera. Il y avait bien longtemps qu'un ministre des Affaires étrangères n'avait pas visité RFI. Pour des raisons qui me sont propres, puisque ces décisions peuvent concerner une personne qui m'est proche, le budget est géré à Matignon. Mais le ministère continue à avoir des agents spécialisés et un droit de regard dans ce domaine. Pour ce que j'en sais, le budget n'a pas été diminué et je pense que vous aurez même de bonnes surprises, en termes de coordination, d'efficacité et de réseau.
En ce qui concerne la médecine, la situation va changer. Lorsque j'étais ministre de la santé, qu'il s'agisse du fonds mondial de l'ONU, du réseau ESTHER de jumelage hospitalier ou d'Unitaid, par exemple, nous n'avons jamais pu travailler avec le ministère des affaires extérieures, qui professait un mépris certain pour ces médecins qui ne connaissent rien à la diplomatie. Dorénavant, le ministère va être doté d'une direction médicale sérieuse, qui va nous permettre de tirer parti de l'énorme engagement financier disponible - 300 millions par an pour le fonds global. La France en est le deuxième contributeur mondial : personne ne le sait ni n'en tire un agréable sentiment de satisfaction morale, mais, sur le terrain, les malades en bénéficient. La direction étudiera donc des propositions qui auparavant étaient trop souvent rejetées.
Pour ce qui est de la Roumanie, beaucoup de ses médecins sont formés en France. Les jumelages hospitaliers fonctionnent désormais, mais il faut encore améliorer la transparence et moderniser nos rapports. Il y a une proximité extraordinaire entre ces deux médecines, qui avait été quelque peu oubliée. Cela aussi, c'est de la francophonie ! La politique d'influence ne s'exerce pas uniquement par un envoi de troupes théâtrales, mais passe aussi par le domaine de la religion ou de santé publique. Nous avons une formidable sécurité sociale, qui fait encore l'admiration du monde - à ce propos, Barack Obama donne une belle perspective aux Américains en voulant donner une couverture à 47 % d'entre eux - et la médecine française est très connue à l'étranger. C'est important.
Monsieur Loncle a souligné que certains crédits avaient été épargnés, et je l'en remercie. Notre budget de fonctionnement a été complètement maintenu. Nous devons maintenant payer les pensions du système d'éducation, avec 120 millions, et assurer sa gratuité avec 20 millions supplémentaires. Le budget de l'enseignement à l'étranger progresse donc, mais il faut en même temps financer le développement de son réseau.
Quant aux crédits de l'audiovisuel extérieur, je répète qu'ils ne baissent pas. Ils seront en revanche mieux organisés, au sein d'une holding, et vous verrez très vite les résultats. Certes, certains crédits n'évoluent pas comme je le souhaiterais, tels que ceux de l'action culturelle. Croyez bien que je réclame ! Mais il est clair que la France doit équilibrer son budget : n'importe quel gouvernement le ferait, et je dois, comme les autres, prendre ma part dans cet effort.
Quant à l'Union pour la Méditerranée, Monsieur Loncle, auriez-vous oublié la réunion d'hier à Marseille ? Il est déjà ardu de se mettre d'accord à vingt-sept, bien que les pays d'Europe du Nord soient très bien organisés autour de la Baltique, alors imaginez ce que cela pourrait être à quarante-trois ! Or, hier, pour la première fois, tous ces pays se sont parlés, à l'exception de la Libye, qui était absente. De la Syrie à la Mauritanie, ils se sont accordés pour que la Ligue arabe soit présente à tous les niveaux, y compris dans les réunions de préparation à Bruxelles. C'est un grand progrès par rapport au processus de Barcelone - dont d'ailleurs l'Espagne nous a proposé de supprimer le nom comme référence, pour ne garder que l'intitulé d'Union pour la Méditerranée. Le secrétariat de l'UPM est assuré à Barcelone et il y aura un secrétaire général du Sud, dont j'espère qu'il sera tunisien. Il y aura aussi un secrétaire général adjoint israélien, pour la première fois dans l'existence de l'Etat d'Israël, en même temps qu'un secrétaire général adjoint palestinien, alors que l'Etat palestinien n'est même pas encore créé. Pas mal, non ? Donc, l'Union pour la Méditerranée fonctionne. Le secrétaire général viendra du Sud ! Il y aura six secrétaires généraux adjoints, pour traiter des six priorités établies.
Quant au gouvernement économique de l'Eurogroupe, pourquoi se plaindre ? Quand on a une monnaie et une banque communes, on peut avoir une réflexion commune. C'est d'ailleurs conforme au souhait de la gauche.
En ce qui concerne l'Amérique latine, notamment le Venezuela, l'Equateur et la Colombie, nous avons beaucoup travaillé. Nous devons recevoir sous peu, s'il est libéré de toute obligation judiciaire, l'homme qui a permis la libération d'un otage des FARC. Nous avons des rapports excellents avec l'Argentine. Le dialogue avec Cuba vient d'être rétabli, et un sommet entre l'Union européenne et le Brésil est prévu en décembre. Je ne pense pas que nos ambassadeurs en Amérique latine s'en plaignent.
Quant à l'Afrique, elle évolue et la démocratie y progresse même si c'est parfois difficile - le Sénégal en est un exemple. J'espère que les élections en Côte-d'Ivoire, initialement prévues pour novembre, auront lieu au début de l'année 2009. Au Burkina-Faso voisin, le développement se fait en harmonie, bien au Togo, au Cameroun pas si mal que ça. Il y a une évolution en Afrique francophone, à comparer aux difficultés de certains pays d'Afrique anglophone : je vous rappelle les crises qu'ont connues le Kenya et le Zimbabwe, qui n'est plus un modèle depuis longtemps. A Dar es Salam, avec David Miliband, nous avons mesuré combien l'Union européenne représente probablement un modèle d'avenir des relations interafricaines. On compte sur les grands pays que sont par exemple la Libye, l'Afrique du Sud, l'Ethiopie ou la Tanzanie, pour qu'ils travaillent ensemble. Ce n'est pas facile, mais c'est comme cela que naissent les responsabilités nationales africaines, et il faut les encourager. Ne limitons pas le débat à la "Françafrique" ! Je n'ai d'ailleurs jamais su ce que cela voulait dire. Il y a des gens qu'on ne peut pas fréquenter, et d'autres, qui font partie de la Françafrique, qui sont très fréquentables. Je vous rappelle par ailleurs que la croissance économique moyenne de ce continent est de 6 %, ce qui n'est pas si mal.
S'il convient, Madame Aurillac, de développer la francophonie, celle-ci ne peut pas se limiter à la promotion du français : elle doit évoluer vers des propositions françaises qui soient suffisamment appétissantes. Je suis bien évidemment favorable au maintien de notre réseau des lycées français à l'étranger et des Alliances françaises, dont je suis très fier. Mais nous devons réfléchir à des formes de développement commun, avec les Chinois en Afrique, par exemple, faute de quoi nous ne ferons pas progresser le français. Il faut également favoriser les publications bilingues, pour que les anglophones puissent accéder à la pensée française. La francophonie, ce n'est pas seulement la langue française : c'est aussi une tradition de la démocratie et des Droits de l'Homme.
Les crédits de l'AEFE sont répartis entre le programme 185, pour 415 millions d'euros, et le programme 151, pour 86 millions d'euros. L'augmentation de 123 millions d'euros au titre du programme 185 s'explique pour 120 millions par la couverture des pensions civiles, le complément servant à couvrir l'augmentation de la masse salariale et à financer le déficit de fonctionnement.
Monsieur Lecoq, j'ai obtenu 90 millions d'euros d'engagement supplémentaires en gestion pour les pays d'Afrique.
Comment vous convaincre, par ailleurs, que l'alignement de la France sur les Etats-Unis est une fiction absolue, au plus un souvenir ? En Géorgie, où est l'alignement ? Où était l'Amérique ? Nulle part !
Le cas de la Géorgie nous apprend une fois de plus que nous avions eu raison de nous opposer à l'octroi du plan d'action pour l'adhésion à l'OTAN. Voilà pourquoi, comme tous les pays fondateurs de l'Union européenne, nous continuerons sans doute à nous y opposer, ainsi que pour l'Ukraine. Ce n'est pas ce qu'on peut appeler un alignement sur l'OTAN. Par ailleurs, les opérations en cours en Afghanistan et au Kosovo le sont sous mandat des Nations unies.
La Feuille de route transatlantique que les Vingt-sept proposeront vous confirmera que nous ne sommes pas alignés, mais partenaires des Etats-Unis, y compris au Moyen-Orient, où le processus d'Annapolis a été initié par les Américains. En Palestine, nous avons tout fait, depuis la Conférence de Paris, pour que l'arrêt des colonisations soit effectif et que les projets soient menés à bien. A Jenine et bientôt à Hébron, les missions de maintien de l'ordre ont été remises à l'autorité palestinienne. Ces évolutions positives sont le fait de l'Europe, et pas seulement des Américains.
En Afghanistan, c'est compliqué. Nous menons des consultations. Le président Karzaï a déclaré qu'il voulait bien parler avec des Taliban. Même si le Mollah Omar n'est pas ma tasse de thé, je pense et je répète devant vous que la solution en Afghanistan ne sera pas seulement militaire.
Je ne suis pas forcément d'accord avec vous, Monsieur Folliot, en ce qui concerne la classification des ambassades. Notre représentation diplomatique au Honduras ou en Mongolie se limite à quelques personnes. N'est-il pas légitime de les transformer en représentations mieux spécialisées ? Les ambassades à missions élargies, quant à elles, disposeront d'une compétence générale, sans forcément compter une pléthore d'agents. Les effectifs de notre ambassade en Allemagne devraient ainsi diminuer de moitié et ses services être regroupés. Savez-vous que notre ambassadeur, qui fait très bien son travail, ne connaissait pas l'existence de tous ses services ? Ce n'est pas le recensement et le regroupement des services de l'ambassade qui porteront atteinte à nos rapports avec l'Allemagne.
Si la France n'est pas toujours la meilleure en "post-conflit" - regardez ce qui se passe en Côte-d'Ivoire - il faut aussi regarder ce qui se passe en Yougoslavie ou en République démocratique du Congo, avec le Rwanda et la Tanzanie : il n'y a jamais eu en Afrique d'exemple de coopération entre des pays qui y étaient traditionnellement concurrents, comme la Grande-Bretagne et la France. Cela a été très utile, et le sommet de Nairobi devrait consacrer la mise en place des accords signés par la République du Congo à Goma et à Nairobi. Leur application est déjà très satisfaisante puisque 1.100 anciens membres des ex-FAR Interahamwe sont retournés au Rwanda. Vous verrez que cette expédition a été utile, et nous développons, en association avec des ONG anglaises et françaises, notre savoir-faire en matière de post-conflit.
Q - (à propos de la sécurité en Europe)
R - Monsieur Boucheron, je réponds, en même temps qu'à vos questions, à celles de M. Garrigue, qui portent sur les mêmes points.
Sur la sécurité en Europe, la rencontre entre le président Sarkozy et le président Medvedev à Evian a été une occasion de commencer à répondre, comme la France s'y était engagée, à la déclaration du président russe. Nous avons également rencontré à cette occasion M. Tadic, président de Serbie. Le président de la République a proposé à M. Medvedev l'organisation d'un sommet de l'OSCE en 2009. Nous travaillons sur l'idée d'un espace de sécurité en Europe, proposée par le président russe. Cette question recoupe bien évidemment celle de l'OTAN. Nous avons maintenu le dialogue avec la Russie. Le 14 novembre se tiendra à Nice la rencontre Union européenne-Russie, dans le cadre de l'accord de partenariat et de coopération déjà existant. Pour ce qui est du futur accord de partenariat, élargi et plus précis, les rencontres n'ont pas été suspendues, mais reportées, et nul ne songe à s'y soustraire.
Quand on parle de l'OTAN, il faut tenir compte de la réalité et ne pas s'abandonner à ses fantasmes. La France a été la première à dire qu'il fallait continuer à parler avec la Russie, et nous le faisons très largement - et pas seulement, Monsieur Myard, à la triste occasion de cette crise en Géorgie, mais parce que la Russie, qui est notre voisine, est un grand pays et modifie toute sa structure depuis vingt ans et que, si nombreuses que soient les critiques qu'on peut formuler à son égard, il faut aussi nous féliciter de cette évolution. Le langage de M. Poutine est certes souvent difficile à accepter, tout comme la politique de force. Il nous faut toutefois rester conscients aussi que les frontières imposées aux Russes - avec notre accord - par leurs propres dirigeants, M. Eltsine et M. Gorbatchev, ne leur conviennent pas à tous, car la Crimée, Sébastopol et Kiev représentent beaucoup pour eux. Ce n'est pas le cautionner que de le dire. Nous en tenons compte - et peut-être un peu trop pour le président de la République. De même, les pays qui ont rejoint récemment l'Europe des Vingt-sept ne peuvent pas avoir la même attitude que nous, car ils ont vécu du temps de l'Union soviétique un vrai martyr, et nous n'étions pas de leur côté, trop heureux en quelque sorte d'être à l'abri de l'autre côté du mur de Berlin. Ces pays n'ont pas la même psychologie ni la même expérience historique. Les pays baltes vont très certainement réagir à la position que nous présentons dans le Document transatlantique et nous exprimer leur désaccord pour une reprise des négociations avec la Russie - ce qui ne sera sans doute pas le cas de la Pologne. Les vingt-sept pays membres ont une histoire différente et il est plus facile de maintenir l'unité dans la crise. Ce que nous avons fait à propos de la Géorgie est tout à fait inédit, mais la question des relations avec la Russie ne manquera pas de soulever des protestations.
La proposition de M. Medvedev est attentivement examinée et nos rapports avec la Russie sont francs. Si la France n'avait pas exercé la présidence, la situation de la Géorgie aurait été beaucoup plus difficile. Les troupes russes seraient depuis longtemps à Tbilissi et auraient chassé le gouvernement de M. Saakachvili.
Même si les choses ne seront pas forcément comme on le croit, l'élection de M. Obama représente un grand changement. M. Obama est l'héritier du combat des droits civiques et, si ce n'est pas parce qu'il est noir qu'il est un bon président, il faut tout de même noter qu'il est noir. Mais c'est bien parce qu'il est bon qu'il a été élu, parce qu'il représentait de formidables propositions et un changement total de notre vision : nous retrouvons l'Amérique que nous aimons. Sa personnalité même apporte une expérience que nous n'aurions pas pensé voir aussi vite. Souvenez-vous du film "Devine qui vient dîner ce soir ?" de Stanley Kramer, avec Sidney Poitier, en 1967 : une bonne famille américaine rejette sa fille qui veut épouser un Noir. C'était hier ! Les choses sont allées très vite et je salue l'efficacité de la démocratie américaine.
Q - (à propos de l'Iran)
R - Pour ce qui concerne l'Iran, il est évident qu'il faut dialoguer, et c'est précisément ce que déclare M. Obama. Nous y sommes allés, mais il ne s'est rien passé. Sans doute les Iraniens veulent-ils dialoguer d'abord avec les Américains, mais l'espace de discussion iranien ne permet pas actuellement un vrai dialogue, qui doit être institutionnalisé et, en quelque sorte, externalisé. On nous propose en effet toujours de poursuivre le dialogue à Téhéran, mais nous avons un petit problème par rapport à M. Ahmadinejad. Je me suis souvent rendu en Iran et j'ai constaté, en parlant avec eux, l'attraction des étudiants pour l'Amérique, que vous évoquez. Toujours est-il que les élections, relativement contrôlées, mais sans doute pas toujours complètement truquées, amènent à chaque fois au pouvoir le parti des ayatollahs. Nous rencontrons M. Larijani ou M. Velayati, mais les élections récentes ont plutôt renforcé le pouvoir de M. Ahmadinejad. Je rappelle que le délégué américain participait à la dernière réunion tenue à Genève, mais que cela n'a encore rien donné. Nous continuerons cependant le dialogue, car nous ne voulons pas qu'il n'y ait que des sanctions.
A ce propos, un mot de la triche : pendant que nos entreprises s'abstiennent d'investir en Iran pour se conformer aux sanctions, certains de nos amis le font.
M. le Député - Il faut investir !
M. le Ministre. Non, il ne faut pas le faire dès lors que des sanctions ont été décidées collectivement.
M. le Député - Les sanctions, c'est l'échec d'une politique ! Les Américains ont décrété une cinquantaine de boycotts et d'embargos à travers le monde et ils se prennent les pieds dans le tapis.
M. le Ministre. Et l'Afrique du Sud ?
M. le Député - C'est le seul exemple !
M. le Ministre. C'est pour cela que je le cite. Sans être, tant s'en faut, partisan des sanctions, il me semble que celles qui visaient précisément le système bancaire ou certains riches iraniens ont eu un certain succès. Je n'en reste pas moins profondément favorable au dialogue, que je m'efforce de mener, jusqu'à ces jours-ci - mais nous avons été déçus.
Q - (à propos de l'OTAN)
R - Quant à l'OTAN, il n'y a pas lieu de faire une fixation. Au Kosovo, j'ai travaillé avec l'OTAN et n'ai pas senti de marque américaine. En fait, nous n'employions même pas les Américains - sauf deux fois, dont une à Mitrovica, où nous avons vite arrêté de le faire. Les autres pays participants suffisaient largement. En Afghanistan, deux opérations coexistent - Liberté immuable et la Force internationale d'assistance de sécurité ou FIAS. Bien que cela soit techniquement très difficile, je suis très partisan d'un commandement commun.
Vous aurez le 15 décembre une surprise en matière de défense européenne. Le président de la République a déclaré que, s'il n'y avait pas d'avancée en la matière, la France ne réintégrerait pas la totalité des structures de l'OTAN - cela ne concerne, en pratique, que le Comité des plans de défense car nous participons déjà à toutes les autres structures, comme d'ailleurs à toutes les opérations. Rien ne nous oblige jamais à participer à une opération de l'OTAN. Les opérations en Afghanistan et au Kosovo, quant à elles, relèvent du Conseil de sécurité des Nations unies, au titre du chapitre VII de la Charte des Nations unies. Le président de la République a répété devant les officiers réunis à la Porte de Versailles pour la présentation du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale que le plein retour de la France à l'OTAN était subordonné aux progrès de la défense européenne. Sans préjuger de ce que pourrait vous dire le ministre de la défense, je sais que ces progrès en matière de défense, de capacités de planification et de démarches communes vous étonneront. Nous verrons bien lors du sommet de l'OTAN qui doit se tenir à Strasbourg-Kehl. Pour l'instant, le seul geste que nous ayons fait a été de refuser le plan d'action pour l'adhésion - le MAP - pour l'Ukraine et la Géorgie.
Il faut bien évidemment dialoguer avec le nouveau président américain à propos de l'OTAN et revoir cette stratégie. Le monde a changé et n'est plus séparé en deux. Nous ne sommes plus face aux forces du Pacte de Varsovie.
Il n'est pas question, Monsieur Guibal, de négliger la scolarisation des enfants étrangers, qui est bien notre meilleur vecteur d'influence, mais il ne faut pas inventer l'argent que nous n'avons pas. On ne peut pas dire à la fois que nous allons rééquilibrer notre budget et cesser de vivre à crédit et, dans le même temps, que nous voulons plus d'argent pour nos ministères. J'ai pris le parti d'accepter la réduction de certaines dépenses de mon budget, et je participe, en discussion avec les agents, à une réduction aussi humaine que possible du nombre de postes. La suppression prévue de 700 équivalents temps plein sera absorbée par les 900 départs en retraite qui interviendront dans les trois prochaines années, pour lesquels 200 postes seulement seront renouvelés. Je connais bien des services de mon ministère où les gens travaillent jusqu'à minuit, mais aussi d'autres services où une réduction d'effectifs est peut être possible pour les tâches à accomplir. Nous nous efforcerons d'harmoniser ensemble la situation. Cela dit, Monsieur Guibal, je ne serais pas opposé à un budget plus généreux.
Je précise en outre que nous n'avons pas d'ambassade commune avec l'Allemagne, pas même à Maputo ou au Bangladesh, où les deux ambassades, qui ont des murs communs, ont bien deux têtes distinctes. Nous établirons en revanche, compte tenu notamment des accords de Schengen, des consulats communs.
Le lycée de Pékin est un bon exemple de la nécessité d'un financement différent, auquel le secteur public participe. Mme Lagarde et moi-même avons donc prévu une réunion entre les possibles bailleurs de fonds du secteur privé intéressés à la présence française en Chine, et je m'en félicite.
Pour ce qui est des partenariats public-privé, nous avons essayé de déléguer la gestion aux entreprises, ce qui n'est pas toujours facile. Un tel partenariat est engagé avec succès pour l'ambassade de France à Tokyo.
Pour la carte géographique, de nombreuses initiatives sont engagées.
Quant aux constructions neuves, la question est vaste.
Pour le lycée de Dakar, les travaux, d'un montant de 21 millions d'euros, ont commencé en septembre. La construction du lycée d'Ho-Chi-Minh-Ville, d'un montant de 4,2 millions d'euros, a commencé au premier trimestre. Quant au lycée du Caire, qui représente 15 millions d'euros, il faudrait déjà l'agrandir, du fait du formidable appétit de français de nos amis Egyptiens, mais nous n'avons pas assez d'argent. A la suite de l'abandon du montage en contrat de partenariat, ce projet fait l'objet d'un concours d'architecture et l'étude a débuté cet été.
Le concours d'architecture pour la réfection du lycée français de Vienne, d'un montant de 3 millions d'euros, devrait être lancé à la fin de cette année.
Il faut citer encore la construction de l'école Max-Marchand à Alger - où il faudrait aussi disposer de plus de fonds -, l'extension de l'école Saint-Exupéry à Madrid, pour 6,5 millions d'euros et pour laquelle la maîtrise d'oeuvre sera désignée au cours de l'année, et la construction du nouveau lycée d'Ankara, pour 8,5 millions d'euros, dont la maîtrise d'ouvrage a été transférée à l'AEFE.
Monsieur Rochebloine, les réductions d'effectifs s'étaleront de la façon suivante : 190 suppressions en 2009, 255 en 2010 et 255 en 2011 - soit 700 au total. Durant cette période, 900 personnes partiront à la retraite ; un fonctionnaire titulaire sur trois ne sera pas remplacé. En ce qui concerne la répartition par programme, 315 emplois vont être supprimés dans les métiers politiques, la gestion et la coordination des actions de l'Etat, 135 dans les métiers consulaires, 90 dans le secteur culturel et scientifique et 160 dans la coopération. Bien sûr, je regrette l'ancien temps de la coopération, mais nous ne sommes plus dans le même monde.
Q - (à propos de la création d'une direction de la mondialisation au sein du ministère des Affaires étrangères)
R - Monsieur Carayon, le ministère des Affaires étrangères dispose d'une mission des fonctionnaires internationaux. Il n'est pas extrêmement populaire parmi les fonctionnaires français de partir dans une organisation internationale, mais ils sont néanmoins nombreux à le faire.
Concernant les pratiques commerciales, il existe une convention de l'OCDE contre la corruption. Les agents en charge des affaires économiques dans la nouvelle direction nous aideront à agir dans ce domaine. Les nouveaux acteurs de la mondialisation sont, bien entendu, non seulement les ONG, mais aussi les agences et les fondations. Quant aux "think tanks" français, je serais très heureux qu'ils puissent faire rayonner notre diplomatie.
La représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne comporte une "cellule entreprises et coopération" ; mais je reconnais avec vous que le lobbying est pratiqué beaucoup plus efficacement à Bruxelles par d'autres, pour qui ce mot n'est pas péjoratif. Je suis convaincu qu'il faut prêter davantage attention à ce type d'action.
M. le Député - Comment ?
M. le Ministre - En développant l'action de cette cellule.
Q - (à propos de la République démocratique du Congo)
R - En ce qui concerne la République démocratique du Congo, Monsieur Loncle, il n'y aura de force qu'à l'intérieur de la MONUC - dont M. Ban Ki-moon vient de demander le renforcement -, et il n'y aura d'intervention européenne - et non pas seulement française - que pour conforter la distribution de l'aide humanitaire. Pour le moment, les corridors humanitaires sont insuffisamment ouverts par la MONUC ; Alain Le Roy et M. Ban Ki-moon vont donc répartir différemment les 17 000 hommes. Les pays qui se sont déclarés prêts à intervenir pourront le faire dans le cadre de la MONUC. Les pays européens seront certainement sollicités car M. Ban Ki-moon vient de demander 3.000 hommes supplémentaires, 2 bataillons d'infanterie, 2 compagnies de forces spéciales, 18 hélicoptères de transport. Pour notre part, nous n'avons pas fait acte de candidature ; il n'y a donc pas de budget prévu. Le général espagnol qui commandait cette force a démissionné il y a quelques jours, estimant ne pas pouvoir exercer son commandement dans de bonnes conditions - certains contingents ayant constitutionnellement l'interdiction de tirer un coup de feu en dehors de leur pays. Par ailleurs, la MONUC a déjà 83 avions et hélicoptères. Pour le moment donc, nous n'avons pas l'intention d'intervenir.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 novembre 2008