Déclaration de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, sur la prévention et l'accompagement des entreprises en difficultés, à Paris le 23 mars 2009.

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Circonstance : Réunion avec les directeurs et présidents d’URSSAF, à Paris le 23 mars 2009

Texte intégral

Mesdames et messieurs les présidents et vice-présidents,
Mesdames et messieurs les directeurs,
Mesdames, messieurs,
Je suis très heureux de clôturer aujourd'hui vos travaux. Les propos du Président et du directeur de l'ACOSS me confirment dans mon appréciation : je sais pouvoir compter sur le professionnalisme des Urssaf. Vous avez su faire preuve d'une réelle capacité d'adaptation aux attentes des entreprises, toujours au service du financement de la sécurité sociale. Olivier FOUQUET à qui j'avais demandé en 2008 un rapport sur la sécurité juridique des contribuables et des cotisants a bien montré les progrès accomplis ces dernières années. Progrès dans les méthodes de gestion des Urssaf, progrès dans les garanties des droits des cotisants dont les évolutions récentes ont été unanimement saluées.
Au cours de la convention d'objectifs et de gestion 2006-2009, vous avez réussi une évolution profonde du mode de gestion des comptes des très grandes entreprises, gage de plus d'efficacité et de qualité.
Vous avez su renforcer votre implication dans le contrôle et la lutte contre le travail dissimulé : dans l'action que je mène au nom du Gouvernement contre les fraudes, vous êtes un maillon indispensable. Je sais que les évolutions rapides de la réglementation en matière de contributions sociales impliquent une forte capacité d'adaptation des Urssaf. Ces évolutions, vous avez su les accompagner en maîtrisant vos dépenses de fonctionnement et en rationalisant votre organisation avec notamment la fusion des Urssaf infra-départementales : au 1er janvier 2010, l'objectif d'une seule Urssaf par département sera bien tenu et je vous en félicite. Je sais que la mise en place de l'interlocuteur social unique mobilise aujourd'hui très fortement les Urssaf et les caisses du RSI pour surmonter ensemble les difficultés rencontrées au démarrage.
Face à la crise actuelle que nous rencontrons, ce professionnalisme et cette capacité d'adaptation sont essentiels. Vous avez parlé d'une « mobilisation générale », Monsieur le Président, et c'est bien ce dont il s'agit.
La dégradation brutale de la conjoncture appelait en effet des mesures exceptionnelles et rapides. C'est ce que nous avons fait.
Dès l'automne 2008, je vous ai demandé ainsi qu'aux services fiscaux d'octroyer plus facilement des délais de paiement aux entreprises en difficulté.
Dans le cadre du plan de relance, nous avons pris des mesures fortes pour prévenir les difficultés de trésorerie en remboursant immédiatement les créances fiscales que l'Etat aurait normalement remboursées une à plusieurs années plus tard, en remboursant chaque mois et non plus par trimestre la TVA, en accélérant le paiement de la commande publique.
Nous avons aussi supprimé l'obligation d'inscription du privilège du Trésor pour les entreprises qui respectent un plan d'apurement et les seuils et délais ont été allongés : trop souvent, l'inscription du privilège était perçue comme un « marqueur » qui précipitait les difficultés de financement des entreprises ; ce n'est plus le cas depuis le vote de la loi de finances rectificative pour 2008.
Notre objectif est clair : aider les entreprises à franchir un cap difficile sans perdre de vue l'impératif de financement de nos régimes sociaux et de nos finances publiques en général. C'est pourquoi nos mesures d'accompagnement sont ciblées sur les entreprises en difficulté, au cas par cas et je sais que les partenaires sociaux qui gèrent aussi des régimes sociaux sont attentifs comme moi à cet équilibre. Il ne s'agit bien évidemment pas de substituer des délais des créanciers publics au rôle normal des banques dans le financement des entreprises. Nous partons d'un constat simple, réaliste : le financement de nos régimes sociaux exige une économie et des entreprises en bonne santé.
Aider ponctuellement une entreprise qui connait des difficultés de trésorerie passagère, lui éviter la faillite en lui accordant des délais est un meilleur investissement pour l'équilibre de nos finances publiques qu'une action de recouvrement rigide et aveugle. A condition bien sûr que ce soutien soit ponctuel, limité dans le temps. C'est tout l'intérêt de l'analyse au cas par cas que mènent les Urssaf, les services fiscaux et l'ensemble des services de recouvrement.
Je viens de tenir une table-ronde avec les représentants des entreprises pour faire le point sur les difficultés de trésorerie des entreprises et sur les mesures d'accompagnement que le Gouvernement a prises. Ce bilan partagé, nous l'avons dressé avec l'ensemble des organismes de recouvrement, services fiscaux, ACOSS, Unedic et Pôle emploi, RSI, AGIRC-ARRCO.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes et montrent la pertinence de notre action.
Sur 7,2 milliards d'euros de demandes déposées pour des remboursements de créances d'IS ou de crédits de TVA, environ 5,8 milliards d'euros ont déjà été versés, dont 2,1 milliards d'euros à des PME. Alors que cette faculté leur est ouverte depuis cinq semaines seulement, la mensualisation des remboursements de crédits de TVA a déjà été demandée par plus de 8 000 entreprises. Les avances sur marchés publics, payables à la signature, sont désormais de 20 % du montant, et non plus de 5 %. Elles ont représenté plus de 70 millions d'euros versés en février, contre 30 millions d'euros environ en février 2008.
En matière de délais de paiement, les résultats sont aussi parlants. Vous l'avez rappelé, en février, les Urssaf ont octroyé plus de 12 300 délais, presque un doublement en un an. Le même mois, les services fiscaux ont accordé plus de 5 500 plans de règlement représentant plus de 75 millions d'euros. Les actions coordonnées entre les différents créanciers publics progressent et c'est un gage à la fois d'efficacité et de simplification pour les entreprises.
Ce 1er bilan montre l'utilité des mesures prises. Mais la gravité de la situation économique implique d'aller plus loin.
Je souhaite avancer sur 4 axes.
1er axe, assouplir encore les conditions d'octroi de délais de paiement et de remise de pénalités en cas de difficulté. Car l'expérience des premiers mois de la crise a aussi montré que certains dispositifs devaient être adaptés. La mise en place par l'ACOSS d'un site internet rénové et d'un numéro d'appel unique devrait faciliter les démarches des entreprises, vaincre leur appréhension, pardonnez-moi, de s'adresser aux Urssaf. J'ai signé aujourd'hui une circulaire à l'intention du réseau des Urssaf pour vous demander quatre évolutions :
Je souhaite que vous puissiez traiter par anticipation des demandes de délais, même avant l'échéance de paiement des cotisations : plus tôt l'entreprise signale ses difficultés, plus efficace sera la réponse apportée avec l'Urssaf.
Un frein à l'octroi de plans d'apurement est dans certains cas l'obligation d'acquitter au préalable les cotisations salariales. Je ne souhaite pas revenir sur ce principe important mais l'assouplir en période de crise : l'instruction que j'ai signée permettra aux entreprises qui connaissent des premières difficultés de décaler le paiement des cotisations salariales d'un mois dans le cadre d'un plan d'apurement.
Je demanderai aussi aux Urssaf de répondre rapidement aux demandes de délais des entreprises, avec notamment un objectif de moins de 3 jours lorsque la demande est formulée par mail.
En matière de remise des pénalités, exceptionnellement en 2009, les Urssaf remettront systématiquement les 5% de pénalités lorsque le plan d'apurement est respecté ; il n'y aura plus besoin de demande supplémentaire du cotisant. Vous aurez, Mesdames et Messieurs les Présidents et Vice-présidents, un rôle important au sein des commissions de recours amiable pour veiller à la mise en place de cette mesure.
2ème axe, simplifier la vie des entreprises, et notamment des plus petites, grâce à une action coordonnée des organismes de recouvrement. Aujourd'hui, lorsqu'une entreprise est en difficulté, elle doit faire des demandes parallèles de délais à l'Urssaf, à l'assurance chômage, aux régimes de retraite complémentaire, sans garantie d'un traitement homogène.
Demain, à partir du 1er mai 2009, elle pourra formuler en une seule fois sa demande de délai qui sera traitée par chacun des réseaux si elle le souhaite. La forte implication de tous les acteurs, de l'ACOSS, de Pôle emploi et l'UNEDIC, de l'AGIRC-ARRCO ont permis cette avancée en quelques semaines - et je tiens à remercier leurs représentants ici présents, Philippe VIVIEN et Bernard DEVY, Présidents de l'AGIRC et de l'ARRCO, ainsi que les directeurs de l'UNEDIC et de Pôle emploi, Jean-Luc BERARD et Christian CHARPY. La convention commune, en cours de signature, permet aussi de définir des critères communs pour les délais octroyés aux entreprises de moins de 50 salariés. C'est une garantie de plus de lisibilité pour les entreprises. C'est la preuve que les Urssaf, comme les autres organismes de recouvrement, savent faire preuve de réactivité face à des situations exceptionnelles.
3ème axe, mettre en place un dispositif exceptionnel en Outre-mer pour apurer les dettes des entreprises, en particulière difficulté. Je fais la différence entre les difficultés financières réelles de certains employeurs, aggravées par les évènements récents, et les employeurs récalcitrants à remplir leurs obligations sociales et fiscales. Les caisses générales de sécurité sociale, les « Urssaf des DOM », examineront donc les demandes de délais de paiement au cas par cas et appliqueront comme en métropole les mesures d'assouplissement que je viens de présenter. Mais il faut aller plus loin, compte tenu des difficultés économiques générées par les grèves de ces dernières semaines.
Le Gouvernement reconduira le dispositif mis en oeuvre dans la loi d'orientation pour l'outre-mer (LOOM), avec une mesure exceptionnelle d'apurement des dettes et un abandon partiel des créances. Les entreprises et travailleurs indépendants pourront demander d'ici la fin de l'année un plan d'apurement pouvant s'étaler sur 5 ans avec, dans certains cas, une remise des dettes pouvant aller jusqu'à 50%.
Enfin 4ème axe, qui concerne davantage la prévention, améliorer encore les relations avec les fournisseurs de l'Etat. Toutes les entreprises qui pourraient bénéficier d'avances sur marché ne le demandent pas. J'ai donc décidé de mettre un message sur la déclaration de TVA de mai prochain, pour rappeler aux chefs d'entreprise cette possibilité et leur droit à le demander. Pour que tous les ministères la mettent en oeuvre, je vais leur avancer une première tranche de 500 millions d'euros (sur l''enveloppe prévue de 1 milliard d'euros) pour financer la mesure. Je vais écrire, d'ici la fin de ce mois, à tous les ministres, pour leur demander de mettre en oeuvre effectivement ces avances à 20 %, et leur détailler le dispositif budgétaire.
Vous le voyez, Mesdames et Messieurs, nous avons besoin de votre entière mobilisation face à la crise. C'est votre métier, vous l'avez dit : c'est le métier des Urssaf, comme des services fiscaux, de maintenir un haut niveau de recouvrement tout en prenant en compte les difficultés des entreprises.
Vous avez su adapter votre action : le dispositif d'accompagnement et de conseil des entreprises que vous êtes en train de déployer, l'élaboration de tableaux de bord de suivi des difficultés des entreprises le démontrent. Nous avons su travailler ensemble à des solutions novatrices. Je sais pouvoir compter sur votre efficacité et votre professionnalisme dans cette période de crise.
Je vous remercie de votre attention et suis prêt à répondre à vos questions.
Source http://www.comptes-publics.gouv.fr, le 24 mars 2009