Interview de M. Yves Jégo, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, dans "La Croix" le 23 mars 2009, sur la réponse du gouvernement au conflit social de Guadeloupe et Martinique et la préparation des états généraux de l'outre-mer.

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Média : La Croix

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La Croix : Dans quel but revenez-vous en Guadeloupe et Martinique ?
Yves Jégo : D'abord, je veux m'assurer des bonnes conditions d'application des mesures qui ont été prises pour relancer l'activité économique et touristique après la crise. Ensuite, je dois préparer le chantier présidentiel des états-généraux de l'Outre-mer qui viseront à reconstruire un nouveau modèle de croissance et de gouvernance.
La Croix : Peut-on dire que la crise des Antilles est derrière nous ?
Yves Jégo : Au delà des revendications sociales et des angoisses devant la crise mondiale, les Antilles ce sont trouvées en proie à une crise de société. Cette question n'est évidemment pas encore soldée. On l'a vu, par exemple, dans les propos excessifs des uns et des autres ou encore dans l'incapacité des acteurs sociaux à avoir un dialogue fructueux. Il revient aux états généraux, voulus par le Président de la République, d'apporter une réponse durable à cette crise profonde et de poser les bases d'un nouveau modèle de société à partir d'un consensus plutôt que d'un affrontement.
La Croix : Cette crise est-elle spécifique ou peut-elle s'étendre à l'Hexagone ?
Yves Jégo : Comparaison n'est pas raison ! Certes, les interrogations sur la crise mondiale existent partout. Mais les réponses en Outre-mer ne peuvent pas être les mêmes qu'en métropole, car les fondements sociaux et économiques ne sont pas identiques de part et d'autre. Une partie de la crise aux Antilles repose sur une Histoire mal acceptée. En plus, l'éloignement exige des réponses différentes. Chacun s'accorde, en tout cas, pour accepter l'idée d'un nouveau modèle fondée sur le développement économique, la production locale, la diminution des importations et pour oeuvrer à une l'élaboration d'une nouvelle gouvernance, qui doit être davantage basée sur une notion de responsabilités et d'efforts partagés.
La Croix : Quelle garantie apportez-vous aux collectifs intersyndicaux pour l'application des protocoles d'accord ?
Yves Jégo : En ce qui concerne l'augmentation des bas salaires, la garantie est apportée par le droit du travail. Il s'agit en effet, en Guadeloupe comme en Martinique ou à la Réunion, d'accords interprofessionnels signés entre le patronat et les syndicats. L'Etat n'est pas partie prenante dans la question salariale même si nous avons mis en place une adaptation du RSA pour apporter une réponse sociale aux bas revenus. Je note d'ailleurs que cette transformation du RSA n'est que la transposition de ce qui s'applique en métropole. Pour le reste, par exemple le domaine de l'éducation ou du logement, la garantie réside dans la parole de l'Etat. Voilà pourquoi je serai le plus souvent possible sur le terrain pour veiller à que ce que les promesses soient tenue.
La Croix : Comment les états-généraux vont-ils s'organiser ?
Yves Jégo : Ils vont se dérouler sur les mois d'avril et mai, seront coordonnés par le préfet Richard Samuel qui travaille désormais à mes cotés. Les états généraux concerneront l'ensemble de l'Outre-mer. Ils permettront d'aborder tous les problèmes sans tabou. Un site Internet va être très prochainement lancé pour permettre la participation du plus grand nombre. Les ultramarins de métropole seront également associés aux réflexions. Jamais consultation aussi vaste n'aura été organisée dans ces territoires. Une synthèse des propositions sera réalisée en juin, à Paris, et un conseil interministériel arrêtera les décisions début juillet. Dans ce cadre le Président de la République se rendra, comme il l'avait promis aux Antilles sans doute en Avril.
La Croix : Vous vous en êtes pris à l'existence de monopoles dans la vie économique antillaise. Comment y remédier ?
Yves Jégo : C'est l'un des enjeux des états généraux. Pour casser l'économie monopolistique, il faut permettre la concurrence et organiser la transparence. Il s'agit là d'un nouvel ordre économique, dont l'Etat doit être le garant.
La Croix : Les économies antillaises peuvent-elles vraiment se relever de la crise ?
Yves Jégo : La crise va avoir des conséquences négatives à court terme mais je suis optimiste sur le moyen terme. Les mesures décidées a hauteur de 580 millions vont avoir un effet des cette année et le projet de loi pour le développement économique des Outre-mer, qui a été voté au Sénat le 12 février et doit être discuté en avril à l'Assemblée nationale, va en outre apporter - cela ne s'est jamais vu - 1 milliard 500 millions d'euros d'aide aux entreprises dès 2009 sous forme de baisse de charges et d'impôts. Tout cela s'inscrit dans notre stratégie de croissance présentée en novembre dernier. Nous avons détecté quatre moteurs pour l'économie ultra marine : les énergies renouvelables, l'alimentation, le tourisme et le numérique. Ces secteurs vont bénéficier de plus d'aides que les autres pour entraîner une nouvelle dynamique de formation pour les jeunes et d'emploi fondé sur un renforcement de la production locale. Les atouts des Antilles sont importants et comme après un cyclone le soleil va revenir vite !
La Croix : Avec le recul, comment justifiez-vous la valse-hésitation de l'Etat dans la gestion de la crise ?
Yves Jégo : L'Etat a été présent depuis le début. Chaque échelon hiérarchique a tenu son rôle quand cela était nécessaire : le préfet, le secrétaire d'Etat, la Ministre, le Premier ministre, le Président de la République. Face a une crise aussi profonde, que personne n'avait sérieusement anticipé, chacun à fait son devoir avec à l'esprit un seul objectif : éviter le drame.
Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 25 mars 2009