Déclaration de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, sur le projet de loi sur les jeux et les modalités de lutte contre la dépendance, Paris le 9 avril 2009.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conférence de presse organisée par "Familles de France", à Paris le 9 avril 2009

Texte intégral

Monsieur le Président,
Madame la Déléguée Générale,
Mesdames,
Messieurs,
Je suis très heureux d'être parmi vous aujourd'hui et d'avoir été convié par « Familles de France » à cette conférence de presse.
Je souhaite profiter de cette occasion particulière pour rendre hommage à l'action de « Familles de France » et saluer son exceptionnelle longévité.
Vous êtes considérés par bon nombre d'entre nous comme l'association historique de défense des intérêts familiaux. Votre association a été fondée au début du siècle dernier, en 1921, et est reconnue d'utilité publique en 1935.
Depuis cette date, vous avez cherché à accompagner nombre des changements sociaux qu'a connus notre société et à encadrer ceux qui vous semblaient problématiques.
Aujourd'hui, un sujet vous mobilise en particulier, la dépendance aux jeux, et vous avez décidé de prendre le problème à bras le corps, en vous dotant d'une structure de prévention et de soutien adaptée aux problématiques des nouvelles technologies. Je suis venu vous dire que je vous soutiens dans votre démarche.
1- La dépendance aux jeux n'est pas un petit sujet, c'est une véritable question de société, et je dirai même plus, un problème de société.
En tant que parent, je partage tout naturellement les craintes et les appréhensions des familles lorsqu'elles doivent faire face au quotidien au comportement dépendant de leurs enfants, de leurs proches ou de leurs amis. Et pour cause ! Il ressort clairement des échanges que nous avons eus avec vous que la dépendance aux jeux en ligne est une forme d'addiction particulière. Elle n'affecte pas uniquement le joueur vulnérable mais également son entourage.
Le joueur adulte dépendant peut, par exemple, voir sa situation financière se détériorer par le recours systématique aux crédits à la consommation ou par un début de surendettement. Il peut aussi voir sa situation familiale bouleversée par une séparation ou un divorce, qui serait le contrecoup direct de son rapport au jeu excessif.
Pour le joueur mineur dépendant, les conséquences peuvent être également dramatiques.
La dépendance au jeu le coupe bien souvent du monde réel, altère sa concentration, et peut dans le pire des cas être une source d'échec scolaire.
Fondamentalement, la dépendance au jeu enferme donc le joueur dans l'isolement, et sa famille dans les difficultés.
C'est pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, que je soutiens l'orientation prise aujourd'hui par « Familles de France » et que j'y suis particulièrement sensible.
Je pense que la dépendance au jeu constitue une source de grande incompréhension dans les familles, car elle est encore largement méconnue et difficile à identifier.
C'est à mon sens en réponse à un véritable phénomène de société que s'inscrivent la création par votre association de ce service dédié au jeu et la mise en place d'une plateforme téléphonique nationale, dont le fonctionnement a été explicité par Mme THERRY et M. BONNET, il y a quelques instants.
II- Rejoignant vos préoccupations, le Gouvernement a fait de la lutte contre la dépendance aux jeux l'un des principes structurant de l'ouverture du marché des jeux sur Internet.
Mon objectif n'est pas ici d'exposer à nouveau, par le détail, le contenu du projet de loi ouvrant à la concurrence les paris et le poker sur Internet.
Je souhaiterais simplement insister sur un volet essentiel de ce texte qui est relatif à la politique de jeu responsable que nous souhaitons mettre en oeuvre. Vous le savez, chaque opérateur qui bénéficiera d'une licence pour exploiter des jeux en ligne auprès des joueurs français devra respecter un cahier des charges extrêmement précis, en particulier sur le volet « lutte contre la dépendance ». Le cahier des charges exigera donc des nouveaux entrants qu'ils respectent une série d'obligations spécifiques, permettant d'empêcher réellement le jeu des mineurs et d'encadrer le jeu des adultes. Le cahier des charges posera à cet égard plusieurs mesures destinées à décourager le jeu excessif :
- d'abord, un système de plafonnement des mises empêchant le joueur de jouer des sommes trop importantes ;
- ensuite, un taux de retour au joueur limité, c'est-à-dire un montant de gains revenant au joueur qui soit modéré, pour réduire l'attractivité du jeu ;
- l'affichage du décompte de temps de jeu, qui permet au joueur de savoir - en temps réel - depuis combien de temps il joue et surtout quel est le montant de ses pertes, afin de permettre une prise de conscience rapide de sa part ;
- mais aussi, la possibilité pour le joueur vulnérable de s'auto exclure selon une procédure facilitée et immédiate : le joueur n'aura pas à réaffirmer sa volonté à plusieurs reprises pour que l'exclusion soit effective (comme c'est souvent le cas sur les sites de jeux) ;
- enfin, chaque site devra mettre à la disposition des joueurs des informations sur le jeu excessif et un programme d'assistance au joueur. Les opérateurs travaillent en lien avec à un organisme d'aide à la prévention et au traitement de la dépendance qui soit agréé par l'Etat et qui soit indépendant des opérateurs structurellement et financièrement.
C'est grâce à la combinaison de l'ensemble de ces modérateurs de jeu que nous pourrons lutter contre la dépendance de façon bien plus radicale que ne le permet la législation actuelle.
Mais bien sûr, toutes ces mesures n'auraient aucune portée si nous ne luttons pas avec une très grande fermeté contre les sites qui n'auront pas de licence une fois le marché ouvert.
En la matière, nous allons, grâce au projet de loi, pouvoir faire des choses particulièrement efficaces, que nous n'avons pas pu faire jusqu'à présent : bloquer l'accès aux sites illégaux et bloquer les transactions financières entre ces sites et les joueurs. Ces deux mesures, sous leur apparence technique, sont, je le répète, fondamentales pour lutter contre le jeu des mineurs et la dépendance aux jeux.
III- Mieux lutter contre la dépendance aux jeux suppose enfin d'améliorer notre connaissance de cette addiction et notre dispositif de prise en charge. Dans ce domaine également, le Gouvernement souhaite profiter de l'ouverture du marché des jeux pour avancer.
C'est pourquoi le projet de loi dispose qu'une partie des recettes sur le poker en ligne, les paris sportifs et les paris hippiques, permettra de financer un programme de lutte contre le jeu excessif, dont la responsabilité incombera à l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé - l'INPES.
Ces moyens financiers supplémentaires nous permettront non seulement de financer des campagnes de sensibilisation des familles et des joueurs, mais également d'investir dans la recherche en matière de dépendance au jeu. Nous avons en effet besoin d'améliorer notre connaissance de la réalité de l'addiction en France puisque, pour l'heure, nous ne disposons que de données mondiales.
Il appartiendra à ce titre au Comité Consultatif des Jeux, que nous mettrons en place, de lancer une enquête épidémiologique spécifique au cas français, permettant de disposer enfin du taux d'addiction en France et d'une analyse encore plus fine des facteurs de risque.
Ce Comité Consultatif des Jeux aura pour mission d'assurer la cohérence d'ensemble de la politique des jeux d'argent et de hasard, quel qu'en soit le mode d'organisation et de régulation, pour les jeux en dur et les jeux en ligne. Il centralisera les informations en provenance des autorités de contrôle et des opérateurs de jeux et veillera au respect des objectifs gouvernementaux attachés à la régulation des jeux, en particulier dans les domaines touchant au risque d'addiction. Il disposera d'ailleurs d'une compétence particulière sur le jeu responsable.
Ce comité rendra des avis aux différents ministres disposant de pouvoirs de régulation en matière de jeux. Il aura vocation à remplacer les comités existants : le comité consultatif pour le jeu responsable et l'encadrement du jeu (COJER) et la commission supérieure des jeux dans le secteur des casinos. Il aura enfin une compétence particulière sur le pari mutuel hippique.
Mesdames et Messieurs, vous le comprenez, nous avons encore beaucoup de travail devant nous pour améliorer la lutte contre la dépendance aux jeux, mais le projet de loi sur les jeux que j'ai déposé en Conseil des ministres le 25 mars dernier est une occasion formidable d'avancer dans ce domaine. Sortir de la situation actuelle est un impératif, car chaque jour, des mineurs, des joueurs et des familles subissent les conséquences d'une offre illégale qui ne respecte pas nos objectifs de lutte contre la dépendance aux jeux.
Une étape importante est en cours : la rédaction du cahier des charges, sur le fondement duquel seront attribuées les licences et l'amélioration de notre connaissance de la dépendance aux jeux. Vous le savez, le Gouvernement a souhaité que Jean-François VILOTTE, actuellement directeur général de la Fédération Française de Tennis, préfigure la future Autorité de Régulation des Jeux en Ligne et donc rédige ce cahier des charges.
Je lui ai demandé de veiller à associer l'ensemble des associations actives dans le domaine de la lutte contre la dépendance aux jeux et le jeu des mineurs, parmi lesquelles figurent notamment « Famille de France », « SOS Joueurs », l'Institut du jeu excessif, « e-enfance », l'UNAF ...
Nous allons donc continuer à travailler étroitement avec vous, comme nous le faisons depuis plusieurs mois. Ce lien étroit avec le mouvement associatif est en effet, à mes yeux, indispensable pour ouvrir le marché des jeux de manière réelle, mais également de manière maîtrisée.
Mesdames et Messieurs, je vous remercie pour votre attention.
Source http://www.familles-de-france.org, le 21 avril 2009