Texte intégral
Mesdames et messieurs,
Je ne suis pas venu vous faire un long discours mais vous apporter mon soutien. Je connais en effet le travail considérable que vous menez dans les quartiers de la politique de la ville et je veux que vous sachiez que je l'apprécie à sa juste valeur.
Vous êtes à l'initiative d'un véritable changement des pratiques, en ayant permis des décloisonnements salutaires et en donnant à la santé sa place de moteur de la vie citoyenne.
Les réseaux de santé sont particulièrement adaptés à la prise en charge sanitaire, préventive et curative, des populations les plus démunies.
Leur souplesse, leur caractère pluriprofessionnel, leur rôle de coordonnateur entre professionnels de la santé, travailleurs sociaux et élus, et leur proximité avec les gens sur le terrain sont, en effet, un gage d'adaptation aux difficultés locales.
Je tenais donc d'abord à vous rendre hommage et à vous en remercier.
La santé de la population de certains quartiers de nos villes me préoccupe en effet constamment et, avec Bernard Kouchner nous menons, je le crois, une politique active.
Il reste encore beaucoup à faire au demeurant.
Les situations sanitaires et sociales, le développement des conduites addictives - que ce soit l'alcool, le tabac, les médicaments psychoactifs, ou les drogues illicites-, la persistance de la transmission du virus du sida, mais aussi l'accroissement inquiétant des maladies psychiques, notamment chez les jeunes, nous renvoient aux injustices sociales avec leur cohorte de souffrances graves.
Le rapport que j'ai demandé à l'INSERM portant sur les souffrances des adolescents est éloquent à cet égard. En France, 7 % des jeunes ont fait une tentative de suicide
C'est une illustration dont nous n'avons pas à être fiers.
La prévention est évidemment l'essentiel. L'éducation à la santé des jeunes des quartiers est l'axe fondamental, si nous voulons éviter les souffrances et contenir les conduites à risques. C'est essentiel si nous ne voulons pas, toujours et toujours, nous enfoncer dans des stratégies réparatrices coûteuses à tout point de vue, en argent comme et surtout en qualité de vie.
C'est très difficile car c'est une tâche obscure, ignorée, ingrate et qui s'inscrit dans la durée. C'est pourtant cette voie que vous avez choisie et qu'on peut lire dans votre charte. Soyez-en encore remerciés.
J'aime assez cette définition de la santé pensée comme un "lieu caché".
La santé, en effet, ne se sent pas et ne se perçoit que par contraste avec la maladie. C'est une sensation intime et personnelle, difficile à aborder. Elle touche à l'être humain dans son ensemble en relation avec tous les secteurs de ses activités, que ce soit sa vie affective, amoureuse, mais aussi relationnelle, sociale et professionnelle. Chacun y aspire et tout le monde y a droit, mais on voit bien à quel point la question est complexe.
Elle est, comme vous le définissez fort bien dans vos réseaux, transversale et décloisonnée, et c'est pourquoi elle ne peut pas s'aborder d'un seul point de vue technicien ou médical. La santé n'est pas non plus à se renvoyer en boomerang du sanitaire et social vers le médical, ou inversement.
Etre en bonne santé, c'est d'abord avoir du travail, un logement, être bien intégré dans son quartier et dans sa ville. On ne peut guérir le corps sans sans se préoccuper des conditions matérielles de vie, sans se préoccuper aussi de l'âme. C'est encore plus vrai pour les inégalités sociales, pour les exclus qui cumulent tant de malaises et tant de maux.
C'est pourquoi la santé publique concerne au premier chef la politique de la ville dont l'objectif de solidarité n'est plus à affirmer.
Dans les contrats de ville actuels la santé a donc toute sa place.
Je voudrais relever ici trois cadres d'action plus spécifiques :
D'abord, dire que les praps qui s'appuient sur des analyses des besoins menés au niveau régional permettent désormais de prendre en compte les spécificités urbaines et favorisent l'émergence de politiques locales de santé.
Les maires ont compris la nécessité de s'impliquer. 78 pour cent des communes de plus de 30 000 habitants ont désormais un délégué à la santé.
Le schéma des services collectifs prévoient eux-aussi des politiques de santé dans les territoires.
Nous avons voulu encourager et renforcer cette dynamique par une mesure prise dans le cadre de Comité interministériel des villes de décembre 1999.
Il s'agit des ateliers santé ville.
Ils sont en train de se mettre en place. Ils ont l'ambitieuse visée d'envisager les questions de santé en tenant compte des besoins des habitants dans le quartier, dans la ville, pour préparer avec eux des projets locaux de santé dans le dialogue entre les professionnels de la santé.
Ces ateliers sont des lieux de rencontre, car la santé est affaire de parole échangée plus que de pouvoir médical.
J'attends de vous, de vos réseaux de santé, qu'ils soient les moteurs de cette impulsion.
Je suis très soucieux, comme vous-mêmes, que nous puissions adopter une posture différente et ne plus parler des habitants en termes de manque : manque de diplômes, manque de travail en quelque sorte des citoyens inférieurs. Il convient au contraire de partir de leurs savoirs, de leur culture de reconnaître leur droit et de les respecter.
Je voudrais, d'autre part, insister sur la formation des équipes soignantes. C'est capital. Car favoriser la transformation des pratiques ne se décrète pas et nécessite de faciliter la vie des acteurs. On peut y répondre par des formations conjointes qui permettent les dialogues entre fonctionnaires, enseignants, postiers, agents EDF, policiers, travailleurs sociaux.
Enfin, il faut aider concrètement les professionnels de la santé à faire face aux difficultés qu'ils rencontrent, pour assurer de bonnes conditions d'accès aux soins de tous.
Prochainement j'organise une table ronde au sujet des problèmes d'insécurité pour échanger à ce propos et manifester notre solidarité avec ceux qui, au jour le jour, accomplissent une mission de service public dans des lieux difficiles et où ils sont indispensables.
Nous voulons surtout aider les médecins, les infirmières, les pharmaciens, à rester dans les quartiers, à venir dans les quartiers, pour contribuer à leur renouveau. C'est par la présence d'acteurs aussi incontournables que nous redonnerons à ces quartiers tout leur dynamisme et que nous en ferons des lieux de vie comme les autres.
Je conclurai en disant que nous sommes particulièrement reconnaissants pour votre action quotidienne faite d'intelligence des corps et des âmes, d'humilité et de respect.
Vous savez que la réassurance et l'écoute sont les médecines dont on a tous d'abord besoin, et en ce sens, grâce à votre présence fidèle auprès des habitants, nous pouvons rassembler nos forces pour que les inégalités sociales en matière de santé soient combattues et réduites, car ce sont les plus violentes et les plus injustes, et je pense plus particulièrement à la durée de la vie.
La politique de la ville a toujours soutenu les initiatives. N'hésitez pas à rentrer en contact avec les élus, avec les chefs de projets des contrats de ville, avec les sous-préfets à la ville. Ils vous appuieront dans vos projets pour mettre en place une politique de santé solidaire dans votre ville, pour créer des réseaux actifs d'habitants qui prendront, grâce à vous, leur santé en main.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.ville.gouv.fr, le 27 juin 2001)
Je ne suis pas venu vous faire un long discours mais vous apporter mon soutien. Je connais en effet le travail considérable que vous menez dans les quartiers de la politique de la ville et je veux que vous sachiez que je l'apprécie à sa juste valeur.
Vous êtes à l'initiative d'un véritable changement des pratiques, en ayant permis des décloisonnements salutaires et en donnant à la santé sa place de moteur de la vie citoyenne.
Les réseaux de santé sont particulièrement adaptés à la prise en charge sanitaire, préventive et curative, des populations les plus démunies.
Leur souplesse, leur caractère pluriprofessionnel, leur rôle de coordonnateur entre professionnels de la santé, travailleurs sociaux et élus, et leur proximité avec les gens sur le terrain sont, en effet, un gage d'adaptation aux difficultés locales.
Je tenais donc d'abord à vous rendre hommage et à vous en remercier.
La santé de la population de certains quartiers de nos villes me préoccupe en effet constamment et, avec Bernard Kouchner nous menons, je le crois, une politique active.
Il reste encore beaucoup à faire au demeurant.
Les situations sanitaires et sociales, le développement des conduites addictives - que ce soit l'alcool, le tabac, les médicaments psychoactifs, ou les drogues illicites-, la persistance de la transmission du virus du sida, mais aussi l'accroissement inquiétant des maladies psychiques, notamment chez les jeunes, nous renvoient aux injustices sociales avec leur cohorte de souffrances graves.
Le rapport que j'ai demandé à l'INSERM portant sur les souffrances des adolescents est éloquent à cet égard. En France, 7 % des jeunes ont fait une tentative de suicide
C'est une illustration dont nous n'avons pas à être fiers.
La prévention est évidemment l'essentiel. L'éducation à la santé des jeunes des quartiers est l'axe fondamental, si nous voulons éviter les souffrances et contenir les conduites à risques. C'est essentiel si nous ne voulons pas, toujours et toujours, nous enfoncer dans des stratégies réparatrices coûteuses à tout point de vue, en argent comme et surtout en qualité de vie.
C'est très difficile car c'est une tâche obscure, ignorée, ingrate et qui s'inscrit dans la durée. C'est pourtant cette voie que vous avez choisie et qu'on peut lire dans votre charte. Soyez-en encore remerciés.
J'aime assez cette définition de la santé pensée comme un "lieu caché".
La santé, en effet, ne se sent pas et ne se perçoit que par contraste avec la maladie. C'est une sensation intime et personnelle, difficile à aborder. Elle touche à l'être humain dans son ensemble en relation avec tous les secteurs de ses activités, que ce soit sa vie affective, amoureuse, mais aussi relationnelle, sociale et professionnelle. Chacun y aspire et tout le monde y a droit, mais on voit bien à quel point la question est complexe.
Elle est, comme vous le définissez fort bien dans vos réseaux, transversale et décloisonnée, et c'est pourquoi elle ne peut pas s'aborder d'un seul point de vue technicien ou médical. La santé n'est pas non plus à se renvoyer en boomerang du sanitaire et social vers le médical, ou inversement.
Etre en bonne santé, c'est d'abord avoir du travail, un logement, être bien intégré dans son quartier et dans sa ville. On ne peut guérir le corps sans sans se préoccuper des conditions matérielles de vie, sans se préoccuper aussi de l'âme. C'est encore plus vrai pour les inégalités sociales, pour les exclus qui cumulent tant de malaises et tant de maux.
C'est pourquoi la santé publique concerne au premier chef la politique de la ville dont l'objectif de solidarité n'est plus à affirmer.
Dans les contrats de ville actuels la santé a donc toute sa place.
Je voudrais relever ici trois cadres d'action plus spécifiques :
D'abord, dire que les praps qui s'appuient sur des analyses des besoins menés au niveau régional permettent désormais de prendre en compte les spécificités urbaines et favorisent l'émergence de politiques locales de santé.
Les maires ont compris la nécessité de s'impliquer. 78 pour cent des communes de plus de 30 000 habitants ont désormais un délégué à la santé.
Le schéma des services collectifs prévoient eux-aussi des politiques de santé dans les territoires.
Nous avons voulu encourager et renforcer cette dynamique par une mesure prise dans le cadre de Comité interministériel des villes de décembre 1999.
Il s'agit des ateliers santé ville.
Ils sont en train de se mettre en place. Ils ont l'ambitieuse visée d'envisager les questions de santé en tenant compte des besoins des habitants dans le quartier, dans la ville, pour préparer avec eux des projets locaux de santé dans le dialogue entre les professionnels de la santé.
Ces ateliers sont des lieux de rencontre, car la santé est affaire de parole échangée plus que de pouvoir médical.
J'attends de vous, de vos réseaux de santé, qu'ils soient les moteurs de cette impulsion.
Je suis très soucieux, comme vous-mêmes, que nous puissions adopter une posture différente et ne plus parler des habitants en termes de manque : manque de diplômes, manque de travail en quelque sorte des citoyens inférieurs. Il convient au contraire de partir de leurs savoirs, de leur culture de reconnaître leur droit et de les respecter.
Je voudrais, d'autre part, insister sur la formation des équipes soignantes. C'est capital. Car favoriser la transformation des pratiques ne se décrète pas et nécessite de faciliter la vie des acteurs. On peut y répondre par des formations conjointes qui permettent les dialogues entre fonctionnaires, enseignants, postiers, agents EDF, policiers, travailleurs sociaux.
Enfin, il faut aider concrètement les professionnels de la santé à faire face aux difficultés qu'ils rencontrent, pour assurer de bonnes conditions d'accès aux soins de tous.
Prochainement j'organise une table ronde au sujet des problèmes d'insécurité pour échanger à ce propos et manifester notre solidarité avec ceux qui, au jour le jour, accomplissent une mission de service public dans des lieux difficiles et où ils sont indispensables.
Nous voulons surtout aider les médecins, les infirmières, les pharmaciens, à rester dans les quartiers, à venir dans les quartiers, pour contribuer à leur renouveau. C'est par la présence d'acteurs aussi incontournables que nous redonnerons à ces quartiers tout leur dynamisme et que nous en ferons des lieux de vie comme les autres.
Je conclurai en disant que nous sommes particulièrement reconnaissants pour votre action quotidienne faite d'intelligence des corps et des âmes, d'humilité et de respect.
Vous savez que la réassurance et l'écoute sont les médecines dont on a tous d'abord besoin, et en ce sens, grâce à votre présence fidèle auprès des habitants, nous pouvons rassembler nos forces pour que les inégalités sociales en matière de santé soient combattues et réduites, car ce sont les plus violentes et les plus injustes, et je pense plus particulièrement à la durée de la vie.
La politique de la ville a toujours soutenu les initiatives. N'hésitez pas à rentrer en contact avec les élus, avec les chefs de projets des contrats de ville, avec les sous-préfets à la ville. Ils vous appuieront dans vos projets pour mettre en place une politique de santé solidaire dans votre ville, pour créer des réseaux actifs d'habitants qui prendront, grâce à vous, leur santé en main.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.ville.gouv.fr, le 27 juin 2001)