Texte intégral
Mesdames, Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs les Sénateurs,
Mesdames, Messieurs les députés,
Mesdames Messieurs,
Votre colloque se tient à un moment particulièrement important du débat pour le développement du transport ferroviaire aux plans, régional, national et européen. Au niveau Européen et au conseil des ministres Transports, vous connaissez le combat que je mène contre l'ultralibéralisme, qui va à l'encontre de l'intérêt des régions en matière de services ferroviaires rendus aux voyageurs et peut s'opposer à un aménagement concerté du territoire.
Je voudrais donc avant toutes choses vous remercier de mavoir invité à conclure vos travaux, organisés à l'initiative de la fédération des industries ferroviaires - que vous présidez,
M. Douffiagues.
Le Sénat, on le sait, a joué un rôle important dans la mise au point de l'expérimentation de la régionalisation des transports ferroviaires, dont nous vivons la troisième année, ce qui nous permet de disposer déjà d'un certain recul.
Je sais que les échanges, qui se sont déroulés tout au long de cette journée et qui ont rassemblé un grand nombre des partenaires intéressés par la régionalisation du transport ferroviaire, ont été de très grande qualité. Lintérêt que vous portez tous à cette question sera - je n'en doute pas - un des éléments décisifs qui devrait nous permettre d'aboutir dans les mois qui viennent. Vous savez, bien sûr, que je partage pleinement cet intérêt.
Sans être trop long sur le passé, je voudrais commencer mon propos en replaçant nos réflexions daujourdhui au sein dune évolution qui remonte aux années 70, aux travaux du Plan et de la DATAR et aux premières idées de "schéma régional de transports", avec O. Guichard.
Mais, c'est avec la LOTI et dans un contexte de profond renouvellement des processus démocratiques qui a marqué notre pays avec la décentralisation, qu' a été franchie une étape décisive, il y a déjà presque 20 ans. Cette situation a conduit - on s'en souvient- à généraliser les conventions entre les régions et la SNCF, source d'interrogation voire de critiques parfois mais aussi source d'un partenariat, dont on mesure bien l'intérêt pour les débats d'aujourd'hui et les décisions que nous aurons prochainement à prendre.
C'est à cette époque - marquée par une dégradation de l'offre de services ferroviaires et il faut bien le dire par un certain déclin - qu'est né le concept de " Transport Express Régional " - le T.E.R - qui a permis, à côté des lignes à grandes vitesse, l'émergence d'une nouvelle approche du transport ferroviaire et un véritable renversement d'image.
Le dialogue entre la SNCF et les régions a été, dès le début, un instrument douverture et de développement pour la SNCF, mettant en évidence tout l'intérêt du réseau ferroviaire pour les déplacements de moyenne distance dans les grands bassins demploi et dhabitat et offrant aux élus, stimulés par la décentralisation récente, un champ daction nouveau susceptible de concourir aux développement de leurs territoires.
Ces relations nouvelles, partenariales, ont ainsi marqué une première étape de lengagement des régions dans le domaine ferroviaire et ont facilité lintervention de certaines d'entre elles dans des investissements et des améliorations de service, même si - il ne faut pas le cacher - des difficultés ont pu marquer cette première étape.
Depuis lors, beaucoup de chemin a été parcouru, en particulier grâce à lexpérimentation en cours, et je veux saluer une nouvelle fois le rôle conséquent joué par le Sénateur Haenel. Aujourdhui, tout pousse à penser que, l'expérience aidant, la volonté d'aller plus loin dans la généralisation devienne une réalité.
Les attentes des usagers sont grandes aussi bien en ce qui concerne la qualité du service public, qui doit être améliorée en matière de dessertes, de fréquence, de confort, mais aussi, en termes de cohérence intermodale.
Face à de telles attentes - j'allais dire, après certains d'entre vous, "face à de telles exigences" -tous les partenaires sont concernés :
- de l'État, on attend quil donne et clarifie si nécessaire, après concertation avec les entreprises ferroviaires, les autorités organisatrices et les usagers, les règles du jeu, qu'il garantisse un aménagement équilibré du territoire, qu'il assure un transfert de compétences gagé sur les ressources correspondantes ;
- des régions, on attend quelles organisent, au plus près des besoins des populations, lensemble de loffre régionale, notamment en matière de dessertes et de tarifs, en coopération bien sûr avec les autres autorités organisatrices, notamment urbaines . Et cest bien une responsabilité de lautorité politique que de définir le service public, et les moyens à mettre en oeuvre pour remplir les missions correspondantes ;
- de la SNCF et de RFF, on attend que ces deux établissements publics apportent tout leur savoir-faire au service du développement régional et des usagers des transports :
pour ce qui est de la SNCF, la régionalisation constitue, jen suis persuadé, une opportunité réelle de développement et de renouveau. Lancrage local du chemin de fer est un gage essentiel d'adhésion des usagers. Le service public a aussi besoin d'évoluer vers davantage de proximité, moins de centralité et plus d'ouverture, y compris sur l'Europe en faveur du trafic ferroviaire voyageurs et marchandises.
quant à RFF, vous savez que sa mission est laménagement, le développement, la cohérence et la mise en valeur de linfrastructure du réseau ferré national . Cest donc un partenaire qui doit prendre toute sa place dans le débat avec les régions.
On le voit donc bien, la régionalisation ferroviaire sinscrit dans une démarche globale qui associe à la fois :
- une plus grande responsabilisation des différents acteurs, collectivités régionales et entreprises ferroviaires,
- et la nécessité de développer les transports collectifs ferroviaires, pour répondre aux attentes des usagers et des clients, confrontés à l'encombrement du réseau routier et aux multiples pollutions. Cest un choix de la nation tout entière, puisquil a été effectué par le Parlement. C'est un choix de civilisation.
Il nest pas inutile de rappeler les principales règles du jeu qui ont permis de créer un large accord entre tous les partenaires sur cette expérimentation :
Tout dabord : la transparence. Un audit des comptes des services régionaux de la SNCF, commandité par les trois partenaires, État, Régions, SNCF, était nécessaire pour assurer les conditions de clarté financière.
Deuxième point : la réversibilité. Il fallait non pas contraindre, mais convaincre. Tant mieux si l'on ne se sert pas du "billet retour", mais c'était quand même mieux de laisser le choix ;
Troisième caractéristique: lexpérimentation est coopérative, les régions qui expérimentent, le faisant au profit de toutes.
Quatrième caractéristique : elle est le fait de régions volontaires ; de six régions au départ, nous sommes passés à sept, puisque jai souhaité, vous le savez, quy soit intégrée une région, le Limousin, qui présente des caractéristiques très différentes des six premières.
Cinquième principe et non le moindre : une expérimentation du transfert de compétences sans transfert de charges. Je rappelle à cet égard que l'État fait un effort financier considérable puisquil versera directement en 1999 à ces sept régions plus de 3,1 milliards de francs, soit environ 50 % de plus quen 1996.
Une telle dotation a été calculée de façon à permettre à ces régions, non seulement dorganiser le service régional, mais aussi de contribuer au renouvellement du matériel.
De plus, à ces 3,1 milliards, sajoute une somme à peu près équivalente versée actuellement à la SNCF pour les besoins des autres services régionaux. Au total, cest donc une somme de presque 6,2 milliards de francs que l'État consacrera en 1999 à lexploitation des services régionaux de voyageurs.
Enfin, il nous faut également tenir compte de la compensation de presque 2 milliards de francs que l'État verse pour les tarifs sociaux, dont plus de la moitié concerne les services régionaux. On le voit, leffort de l'État est réel. La régionalisation du transport ferroviaire - loin d'être un moyen ou un prétexte au désengagement de l'État - impose à ce dernier une réflexion sur son mode d'intervention et sur le partage des responsabilités entre les entreprises ferroviaires et les différentes collectivités publiques qui participent au service public.
Cest ainsi que, sur des bases clairement précisées dans des conventions entre l'État et chacune des régions expérimentatrices, en termes, notamment, dobjectifs, de périmètre dexpérimentation, de définition des rôles respectifs des partenaires, a pu se mettre en place un nouveau dispositif de conventionnement Région/SNCF plus conforme aux voeux de chacun.
- La région est lautorité organisatrice des transports régionaux et a la responsabilité de définir une offre globale de transports adaptée aux besoins des populations en liaison avec les autres autorités organisatrices, dans leur domaine de compétence respectif et dans le cadre dun schéma intermodal de transport ;
- la SNCF réalise le service et, de par son autonomie de gestion, décide de lorganisation des moyens à mettre en place mais également elle assiste et conseille la région dans la définition du service ;
- de manière très générale, la région est préservée de toute dérive financière des coûts, et les deux partenaires sont intéressés au résultat sur les recettes et à la qualité du service rendu, et peuvent les évaluer conjointement.
Je crois que nous conviendrons tous ici, après ce colloque, comme après d'autres rencontres, tel le colloque organisé par le comité central d'entreprise de la SNCF, que les premiers résultats de cette expérimentation sont encourageants à plusieurs titres :
Le trafic et les recettes ont respectivement progressé en 1997 de 4,6 % et de 4,9 % dans les six régions expérimentales. (Cette progression est très supérieure à la progression enregistrée dans les autres régions : respectivement 1,5 % et 2 %). Dans chacune de ces six régions, les recettes de trafic ont été en 1997 supérieures à celles de 1996.
Quant à 1998, les résultats sur les 11 premiers mois ont confirmé cette tendance.
Les recompositions de dessertes se sont accélérées, ce qui permet d'affirmer que la régionalisation sinscrit bien dans une logique de développement du transport ferroviaire. On a vu en effet :
- la mise en circulation de trains supplémentaires et le renforcement des dessertes dans la plupart des régions expérimentatrices ;
- le cadencement, mis en place courant 1998, dans deux régions, l'Alsace et le Nord-Pas-de-Calais.
De plus, ces créations de service saccompagnent souvent dimportants dinvestissements de renouvellement du matériel roulant régional visant tant la rénovation de matériel que lacquisition de matériel neuf.
Ainsi, je vous rappelle que les premières livraisons des automoteurs TER sont intervenues en septembre 1997. Ces investissements concourent à l'accroissement de la demande de matériel ferroviaire, qui est décisive pour le maintien de notre industrie ferroviaire et pour l'emploi des centres d'activité industrielle du nord ou de l'est de la France.
Je sais également les efforts accomplis ou engagés par les régions pour la rénovation des gares, qui comptent pour beaucoup, vous le savez bien, dans lattractivité du chemin de fer mais aussi dans lanimation du tissu urbain.
Enfin, l'initiative régionale a pu aussi se manifester par des innovations en matière de tarification :
Cela va de la mise en place de tarifications régionales à loccasion de tel ou tel événement (comme le tour de France ou les journées du patrimoine) jusquà linstauration de tarifications spécifiques pour les étudiants ou encore un abonnement de travail au delà de 75 km.
De même, les tentatives se multiplient pour favoriser la création de tarifications multimodales permettant de circuler sur le réseau TER et le réseau des transports urbains et assurant ainsi une meilleure complémentarité entre modes, à laquelle, vous le savez, je suis particulièrement attaché.
Je suis persuadé, quavec ces fréquences accrues, de nouveaux matériels, des gares rénovées, des tarifs attractifs, les usagers emprunteront davantage le train. La régionalisation du service public ferroviaire montre ainsi sa capacité à évoluer et à se rénover pour mieux répondre aux attentes des usagers.
Je constate également avec satisfaction que la régionalisation entraîne un développement des procédures de concertation entre les différents acteurs.
Des structures de concertation se sont mises en place à tous les niveaux : entre la SNCF et le conseil régional, entre les autres autorités organisatrices, avec les usagers avec, comme en Alsace, la création de comités de lignes qui marque à quel point se créé une réelle implication dans les politiques locales de transport. Ainsi, à mes yeux, la régionalisation des services ferroviaires peut aussi être porteur d'un enrichissement des pratiques démocratiques dans notre pays.
De son côté, la SNCF adapte ses structures sur le plan local pour répondre à un changement qui est ressenti comme aussi important pour lentreprise que larrivée du TGV.
RFF, pour sa part, installe actuellement un représentant régional dans les six régions expérimentales, mouvement qui devrait ensuite se généraliser à lensemble des régions.
S'agissant enfin de l'État, les évolutions en cours dans le domaine ferroviaire entraînent bien évidemment une implication importante des services du ministère de l'équipement - tant au niveau central que des Directions Régionales de l'Équipement - et conduisent à modifier et à enrichir l'exercice de la tutelle.
Enfin, je veux rappeler les efforts entrepris par les régions non expérimentatrices. Un grand nombre se sont elles aussi engagées dans une logique de partenariat avec la SNCF, sinscrivant ainsi nettement dans la perspective dune généralisation de la régionalisation.
A partir du constat que je viens de rappeler, et qui est je crois largement partagé, il ne fait aucun doute, à mes yeux, que la dynamique de la régionalisation est lancée. Sans doute de manière irréversible, dans la mesure où elle ne découpe pas en morceaux le service public ferroviaire.
Je suis un partisan du mouvement et du développement, contre l'immobilisme et la stagnation. Qui plus est, je ne voudrais pas que sinstalle un système " à deux vitesses " dont on voit bien tous les inconvénients, entre des régions qui recevraient une véritable compétence en matière de service régional de voyageurs, et d'autres, qui en seraient privées ou continueraient dans le système actuel. Je souhaite donc enclencher très rapidement le processus de généralisation de la régionalisation pour être prêt, avec vous, à le mettre en uvre dans les meilleurs délais possibles.
Mais, bien sûr pour atteindre un tel objectif, il faudra que les différents partenaires le veuillent, soient prêts et que nous ayons progressé en commun sur le socle qui doit fonder notre réforme.
Je voudrais, à ce stade de notre réflexion, vous faire part de quelques idées - force qui fondent ma conception de la régionalisation et font de celle-ci un axe constitutif majeur d'un service public ferroviaire rénové :
La première idée, c'est de proposer aux régions de devenir des acteurs à part entière de la politique ferroviaire nationale, qui devra de plus en plus coordonner les besoins locaux dans l'espace européen. En ce sens, la place de la région doit aller au-delà du TER. Les régions sont intéressées par tous les projets de développement ferroviaire, que ce soit le fret ou les TGV. C'est le bon niveau d'articulation entre le local et la dimension nationale et européenne. La négociation des contrats de plan et la réflexion sur les schémas de service seront l'occasion de conforter la pertinence du niveau régional.
La seconde idée, c'est de permettre le renforcement de la politique intermodale, que je m'efforce depuis 20 mois, d'inscrire dans les faits. Le transport régional - parce qu'il constitue un lien entre les villes, parce qu'il prolonge l'offre urbaine à la périphérie des villes - est une composante essentielle d'une politique qui vise à mieux maîtriser l'usage de la voiture. L'expérimentation a incité les autorités organisatrices régionales, urbaines et départementales à renforcer leur coopération pour développer l'intermodalité autour du train.
Dans cette perspective, le développement peut aussi passer par des concepts de "tram-train", en partenariat avec les transporteurs urbains.
L'intermodalité ne concerne pas que les espaces très urbanisés. D'immenses progrès restent à faire dans les zones moins denses pour mieux articuler, en particulier, les réseaux de transports routiers départementaux et les services ferroviaires ;
La dernière idée enfin - au moins à ce stade - est de faire en sorte que les initiatives régionales s'inscrivent en cohérence avec le réseau national. La régionalisation doit et peut concilier deux exigences : d'une part, permettre des coopérations locales et multiformes, d'autre part, assurer la continuité avec les services nationaux et européens.
J'y insiste, la régionalisation ne doit pas conduire à un découpage du réseau. Mon objectif premier est la satisfaction de lusager. Il faudra donc absolument préserver des liaisons interrégionales et une desserte de bout en bout satisfaisante sur les grandes lignes nationales et internationales, à côté du réseau TGV.
Cette conception nouvelle d'un service public, plus décentralisé, et en même temps entièrement tourné vers l'avenir et la dimension européenne, constitue un défi pour l'ensemble des acteurs, l'État, les régions et la SNCF. C'est, sur le terrain même du service public, un formidable levier de mobilisation et d'évolution, un terrain privilégié pour le renouvellement du dialogue social et du dialogue démocratique, tout court.
Je vais maintenant, dans le cadre des responsabilités qui sont les miennes, m'employer à faire émerger les conditions de l'extension et de la généralisation de la régionalisation.
Sur ces questions essentielles, nous devrons progresser en commun. Nous devrons évaluer, concerter puis proposer des solutions. Je citerai rapidement ces sujets :
* la question du concours financier de l'État, de sa fixation, puis de son évolution revient au premier rang des préoccupations. Vous conviendrez que je ne peux régler seul cette question, quelle intéresse dautres ministres, et quelle doit être également examinée avec les régions ;
* la question de linfrastructure doit être abordée. Vous savez que j'ai récemment défini mes orientations pour les investissements ferroviaires à moyen et long terme. J'ai donné des indications sur les enveloppes financières que je souhaitais et que je considérais comme possible d'y consacrer :
- afin d'assurer la pérennité du réseau existant, 4,5 milliards de francs seront consacrés chaque année à la régénération du réseau ;
- l'accroissement très sensible des crédits du FITTVN qui atteindront pour le ferroviaire 2,3 milliards de francs en 2003 permettra d'assurer l'équilibre entre maintenance du réseau, modernisation des lignes classiques et création de lignes nouvelles.
La négociation des contrats de plan entre l'État et les régions permettra de mettre au point la programmation des opérations nécessaires à chaque région ;
* la question des péages. A ce sujet et pour répondre à certaines interrogations et éviter toute équivoque, je vous confirme que les barèmes de redevances dinfrastructure seront également modifiés en 1999 pour permettre leur croissance progressive, tout en assurant un partage équitable des gains de productivité réalisés par la SNCF. Je tiens ici à signaler quà trafic constant, les services régionaux de voyageurs ne subiront pas de majoration en 1999. L'État versera en effet à la SNCF 211 MF la compensation de la hausse des péages sur les TER.
Quand à l'évolution future des péages, je souhaite que le Conseil Supérieur du Service Public Ferroviaire en soit saisi. Je vous précise que le décret constitutif de ce Conseil doit paraître incessamment au Journal Officiel et qu'il sera mis en place dans les semaines qui viennent.
* autre question qui se pose d'un point de vue institutionnel, le positionnement des diverses autorités organisatrices en matière de transport et larticulation, dune part, entre les services régionaux de voyageurs et les services nationaux, et dautre part, avec les services urbains et les services routiers départementaux ;
* la question des matériels, que vous avez examinée sous ses multiples aspects lors des différentes tables rondes ;
* la difficile question de la régulation avec la définition nécessaire de règles de priorité entre les trains grandes lignes, les TER et les trains de fret qui doivent pouvoir également disposer de sillons ferroviaires satisfaisants pour assurer la compétitivité du fret.
Voilà, je ne peux reprendre ici tous les aspects, et ils sont nombreux, qui ont été abordés lors de ce très riche colloque. Nous devons maintenant en tirer les enseignements.
Je souhaite aller vite, mais j'ai bien entendu que, si plusieurs régions se déclarent prêtes à exercer rapidement la compétence transport régional, d'autres ont marqué des hésitations sur le rythme de la généralisation.
Il me semble que la bonne approche serait d'aller vers une généralisation progressive. Je vous demande d'y réfléchir. Peut-être devrions-nous nous fixer une date butoir - bien sûr rapprochée - 2001 ou 2002 - pour traiter au fond des questions évoquées précédemment et procéder à une généralisation complète, certaines régions étant sans doute plus prêtes que d'autres.
Il conviendra d'en discuter les modalités tant avec la SNCF qu'avec les autres ministres intéressés.
Il faut qu'un tel dispositif, progressif, n'engendre pas, pour la SNCF notamment, des difficultés de gestion qui iraient à l'encontre de l'objectif recherché. Il faut donc fixer clairement le cap et le terme de cette période.
Je tiens à prendre le temps nécessaire à la concertation, avec les régions et la SNCF bien entendu mais aussi avec les organisations syndicales et les usagers. Ce temps de la concertation est indispensable pour renforcer l'accord le plus large en faveur de cette régionalisation progressiste.
A cet effet, je proposerai que le Comité de pilotage qui avait été installé entre lAssociation des Présidents des Conseils Régionaux et mes services se poursuive, sous légide de la nouvelle Association des Régions de France et de la direction des transports terrestres, et que ce Comité examine lensemble des questions évoquées aujourdhui pour à la fois évaluer et proposer.
Je souhaite que ce comité de pilotage nous fasse part de ses propositions avant lété prochain pour que nous soyons alors en mesure de fixer la méthode et le calendrier de cette généralisation. Nous devrons fixer le terme auquel toutes les Régions assureront les nouvelles compétences, de manière plus précise que je ne l'ai évoquée il y a quelques instants.
Bien entendu, il n'y aura pas dinterruption pour les Régions déjà compétentes à titre expérimental, et je veillerai, si le Parlement partage ce point de vue, à ce qu'il n'y ait pas de vide juridique. Cela signifie une prolongation du délai fixé par la loi au 31 décembre 1999.
Parallèlement, d'ici l'été, je consulterai toutes les parties prenantes de manière à entendre vos réflexions sur l'expérimentation et à me forger une opinion sur la manière de conduire cette généralisation. Bien évidemment, dès qu'il sera mis en place, le Conseil Supérieur du Service Public Ferroviaire interviendra sur ce dossier.
Voilà, Mesdames et Messieurs ce que je souhaitais vous indiquer. J'ai été un peu long, vous me pardonnerez. Mais je suis convaincu de l'importance de la réforme que nous voulons faire pour faire évoluer tout à la fois le transport ferroviaire et le service public, et bien au-delà, l'ensemble de nos pratiques démocratiques.
(Source http://www.equipement.gouv.fr, le 22 mars 1999)
Mesdames, Messieurs les Sénateurs,
Mesdames, Messieurs les députés,
Mesdames Messieurs,
Votre colloque se tient à un moment particulièrement important du débat pour le développement du transport ferroviaire aux plans, régional, national et européen. Au niveau Européen et au conseil des ministres Transports, vous connaissez le combat que je mène contre l'ultralibéralisme, qui va à l'encontre de l'intérêt des régions en matière de services ferroviaires rendus aux voyageurs et peut s'opposer à un aménagement concerté du territoire.
Je voudrais donc avant toutes choses vous remercier de mavoir invité à conclure vos travaux, organisés à l'initiative de la fédération des industries ferroviaires - que vous présidez,
M. Douffiagues.
Le Sénat, on le sait, a joué un rôle important dans la mise au point de l'expérimentation de la régionalisation des transports ferroviaires, dont nous vivons la troisième année, ce qui nous permet de disposer déjà d'un certain recul.
Je sais que les échanges, qui se sont déroulés tout au long de cette journée et qui ont rassemblé un grand nombre des partenaires intéressés par la régionalisation du transport ferroviaire, ont été de très grande qualité. Lintérêt que vous portez tous à cette question sera - je n'en doute pas - un des éléments décisifs qui devrait nous permettre d'aboutir dans les mois qui viennent. Vous savez, bien sûr, que je partage pleinement cet intérêt.
Sans être trop long sur le passé, je voudrais commencer mon propos en replaçant nos réflexions daujourdhui au sein dune évolution qui remonte aux années 70, aux travaux du Plan et de la DATAR et aux premières idées de "schéma régional de transports", avec O. Guichard.
Mais, c'est avec la LOTI et dans un contexte de profond renouvellement des processus démocratiques qui a marqué notre pays avec la décentralisation, qu' a été franchie une étape décisive, il y a déjà presque 20 ans. Cette situation a conduit - on s'en souvient- à généraliser les conventions entre les régions et la SNCF, source d'interrogation voire de critiques parfois mais aussi source d'un partenariat, dont on mesure bien l'intérêt pour les débats d'aujourd'hui et les décisions que nous aurons prochainement à prendre.
C'est à cette époque - marquée par une dégradation de l'offre de services ferroviaires et il faut bien le dire par un certain déclin - qu'est né le concept de " Transport Express Régional " - le T.E.R - qui a permis, à côté des lignes à grandes vitesse, l'émergence d'une nouvelle approche du transport ferroviaire et un véritable renversement d'image.
Le dialogue entre la SNCF et les régions a été, dès le début, un instrument douverture et de développement pour la SNCF, mettant en évidence tout l'intérêt du réseau ferroviaire pour les déplacements de moyenne distance dans les grands bassins demploi et dhabitat et offrant aux élus, stimulés par la décentralisation récente, un champ daction nouveau susceptible de concourir aux développement de leurs territoires.
Ces relations nouvelles, partenariales, ont ainsi marqué une première étape de lengagement des régions dans le domaine ferroviaire et ont facilité lintervention de certaines d'entre elles dans des investissements et des améliorations de service, même si - il ne faut pas le cacher - des difficultés ont pu marquer cette première étape.
Depuis lors, beaucoup de chemin a été parcouru, en particulier grâce à lexpérimentation en cours, et je veux saluer une nouvelle fois le rôle conséquent joué par le Sénateur Haenel. Aujourdhui, tout pousse à penser que, l'expérience aidant, la volonté d'aller plus loin dans la généralisation devienne une réalité.
Les attentes des usagers sont grandes aussi bien en ce qui concerne la qualité du service public, qui doit être améliorée en matière de dessertes, de fréquence, de confort, mais aussi, en termes de cohérence intermodale.
Face à de telles attentes - j'allais dire, après certains d'entre vous, "face à de telles exigences" -tous les partenaires sont concernés :
- de l'État, on attend quil donne et clarifie si nécessaire, après concertation avec les entreprises ferroviaires, les autorités organisatrices et les usagers, les règles du jeu, qu'il garantisse un aménagement équilibré du territoire, qu'il assure un transfert de compétences gagé sur les ressources correspondantes ;
- des régions, on attend quelles organisent, au plus près des besoins des populations, lensemble de loffre régionale, notamment en matière de dessertes et de tarifs, en coopération bien sûr avec les autres autorités organisatrices, notamment urbaines . Et cest bien une responsabilité de lautorité politique que de définir le service public, et les moyens à mettre en oeuvre pour remplir les missions correspondantes ;
- de la SNCF et de RFF, on attend que ces deux établissements publics apportent tout leur savoir-faire au service du développement régional et des usagers des transports :
pour ce qui est de la SNCF, la régionalisation constitue, jen suis persuadé, une opportunité réelle de développement et de renouveau. Lancrage local du chemin de fer est un gage essentiel d'adhésion des usagers. Le service public a aussi besoin d'évoluer vers davantage de proximité, moins de centralité et plus d'ouverture, y compris sur l'Europe en faveur du trafic ferroviaire voyageurs et marchandises.
quant à RFF, vous savez que sa mission est laménagement, le développement, la cohérence et la mise en valeur de linfrastructure du réseau ferré national . Cest donc un partenaire qui doit prendre toute sa place dans le débat avec les régions.
On le voit donc bien, la régionalisation ferroviaire sinscrit dans une démarche globale qui associe à la fois :
- une plus grande responsabilisation des différents acteurs, collectivités régionales et entreprises ferroviaires,
- et la nécessité de développer les transports collectifs ferroviaires, pour répondre aux attentes des usagers et des clients, confrontés à l'encombrement du réseau routier et aux multiples pollutions. Cest un choix de la nation tout entière, puisquil a été effectué par le Parlement. C'est un choix de civilisation.
Il nest pas inutile de rappeler les principales règles du jeu qui ont permis de créer un large accord entre tous les partenaires sur cette expérimentation :
Tout dabord : la transparence. Un audit des comptes des services régionaux de la SNCF, commandité par les trois partenaires, État, Régions, SNCF, était nécessaire pour assurer les conditions de clarté financière.
Deuxième point : la réversibilité. Il fallait non pas contraindre, mais convaincre. Tant mieux si l'on ne se sert pas du "billet retour", mais c'était quand même mieux de laisser le choix ;
Troisième caractéristique: lexpérimentation est coopérative, les régions qui expérimentent, le faisant au profit de toutes.
Quatrième caractéristique : elle est le fait de régions volontaires ; de six régions au départ, nous sommes passés à sept, puisque jai souhaité, vous le savez, quy soit intégrée une région, le Limousin, qui présente des caractéristiques très différentes des six premières.
Cinquième principe et non le moindre : une expérimentation du transfert de compétences sans transfert de charges. Je rappelle à cet égard que l'État fait un effort financier considérable puisquil versera directement en 1999 à ces sept régions plus de 3,1 milliards de francs, soit environ 50 % de plus quen 1996.
Une telle dotation a été calculée de façon à permettre à ces régions, non seulement dorganiser le service régional, mais aussi de contribuer au renouvellement du matériel.
De plus, à ces 3,1 milliards, sajoute une somme à peu près équivalente versée actuellement à la SNCF pour les besoins des autres services régionaux. Au total, cest donc une somme de presque 6,2 milliards de francs que l'État consacrera en 1999 à lexploitation des services régionaux de voyageurs.
Enfin, il nous faut également tenir compte de la compensation de presque 2 milliards de francs que l'État verse pour les tarifs sociaux, dont plus de la moitié concerne les services régionaux. On le voit, leffort de l'État est réel. La régionalisation du transport ferroviaire - loin d'être un moyen ou un prétexte au désengagement de l'État - impose à ce dernier une réflexion sur son mode d'intervention et sur le partage des responsabilités entre les entreprises ferroviaires et les différentes collectivités publiques qui participent au service public.
Cest ainsi que, sur des bases clairement précisées dans des conventions entre l'État et chacune des régions expérimentatrices, en termes, notamment, dobjectifs, de périmètre dexpérimentation, de définition des rôles respectifs des partenaires, a pu se mettre en place un nouveau dispositif de conventionnement Région/SNCF plus conforme aux voeux de chacun.
- La région est lautorité organisatrice des transports régionaux et a la responsabilité de définir une offre globale de transports adaptée aux besoins des populations en liaison avec les autres autorités organisatrices, dans leur domaine de compétence respectif et dans le cadre dun schéma intermodal de transport ;
- la SNCF réalise le service et, de par son autonomie de gestion, décide de lorganisation des moyens à mettre en place mais également elle assiste et conseille la région dans la définition du service ;
- de manière très générale, la région est préservée de toute dérive financière des coûts, et les deux partenaires sont intéressés au résultat sur les recettes et à la qualité du service rendu, et peuvent les évaluer conjointement.
Je crois que nous conviendrons tous ici, après ce colloque, comme après d'autres rencontres, tel le colloque organisé par le comité central d'entreprise de la SNCF, que les premiers résultats de cette expérimentation sont encourageants à plusieurs titres :
Le trafic et les recettes ont respectivement progressé en 1997 de 4,6 % et de 4,9 % dans les six régions expérimentales. (Cette progression est très supérieure à la progression enregistrée dans les autres régions : respectivement 1,5 % et 2 %). Dans chacune de ces six régions, les recettes de trafic ont été en 1997 supérieures à celles de 1996.
Quant à 1998, les résultats sur les 11 premiers mois ont confirmé cette tendance.
Les recompositions de dessertes se sont accélérées, ce qui permet d'affirmer que la régionalisation sinscrit bien dans une logique de développement du transport ferroviaire. On a vu en effet :
- la mise en circulation de trains supplémentaires et le renforcement des dessertes dans la plupart des régions expérimentatrices ;
- le cadencement, mis en place courant 1998, dans deux régions, l'Alsace et le Nord-Pas-de-Calais.
De plus, ces créations de service saccompagnent souvent dimportants dinvestissements de renouvellement du matériel roulant régional visant tant la rénovation de matériel que lacquisition de matériel neuf.
Ainsi, je vous rappelle que les premières livraisons des automoteurs TER sont intervenues en septembre 1997. Ces investissements concourent à l'accroissement de la demande de matériel ferroviaire, qui est décisive pour le maintien de notre industrie ferroviaire et pour l'emploi des centres d'activité industrielle du nord ou de l'est de la France.
Je sais également les efforts accomplis ou engagés par les régions pour la rénovation des gares, qui comptent pour beaucoup, vous le savez bien, dans lattractivité du chemin de fer mais aussi dans lanimation du tissu urbain.
Enfin, l'initiative régionale a pu aussi se manifester par des innovations en matière de tarification :
Cela va de la mise en place de tarifications régionales à loccasion de tel ou tel événement (comme le tour de France ou les journées du patrimoine) jusquà linstauration de tarifications spécifiques pour les étudiants ou encore un abonnement de travail au delà de 75 km.
De même, les tentatives se multiplient pour favoriser la création de tarifications multimodales permettant de circuler sur le réseau TER et le réseau des transports urbains et assurant ainsi une meilleure complémentarité entre modes, à laquelle, vous le savez, je suis particulièrement attaché.
Je suis persuadé, quavec ces fréquences accrues, de nouveaux matériels, des gares rénovées, des tarifs attractifs, les usagers emprunteront davantage le train. La régionalisation du service public ferroviaire montre ainsi sa capacité à évoluer et à se rénover pour mieux répondre aux attentes des usagers.
Je constate également avec satisfaction que la régionalisation entraîne un développement des procédures de concertation entre les différents acteurs.
Des structures de concertation se sont mises en place à tous les niveaux : entre la SNCF et le conseil régional, entre les autres autorités organisatrices, avec les usagers avec, comme en Alsace, la création de comités de lignes qui marque à quel point se créé une réelle implication dans les politiques locales de transport. Ainsi, à mes yeux, la régionalisation des services ferroviaires peut aussi être porteur d'un enrichissement des pratiques démocratiques dans notre pays.
De son côté, la SNCF adapte ses structures sur le plan local pour répondre à un changement qui est ressenti comme aussi important pour lentreprise que larrivée du TGV.
RFF, pour sa part, installe actuellement un représentant régional dans les six régions expérimentales, mouvement qui devrait ensuite se généraliser à lensemble des régions.
S'agissant enfin de l'État, les évolutions en cours dans le domaine ferroviaire entraînent bien évidemment une implication importante des services du ministère de l'équipement - tant au niveau central que des Directions Régionales de l'Équipement - et conduisent à modifier et à enrichir l'exercice de la tutelle.
Enfin, je veux rappeler les efforts entrepris par les régions non expérimentatrices. Un grand nombre se sont elles aussi engagées dans une logique de partenariat avec la SNCF, sinscrivant ainsi nettement dans la perspective dune généralisation de la régionalisation.
A partir du constat que je viens de rappeler, et qui est je crois largement partagé, il ne fait aucun doute, à mes yeux, que la dynamique de la régionalisation est lancée. Sans doute de manière irréversible, dans la mesure où elle ne découpe pas en morceaux le service public ferroviaire.
Je suis un partisan du mouvement et du développement, contre l'immobilisme et la stagnation. Qui plus est, je ne voudrais pas que sinstalle un système " à deux vitesses " dont on voit bien tous les inconvénients, entre des régions qui recevraient une véritable compétence en matière de service régional de voyageurs, et d'autres, qui en seraient privées ou continueraient dans le système actuel. Je souhaite donc enclencher très rapidement le processus de généralisation de la régionalisation pour être prêt, avec vous, à le mettre en uvre dans les meilleurs délais possibles.
Mais, bien sûr pour atteindre un tel objectif, il faudra que les différents partenaires le veuillent, soient prêts et que nous ayons progressé en commun sur le socle qui doit fonder notre réforme.
Je voudrais, à ce stade de notre réflexion, vous faire part de quelques idées - force qui fondent ma conception de la régionalisation et font de celle-ci un axe constitutif majeur d'un service public ferroviaire rénové :
La première idée, c'est de proposer aux régions de devenir des acteurs à part entière de la politique ferroviaire nationale, qui devra de plus en plus coordonner les besoins locaux dans l'espace européen. En ce sens, la place de la région doit aller au-delà du TER. Les régions sont intéressées par tous les projets de développement ferroviaire, que ce soit le fret ou les TGV. C'est le bon niveau d'articulation entre le local et la dimension nationale et européenne. La négociation des contrats de plan et la réflexion sur les schémas de service seront l'occasion de conforter la pertinence du niveau régional.
La seconde idée, c'est de permettre le renforcement de la politique intermodale, que je m'efforce depuis 20 mois, d'inscrire dans les faits. Le transport régional - parce qu'il constitue un lien entre les villes, parce qu'il prolonge l'offre urbaine à la périphérie des villes - est une composante essentielle d'une politique qui vise à mieux maîtriser l'usage de la voiture. L'expérimentation a incité les autorités organisatrices régionales, urbaines et départementales à renforcer leur coopération pour développer l'intermodalité autour du train.
Dans cette perspective, le développement peut aussi passer par des concepts de "tram-train", en partenariat avec les transporteurs urbains.
L'intermodalité ne concerne pas que les espaces très urbanisés. D'immenses progrès restent à faire dans les zones moins denses pour mieux articuler, en particulier, les réseaux de transports routiers départementaux et les services ferroviaires ;
La dernière idée enfin - au moins à ce stade - est de faire en sorte que les initiatives régionales s'inscrivent en cohérence avec le réseau national. La régionalisation doit et peut concilier deux exigences : d'une part, permettre des coopérations locales et multiformes, d'autre part, assurer la continuité avec les services nationaux et européens.
J'y insiste, la régionalisation ne doit pas conduire à un découpage du réseau. Mon objectif premier est la satisfaction de lusager. Il faudra donc absolument préserver des liaisons interrégionales et une desserte de bout en bout satisfaisante sur les grandes lignes nationales et internationales, à côté du réseau TGV.
Cette conception nouvelle d'un service public, plus décentralisé, et en même temps entièrement tourné vers l'avenir et la dimension européenne, constitue un défi pour l'ensemble des acteurs, l'État, les régions et la SNCF. C'est, sur le terrain même du service public, un formidable levier de mobilisation et d'évolution, un terrain privilégié pour le renouvellement du dialogue social et du dialogue démocratique, tout court.
Je vais maintenant, dans le cadre des responsabilités qui sont les miennes, m'employer à faire émerger les conditions de l'extension et de la généralisation de la régionalisation.
Sur ces questions essentielles, nous devrons progresser en commun. Nous devrons évaluer, concerter puis proposer des solutions. Je citerai rapidement ces sujets :
* la question du concours financier de l'État, de sa fixation, puis de son évolution revient au premier rang des préoccupations. Vous conviendrez que je ne peux régler seul cette question, quelle intéresse dautres ministres, et quelle doit être également examinée avec les régions ;
* la question de linfrastructure doit être abordée. Vous savez que j'ai récemment défini mes orientations pour les investissements ferroviaires à moyen et long terme. J'ai donné des indications sur les enveloppes financières que je souhaitais et que je considérais comme possible d'y consacrer :
- afin d'assurer la pérennité du réseau existant, 4,5 milliards de francs seront consacrés chaque année à la régénération du réseau ;
- l'accroissement très sensible des crédits du FITTVN qui atteindront pour le ferroviaire 2,3 milliards de francs en 2003 permettra d'assurer l'équilibre entre maintenance du réseau, modernisation des lignes classiques et création de lignes nouvelles.
La négociation des contrats de plan entre l'État et les régions permettra de mettre au point la programmation des opérations nécessaires à chaque région ;
* la question des péages. A ce sujet et pour répondre à certaines interrogations et éviter toute équivoque, je vous confirme que les barèmes de redevances dinfrastructure seront également modifiés en 1999 pour permettre leur croissance progressive, tout en assurant un partage équitable des gains de productivité réalisés par la SNCF. Je tiens ici à signaler quà trafic constant, les services régionaux de voyageurs ne subiront pas de majoration en 1999. L'État versera en effet à la SNCF 211 MF la compensation de la hausse des péages sur les TER.
Quand à l'évolution future des péages, je souhaite que le Conseil Supérieur du Service Public Ferroviaire en soit saisi. Je vous précise que le décret constitutif de ce Conseil doit paraître incessamment au Journal Officiel et qu'il sera mis en place dans les semaines qui viennent.
* autre question qui se pose d'un point de vue institutionnel, le positionnement des diverses autorités organisatrices en matière de transport et larticulation, dune part, entre les services régionaux de voyageurs et les services nationaux, et dautre part, avec les services urbains et les services routiers départementaux ;
* la question des matériels, que vous avez examinée sous ses multiples aspects lors des différentes tables rondes ;
* la difficile question de la régulation avec la définition nécessaire de règles de priorité entre les trains grandes lignes, les TER et les trains de fret qui doivent pouvoir également disposer de sillons ferroviaires satisfaisants pour assurer la compétitivité du fret.
Voilà, je ne peux reprendre ici tous les aspects, et ils sont nombreux, qui ont été abordés lors de ce très riche colloque. Nous devons maintenant en tirer les enseignements.
Je souhaite aller vite, mais j'ai bien entendu que, si plusieurs régions se déclarent prêtes à exercer rapidement la compétence transport régional, d'autres ont marqué des hésitations sur le rythme de la généralisation.
Il me semble que la bonne approche serait d'aller vers une généralisation progressive. Je vous demande d'y réfléchir. Peut-être devrions-nous nous fixer une date butoir - bien sûr rapprochée - 2001 ou 2002 - pour traiter au fond des questions évoquées précédemment et procéder à une généralisation complète, certaines régions étant sans doute plus prêtes que d'autres.
Il conviendra d'en discuter les modalités tant avec la SNCF qu'avec les autres ministres intéressés.
Il faut qu'un tel dispositif, progressif, n'engendre pas, pour la SNCF notamment, des difficultés de gestion qui iraient à l'encontre de l'objectif recherché. Il faut donc fixer clairement le cap et le terme de cette période.
Je tiens à prendre le temps nécessaire à la concertation, avec les régions et la SNCF bien entendu mais aussi avec les organisations syndicales et les usagers. Ce temps de la concertation est indispensable pour renforcer l'accord le plus large en faveur de cette régionalisation progressiste.
A cet effet, je proposerai que le Comité de pilotage qui avait été installé entre lAssociation des Présidents des Conseils Régionaux et mes services se poursuive, sous légide de la nouvelle Association des Régions de France et de la direction des transports terrestres, et que ce Comité examine lensemble des questions évoquées aujourdhui pour à la fois évaluer et proposer.
Je souhaite que ce comité de pilotage nous fasse part de ses propositions avant lété prochain pour que nous soyons alors en mesure de fixer la méthode et le calendrier de cette généralisation. Nous devrons fixer le terme auquel toutes les Régions assureront les nouvelles compétences, de manière plus précise que je ne l'ai évoquée il y a quelques instants.
Bien entendu, il n'y aura pas dinterruption pour les Régions déjà compétentes à titre expérimental, et je veillerai, si le Parlement partage ce point de vue, à ce qu'il n'y ait pas de vide juridique. Cela signifie une prolongation du délai fixé par la loi au 31 décembre 1999.
Parallèlement, d'ici l'été, je consulterai toutes les parties prenantes de manière à entendre vos réflexions sur l'expérimentation et à me forger une opinion sur la manière de conduire cette généralisation. Bien évidemment, dès qu'il sera mis en place, le Conseil Supérieur du Service Public Ferroviaire interviendra sur ce dossier.
Voilà, Mesdames et Messieurs ce que je souhaitais vous indiquer. J'ai été un peu long, vous me pardonnerez. Mais je suis convaincu de l'importance de la réforme que nous voulons faire pour faire évoluer tout à la fois le transport ferroviaire et le service public, et bien au-delà, l'ensemble de nos pratiques démocratiques.
(Source http://www.equipement.gouv.fr, le 22 mars 1999)