Interview de M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement, à Europe 1 le 8 juillet 2009, sur la motion de censure déposée par le PS, et sur le projet de loi sur le travail dominical.

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Circonstance : Motion de censure déposée par le groupe socialiste, radical et citoyen (SRC) contre la politique du gouvernement, à l'Assemblée nationale le 8 juillet 2009

Média : Europe 1

Texte intégral

A. Caron.- Vous êtes le nouveau ministre délégué aux relations avec le Parlement et vous devez gérer aujourd'hui votre premier dossier sérieux depuis votre arrivée à savoir le projet de loi sur le travail dominical. Les députés ont repris hier l'examen de ce texte de loi. D'après vos décomptes, combien de députés UMP avez-vous encore à convaincre ?

On ne raisonne pas comme ça. On essaie de convaincre sur le fond et je crois que le travail qui a été accompli tous ces derniers mois nous permet de considérer qu'aujourd'hui, l'UMP est rassemblée autour de ce texte.

Il y a quand même des députés qui sont contre, qui sont résistants. Le texte a d'ailleurs été modifié plusieurs fois.

Ça prouve la vitalité démocratique de notre famille parce qu'on a mis à profit, tous ces mois qui se sont écoulés, pour trouver encore une fois un texte d'équilibre qui permet de répondre à la problématique posée.

Donc combien de députés vont voter contre ou vont s'abstenir ? Combien de députés UMP ?

Très peu.

C'est-à-dire cinq, six, dix, quinze ?

Nous avons le débat jusqu'à vendredi ou samedi. C'est absolument impossible de dire aujourd'hui si tel ou tel de nos collègues votera contre ou s'abstiendra. Encore une fois, je pense qu'il y en aura vraiment, très, très peu. Vous serez surpris par le résultat.

En tout cas, il y a aujourd'hui une bataille de chiffres entre la majorité et l'opposition sur le nombre de "communes à vocation touristique" - c'est comme cela qu'on les appelle - qui vont être concernées par le travail le dimanche. Cinq cents communes, affirme X. Darcos, six mille selon les socialistes. C'est un petit peu comme les manifestations : chacun a ses chiffres ?

Non, c'est parce que les cinq cents communes sont des communes touristiques qui relèvent, je m'excuse, c'est compliqué...

C'est un peu technique, le texte est très technique.

Oui, souvent la loi est justement technique parce qu'elle doit être précise. Les cinq cents communes, c'est exact, parce que ce sont celles qui relèvent de l'application du code du travail et ce sont celles qui sont concernées par les dispositions qui sont contenues dans ce texte. Les cinq mille, ce sont les communes qui, au nom du code du tourisme, sont considérées comme touristiques et sur lesquelles les dispositions ne sont pas les mêmes.

Donc les socialistes n'ont pas bien compris le texte ?

Les socialistes font surtout, comme d'habitude, de la manipulation de l'opinion publique.

Hier, Libération a publié un sondage qui montre que les Français sont opposés à un assouplissement du travail le dimanche à 55 %. Le Gouvernement s'apprête donc à faire passer une loi impopulaire. Vous en avez conscience ?

Je pense que ce serait bien si, dans des sondages comme celui-là, on demandait aux Français s'ils étaient contents, le dimanche, de pouvoir aller faire les courses dans tel ou tel magasin. Et on verrait que ça équilibrerait...

Libération l'expliquait très bien, hier : les Français disent d'une part qu'ils sont contents, certes, d'aller faire des courses, mais qu'ils ne voudraient pas eux-mêmes travailler le dimanche.

Eh bien, oui, c'est souvent la contradiction. Si on aime bien aller faire des courses le dimanche, il faut qu'il y ait un certain nombre de nos compatriotes qui travaillent le dimanche. C'est donc une affaire qui est assez équilibrée. Mais, là encore, quand on montre un sondage, il faut montrer plusieurs aspects. Je crois que c'est ce qu'il manque aujourd'hui.

Le Gouvernement affirme que ces dispositions sur le travail dominical vont permettre de relancer la consommation et créer des emplois mais, apparemment, personne n'y croit : pas les syndicats ni même L. Parisot, la présidente du Medef, qui a dit qu'elle était dubitative. Ca veut dire quoi ? Tout le monde se trompe ?

Non, ça veut dire tout simplement que, là aussi, il faut aborder les choses avec humilité. Je rappelle que ce texte a déjà pour ambition de donner une base législative et juridique à des situations qui aujourd'hui sont de non droit.

Donc le but n'est pas forcément de créer des emplois...

Deuxièmement, à chaque fois justement qu'on ouvre des magasins ou des grands magasins, eh bien on peut penser que sur le plan économique ça a des effets bénéfiques. Je vous rappelle quand même que la France est le premier pays touristique du monde : 80 millions...

Mais alors, comment expliquez vous que L. Parisot dise : ce n'est pas une solution à la sortie de crise, c'est une petite contribution, je la cite, "c'est une petite contribution de solution à la sortie de crise".

Eh bien, c'est son appréciation, c'est peut-être une petite contribution, mais néanmoins c'est une contribution. Et le jour où certains grands magasins, sur les Champs-Élysées ou à proximité, pourront être ouverts, vous verrez le nombre de clients, étrangers en particulier, qui viendront les fréquenter. Donc, quand on est en période de crise, je crois qu'il est absolument indispensable de saisir toutes les opportunités qui se présentent, et ce sont les petits ruisseaux qui font la grande rivière. La grande rivière c'est quoi ? La reprise de la croissance. C'est ce que nous cherchons, et c'est la raison pour laquelle le président de la République dans son programme, depuis 2007, veut à tout prix revaloriser le travail. C'est-à-dire, aller chercher la croissance avec les dents.

L. Fabius va défendre aujourd'hui une nouvelle motion de censure contre la politique du Gouvernement pour dénoncer la dérive institutionnelle. Vous dites quoi ? C'est une motion de plus ?

Une motion de plus, non, parce que l'opposition à tout à fait le droit de déposer une motion de censure, ça fait partie de notre vie démocratique. Là, je n'ai aucune appréciation à porter. La dérive institutionnelle, c'est quoi la dérive institutionnelle ? Sur quoi se base-t-on pour considérer qu'il y aurait une dérive institutionnelle ? Parce que le président de la République est venu s'exprimer devant le Parlement réuni en Congrès ? Je rappelle que les institutions de la Vème République permettaient jusqu'à cette date au président de la République de s'exprimer au Parlement par l'intermédiaire d'un message qui était lu par le Premier ministre, à l'Assemblée nationale, par un ministre au Sénat, devant des parlementaires debout. Eh bien, le fait de réunir les députés, les sénateurs pour écouter l'intervention du président de la République, ça ne me paraît pas une dérive institutionnelle, ça me paraît au contraire une amélioration de la vie démocratique et institutionnelle.

H. de Raincourt, je voudrais que l'on s'arrête quelques instants sur votre fonction : chargé des Relations avec le Parlement. Vous remplacez à ce poste R. Karoutchi. Selon vous, qu'est ce qu'il a raté et qu'est-ce que vous, vous devez réussir ?

Je ne vois pas ce que R. Karoutchi a raté.

S'il est parti, c'est qu'il a dû rater quelque chose ?

Non, parce que le président de la République dit, fort justement, qu'on n'est pas ministre à vie. On rentre dans un Gouvernement, on sert son pays, et puis, comme la démocratie est vivante, il faut que ça change. Moi, je sais pertinemment que je suis là pour une période qui sera forcément limitée, donc ce n'est pas du tout le critère de sélection sur lequel il faut se prononcer. Donc, moi mon rôle c'est effectivement de faire en sorte que les choses se passent bien, entre l'exécutif - j'appartiens aujourd'hui à l'exécutif - et le législatif, Assemblée nationale et Sénat.

En quelques secondes, H. de Raincourt, on parle d'un nouveau secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement, à vos cotés. Pour vous encadrer, peut-être, pour vous ??pauler ? C'est vrai ou ce n'est pas vrai ?

J'ai lu ça effectivement dans la presse. Je me permets simplement de vous dire que c'est le président de la République et le Premier ministre qui nomment les membres du Gouvernement.

Vous n'êtes pas au courant donc ?

Non.

Merci beaucoup, H. de Raincourt.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 31 juillet 2009