Déclaration de M. Bernard Apparu, secrétaire d'Etat au logement et à l'urbanisme, sur la politique de la ville, l'innovation et la simplification en matière d'urbanisme, le Plan Campus et le logement étudiant, Bordeaux le 3 septembre 2009.

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Circonstance : 14e universités d'été du Conseil français des urbanistes "Ville et Université", à Bordeaux le 3 septembre 2009

Texte intégral

Permettez-moi tout d'abord de vous présenter mes excuses : je souhaitais en effet être parmi vous ce matin, mais une contrainte de dernière minute m'a retenu. Réuni maintenant avec autant d'urbanistes, je voudrais dire tout le plaisir que j'ai à être présent aujourd'hui à ces Universités d'été.
Vous comprendrez que cette année, ces rencontres prennent une dimension un peu particulière. Comme vous le savez, l'urbanisme va entrer dans une nouvelle ère : nous avons changé de cadre de réflexion, nous avons changé de normes, nous avons changé d'outils,... Bref, nous avons changé d'époque ! Plus rien ne sera jamais comme avant et je suis convaincu qu'il y aura bien un « avant » et un « après » Grenelle en matière d'urbanisme. Les enjeux de la ville durable ont été intégrés jusqu'aux documents de planification, comme le SCOT ou le PLU.
Moi, j'y vois personnellement, le début d'un nouvel âge d'or pour votre profession et je pense plus particulièrement aux jeunes qui ont décidé de s'engager dans cette voie. Ils arrivent à un moment où il y a tout à réinventer, tout à repenser, tout à redessiner,...
Ces rencontres sont l'occasion pour moi de dire une chose au fond assez simple : vous allez être les vecteurs du changement auprès des collectivités locales, auprès des services de l'Etat, des aménageurs et de l'ensemble des acteurs de la ville.
C'est en ville que se concentrent toutes les urgences : lutte contre le changement climatique, préservation de la biodiversité, pression démographique, assainissement...
Mais c'est aussi en ville que se concentrent toutes les solutions : limitation de l'étalement urbain, construction de logements à énergie positive, rénovation thermique, mobilité durable, respect du paysage,...
Au fond, c'est en ville, à l'échelle d'une rue ou d'un quartier, que l'on est confronté à la réalité concrète du développement durable.
Ainsi, vous êtes à la fois les gestionnaires de la rareté (de l'espace, des ressources naturelles, des ressources fossiles) et les architectes du bien être.
Vous serez auprès des collectivités les chefs d'orchestre, les chefs de chantier, et pour certains, les chefs d'entreprise, de l'urbanisme durable.
Ceci implique forcément de revoir nos méthodes de travail. Désormais, les logiques à l'oeuvre en matière d'étalement urbain, de consommation foncière n'ont plus de raison d'exister. On ne peut plus continuer à mener de façon cloisonnée une politique de transports, une politique de logements, une politique environnementale, et ceci aussi bien au plan national qu'au plan local.
C'est tout le sens de l'unification du Logement et de l'Urbanisme au sein d'un grand Ministère de l'Ecologie, de l'Energie, des Transports. Car le développement durable est fondamentalement un défi urbain.
La transversalité qui est recherchée, la cohérence qui veut que l'on travaille ensemble projets de transport et nouveaux développements urbains, ce que vous avez d'ailleurs fait ici à Bordeaux, est à votre image, au coeur de vos métiers. Vos formations, vos parcours différents sont autant de richesses que d'idées à exploiter. La diversité des horizons doit nous montrer le chemin d'un rééquilibrage des erreurs passées. Vous avez la lourde et passionnante tâche d'accompagner les acteurs de la ville dans l'évolution des pratiques aujourd'hui nécessaire pour construire les villes durables du XXIème siècle.
A ce titre, le succès de la consultation sur le Grand Paris, l'intérêt de tous pour les travaux réalisés par les 10 équipes retenues montre l'intérêt de cette démarche. Et j'oserai même vous dire que, lorsqu'on arrive à en parler sans évoquer le Code de l'Urbanisme, ce sujet passionne tout le monde. Et tout ce qui sera imaginé et mis en oeuvre dans ce plan ambitieux servira aux collectivités locales, aux agglomérations de toute la France.
J'en tire deux conclusions ou deux constats :
Premier point, un principe a bien été retenu en matière d'urbanisme : mettre la stratégie urbaine en avant, et sortir des schémas compliqués, simplifier les règlements. Les idées ne doivent plus être dictées uniquement par les contraintes. Ce dont on a le plus besoin aujourd'hui, c'est d'imagination, d'innovation, et d'ambition.
Beaucoup de ministres ont annoncé cette réforme. Je serai celui qui la conduira. Parce que soyons lucide, l'activité d'un Ministre, c'est trop souvent créer des normes, des procédures, des contraintes. Celui qui ne simplifie pas fait exactement l'inverse.
Je suis convaincu qu'il faut mettre de l'huile dans les rouages. La simplification sera une priorité de mon action.
Deuxième point, le besoin de pédagogie aux enjeux de l'urbain, est immense.
Il y a là une attente majeure des habitants, évidemment au plan local, à l'échelle d'une rue, d'un quartier, mais aussi d'une ville, d'une agglomération.
Aujourd'hui, les Français sont sensibilisés aux enjeux liés aux économies d'énergie, au recyclage, à la protection de la biodiversité....C'est bien mais qu'en est-il de l'urbanisme ?
A nous de trouver une façon originale, simple et concrète de parler de la ville à tous, de faire entrer l'urbanisme à l'école, à la maison, à l'université ainsi que dans les conversations quotidiennes.
Car, quand on y réfléchit, nous avons tous vocation à être passionné en matière d'urbanisme, même quand on n'est pas un spécialiste. Il n'y a pas d'autre sujet où on parle à la fois d'histoire, de géographie, de particularités locales, de sociologie, d'esthétisme, de paysage,...
La conception de projet, le dessin de l'évolution des villes, les nouveaux documents de planification, la pédagogie à développer, tout cela nécessite de la matière grise, des compétences, de l'ingénierie. Vous devez être mobilisé pour les réflexions d'ampleur, qui nécessitent un réel investissement. Ces évolutions de pratiques nécessitent un nouvel esprit dans la formation initiale et continue, pour que chacun puisse développer et expliquer ses idées avec tous les moyens mis à disposition.
Je vais vous faire part d'une conviction : un projet urbain accepté, c'est un projet urbain compris, partagé, approprié, bref démocratisé.
C'est le sens de la démarche Ville Durable du Ministère dans le cadre du Grenelle Environnement, c'est pour moi le sens de ma double compétence, c'est votre vocation auprès des collectivités qui sont en première ligne sur cette compétence décentralisée.
Je dois par ailleurs vous dire que je suis très sensible au thème que vous avez retenu pour votre université d'été. D'abord, parce que l'enseignement supérieur est un sujet qui me passionne depuis toujours. Et puis, parce que les universités ont de tout temps joué un rôle clef dans les villes : on connaît les villes universitaires moyenâgeuses, les villes étudiantes anglaises, les prestigieux campus américains,...
Les universités modèlent la démographie des villes, leur attractivité, leur activité économique, elles impriment leur rythme et remodèlent leur image. Elles forgent leur identité. Elles permettent aussi de renforcer le lien social. Quelque soit la ville ou le quartier, la jeunesse est une chance et une opportunité à saisir.
C'est une relation essentielle, ancienne, presque intime. Mais c'est aussi une relation complexe : les acteurs, les préoccupations immédiates, les modes d'intervention, les partenariats sont parfois différents.
Je crois que là aussi, il faut changer d'époque en nous appuyant sur toutes les expériences. Je suis convaincu qu'à l'ère des nouvelles technologies, la notion de campus doit être complètement revisitée. Les campus autrefois « excentrés » ont été rattrapés par la croissance urbaine.
Ils sont devenus le noyau de projets urbains globaux, intégrés pour les collectivités, qu'il s'agisse de projets de transport avec dessertes en transports collectifs ou sur des schémas de circulation douce, d'aménagement des abords...
Le Gouvernement a lancé avec le Plan Campus une forte impulsion bien articulée et là aussi ambitieuse sur l'action urbaine : ne plus considérer le campus comme une enclave dans la ville mais comme un quartier à part entière.
A ce titre, j'ai rencontré Valérie PECRESSE et nous avons la volonté commune de ne pas laisser les campus isolés. L'attractivité d'une université, c'est aussi son intégration dans un espace plus grand, plus ouvert.
C'est aussi la question des logements étudiants, enjeu fondamental des relations entre ville et université. Nous savons tous que c'est un problème récurrent depuis près de vingt ans. Je rencontrerai d'ailleurs les principales organisations étudiantes dans quelques jours.
Comme vous le savez, le Gouvernement a souhaité inverser la tendance en explorant toutes les pistes : mise à disposition du parc public, reconversion de bâtiments désaffectés (je pense par exemple aux casernes), encouragement à la colocation, aides à l'hébergement par des particuliers,...
Un étudiant dans la ville, c'est un étudiant qui fait vivre les quartiers, c'est un campus ouvert sur la ville.
Le choix de Bordeaux, site d'une importante opération campus, pour votre université d'été trouve tout son sens quand on voit le dynamisme urbain engagé et à venir.
Les quelques heures passées à visiter ces lieux avec Alain Juppé m'a fait sentir cette formidable transformation, et combien l'initiative des collectivités locales est une réussite. Dans la réflexion sur le Grenelle 2, ces exemples ont été des modèles.
Je me réjouis aussi d'être à Bordeaux parce que l'impact des investissements menés ici est déjà visible. Il y a à peine 10 ans la ville souffrait d'un manque de dynamisme : 10 ans pour remodeler et révéler une ville, c'est court. Pourtant, le chemin parcouru est déjà le plus bel encouragement qu'une collectivité puisse avoir : aujourd'hui, l'image de Bordeaux, ce sont ces quais et cette pierre magnifique, c'est le patrimoine mondial, une réappropriation dans l'espace public par les bordelais et les très nombreux visiteurs qui affluent désormais. Bordeaux vit pleinement grâce à ces évolutions. C'est un réseau de tramway innovant, qui est désormais une référence et qui dessine un nouveau projet urbain, préfigurant ainsi un des messages repris dans le Grenelle Environnement sur l'articulation entre politique de transports et d'urbanisme.
L'histoire ne s'arrête pas là pour Bordeaux : sans évoquer tous les projets qui dessinent l'avenir de ce territoire, j'évoquerai ceux qui intéressent particulièrement le Ministère, de l'échelle intercommunale à celle du quartier, avec les démarches enclenchées dans le cadre du projet d'opération d'intérêt national Euratlantique, du projet Ecocité. Dans le cadre du projet de PNRQAD, j'ai pris connaissance de la candidature de grande qualité de Bordeaux, qui allie habitat privé, espace public et mixité sociale, trois objectifs complémentaires pour que ces évolutions profitent à tous. Sans jamais se satisfaire, la ville de Bordeaux, comme beaucoup de collectivités locales, montre encore la volonté de se transformer. Ensemble, nous serons à la hauteur de ces enjeux.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 10 septembre 2009