Déclaration de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, sur la mise en application de la loi "Hôpital, patients, santé, territoires" et l'éthique médicale, Paris le 6 octobre 2009.

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Circonstance : Séance de rentrée de l'Académie de médecine à Paris le 6 octobre 2009

Texte intégral

Mesdames, messieurs les professeurs,
Mesdames, messieurs,
Près de quinze mois se sont écoulés entre la remise du rapport de la commission de concertation sur les missions de l'hôpital et la promulgation de la loi « Hôpital, patients, santé, territoires » (HPST) le 21 juillet dernier.
Au sujet de la loi HPST, les chiffres, à eux seuls, sont éloquents.
HPST, ce ne sont pas moins de 135 articles, qui proposent la modernisation de pans entiers du code de la santé publique, et des aménagements substantiels apportés au code de la sécurité sociale ou encore au code de l'éducation.
HPST, ce sont environ 145 décrets et arrêtés d'application et 8 ordonnances, dont une première vague d'une cinquantaine de textes à publier en 2009, parce qu'ils conditionnent la mise en oeuvre des dispositions centrales de la loi ou renvoient à des priorités politiques fortes.
Il s'agit notamment des textes relatifs :
- à la gouvernance des établissements publics de santé ;
- au statut des directeurs d'hôpital ;
- aux missions de service public ;
- au statut des praticiens hospitaliers, avec, en particulier, la mise en place du nouveau statut de « clinicien hospitalier » ;
- aux mesures de prévention de la consommation d'alcool et de tabac ;
- et, bien entendu, à la mise en place des ARS.
Mes services et ceux des autres ministères concernés ont entrepris, en étroite collaboration, de rédiger une première version des textes dès le mois de juillet. Ainsi, chaque projet doit traverser une phase de concertation, avec de nombreux interlocuteurs.
J'ai souhaité que l'Académie nationale de médecine y soit associée et je veux proposer que l'un de ses représentants participe au groupe permanent de concertation.
Pour certains décrets qui ont déjà été finalisés pendant l'été, vous pourrez rencontrer les conseillers de mon cabinet qui en ont la charge.
Parce qu'ils en sont la déclinaison opérationnelle, les décrets d'application doivent respecter l'esprit de la loi.
C'est pourquoi, si vous me le permettez, je voudrai vous rappeler en quelques mots les principes qui ont sous-tendu cette loi et auxquels je suis très attachée.
Le premier de ces principes, c'est que l'hôpital ne saurait en aucun cas être une entreprise.
L'hôpital est un service public auquel, même et surtout en temps de crise, nous donnons des moyens importants et légitimes.
N'oublions pas que la progression de l'ONDAM a été fixée à 3,1% pour l'année 2009, dans un pays qui traverse des difficultés économiques, et c'est encore 2,8% en 2010, dans le contexte que vous connaissez. Il n'y a pas de réduction d'effectifs, globalement ; il y a même eu, au contraire, une augmentation à l'hôpital. La France a les dépenses hospitalières par habitant les plus élevées au monde, et le maillage hospitalier le plus resserré.
Ce qu'il nous faut garantir, c'est donc bien le bon usage des ressources que la collectivité alloue aux établissements de soins et aux professionnels de santé.
Ce qu'il nous faut aussi garantir, c'est l'accès de tous nos concitoyens à des soins de qualité sur l'ensemble du territoire.
La coordination des hommes et des femmes au service des missions qui sont les leurs, leur organisation, leur motivation relèvent, comme les autres activités humaines, de processus de management et de gestion d'équipes. Je souhaite que ces dernières fonctionnent de manière optimale.
Le deuxième principe qui a sous-tendu la loi HPST, c'est la nécessité, sur la gouvernance hospitalière, d'éviter les situations de blocage.
L'hôpital est une communauté humaine au service de la santé de nos concitoyens, dans laquelle chacun joue un rôle spécifique, les médecins comme les infirmières, comme les directeurs, comme l'ensemble des professionnels de santé.
Au cours de votre carrière, vous avez déjà vu des médecins qui n'étaient pas d'accord entre eux, non pas sur la façon de traiter un patient, mais sur celle d'organiser une activité médicale, quelle qu'elle soit.
Face à ces divergences, que peut-on faire ? Faut-il laisser le statut quo perdurer des années durant et la situation se dégrader ? Faut-il laisser les acteurs s'user dans des querelles de clocher ?
Ce n'est résolument pas le choix que j'ai fait.
A l'hôpital, chacun doit pouvoir exercer son métier dans des conditions améliorées.
C'est la raison pour laquelle, en cas de conflit ou de difficulté, il faut bien quelqu'un qui ait le dernier mot : ce doit être le directeur.
Il est en effet le plus à même d'effectuer une synthèse des ambitions et de conserver ainsi toute sa cohérence au projet médical.
Sinon, c'est prendre le risque de l'inertie ou du blocage : je ne le veux pas.
Pour autant, le directeur ne sera pas un homme isolé, prenant ses décisions seul. Il sera un directeur à la tête d'une équipe unie, qui statue sur la base du projet médical de l'établissement élaboré par l'ensemble de la communauté hospitalière.
Le troisième principe qui a sous-tendu la loi HPST, c'est la volonté de rendre plus lisible le pouvoir médical.
Je sais que ceci a trop souvent été source d'inquiétudes, voire de fantasmes. Je veux donc profiter de l'occasion qui m'est ici donnée pour lever les malentendus qui pourraient persister, et réaffirmer mon attachement à la décision médicale et à la qualité des pratiques.
La loi HPST rappelle que le strict respect de la déontologie s'impose à toute personne ayant des responsabilités de gestion : le président du directoire et le chef de pôle ne sauraient y échapper. Ceci est inscrit dans les articles 6 et 8 de la loi.
J'ai entendu ici ou là des remarques sur la mise en danger de l'éthique médicale ; elles sont outrancières et elles sont infondées.
Le président de CME aura une responsabilitéde premier plan :
- il élaborera, avec le directeur et en conformité avec le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens, le projet médical de l'établissement ;
- il coordonnera la politique médicale de l'établissement ;
- il devra mettre en place, avec la CME, une démarche transversale garantissant la qualité et la sécurité des soins.
Pour cela, il devient vice-président du directoire. Ce dernier a une majorité médicale et conseille le président, qui est aussi le directeur de l'établissement.
Le président de la CME établit une liste de propositions à l'intention du directeur pour la nomination des membres du directoire qui appartiennent aux professions médicales, et pour des chefs de pôles cliniques et médico-techniques.
Il donne un avis au directeur pour l'organisation de l'établissement en pôles d'activité et sur les contrats de pôle, afin de vérifier leur cohérence avec le projet médical.
Pour les pôles hospitalo-universitaires, ces listes de propositions sont établies conjointement par le président de CME et le doyen. L'avis du doyen est également requis avant signature des contrats de pôle par le directeur et le chef de pôle.
Vous le voyez, loin de la caricature qui en a été dressée par certains, la réforme que j'ai portée propose au contraire un renforcement et une clarification du pouvoir médical. Les prérogatives du chef de pôle en sont une belle illustration.
En effet, celui-ci organise le fonctionnement du pôle avec les équipes médicales, soignantes, administratives et d'encadrement, sur lesquelles il a autorité fonctionnelle.
Au-delà de ces attributions qui sont déjà, à ce jour, celles d'un responsable de pôle, la loi introduit une nouveauté : désormais, le chef de pôle a la main sur l'affectation des ressources humaines en fonction des nécessités de l'activité, et il intervient dans le recrutement des médecins, en les proposant, après avis du président de CME, au directeur, qui les propose à son tour au centre national de gestion.
Certains ont voulu faire croire que c'était le directeur qui choisissait les médecins : rien n'est plus faux, chacun l'a bien compris.
Enfin, le chef de pôle choisit les responsables d'unités médicales internes au pôle. Bien sûr, la dénomination de ces unités est maintenant au choix de l'établissement, cela peut être des services, des départements, des unités cliniques. Sur ce point, je vous rappelle, que depuis 2005, la création de service n'était pas autorisée ; elle l'est aujourd'hui.
Ceux qui prétendaient que les services disparaitraient se livraient donc à de la désinformation. Il appartiendra à chaque établissement de définir librement son organisation interne et de la rendre lisible à la fois pour les patients, les correspondants et les étudiants.
Les travaux de la commission Marescaux se sont pleinement inscrits dans l'esprit du projet de loi. Ils ont contribué à favoriser une adaptation de la gouvernance des CHU à leur rôle prépondérant d'enseignement et de recherche, en tenant compte de leur spécificité.
Ils ont également permis une amélioration et une valorisation du lien entre l'hôpital et l'université.
Permettez-moi d'évoquer brièvement les principales mesures d'adaptation.
Il s'agit d'abord d'un directoire de neuf membres pour les CHU, dont trois vice-présidents : vice-président aux affaires médicales (président de la CME), vice-président doyen et vice-président pour la recherche, nommé sur proposition conjointe du président de l'INSERM, du président de l'université et du vice-président doyen.
Dans les centres hospitaliers universitaires, les pôles d'activité clinique et médico-technique sont dénommés pôles hospitalo-universitaires.
La convention hospitalo-universitaire doit voir son contenu modernisé, pour devenir le véritable instrument d'un pilotage stratégique et partagé entre le CHR et l'université. Elle doit s'articuler avec les autres documents stratégiques que sont le projet d'établissement et le contrat pluriannuel d'établissement.
Par exemple, le projet d'établissement prend en compte les objectifs de formation et de recherche définis conjointement avec l'université dans la convention hospitalo-universitaire.
L'idée est de veiller à ce que les sujets traités conjointement avec l'université, notamment la recherche et l'enseignement, ne soient pas définis isolément par l'hôpital dans son projet d'établissement.
Enfin, je ne voudrais pas conclure sans vous dire quelques mots au sujet de la grippe A (H1N1), et ce d'autant que je sais que vous allez travailler prochainement sur cette question.
Je vous le dis avec force et conviction : la parole de l'Académie sera essentielle.
Vous le savez, le Haut comité de la santé publique nous a donné des recommandations très claires sur la vaccination. La stratégie vaccinale que j'ai proposée au Premier ministre et qui a été validée il y a deux semaines repose sur ces recommandations.
Les premières autorisations de mise sur le marché (AMM) sont accordées et nous allons bientôt entamer une campagne vaccinale d'une ampleur inédite.
L'objectif majeur de cette campagne est de protéger les plus vulnérables, ainsi que les professionnels de santé, en leur proposant prioritairement la vaccination.
Cette dernière sera ensuite proposée également à l'ensemble de la population, afin de permettre la protection de tous et de renforcer de fait, indirectement, la protection des plus fragiles, en particulier ceux qui ne pourraient pas se faire vacciner.
Les avis de l'Académie de médecine seront, à n'en pas douter, suivis avec la plus grande attention. Il est en effet fondamental qu'une assemblée comme la vôtre s'exprime sur l'importance de la vaccination, sur la rigueur qui est de mise dans ce domaine et sur la démarche qui a été suivie par l'autorité sanitaire européenne.
Le comportement des médecins au cours de la campagne vaccinale sera l'un des éléments majeurs de l'adhésion des soignants et aussi de la population. Je sais que vos conclusions seront pour eux une référence majeure.
Je vous remercie.Source http://www.sante-sports.gouv.fr, le 7 octobre 2009