Interview de M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement, à Europe 1 le 22 octobre 2009, sur le budget pour 2010, la suppression de la taxe professionnelle et la réforme des collectivités territoriales.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Europe 1

Texte intégral

M.-O. Fogiel.-  Bonjour H. de Raincourt. 
 
Bonjour 
 
Vous êtes le ministre chargé des Relations avec le Parlement. Couac  plutôt rare hier à l'Assemblée ; en commission des finances, l'UMP  n'a pas réussi à réunir une majorité sur le projet de loi de finances  de la sécurité sociale. Finalement, c'est la commission des affaires  sociales qui l'a adopté. Vous avez vu la une du Figaro ce matin : "la  fronde des députés UMP". C'est rare que le Figaro face sa une là-dessus.  C'est dur, non, pour vous ministre chargé des Relations  avec le Parlement ? Cela ne doit pas être facile. 
 
La question n'est pas ma situation personnelle, la question est de voir  comment on aborde les grands sujets, les grandes transformations pour  lesquelles naturellement la majorité est sollicitée. 
 
On y vient. D'abord le budget et la Sécu, la rigueur budgétaire...  Trouvez-vous que ce que réclament les députés de la majorité, vous  diriez que ça tangue fort là-dessus aujourd'hui ? 
 
La rigueur budgétaire est une nécessité. Mais la rigueur budgétaire on la  trouve dans le budget. Parce que je rappelle que le budget 2010 c'est le  troisième budget successif sur lequel l'augmentation des dépenses  d'une année sur l'autre est de zéro volume. 
 
D'accord mais 116 milliards de déficit alors qu'on parle d'un grand  emprunt, vous comprenez qu'aujourd'hui, chez vous dans vos  rangs, cela tangue. Et on se dit ce que fait N. Sarkozy, il cautionne  des déficits historiques. 
 
Mais il faut toujours resituer les choses dans leur contexte et leur  environnement. S'il y a 116 milliards de déficit en 2010, il y en avait  146 en 2009. Et deuxièmement, là-dessus, le problème n'est pas un  problème de dépenses mais un problème de recettes, parce qu'on a 50  milliards de recettes en moins et donc effectivement nous avons besoin  que la croissance reparte au plus vite. D'où un certain nombre de  mesures économiques et fiscales que le Gouvernement entend mettre en  oeuvre le plus rapidement possible. 
 
Et quand vous entendez, dans vos rangs, G. Carrez, le rapporteur  du budget, et P. Méhaignerie, le président de la commission des  affaires sociales, qui sont sur la même ligne - "en 2010, il va falloir  assainir les comptes" - on a vraiment l'impression qu'il y a d'un  côté le Gouvernement dont vous faites partie, de l'autre côté les  députés, pourtant de la majorité, qui ne sont absolument pas sur la  même ligne. 
 
J'espère que ce n'est qu'une impression, parce qu'on est tous sur la  même ligne. Ce qu'on veut, c'est que la croissance reparte au plus vite  et que l'on puisse le plus rapidement possible, après, redresser nos  comptes publics. 
 
Et que leur dites-vous aux députés parce que quand vous dites "on  est sur la même ligne" c'est un peu pieux pour l'instant. 
 
Non pas du tout. Je leur dis aux députés qu'il faut absolument que nous  rendions les entreprises françaises les plus compétitives possibles et  cela passe en particulier par la suppression de la taxe professionnelle. 
 
Justement, la taxe professionnelle, vous l'avez entendu, J. Arthuis  pense que la réforme de la taxe professionnelle va provoquer "de la  casse". "De la casse" c'est des mots forts chez vous. 
 
"De la casse", au niveau des élus je ne le crois pas. Ce qui est très  important, c'est que la réforme de la taxe professionnelle ne provoque  pas de la casse dans les entreprises. Or si nous suivons un certain  nombre de recommandations qui nous sont faites, eh bien,  effectivement ce sont les petites et moyennes entreprises qui paieraient  un milliard supplémentaire par rapport à ce qui est aujourd'hui prévu  dans le projet du Gouvernement. Et c'est la raison pour laquelle dans la  discussion que nous avons avec nos amis de la majorité, nous  défendons notre point de vue et nous n'avons pas l'intention, ni même  d'ailleurs je crois la possibilité... 
 
Vous ne reculerez pas sur la taxe professionnelle ? Rien du tout sur  la taxe professionnelle ? 
 
Attendez ! Il y a plusieurs points. On discute en permanence avec les  députés et également les sénateurs de la commission des finances. On  est aujourd'hui arrivé presque à un accord. Il reste un point sur lequel  on ne peut pas être d'accord : c'est la conséquence de ce qui résulterait  de ce que veut l'Assemblée nationale pour les petites et moyennes  entreprises. 
 
C'est-à-dire ? Parce que là-dessus, il faut préciser. Il y a  l'amendement UMP qui prévoit que les entreprises s'acquittent  d'une nouvelle cotisation supplémentaire à partir de 152.000 euros  et non 500.000 euros comme prévu initialement. Vous avez entendu  L. Parisot, elle dit que vous allez étrangler les entreprises. 
 
Nous on ne veut pas étrangler les entreprises, c'est justement la raison  pour laquelle on préconise de taxer sur la valeur ajoutée à partir de  500.000 euros. Et là-dessus nous disons aux députés qu'il faut faire très  attention et qu'on ne peut pas lâcher sur ce seuil de 500.000 euros. 
 
On comprend bien tout ce que vous venez de nous dire mais vous le  dites également aux députés qui écoutent Europe 1 ce matin, on  sent que manifestement vous avez besoin de leur dire, fermement,  quand même à la radio avec votre sourire, mais qu'ils n'ont pas  l'impression de l'entendre. 
 
On verra dans le courant de la matinée s'ils n'entendent pas. On se  retrouve tout à l'heure à 9h30 - on s'est quitté à 1 heure du matin - et  j'espère qu'on y arrivera avant la fin de la matinée. 
 
Sur la réforme des collectivités territoriales, diriez-vous que le  Parlement pourra faire entendre sa voix sans la défigurer, ce que  voulait N. Sarkozy ? 
 
Bien évidemment, parce que sur la réforme des collectivités  territoriales, il y a plusieurs points très importants. Ce sur quoi on  pourra certainement travailler le plus, c'est la clarification des  compétences, sans entrer dans la technique, entre en particulier les  départements et les régions. Sur le fait que l'on conserve à la commune  la clause de compétence générale parce que la commune c'est la cellule  de base de la société. Et deuxièmement, on prendra bien en compte  aussi la réalité qui est celle de la création de grandes métropoles : 7 ou 8  en France, par exemple. Donc, il y a des possibilités et des espaces de  discussion qui sont naturellement très nombreux. 
 
Pour terminer et peut-être que tout cela illustre tout ce qu'on vient  de se dire, vous avez entendu E. Pinte, député UMP, qui appelle le  cabinet du ministre E. Besson et à qui l'on dit qu'il n'y aura pas de  vol dans la nuit de mardi pour envoyer des Afghans à Kaboul, et  que finalement il y en a bien eu un. Il y a un manque de confiance  clair envers la majorité. C'est un exemple qui illustre quand même  ce qu'on se dit depuis tout à l'heure ? 
 
Je ne sais pas comment le contact s'est noué entre le cabinet de Besson  et E. Pinte. Ce que je veux vous dire, c'est que les reconduites à la  frontière elles se font sur la base de décisions de justice. 
 
Ce n'est pas la question. La question, c'est entre la majorité... 
 
Mais c'est ma réponse. 
 
D'accord, mais ce n'est pas la question. Je ne vous parle pas du  fond de la reconduite à la frontière. Un député UMP appelle un  ministre du Gouvernement et on lui dit l'inverse de la réalité. 
 
Je ne sais pas comment cela s'est passé. Je ne sais pas... Il faut  demander au cabinet d'E. Besson et à E. Besson lui-même comment  cela s'est passé. Je ne peux pas vous répondre sur quelque chose que  j'ignore totalement.  (...) 
 
J.-F. Copé : Je pense qu'il ne faut pas mettre la charrue avant les  boeufs. Je pense qu'on ne va pas parler de grand emprunt avant de  savoir ce qu'on veut dépenser. Le développement durable, les  nanotechnologies, les grands investissements universitaires, tout cela  est génial mais ensuite comment est-ce qu'on paye ? On paye en faisant  des économies sur d'autres domaines. L'Etat, par exemple, pourrait  revisiter, réexaminer les 65 milliards d'aides qui sont donnés tous les  ans aux entreprises. Ça se regarde, il y en a peut être certaines qui sont  moins efficaces que d'autres. 
 
H. de Raincourt, vous voulez répondre à J.-F. Copé ? 
 
J.-F. Copé a raison quand il dit qu'il faut regarder avant de lancer le  grand emprunt à quoi il serait dédié, ça c'est vrai. Deuxièmement, je  crois que cette idée de grand emprunt c'est la manifestation, une fois de  plus, de l'obsession qui est celle du Gouvernement de la compétitivité  et de la modernisation de notre pays. Donc il faut savoir ce qu'on veut.  Nous, on veut que cela aille vite, parce que je vous rappelle que les  pays en Asie, aujourd'hui, en terme de récupération de la croissance,  ont déjà retrouvé le niveau qu'elles avaient avant la crise. Nous, on est  toujours derrière. Le temps travaille contre nous et il s'agit de passer à  la vitesse supérieure. 
 
Manifestement les députés de votre majorité ne l'ont pas compris.  Mais on a en déjà débattu tout à l'heure... 
 
Non, ils comprennent très bien. 
 
Manifestement pas. On vient d'entendre J.-F. Copé... 
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 22 octobre 2009