Déclaration de M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat au commerce, à l'artisanat, aux petites et moyennes entreprises, au tourisme, aux services et à la consommation, sur le rôle des experts-comptables dans l'économie, leurs interrogations sur le statut d'auto-entrepreneur et l'impact de plusieurs directives européennes sur leur fonction, Nantes le 17 octobre 2009.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : 64ème congrès de l'ordre des experts-comptables, à Nantes du 15 au 17 octobre 2009

Texte intégral

Monsieur le président du Conseil supérieur de l'Ordre, cher Joseph ZORGNIOTTI
Mesdames et Messieurs les présidents,
Mesdames et Messieurs les directeurs,
Mesdames et Messieurs,
J'étais déjà venu vous voir lors de votre précédent congrès, il y a un peu plus d'un an, le 2 octobre si je me souviens bien, et je suis très heureux de pouvoir de nouveau m'adresser à vous aujourd'hui, votre congrès portant sur un thème qui m'est cher : « la confiance par la relance ».
Comme vous le rappelez dans votre programme, je suis persuadé que la profession comptable est, effectivement, au coeur de l'économie, de la confiance et de la relance. C'est donc avec plaisir que je viens conclure votre congrès, et à cette occasion, vous exprimer tout l'intérêt que je porte à la profession d'expert-comptable ici représentée.
I - La place des experts-comptables dans l'économie
Je tenais à rendre hommage à votre profession, au niveau d'exigence élevé qu'ont demandé vos études et que vous déployez chaque jour pour vos clients.
Cet investissement personnel et professionnel se retrouve naturellement dans la confiance que vous accordent chaque jour des dirigeants d'entreprises, petites et grandes, et que j'ai moi-même accordée à mon expert-comptable lorsque j'étais dirigeant d'entreprise.
C'est donc en connaissance de cause que j'affirme que cette confiance me semble parfaitement fondée, car comme tous les chefs d'entreprise, j'ai conscience de l'importance que vous accordez à votre responsabilité professionnelle, à votre déontologie, au haut degré d'exigence que vous vous imposez.
Les compétences, la diversité des missions pour les entreprises et la proximité avec celles-ci font des experts-comptables les premiers partenaires-conseil des entreprises, accompagnant celles-ci dans l'établissement de leurs comptes, d'abord, mais aussi sous forme de conseil en gestion, droit des affaires, droit fiscal ou encore droit social.
Aujourd'hui, vous accompagnez près d'un million et demi d'acteurs économiques, et ce à chaque étape de la vie de l'entreprise : lors de sa création, lors de son développement et lors de sa transmission.
Derrière cette quantité d'acteurs économiques que vous accompagnez, se trouvent près de 19 000 experts comptables et plus de 5 500 stagiaires répartis au sein d'environ 15 000 sociétés d'expertise-comptable.
En tant que ministre en charge des PME, je vous fais part de toute ma satisfaction devant ce rôle qui est le vôtre, d'accompagnement des entreprises, et ce d'autant plus que j'ai pu pleinement en apprécier l'utilité, comme je l'ai dit, lorsque j'étais moi-même entrepreneur.
Ce rôle d'accompagnement, vous le déclinez également en temps de crise. Je pense bien évidemment à celui de tiers de confiance que de nombreux experts-comptables assurent au côté des PME pour les accompagner dans leurs démarches auprès du médiateur du crédit. J'en profite d'ailleurs pour saluer René Ricol et les efforts qu'il a déployés lorsqu'il était à ce poste.
Je pense aussi à votre « Passeport de la relance », initiative prise avec Oséo, qui permet à chacun de mieux appréhender les difficultés et solutions qui peuvent, et parfois doivent, être prises, prenant en compte les difficultés des entreprises vis-à-vis de tous leurs interlocuteurs : clients, fournisseurs, salariés, organismes sociaux... Je ne les citerai pas tous.
Vous savez aussi innover dans l'accompagnement des entreprises. En témoigne la convention que je signerai tout à l'heure avec vous portant sur l'intelligence économique. En effet, la maîtrise de l'information est essentielle pour la compétitivité d'une entreprise, car elle seule lui permet de tenir compte de l'évolution de son environnement. Et les experts-comptables ont la confiance des chefs d'entreprise, si bien qu'il semble relativement naturel que la sensibilisation des entreprises à l'intelligence économique passe par les experts-comptables.
C'est tout l'objet de cette convention, qui permettra d'instaurer un dispositif où les experts-comptables joueront ce rôle d'analyse et de sensibilisation, au sein de 10 régions dans un premier temps, puis progressivement sur l'ensemble du territoire en fonction des résultats.
II - L'auto-entrepreneur
Parmi les sujets qui sont sources d'interrogations parmi vous, figure également le régime de l'auto-entrepreneur, mis en place par la LME et auquel je suis particulièrement attaché.
Ce dispositif novateur, entré en vigueur le 1er janvier dernier, permet notamment d'exercer très simplement une activité individuelle, éventuellement libérale, à condition que le chiffre d'affaires annuel ne dépasse pas 32 000 euros pour les activités de services.
Les formalités et les coûts rencontrés usuellement lors d'une création d'entreprise sont réduits, grâce à une déclaration unique, qui peut se faire par Internet. Les charges sont calculées forfaitairement en fonction du seul chiffre d'affaires réalisé.
Je perçois également les craintes de certains vis-à-vis d'une concurrence déloyale que représenteraient les auto-entrepreneurs, et je souhaite les dissiper. Le régime de l'auto-entrepreneur ne permet pas de se soustraire aux obligations et qualifications professionnelles. Il est hors de question de permettre à quelqu'un n'ayant pas les compétences et qualifications adéquates d'effectuer une profession libérale.
Les auto-entrepreneurs doivent être accompagnés dans la durée. Le régime de l'auto-entrepreneur n'est pas adapté dans certaines situations, par exemple lorsque les charges réelles pouvant être déduites sont importantes, ou lorsque l'activité est déficitaire.
De même, lorsque l'auto-entrepreneur développe son activité, il a vocation à dépasser les plafonds de chiffre d'affaire du régime, et donc à rejoindre le droit commun fiscal et comptable. Bref, il faut accompagner les auto-entrepreneurs, pour qu'ils n'adoptent pas ce régime lorsqu'il n'est pas adapté à leur situation, et qu'ils ne se maintiennent pas artificiellement dans ce régime lorsqu'ils en dépassent le plafond.
C'est pourquoi je me félicite de signer, dans quelques minutes, une convention tripartite avec l'Union des auto-entrepreneurs et le Conseil supérieur de l'Ordre, afin de sécuriser le régime de l'auto-entrepreneur, à les professionnaliser et à faciliter leur développement.
En particulier, je félicite le Conseil supérieur de l'Ordre pour son engagement qui se matérialisera par un kit auto-entrepreneur, véritable outil d'aide à la décision, qui informera et aidera les auto-entrepreneurs à gérer leur activité. Vous jouerez donc tout votre rôle auprès des auto-entrepreneurs, comme vous pouvez le faire actuellement pour les PME.
III - Directive Services
Permettez moi également de dire quelques mots sur la mise en oeuvre, au niveau communautaire, de l'harmonisation des réglementations nationales, j'entends par là la transposition de la directive Services. Christine Lagarde a déjà évoqué ce sujet lors de son intervention vidéo auprès de vous.
Je suis attaché à ce que la profession d'experts-comptables demeure réglementée, et reste attentif aux messages de vos représentants qui, j'en suis sûr, sont conscients des opportunités offertes par cette directive.
C'est pourquoi le projet de loi relatif aux réseaux consulaires que j'ai préparé prévoit de fixer une détention de la majorité du capital des cabinets d'expertise comptable et 66 % des droits de vote par ces mêmes experts-comptables. Je sais que certains d'entre vous auraient souhaité allé au-delà en termes de ratio, mais au niveau retenu par le projet de loi, ils permettent déjà le maintien de l'indépendance des cabinets, ce qui est à mes yeux l'essentiel.
Ce projet de loi ne s'arrête d'ailleurs pas là pour vos professions. Il prévoit également de libérer vos conjoints des interdictions reposant sur les membres de l'Ordre, qui les touchaient jusqu'à présent.
Vous pourrez également consacrer la majorité de vos activités à une seule entreprise ou groupe financier, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. Enfin, vous n'aurez plus de contraintes quant au nombre de sociétés au sein desquelles vous participez au conseil d'administration ou au conseil de surveillance.
Je souhaite par ailleurs féliciter ceux qui, parmi vous, prennent part aux expériences de guichet unique mis en place dans le cadre de la directive Services, le succès de ces expériences devra beaucoup aux experts-comptables.
Le guichet unique, vous le savez, consiste à mettre en oeuvre un lieu où l'ensemble des informations relatives à la création d'une activité professionnelle, quelle qu'elle soit, seront disponibles, et toutes les démarches permettant de démarrer celle-ci devront pouvoir y être réalisées.
Ces informations et démarches devront également être dématérialisées. Mes services travaillent main dans la main avec les ordres professionnels, afin que toutes les professions libérales soient accessibles par l'intermédiaire du guichet unique. Je salue l'exemplarité des experts-comptables et de leurs représentants.
IV - La mission « Professions libérales » - Entreprise à patrimoine affecté / Interprofessionalité
Je veux également vous remercier pour votre contribution sur le projet d'entrepreneur à patrimoine affecté.
J'ai bien noté le souhait des experts-comptables de pouvoir y accéder, et les questions d'articulation avec les régimes de responsabilité personnelle qu'il convient d'étudier.
Vous le savez, j'ai lancé une mission d'envergure portant sur les perspectives transverses des professions libérales. Je remercie le Conseil supérieur de l'Ordre pour son implication vis-à-vis de cette mission. Il en va de son succès et de sa transversalité.
Cette mission devra, en particulier, approfondir la question de l'interprofessionnalité, de façon transversale et en cohérence avec les recommandations émises plus spécifiquement dans le domaine des professions juridiques par la Commission présidée par Jean-Michel Darrois.
J'ai d'ailleurs bien noté vos observations à ce sujet, notamment s'agissant du périmètre de la proposition de contreseing d'avocat. Pour ma part, je suis intimement persuadé que la compétitivité de vos entreprises, mais aussi de l'ensemble des entreprises que vous accompagnez, passe par une offre de services et de conseils la plus complète possible, favorisant les interactions entre les professions du chiffre et du droit, dans le respect des compétences de chacun. La concertation en cours sur la mise en oeuvre du rapport Darrois devra bien sûr tenir compte des préoccupations des experts comptables.
V - Simplification de la fiche de paie
Je veux également, et encore, vous féliciter pour les efforts que vous déployez pour simplifier la fiche de paie. Il s'agit d'un chantier important pour nos concitoyens, souvent perdus devant cette dernière, et pour nos entreprises qui sont demandeuses de simplifications de ce type, venant alléger les contraintes déclaratives auxquelles elles doivent faire face.
Je viens tout juste de recevoir votre rapport. Bien évidemment je l'étudierai avec le plus grand soin et espère pouvoir décliner rapidement vos recommandations.
VI - Transposition de la directive anti-blanchiment
Enfin, je ne vous apprendrai pas qu'une ordonnance récente venant transposer la troisième directive dite anti-blanchiment prévoit que vous soyez soumis à des obligations de vigilance vis-à-vis de l'identité de vos clients et des opérations que vous effectuez pour ces derniers.
Lors de l'examen de la proposition de loi de Chantal Brunel, tendant à favoriser l'accès au crédit des petites et moyennes entreprises et à améliorer le fonctionnement des marchés financiers, un amendement prévoyant que les experts-comptables sont dispensés de déclaration de soupçon pour les informations connues lors d'une consultation juridique a été déposé et adopté au Sénat le 9 juin dernier puis voté à l'Assemblée nationale.
Le Conseil constitutionnel a disjoint cette disposition pour des raisons procédurales (absence de lien avec le texte en cause). L'arbitrage sur ce point n'est pas encore rendu, mais cette disposition conserve bien sûr sa pertinence, et pourrait par exemple trouver place dans le projet de loi de régulation bancaire et financière en préparation suite au G20.
Conclusion
Vous l'avez compris, Monsieur le Président, je me félicite de cette relation de confiance qui s'est instaurée entre nous. Ces échanges concrets sont propices à la bonne mise en oeuvre des réformes que vous attendez, et qui se répercuteront sur tout l'écosystème économique de notre pays.
Je vous remercie donc une nouvelle fois pour votre mobilisation en faveur de nos entreprises et vous propose, Monsieur le président, de passer à la signature de nos conventions.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 21 octobre 2009