Déclaration de M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, sur les grandes orientations de la politique d'aménagement du territoire, notamment la généralisation du haut débit, Annecy le 24 septembre 2009.

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  • Michel Mercier - Ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire

Circonstance : Clôture du congrès de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, à Annecy (Haute-Savoie) le 24 septembre 2009

Texte intégral

Je suis particulièrement heureux d'être parmi vous pour ce 34ème congrès de la FNCCR, et pas seulement parce que j'aime la Région Rhône-Alpes, le département de Haute-Savoie et la ville d'Annecy qui nous accueillent.
En 2006, vos travaux s'inscrivaient dans une période marquée par l'imminence de l'ouverture complète des marchés de l'énergie à la concurrence et la perspective du Grenelle Environnement.
Le thème du congrès 2009, « les solidarités territoriales face à la crise économique et écologique », semble avoir été imaginé pour le ministre de l'Espace rural et de l'Aménagement du territoire, par nature soucieux des solidarités territoriales, et je vous en remercie.
C'est donc avec beaucoup de plaisir que j'ai accepté la proposition de Xavier PINTAT de venir clôturer ces trois jours de travaux à Annecy.
Car la FNCCR oeuvre pour l'aménagement du territoire. Elle est donc un partenaire de premier plan pour le MERAT au moment le président de la République m'a demandé de porter une nouvelle ambition pour les territoires.
La création d'un ministère de plein exercice de l'espace rural et de l'aménagement du territoire exprime pour la première fois l'attention du Gouvernement pour l'espace rural français. Et elle identifie l'aménagement du territoire comme une priorité en elle-même. Il y a donc une ambition politique forte. C'est pourquoi j'ai proposé au président de la République et au Premier ministre un projet de renouvellement de la politique d'aménagement du territoire de notre pays, sur lequel j'aurais l'occasion de m'exprimer au début du mois d'octobre.
Monsieur le Président, mesdames et messieurs, je voudrais partager avec vous aujourd'hui mes convictions.
Une politique d'aménagement du territoire est d'abord une politique en faveur de ses habitants. Quels que soient les territoires, leurs habitants expriment un socle de besoins, transports, accès aux soins, logement, travail, sécurité, éducation, loisir... Ils demandent un traitement équitable pour l'accès aux services. Ils ont des exigences croissantes en termes d'accessibilité et de qualité de services et leurs besoins évoluent. Le monde rural est désireux de vivre selon le standard urbain. Cela inclut donc les services publics locaux d'énergie, d'eau, d'assainissement, dont la FNCCR a permis la quasi-universalité, mais cela inclut aussi la téléphonie mobile, l'accès internet ou la télévision numérique.
Cette équité dans l'accès aux services est un des fondements de la cohésion sociale et territoriale, l'un des fondements de notre pacte républicain. Cela exige des réponses innovantes de la part des pouvoirs publics et je crois qu'il est indispensable de rétablir la confiance, en particulier dans les territoires ruraux et dans certains quartiers urbains. Le constat que l'on peut faire dans l'immédiat, c'est quel la charte des services publics a été mise en oeuvre de façon différenciée par ses différents signataires.
Pour moi, il y a une réussite en la matière, c'est celle de La Poste. Le débat sur la réforme du statut de cet opérateur occulte les initiatives qu'il a prises pour apporter des réponses concertées, innovantes et équilibrées aux attentes des élus et du public. La Poste a mis en place des outils nationaux et départementaux permettant de suivre de près l'évolution de ses services, en prenant des engagements concrets sur l'accessibilité et le nombre de points d'accueil, et en créant un fonds de péréquation intervenant dans chaque département.
Pourquoi les autres opérateurs ne pourraient il pas s'en inspirer ? Le projet de loi sur le statut de La Poste consolide les engagements de l'opérateur en matière d'aménagement du territoire et je serai présent au banc avec Christian ESTROSI lors de la discussion au Sénat mi-octobre pour défendre ces avancées en matière d'aménagement du territoire.
La politique d'aménagement du territoire est aussi une politique en faveur des territoires, sans que ces territoires aient tous la même vocation et le même potentiel de développement. Cette politique doit prendre appui sur un diagnostic précis des atouts et des fragilités de chaque territoire de façon à développer au mieux leurs potentialités et en tirer le meilleur parti. Elle est un moyen de faire de la diversité un atout. C'est une politique porteuse d'avenir, pour renforcer la compétitivité des territoires mais aussi réduire les déséquilibres et les fractures de toutes sortes. Elle doit mettre en valeur les territoires, qu'ils soient urbains ou ruraux.
Enfin, la politique d'aménagement du territoire doit permettre de relever le défi de la mondialisation, car les territoires sont placés au coeur d'interdépendances économiques mondiales. Elle doit aussi permettre de construire un modèle de croissance plus durable, par des infrastructures qui facilitent les changements de comportements. De ce point de vue, les réseaux très haut débit recèlent un potentiel formidable.
Plus que toute autre, la politique d'aménagement du territoire est une politique de long terme, anticipant et accompagnant les grandes évolutions sociétales, économiques et technologiques.
Le numérique en est une bonne illustration. D'une part, la demande de débit croît de façon continue, on dit même qu'elle augmente de 50% chaque année. Cela signifie que la demande d'un foyer moyen équipé d'une ou deux télévisions haute définition et de quelques ordinateurs devrait avoisiner les 100 Mégabits par seconde en 2013, alors même que la couverture haut débit sera tout juste achevée !
La généralisation du très haut débit est un rendez vous à ne pas manquer, et à la différence du haut débit et de la téléphonie mobile, dont il était difficile de prévoir le succès il y a 20 ans, cette fois nous sommes prévenus, nous n'aurons pas d'excuse.
C'est pourquoi j'ai proposé au président de la République et au Premier ministre une stratégie d'anticipation sur le très haut débit qui rompt avec l'approche soi disant d'un déploiement séquentiel et pyramidal partant des grandes villes et atteignant les zones rurales au bout de 30 ou 50 ans si les opérateurs le veulent bien. Il faut rompre avec cette vision inspirée des mauvais ouvrages d'économie.
Je propose un programme de déploiement du très haut débit fixe et mobile sur tout le territoire dans un calendrier resserré, un programme dans lequel l'Etat joue son rôle, définit une stratégie, une méthode et un calendrier, facilite le processus d'étude en liaison avec les collectivités locales, et il donne l'impulsion par des procédures publiques adéquates. L'Etat crée enfin un cadre de financement de long terme, à l'échelle de temps de ce type d'infrastructures essentielle pour le futur de notre pays.
L'objectif est naturellement de mobiliser les investissements privés, ce qui nécessite un cadre de financement de long terme que seul l'Etat est en mesure d'assumer. L'objectif est aussi de réduire les besoins en financements publics, ce qui implique de traiter ces projets à l'échelle pertinente pour bénéficier d'un effet de péréquation territoriale, qui fonctionne très bien pour les services publics locaux relevant de votre action.
J'ai confié à la DIACT une étude sur l'ensemble de ces questions relatives au déploiement du très haut débit et vous savez que j'ai pris position dès ma nomination, pour que le grand emprunt puisse être mobilisé en faveur de ce programme, qui me semble aussi structurant que l'électrification de notre pays.
Si la mobilisation du grand emprunt en faveur du déploiement de la fibre optique sur les territoires est acquise, il faudra que son utilisation soit coordonnée avec vos réflexions sur la sécurisation des réseaux de distribution électrique et sur l'enfouissement des réseaux. Avec cette approche, nous allons pouvoir doublement préparer l'avenir.
Si je suis particulièrement heureux d'évoquer ces sujets devant vous aujourd'hui, c'est bien parce que la FNCCR est pour moi un modèle d'organisation de l'action publique locale en faveur de l'aménagement du territoire et du progrès social.
Depuis les années 30, votre Fédération a su, avec constance et détermination, placer les collectivités et les acteurs locaux au coeur de la transformation des marchés de l'énergie, de l'eau et de l'assainissement, tout en faisant vivre les principes de défense des consommateurs et de solidarité entre l'urbain et le rural.
En déclinant le modèle concessif français sur l'ensemble des problématiques de services publics locaux, vous avez oeuvré pour plus de cohésion sociale et de cohésion territoriale, dans un environnement de marché qui n'a pourtant cessé d'évoluer, avec des opérateurs qui sont devenus de grands acteurs de dimension internationale.
Depuis 2006, vous avez aussi poursuivi votre action en vue de consolider les normes de qualité et de continuité du service, de rénover les outils de négociations avec les opérateurs. Vous n'avez pas hésité à pointer le manque d'ambition des normes et des programmes d'investissement.
Je suis convaincu que si notre pays a su faire bénéficier tous les citoyens aussi rapidement des effets de la révolution de l'énergie électrique, c'est en grande partie grâce à la formule de la concession, à votre action et à votre implication, à la fois sur le terrain et au plan national.
Souvenons nous, il y a plus de 60 ans, la résolution du congrès de Bordeaux a conduit la même année à la création du FACE.
En 2009, la proposition de loi déposée par votre président Xavier PINTAT permet de créer un Fonds d'aménagement numérique du territoire. J'ai fermement soutenu cette idée au sein du Gouvernement, car je suis aussi le ministre de l'aménagement numérique du territoire. C'est pourquoi j'étais au banc lors de la discussion au Sénat, cher Xavier PINTAT, et je serai présent au banc à l'Assemblée.
Pour toutes ces raisons, je suis de ceux qui pensent que l'action de la FNCCR est une leçon pour l'avenir.
Aujourd'hui, de nouveaux défis se présentent, qui concernent en grande partie les domaines auxquels se consacre votre Fédération.
Vous le savez bien, et vous avez eu l'occasion au cours de ces trois jours d'y réfléchir, nous vivons des mutations importantes dans les domaines du climat, de l'énergie, des matières premières, de la gestion de l'eau et des ressources naturelles, de la santé publique, sans parler ici des mutations sociétales.
Ces mutations structurelles sont des opportunités pour notre pays, mais aussi pour votre Fédération. Ils vous concernent, mais je veux vous dire qu'ils me concernent aussi au titre de ma mission.
Je vais prendre deux exemples.
Le premier est un souvenir douloureux pour beaucoup de nos concitoyens. Je veux parler des tempêtes qui ont frappé notre pays au début de cette année. Sans me prononcer sur le lien entre ces événements et le réchauffement de la planète, ce qui est certain, c'est que ces deux tempêtes successives ont révélé nos besoins considérables en matière de sécurisation des réseaux de distribution d'électricité, c'est-à-dire d'enfouissement et de modernisation.
Nous devons avoir à l'esprit que ces ruptures de réseau n'ont pas seulement privé d'énergie des millions de foyers durant de longues semaines en plein hiver, elles ont eu des répercussions sur les services d'eau, d'assainissement, sur les écoles, l'administration, la téléphonie et l'accès à internet, autrement dit sur l'ensemble de l'économie et de la vie sociale.
C'est donc là un sujet de réflexion pour l'opérateur, pour son actionnaire l'Etat et pour le régulateur. Il est important notamment que les travaux d'enfouissement permettent par la même occasion de poser des fourreaux dans lesquels les opérateurs de services pourront ensuite déployer de la fibre optique. C'est un sujet sur lequel mes services travaillent avec la FNCCR.
J'en viens au second exemple. Il concerne la présence territoriale des grands opérateurs. Le développement à l'international des grands champions nationaux comme EDF et GDF-Suez est essentiel, mais nous travaillons aussi ensemble à la manière d'améliorer l'exercice de leur mission d'intérêt général sur leur territoire.
Les Français sont très attachés à la présence territoriale des services publics, et il y a des domaines où celle-ci peut prendre des formes innovantes ; je pense en particulier à la mutualisation des moyens entre opérateurs, qui pourrait certainement contribuer au maintien d'une présence territoriale d'intervention technique, parallèlement aux travaux engagés pour la sécurisation des réseaux. Ces deux sujets se complètent.
Face à ces nouveaux défis, je serai présent à vos côtés

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Je sais combien les collectivités concédantes et régies sont des éléments structurants pour nos territoires. Et les collectivités en charge des services publics locaux de l'eau, de l'énergie et de l'environnement doivent répondre aux attentes de consommateurs de plus en plus exigeants en matière de qualité de service au moindre coût. Elles doivent aussi faire face à de nouveaux défis liés à l'ouverture des marchés à la concurrence et aux mutations structurelles, notamment environnementales.
La réponse à ces nouveaux défis passe notamment par l'optimisation de la maille de la maîtrise d'ouvrage, permettant plus de mutualisation, plus de péréquation géographique locale et plus de cohérence.
Et cette attente est encore plus prégnante dans les territoires ruraux.
C'est pourquoi je veux relancer une dynamique pour donner toutes leurs chances aux territoires ruraux, sans les opposer aux territoires urbains, dans tous les domaines, économique bien sûr, mais aussi services publics et services de proximité, culture, tourisme, transports...
C'est dans cette perspective que je vais lancer une grande concertation. Les « Assises des territoires ruraux » se tiendront sur le dernier trimestre 2009, pour se conclure début janvier 2010. La consultation permettra de préciser l'attente des populations, des entreprises et d'identifier en conséquence les mesures en faveur d'un développement économique durable et d'une offre de services satisfaisante. La complémentarité entre territoires ruraux et territoires urbains sera tout particulièrement abordée.
Cette consultation sera conduite de façon à ce que nos concitoyens puissent s'exprimer directement. Au terme de la réflexion, qui associera les représentants des différentes filières, les associations d'élus, les administrations, je compte présenter un programme d'actions en faveur des espaces ruraux.
Sur l'ensemble de ces points, qui constituent la trame de l'action que je vais mener dans les prochains mois pour le monde rural, je compte sur vos propositions et votre participation active à la concertation qui va préparer ces « Assises des territoires ruraux », en particulier en matière d'offre de service au public et d'amélioration de l'équité territoriale.
Je vous remercie.

Source http://www.energie2007.fr, le 29 octobre 2009