Interview de Mme Nadine Morano, secrétaire d'Etat à la famille, à Europe 1 le 12 octobre 2009, sur les mères porteuses et le statut du beau-parent.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Europe 1

Texte intégral

M.-O. Fogiel.- Une étude réalisée par nos confrères du JDD, nous apprend que 65 % des Français sont pour la légalisation des mères porteuses. Un chiffre en augmentation depuis janvier dernier - à l'époque c'était 61 %. Est-ce qu'à votre avis le Gouvernement va franchir le pas ? Est-ce qu'on est vers la voie de la légalisation, même très encadrée ?
 
Nous verrons lors de l'étude des lois bioéthiques l'année prochaine, puisque vous savez que nous sommes dans l'obligation de réviser ces lois bioéthiques, qui interviendra l'année prochaine. Légaliser, qu'est-ce que cela veut dire ? Cela ne veut pas dire seulement autoriser, et donc si les Français souhaitent légaliser, cela veut dire qu'ils souhaitent qu'il y ait un débat sur ce sujet, mais surtout, ils veulent instaurer un cadre légal. Pourquoi ? Parce que la gestation pour autrui se pratique dans d'autres pays européens et on voit bien qu'il vaut mieux sans doute se doter, nous, d'une loi qui encadre strictement ce dispositif plutôt que de laisser partir nos compatriotes à l'étranger et utiliser sans doute des méthodes moins rigoureuses, moins encadrantes et surtout moins sécurisantes pour tout le monde.
 
Clandestines... On se souvient que vous aviez eu une phrase choc en 2008, vous aviez dit que vous seriez prête à porter le bébé de votre fils s'il y avait eu un problème. Quel est le cadre que vous voudriez voir établi pour la légalisation, si elle a lieu ?
 
Je suis favorable au rapport qui a été rendu par le Sénat, de madame André, la sénatrice André. Je trouve que se diriger vers la gestation pour autrui dans le cadre de la stérilité utérine - et c'est pour cela que je regrette vraiment que "Zone interdite" ait coupé mes propos lors de cette émission. Parce que je suis favorable à un cadre légal pour la gestation pour autrui, seulement dans le cadre d'une stérilité utérine. C'est-à-dire qu'on a à faire à une femme qui peut devenir mère parce qu'elle produit des ovocytes mais qu'elle n'a pas d'utérus ou qu'elle a un utérus mal formé et qu'à cause de cela, elle ne peut pas assurer la gestation du bébé. Je suis favorable uniquement dans un cadre médical, parce que c'est la seule réponse que nous ne donnons pas de manière médical à un couple qui pourrait devenir parent et qui ne le peut pas à cause de cette malformation ou cette absence utérine.
 
Il y a quand même la question du marchandage des corps et du contrôle de certaines dérives. Vous pensez qu'on peut éviter la marchandisation ?
 
On peut si on a un cadre légal, parce qu'à partir du moment où vous signez une convention chez le juge, tel que préconisé par le rapport sénatorial, à partir du moment où vous instaurer uniquement l'indemnisation des frais de maternité et non pas une commercialisation du ventre, comme ça l'est dans certain pays. On voit bien qu'en Grèce par exemple, il y a l'indemnisation des frais de maternité tout comme en Angleterre. Et donc, à partir du moment où vous êtes très clair dans cette convention que vous signez chez le juge, vous éviterez - je ne dis pas à 100 % - mais vous éviterez normalement la marchandisation du corps. Parce que vous savez, il y a des gens très généreux, qui ont envie dans un cadre rapproché d'amis par exemple, de pouvoir rendre service à un couple qui pourrait devenir parent et qui ne le peut pas uniquement parce qu'ils ne peuvent pas faire cette gestation.
 
Aujourd'hui il y a des couples homosexuels qui font appel à ces mères porteuses de façon illégale, puisqu'ils le font à l'étranger. Se pose donc la question du statut du beau-parent, il y a quelques mois...
 
Ils le font en France, puisque là, on reste dans le cadre d'une filiation normale, puisqu'il reste à avoir un père et une mère.
 
Vous nous disiez il y a quelques semaines maintenant, à propos du statut des beaux-parents qu'il serait étendu aux couples homosexuels. Vous en faisiez un point d'honneur. Cela semble avoir disparu du projet de loi la semaine dernière. L'honneur c'est une chose, la politique c'est une autre ?
 
Non, ce n'est pas comme cela qu'il faut l'entendre. Moi, j'ai vu d'ailleurs le rapport de J. Leonetti, qui apporte quelques préconisations complémentaires, qui ne dénature en rien l'avant-projet de loi qui avait été rédigé par la chancellerie, par mon cabinet, mais qui avait été aussi validé à Matignon tant à l'Elysée.
 
Et c'était une promesse de campagne de N. Sarkozy...
 
Oui. D'abord, ce que nous voulons faire, c'est le statut du tiers, c'est-à-dire que lorsque des parents s'entendent à ce qu'ils puissent partager l'autorité parentale sous convention chez un juge, donc de manière très souple et très rapide à mette en oeuvre et sans discrimination. C'est-à-dire que si l'enfant est élevé avec l'accord de ses parents j'entend - parce que c'est toujours, ce dispositif, avec l'accord de ses parents -, avec un beau-père, une belle-mère alors que l'un d'entre eux, le père biologique, habite à 300 kilomètres et ne peut pas s'occuper de façon très pragmatique de l'enfant. Si tout le monde est d'accord, eh bien ils signent une convention chez le juge pour les actes importants de la vie de l'enfant...
 
Ca, on a bien compris, c'est le statut du beau-parent, mais est-ce que ce sera étendu aux couples homosexuels ?
 
Et si un enfant est élevé par deux adultes de même sexe, et qu'il y a accord, là aussi, pour partager l'autorité parentale et donc sans discrimination, on devrait permettre un accord aussi par le biais d'une convention homologuée chez le juge. Alors la discussion, de toute manière, aura lieu et la promesse de campagne de président de la République, c'est d'agir simplement sans discrimination mais dans l'intérêt de l'enfant. Parce que ce qui nous semble important, c'est qui s'occupe de l'enfant, comment est-ce qu'on permet, avec une convention chez le juge, que tout le monde s'entende bien, à s'occuper au mieux de cet enfant dans sa vie de tous les jours.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 12 octobre 2009