Interview de M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat au commerce, à l'artisanat, aux petites et moyennes entreprises, au tourisme, aux services et à la consommation, à "Europe 1" le 30 décembre 2009, sur les décisions du Conseil constitutionnel annulant la taxe carbone et validant la suppression de la taxe professionnelle dans la loi de finances.

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Média : Europe 1

Texte intégral

A. Caron.- D'abord votre réaction à ce coup de tonnerre du Conseil constitutionnel, qui a annulé une des mesures phares du Gouvernement cette année, la taxe carbone, qui devait entrer en vigueur dans deux jours ?

Nous en prenons acte. Le Gouvernement prend acte de cette décision, du Conseil constitutionnel, qui n'a pas rejeté au fond la taxe carbone, qui a dit qu'il y avait un certain nombre d'exemptions, d'exonérations de cette taxe, qu'elles étaient trop nombreuses et que ça entraînait une rupture de l'égalité entre Français. Dont acte. Le Gouvernement présentera un nouveau texte qui prendra en compte ces remarques du Conseil constitutionnel dès le 20 janvier.

Vous la comprenez cette décision, les arguments avancés ?

Il y a eu un débat au Parlement, et c'est vrai que beaucoup de professions ont été exemptées, et le caractère un peu choquant peut-être, c'est que ces professions étaient celles qui polluaient le plus. Donc il fallait, c'est en tout cas le sens du Conseil constitutionnel, remédier à cela. Le Gouvernement le fera mais il n'entend pas abandonner son leadership en matière de défense de l'environnement.

Vous êtes donc d'accord pour dire ce matin que ce texte n'était pas bon ; vous dites qu' "il fallait remédier à ça".

Oui, le Conseil constitutionnel a mis en oeuvre un principe constitutionnel qui est le principe d'égalité devant l'impôt. Ces exemptions trop nombreuses l'ont conduit à rejeter cette taxe. Mais ce n'est pas le fond qui est atteint et un texte sera proposé...

93 % des industriels exemptés par le texte initial. Est-ce que vous allez changer cela ?

Bien sûr, le Gouvernement prendra en compte scrupuleusement les remarques du Conseil Constitutionnel.

Jusqu'où êtes-vous prêts à aller, parce que ça ne va pas être facile dans les négociations avec les industriels ?

Mais le Parlement a aussi mis un peu sa part, puisque beaucoup de parlementaires souhaitaient telle ou telle exemption pour des raisons économiques, parfois justifiées, souvent justifiées. Donc maintenant, on va tenir compte...

Ca va être compliqué pour vous dans les discussions avec les industriels ?

Non, d'une certaine manière ça va être simple.

Pourquoi ?

Si Le Conseil constitutionnel pense qu'il faut qu'il y ait beaucoup moins d'exemptions, d'exonérations, nous suivrons le Conseil constitutionnel.

Selon vous, cette loi existera ?

Bien sûr ! Elle sera déposée, proposée par le Premier ministre dès le 20 janvier au Conseil des ministres.

Une bonne nouvelle en revanche pour vous : le Conseil constitutionnel a validé la réforme de la taxe professionnelle prévue dans le projet de loi de Finances 2010.

Oui, c'est une très bonne nouvelle parce qu'elle va se traduire pour les entreprises, qui sont les premiers acteurs dans cette période difficile, par un allégement de charges de près de 12 milliards d'euros en 2010. C'est une très bonne nouvelle.

On parle de la consommation. Pendant cette période de Fêtes, le cabinet de conseil de Deloitte prévoyait il y a quelques semaines une baisse des dépenses pour les cadeaux, l'alimentaire et les sorties, de 3,5 %. Est-ce que cette baisse se vérifie d'après les derniers chiffres que vous avez ?

Non. D'après les derniers chiffres en ma possession, au contraire, on aura eu une très bonne tenue de la consommation dans l'habillement, dans les métiers de bouche, dans le sport, les loisirs, et donc, tout cela se passe mieux que prévu.

Les Français font-ils toujours autant de cadeaux ou font-ils des cadeaux moins chers mais davantage ? Vous avez des indications ?

Il y a des évolutions des modes de consommation. Du reste, une indication c'est parfois la revente des cadeaux. Vous savez que cette revente a augmenté de manière exponentielle. Donc cela prouve qu'il y a parfois une volonté chez les Français de consommer "de manière agile", comme on dit ou habile, c'est une bonne chose.

Comment se passent ces vacances de Noël pour les hôteliers, les restaurateurs, assez bien, notamment dans les Pyrénées, par exemple ?

Oui, ça se passe très bien. Et là encore, on dément les oiseaux de mauvaise augure qui nous disaient à chaque fois "ça va mal se passer". Non, ça se passe bien, parce que le modèle touristique français est un bon modèle ; lorsque ça va mal les étrangers viennent moins et les Français restent plus, et ça s'équilibre. Au total, on aura eu grâce à l'enneigement de très bonnes vacances d'hiver.

Vous dites "ça va bien", mais des chiffres, concrètement, pour qu'on se rende compte ?

Je n'ai pas de chiffres puisque les sports d'hiver, par définition, ne sont pas terminés. Je pense qu'on sera au niveau de l'année dernière, qui avait été une très belle période, liée notamment à l'enneigement qui s'est produit aussi cette année.

Et pour ce qui concerne les touristes étrangers qui viennent chez nous ?

On assiste à un retour des touristes étrangers, un retour timide, mais on voit, on aura vu dans ces stations de sports d'hiver beaucoup d'Allemands, beaucoup d'Anglais, beaucoup de Belges. Et donc c'est une bonne nouvelle pour nous.

Le coût des billets de TGV va augmenter de 1,9 % en moyenne, le 5 janvier. Ne craignez-vous pas que cette nouvelle hausse puisse nuire au tourisme ?

D'abord, c'est une hausse certes, mais c'est la plus faible depuis dix ans, donc...

Supérieure à l'inflation quand même...

Oui, certes, il faut aussi que la SNCF puisse investir. En tout cas, elle l'a estimé ainsi. Mais on est sur un rythme qui est un rythme modéré, ça a été jugé comme tel par la Fédération des usagers de transport. Et donc je pense qu'au total, cette hausse modérée ne devrait pas peser sur les transports.

N'est-ce pas trop cher quand même pour vous les prix du TGV ? Paris-Marseille, on n'est pas loin de 100 euros, Paris-Avignon, même chose, pour aller simple, pour une personne ! Donc dès qu'on est en famille...

Bien sûr, mais c'est quand même une très belle avancée. Par contre, ce qu'il faut absolument améliorer, de mon point de vue, c'est la lisibilité des tarifs.

Absolument, c'est vrai qu'on n'y comprend pas grand-chose !

Des tarifs qui évoluent d'heure en heure, en fonction de telle ou telle période. Je souhaite pour ma part qu'il y ait une très forte, un très grand effort de lisibilité en matière de tarifs, il n'est que temps.

Vous le souhaitez, mais qu'est-ce qui sera fait pour ça ?

Je pense qu'on aura une amélioration, c'est ce qui a été demandé par le Gouvernement et je pense que la SNCF comprendra que les consommateurs ont besoin de lisibilité et de simplicité.

L'un de vos gros dossiers en 2009, c'était le passage de la TVA à 5,5 % dans la restauration. Cela devait entraîner des baisses de prix, des embauches. Ça n'a pas vraiment été le cas, pour l'instant, seule la moitié des restaurateurs a baissé ses prix, et cette mesure a coûté plusieurs milliards à l'Etat. C'est quand même un échec.

Non, je vous trouve trop sévère. D'abord...

Ça m'aurait étonné que vous disiez le contraire !

Non, mais vous ne me l'avez pas dit et je vous apprends quand même, puisque apparemment...

Vous allez me parler de l'accord qui a été passé...

Bien sûr, vous le savez donc...

Vous ne me l'apprenez pas, l'accord qui a été passé sur les salaires...

Je vous le rappelle : 650.000 salariés de cette branche vont recevoir 1 milliard d'euros sur les 2,5 milliards de la baisse du taux de TVA...

Accord signé il y a deux semaines...

C'est un accord signé il y a deux semaines, c'est un accord historique, il n'aurait pas eu lieu sans la baisse du taux de TVA. Donc il y a de bonnes nouvelles dans ce contrat d'avenir. Et une autre bonne nouvelle, c'est que l'Insee a rectifié les chiffres en matière de répercussion de la baisse du taux de TVA sur les prix, c'est 2 % sur les 3 % que nous escomptions. C'est-à-dire qu'en gros, il y aura eu deux restaurateurs sur trois qui auront joué le jeu en matière de baisse des prix du contrat d'avenir. Je dis que ce contrat d'avenir aura de bons résultats.

Les chiffres de l'Insee que j'ai datent de début décembre, et l'Insee affirme que les prix ont encore augmenté en novembre, comme ils avaient augmenté d'ailleurs le mois précédent.

Oui, mais l'enquête de l'Insee porte sur le début du mois de juillet jusqu'à maintenant, et c'est bien 2 % qui ont été enregistrés comme baisse des prix dans la restauration.

Néanmoins, on n'est quand même pas exactement dans les modalités de l'accord qui avait été prévu.

Non, pas exactement, pas exactement. C'est pour ça que j'ai dit que la moitié du chemin - et là, aujourd'hui, un peu plus - avait été faite. Il faudra continuer, ce contrat d'avenir est prévu pour trois ans, on fera les comptes.

Comment vous allez faire pour convaincre justement les restaurateurs réticents à appliquer l'accord ?

L'accord, il y avait des mesures de court terme, les prix, parce que maintenant l'effet, l'écart, vont changer, donc ce sera très difficile de juger. Il y avait les prix, il y avait la négociation sociale, ces deux mesures de court terme ont eu des succès différents, mais au total, on va maintenant entrer dans les mesures de moyen terme, les créations d'emplois, les créations de postes d'apprentis, la modernisation de la restauration. Il faudra attendre puisque je vous le rappelle, ce contrat d'avenir est fait pour durer trois ans.

Un chiffre qui doit vous faire plaisir pour 2009, c'est le chiffre record pour les créations d'entreprises : 530.000, c'est presque deux fois plus que l'année précédente, avec notamment le statut d'auto-entrepreneur, qui a été instauré le 1er janvier, qui a attiré beaucoup de monde...

Oui, 300.000. Plus de 300.000 personnes en France ont choisi de démarrer leur activité avec ce régime ultra simplifié qui permet le passage à l'acte. Et c'est très bien.

Mais pour l'instant, au moment où on se parle, la moitié d'entre eux qui n'a encore réalisé aucun chiffre d'affaires...

C'est un pied à l'étrier. Cela leur permet de tester leur idée, leur projet. Et c'est une très belle innovation puisque si on ne fait pas de chiffre d'affaires, on n'a pas de charges. Donc c'est sans risque. On peut ne pas avoir une activité et puis si cela démarre, eh bien on a ce statut ultra simplifié. Je suis très heureux que la France soit aujourd'hui à la tête de la mesure la plus grande en matière de simplification de la création d'entreprise.

En un an, on a également pu assister aussi à quelques tentatives de dérive, des entreprises qui seraient tentées de faire travailler tel employé sous ce statut, ce qui évite le contrat de travail. Comment va-t-on faire pour éviter un statut de salarié déguisé ?

On est très attentifs. Il y a une évaluation qui sera menée en début d'année sur l'ensemble des conséquences de la création de ce statut d'auto entrepreneur. Mais je vous le dis, il faut aujourd'hui vraiment intégrer que la France est le leader en matière de simplification de création d'entreprise.

Un mot sur les élections régionales. Vous êtes candidat ?

Oui.

Vous mènerez la liste dans la région Centre. Cela fait partie des régions que la droite espère gagner.

Je l'espère, c'est sûr.

Entre président de région et secrétaire d'Etat, vous choisissez quoi ?

Je choisis la région.

C'est sûr, c'est dit ?

C'est donné, et je l'ai dit bien avant que vous m'interrogiez.

Pourquoi vous concourez pour la région ? Vous considérez que votre action comme secrétaire d'Etat ne vous convient pas, ne vous suffit pas ?

Non, pas du tout. J'ai plutôt le sentiment de donner le maximum à ce poste. Mais les combats politiques sont faits pour être livrés. Et il y a aujourd'hui une échéance politique, il ne faut pas s'y dérober. C'est en tout cas comme ça que je l'entends. Je porterai fièrement les couleurs de la réforme, des réformes pour changer notre pays et la région.

Dans le cadre de votre campagne régionale, vous avez lancé un débat sur l'identité régionale, un débat qui va donc s'ajouter au débat sur l'identité nationale. Il y a beaucoup de quêtes d'identité à l'UMP en ce moment !

C'est parce que j'ai pris en compte la réalité de la région Centre. La région Centre, ça ne veut rien dire. Et en plus, quand on n'a pas de projet, quand on n'a pas de bilan, quand on n'a pas de leader, il faut trouver des motifs de fierté d'appartenance. La région Centre, c'est le Berry, c'est la Touraine c'est les provinces françaises. L'identité régionale, elle est à quelque chose qui parle aux habitants de cette région.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 7 janvier 2010