Texte intégral
Interview à Europe 1 le 12 mai :
Q - Je vous remercie d'être là ce matin au terme de cette semaine, où on s'est beaucoup demandé ce que devenait l'amitié franco-allemande. Et un soir après le dîner, sans doute pour nous rassurer, le président Chirac a voulu distinguer les idées sur l'Europe du chancelier Schroeder et les propositions de son parti, le SPD. Et immédiatement le Chancelier a répliqué "qu'il n'y avait pas à faire un tel distinguo". Est-ce que vous avez déjà participé à un dîner franco-allemand qui se conclut aussi mal ?
R - Le dîner, s'est très bien conclu. Il s'est très bien passé. Il ne faut pas avoir peur du débat, comme cela. Nous sommes au début d'un processus qui doit s'achever en 2004. A propos de l'avenir de l'Europe, les positions s'expriment. Il y a eu des discours importants et il y en aura d'autres. Nous ne voulons pas conclure avant d'avoir commencé parce que sinon le débat ne prendrait pas une force démocratique. Donc, vous allez voir dans les semaines, les mois, mêmes les années qui viennent, beaucoup de points de vue s'exprimer.
Q - Après ce dîner, pensez-vous, que le chancelier Schroeder n'approuve pas, en fait, complètement les propositions de son parti ?
R - Oui, il est forcément solidaire des propositions de son parti, d'autant qu'il nous a rappelé que c'est une motion qui est votée à peu près dans ces termes à chaque congrès du SPD. Donc, elle n'est pas nouvelle, elle est même traditionnelle, je dirais, pour le SPD. Mais le chancelier est le premier à expliquer qu'il y a des propositions des partis, les contributions des partis qui sont souhaitées, qui sont bienvenues. Il y aura le débat démocratique et à un moment donné tout cela se transformera en négociation pour savoir ce que l'on fait vraiment. Donc, il ne faut pas monter en épingle l'expression de "nuance" sur les conceptions qui existent déjà depuis longtemps, ou alors c'est que l'on a peur du débat.
Q - Est-ce qu'il existe une nuance dite entre le parti, entre le SPD et M. Schroeder, vous maintenez ?
R - Non, je ne dis pas "nuance" entre les pays, nuance à l'intérieur d'un même pays. Par exemple, ce que dit le SPD, ce n'est pas ce que disait M. Fischer, ministre des Affaires étrangères il y a un an dans son discours.
Q - Et c'est ce que dit M. Schroeder ?
R - Il y avait un noyau dur important. Dans la position du SPD, il y en a. C'est une différence tout à fait considérable, par exemple. Et en France, il y aura des nuances. Il y aura une diversité. Il faut accepter ce débat comme une richesse. Quant au dîner franco-allemand d'hier soir, "le dîner à 5", que nous faisons tous les deux mois régulièrement, il était très important et très opérationnel puisque nous nous sommes mis d'accord sur à peu près tous les sujets du prochain Conseil européen qui aura lieu en Suède, à Göteborg. On a même commencé à parler de ce qui se traitera à la fin de l'année au Conseil européen en Belgique.
Q - Mais cela est à court terme. A long terme, sans langue de bois et pour parler simplement, est-ce que vous n'êtes pas globalement contre l'Europe que propose M. Schroeder, sur l'essentiel mais pas sur des points de détail ?
R - Je ne crois pas que l'on puisse dire les choses comme cela. Il faut profiter du débat. Profiter du débat, c'est ce que fait le SPD, c'est que fit M. Fischer il y a un an. C'est ce qu'avait fait le président de la République. D'autres le feront. Toutes ces interventions, d'ailleurs, n'ont pas fait baisser l'attente considérable qui se porte autour de ce que dira Lionel Jospin, ce qui montre l'importance qu'on accorde à ces analyses et à ces projets dans toute l'Europe d'ailleurs. C'est le débat. Vous ne pouvez pas figer les choses. Il y a un désaccord à ce stade. Alors, est-ce qu'au bout du compte, dans la négociation 2003, - vous voyez c'est loin -, est-ce que les positions de l'Allemagne seront celles qu'avait défendues M. Fischer, il y a un an ou celles qu'il défend maintenant, elles ont évolué ou ce que souhaite le SPD dans ces textes. Ou ce qui aurait été arbitré sur un autre point. C'est trop tôt pour le dire. Il ne faut pas figer les choses.
Q - Pas les Allemands, vous. Est-ce que vous, vous pourriez accepter, par exemple, que dans l'Europe de demain, la Commission européenne devienne le véritable gouvernement ?
R - Il y a quelque chose que nous n'acceptons pas, à mon avis, et là, je crois que c'est le consensuel, et qui ne sera pas accepté, c'est un autre élément du projet qui est le fait de transformer le Conseil des ministres qui est le nud de l'exécutif aujourd'hui et de la coordination en Europe en une seconde chambre.
Q - Cela, pour vous, jamais ?
R - Là, il y a une vraie différence de conception. Les Allemands trouvent cela sympathique parce que cela correspond à leur mode d'organisation à eux, mais, c'est le seul pays sur 15, où on ait cette approche. Sauf, peut être le Luxembourg.
Q - Et la Commission qui se transforme en gouvernement ?
R - Il ne faut pas simplement être nominaliste. Il ne faut pas jouer sur les mots. Tout dépend de savoir si elle a tous les pouvoirs exécutifs ou si c'est partagé comme c'est le cas aujourd'hui entre le Conseil et la Commission. Il me semble que les Français, quelles que soient les nuances entre eux, défendront un schéma dans lequel l'exécutif restera partagé entre le Conseil et la Commission. C'est un système qui a fait ses preuves. C'est ce que l'on appelle le triangle communautaire. Et on n'en serait pas là, au niveau européen, si ce système-là n'avait pas eu des résultats extraordinaires au cours des dernières décennies.
Q - M. Schroeder, très concrètement, propose par exemple que l'agriculture redevienne davantage l'affaire des Etats et beaucoup moins celle de l'Union. Est-ce que vous pourriez l'accepter ?
R - Non, pas comme cela, certainement pas. Mais c'est astucieux. Il n'en a pas parlé pendant le dîner. Il n'en a pas parlé à Berlin. Je sais que la tarte à la crème c'est le silence de Lionel Jospin. Mais on aurait pu s'étonner du silence de M. Schroeder à Berlin sur les propositions du SPD. Il n'en a pas dit un mot.
Q - Oui, mais hier soir, il a dit que c'était les siennes, c'est clair.
R - C'est un échange de deux minutes dans la rue. Il ne peut pas être solidaire des propositions de son propre parti. C'est une contribution à un débat dont le chancelier dit : "nous aussi, les autres Européens aussi, qui doit se développer en 2001-2002-2003 et être conclu en 2004". Si on fige l'expression comme cela de préférence à long terme, on ne va pas comprendre la suite du débat, puisqu'il y aura une dynamique. Les positions vont bouger. Elles vont s'enrichir les unes des autres. Mais ce moment n'est pas venu. Ce sera après.
Q - Est-ce qu'il y a une vision de gauche de l'Europe ou cela n'a aucun sens de dire cela ?
R - Je pense qu'elle s'exprimera avec beaucoup de force et beaucoup d'éclat dans la prochaine intervention de Lionel Jospin qui sera centrée tout autant sur le contenu que sur le contenant à propos de l'Europe. Quelle Europe voulons-nous ? C'est aussi : quelle société européenne voulons-nous ? On ne peut pas avoir des ambitions qui ne soient que mécaniques, qu'institutionnelles, je veux dire. Là, il y aura une vision de gauche, clairement de gauche, et qui aura, je crois, une grande influence sur le débat qui va suivre.
Q - L'Europe sera un vrai débat entre le président le Premier ministre pour l'élection présidentielle. Finie la cohabitation ?
R - Certainement. Cela ne veut pas dire que la cohabitation constitutionnelle est interrompue par le débat. Mais cette grande discussion sur l'avenir de l'Europe que nous avons souhaitée, que nous avons suscitée, qui se développe, qui va s'amplifier, va être le contexte de notre vie politique nationale au cours, je le rappelais à l'instant, des trois prochaines années, dont y compris, pendant la présidentielle de 2002.
Q - Vous aimez bien parler du moteur franco-allemand. Vous avez entendu ce que disent les Verts, et Daniel Cohn Bendit : le moteur est allemand et les Français aujourd'hui sont les freins.
R - J'ai trouvé assez cocasse parce qu'au cours de la présidence française que nous avons exercée dans des conditions difficiles pour aboutir au résultat de Nice, grâce auquel nous pouvons parler de l'avenir maintenant, sinon on serait encore en train de tourner en rond, tous les pays ont défendu leurs intérêts légitimes, aussi bien l'Allemagne que les autres. Donc, cela est une vue biaisée de penser qu'il y a un pays qui s'est spécialisé dans les visions à long terme, sympathique, et que les autres sont en train de végéter au niveau de la défense des intérêts nationaux. Ce n'est pas du tout comme cela que cela se présente. Tous les pays d'Europe aujourd'hui ont à la fois la défense de leurs intérêts et une vision de l'Europe à construire. Et comme on n'en est pas encore à la conclusion du débat, on en est à l'expression des préférences de chacun.
Q - Oui, mais comme les Allemands ont parlé les premiers, il y a le risque que nous on apparaisse à la traîne.
R - Non, c'est une construction artificielle. Ils ont exprimé des points de vue déjà différents entre eux. Et ils profitent du débat de façon à assurer leur nuance entre eux. Mais, nous allons faire la même chose et cela durera encore un certain temps, si l'on veut ce grand débat démocratique précisément par ces procédés, comme les sites Internet, ce que le Quai d'Orsay avait déjà organisé il y a quelques semaines pour permettre un dialogue.
Q - Le président copie sur vous ?
R - Ils font référence au site du Quai d'Orsay auquel ils renvoient dans leur propre site.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 mai 2001)
Interview à LCI le 14 mai :
Q - On attend les résultats définitifs des élections en Italie, mais on sait déjà ce matin que le parti de Sylvio Berlusconi est en tête, que celui d'Huberto Bosi s'effondre. Est-ce un bon présage pour l'Europe ?
R - Le peuple italien se prononce démocratiquement et j'ai confiance dans la démocratie et dans le peuple italien. Ensuite, nous serons évidemment attentifs à ce que sera ce gouvernement et à ce qu'il fera ; attentifs et s'il le faut, vigilants.
Q - On a dit à un moment que l'Italie pourrait connaître le même sort que l'Autriche.
R - Qui a dit cela ?
Q - Je l'ai entendu dire, pas par vous mais...
R - Non, l'état d'esprit en Europe est celui que je viens de résumer.
Q - C'est-à-dire que les choses vont se passer normalement.
R - Démocratie mais ensuite, attention et vigilance s'il le faut !
Q - Vigilance sur quoi ?
R - Sur les actes du gouvernement ; ce qui est important, c'est de savoir ce qu'un gouvernement fait concrètement.
Q - Il y a un débat sur l'Europe actuellement, un débat franco-allemand et débat franco-français.
R - Et un débat général, dans toute l'Europe.
Q - Oui, mais un débat aussi, en France où l'on attend de connaître la vision du Premier ministre sur l'Europe.
R - Cela montre bien l'importance que l'on apporte à sa vision car il y a eu beaucoup de discours importants sur l'Europe jusqu'ici, mais on voit bien que l'attente et la curiosité se portent en priorité sur ce que pense et ce que va dire Lionel Jospin dans peu de temps d'ailleurs.
Q - Savez-vous quand ? on parle du mois prochain...
R - Non, mais ce n'est pas dans très longtemps. Mais, il y a une attente très forte et cela montre bien la place qu'occupe Lionel Jospin non seulement dans le débat français c'est évident, mais dans le débat européen même. Cela étant dit, c'est un débat qui doit se conclure en 2004, nous en sommes au stade où, dans chaque pays vont s'exprimer les préférences, chacun va dire l'Europe qu'il souhaite, l'Europe idéale à ses yeux. Ensuite, le débat évoluera, à un moment donné viendra le temps de la négociation entre les différentes visions.
Q - Les choses sont-elles plus compliquées pour le Premier ministre à cause de la cohabitation parce qu'il serait difficile d'avoir des nuances avec la pensée du président de la République, car la France est censée parler d'une seule voix ?
R - la France doit décider, négocier d'une seule voix, c'est ce que nous faisons dans toutes les crises ou négociations internationales. Là, c'est un exercice différent. Il s'agit de dire, à partir d'une certaine situation politique, d'une certaine analyse de la France, de l'Europe, du monde, quelle Europe serait souhaitable, quelle organisation pour que les Européens se sentent bien dans l'Europe, que le système fonctionne bien, que les gens se sentent bien représentés et en même temps, que cette Europe soit efficace, alors que le grand enjeu des années à venir, c'est l'élargissement. Il y a déjà 15 pays, ce qui, déjà a tout changé, et potentiellement, nous pourrons passer à 27.
Q - Et on ne s'est pas vraiment adaptés ?
R - Si, nous nous sommes adaptés à 10 justement alors qu'il y avait eu en 1996-1997 une conférence à Amsterdam qui avait échouée, elle.
Depuis, nous vivions avec cette espèce d'hypothèque, il y avait toutes sortes de mécanismes de fonctionnement à améliorer.
Q - Mais "Nice" n'est pas encore appliqué.
R - "Nice" n'est pas encore appliqué parce que ce n'est pas encore ratifié, mais cela va l'être très certainement et c'est un gros progrès en fait. Evidemment, un certain nombre d'idéalistes ont considéré que ce n'était pas assez, mais c'était un progrès et c'est cela qui nous a permis d'aller encore au-delà. Nous avons amélioré la mécanique de Nice, nous préparons maintenant le vrai débat qui doit se conclure en 2004 sur la forme de l'Union européenne élargie et donc les mécanismes de pouvoirs. C'est pour cela qu'il y a des points de vues différents qui s'expriment et que chaque partie va dire son point de vue.
Q - Jacques Chirac a parlé de Fédération, d'Etat nation. Lionel Jospin pourrait parler de Fédération seulement ?
R - Il a déjà parlé de Fédération et d'Etat nation et c'est la formule de Jacques Delors, pour résumer. Elle se répand d'ailleurs en Europe, elle a un certain succès car elle a l'avantage de bien exprimer le fait que l'Europe est, et sera, de toute façon, une combinaison entre des Etats membres et un niveau européen. Mais, ce ne sont pas les mots qui vont trancher ce débat. Il faudra savoir ensuite ce que l'on veut exactement mettre au niveau européen et au niveau des Etats membres et comment tout fonctionnera à chaque niveau.
Q - C'est là où arrivent les propositions du SPD portées par le chancelier Schroeder qui n'a pas tout à fait la même vision que la France et qui parle surtout de renationalisation d'un certain nombre de politiques dont la PAC et les aides régionales, ce qui évidemment, provoque un certain émoi dans notre pays puisque c'est un peu le ciment de l'Europe.
R - C'est d'abord un débat, chacun exprimant son point de vue. Dans chaque pays, il y a parfois plusieurs points de vues. Par exemple, la position du SPD qui est assez classique d'ailleurs pour le SPD, qui a été rappelée récemment et qu'endosse forcément le chancelier Schroeder, il en est le président, elle n'est pas tout à fait la même que celle de Joschka Fischer dont on a beaucoup parlé il y a un an et qu'il a nuancé lui-même d'ailleurs sur beaucoup de points parce que c'est un débat qui bouge et chacun tient compte des autres. La position du SPD paraît plus fédéraliste sur certains points. En fait, elle l'est moins sur beaucoup d'autres, elle est même moins européenne sur beaucoup d'autres pour ne pas parler de fédéralisme.
Q - On a parlé de position égoïste ?
R - Chaque pays défend ses intérêts, ce n'est pas choquant. C'est une position qui renvoie un certain nombre de politiques, aujourd'hui communes, comme la politique agricole qui est importante ou la politique des fonds structurels, politiques qui la renationalise. Ce qui n'est pas du tout notre point de vue.
Q - Est-ce imaginable ?
R - C'est défendu par un certain nombre de pays en Europe, ce n'est pas le point de vue de la France, ni de plusieurs autres pays. Il y a un élément du débat.
Il y en a un autre, c'est par exemple, comment, au niveau européen, le pouvoir de demain fonctionnera-t-il ? Comment sera-t-il réparti ? Je crois que la France défendra plutôt la thèse selon laquelle il faut garder le triangle institutionnel qui a fait ces preuves, sinon nous n'en serions pas là, nous n'aurions pas fait tout ce que nous avons obtenu, c'est-à-dire, Parlement, Commission, Conseil. Il faut renforcer le Parlement, renforcer la Commission, mais ne pas affaiblir simultanément le pilier Conseil et même, au contraire, le moderniser aussi. Il faut retrouver le même équilibre qui a donné de si bons résultats, mais à un niveau au-dessus d'efficacité européenne.
Il y a d'autres propositions qui vont simplement renforcer la Commission et le Parlement, mais sans toucher au volet Conseil. C'est un élément du débat et je voudrais simplement dire que la vision européenne n'est pas que de la mécanique institutionnelle, et vous verrez lorsque Lionel Jospin s'exprimera que la dimension " contenu " sera aussi forte et peut-être plus que la dimension " contenant ".
Q - Par exemple, le renforcement des droits sociaux ?
R - Quelle société européenne voulons-nous, oui. Dans quel genre d'Europe voulons-nous vivre, indépendamment de comme cela fonctionne-t-il.
Q - On imagine une société démocratique quand même....
R - Certainement, mais elle peut l'être de façon plus ou moins exemplaire..?
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 mai 2001)
Interview à Focus-Money le 14 mai :
Q - Le chancelier fédéral, Gerhard Schröder, a suggéré une démocratisation des institutions de l'Union européenne. Partagez-vous l'opinion de votre ami politique ?
R - Le document élaboré pour le congrès du SPD est important. Cependant, la position de la France ne peut être la même.
Q - Pourquoi non ?
R - Cette proposition romprait l'équilibre qui existe en Europe et qui a fait ses preuves entre le Conseil, les Etats membres, le Parlement et la Commission.
Q - Pourquoi refusez-vous un renforcement du Parlement et de la Commission ?
R - Si nous ne renforcions que deux des quatre sommets, cela compromettrait l'efficacité du système. Nous devons renforcer la Commission et le Parlement mais pas en affaiblissant le Conseil.
Q - Mais alors, aucune des institutions ne sera plus forte.
R - Le but est qu'elles soient plus fortes ensemble. Les idées avancées par M. Schröder comportent le risque d'un blocage entre les 15 Etats membres de l'UE.
Q - Toutefois, les citoyens sont déçus par l'Europe, le Parlement devrait avoir un droit de parole renforcé.
R - On ne peut pas dire, même indirectement, que les gouvernements de l'UE ne sont pas démocratiques. C'est à leur coopération que nous devons bien des progrès accomplis par l'Europe et dont nous pouvons être fiers : le marché intérieur et l'euro. Si nous renforçons le Parlement et la Commission, nous ne devons pas reléguer le Conseil au rôle d'une seconde chambre. Ce serait une erreur. De plus, certaines politiques continueront, pour une durée indéterminée, d'être gérées par les gouvernements ensemble.
Q - De quelles politiques s'agit-il ?
R - C'est une question à négocier pour 2004. Mais les procédures intergouvernementales doivent-elles aussi être rénovées et modernisées. Nous avons pu mesurer durant la Présidence allemande de l'Union comme durant la Présidence française, combien il est devenu difficile de trouver par la négociation des solutions consensuelles à 15. A cet égard, l'entente entre la France et l'Allemagne est indispensable.
Q - Pourtant, les deux pays semblent s'éloigner l'un de l'autre. Alors qu'en Allemagne, la question de l'élargissement est d'ores et déjà une véritable question de société, les milieux politiques parisiens n'ont en tête, pour leur part, que les élections présidentielles de l'année prochaine.
R - Ce n'est pas contradictoire. Ces élections sont très importantes pour la France. Toutefois, les deux ministres des Affaires étrangères ont mis en place un partenariat intellectuel, politique et diplomatique intense et de confiance. C'est aussi vrai sur l'élargissement où nous cherchons ensemble des solutions aux problèmes qui apparaissent chapitre par chapitre, sans oublier que pour chaque pays, l'adhésion ne sera effective que lorsque toutes les questions auront été réglées.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 mai 2001)
Q - Je vous remercie d'être là ce matin au terme de cette semaine, où on s'est beaucoup demandé ce que devenait l'amitié franco-allemande. Et un soir après le dîner, sans doute pour nous rassurer, le président Chirac a voulu distinguer les idées sur l'Europe du chancelier Schroeder et les propositions de son parti, le SPD. Et immédiatement le Chancelier a répliqué "qu'il n'y avait pas à faire un tel distinguo". Est-ce que vous avez déjà participé à un dîner franco-allemand qui se conclut aussi mal ?
R - Le dîner, s'est très bien conclu. Il s'est très bien passé. Il ne faut pas avoir peur du débat, comme cela. Nous sommes au début d'un processus qui doit s'achever en 2004. A propos de l'avenir de l'Europe, les positions s'expriment. Il y a eu des discours importants et il y en aura d'autres. Nous ne voulons pas conclure avant d'avoir commencé parce que sinon le débat ne prendrait pas une force démocratique. Donc, vous allez voir dans les semaines, les mois, mêmes les années qui viennent, beaucoup de points de vue s'exprimer.
Q - Après ce dîner, pensez-vous, que le chancelier Schroeder n'approuve pas, en fait, complètement les propositions de son parti ?
R - Oui, il est forcément solidaire des propositions de son parti, d'autant qu'il nous a rappelé que c'est une motion qui est votée à peu près dans ces termes à chaque congrès du SPD. Donc, elle n'est pas nouvelle, elle est même traditionnelle, je dirais, pour le SPD. Mais le chancelier est le premier à expliquer qu'il y a des propositions des partis, les contributions des partis qui sont souhaitées, qui sont bienvenues. Il y aura le débat démocratique et à un moment donné tout cela se transformera en négociation pour savoir ce que l'on fait vraiment. Donc, il ne faut pas monter en épingle l'expression de "nuance" sur les conceptions qui existent déjà depuis longtemps, ou alors c'est que l'on a peur du débat.
Q - Est-ce qu'il existe une nuance dite entre le parti, entre le SPD et M. Schroeder, vous maintenez ?
R - Non, je ne dis pas "nuance" entre les pays, nuance à l'intérieur d'un même pays. Par exemple, ce que dit le SPD, ce n'est pas ce que disait M. Fischer, ministre des Affaires étrangères il y a un an dans son discours.
Q - Et c'est ce que dit M. Schroeder ?
R - Il y avait un noyau dur important. Dans la position du SPD, il y en a. C'est une différence tout à fait considérable, par exemple. Et en France, il y aura des nuances. Il y aura une diversité. Il faut accepter ce débat comme une richesse. Quant au dîner franco-allemand d'hier soir, "le dîner à 5", que nous faisons tous les deux mois régulièrement, il était très important et très opérationnel puisque nous nous sommes mis d'accord sur à peu près tous les sujets du prochain Conseil européen qui aura lieu en Suède, à Göteborg. On a même commencé à parler de ce qui se traitera à la fin de l'année au Conseil européen en Belgique.
Q - Mais cela est à court terme. A long terme, sans langue de bois et pour parler simplement, est-ce que vous n'êtes pas globalement contre l'Europe que propose M. Schroeder, sur l'essentiel mais pas sur des points de détail ?
R - Je ne crois pas que l'on puisse dire les choses comme cela. Il faut profiter du débat. Profiter du débat, c'est ce que fait le SPD, c'est que fit M. Fischer il y a un an. C'est ce qu'avait fait le président de la République. D'autres le feront. Toutes ces interventions, d'ailleurs, n'ont pas fait baisser l'attente considérable qui se porte autour de ce que dira Lionel Jospin, ce qui montre l'importance qu'on accorde à ces analyses et à ces projets dans toute l'Europe d'ailleurs. C'est le débat. Vous ne pouvez pas figer les choses. Il y a un désaccord à ce stade. Alors, est-ce qu'au bout du compte, dans la négociation 2003, - vous voyez c'est loin -, est-ce que les positions de l'Allemagne seront celles qu'avait défendues M. Fischer, il y a un an ou celles qu'il défend maintenant, elles ont évolué ou ce que souhaite le SPD dans ces textes. Ou ce qui aurait été arbitré sur un autre point. C'est trop tôt pour le dire. Il ne faut pas figer les choses.
Q - Pas les Allemands, vous. Est-ce que vous, vous pourriez accepter, par exemple, que dans l'Europe de demain, la Commission européenne devienne le véritable gouvernement ?
R - Il y a quelque chose que nous n'acceptons pas, à mon avis, et là, je crois que c'est le consensuel, et qui ne sera pas accepté, c'est un autre élément du projet qui est le fait de transformer le Conseil des ministres qui est le nud de l'exécutif aujourd'hui et de la coordination en Europe en une seconde chambre.
Q - Cela, pour vous, jamais ?
R - Là, il y a une vraie différence de conception. Les Allemands trouvent cela sympathique parce que cela correspond à leur mode d'organisation à eux, mais, c'est le seul pays sur 15, où on ait cette approche. Sauf, peut être le Luxembourg.
Q - Et la Commission qui se transforme en gouvernement ?
R - Il ne faut pas simplement être nominaliste. Il ne faut pas jouer sur les mots. Tout dépend de savoir si elle a tous les pouvoirs exécutifs ou si c'est partagé comme c'est le cas aujourd'hui entre le Conseil et la Commission. Il me semble que les Français, quelles que soient les nuances entre eux, défendront un schéma dans lequel l'exécutif restera partagé entre le Conseil et la Commission. C'est un système qui a fait ses preuves. C'est ce que l'on appelle le triangle communautaire. Et on n'en serait pas là, au niveau européen, si ce système-là n'avait pas eu des résultats extraordinaires au cours des dernières décennies.
Q - M. Schroeder, très concrètement, propose par exemple que l'agriculture redevienne davantage l'affaire des Etats et beaucoup moins celle de l'Union. Est-ce que vous pourriez l'accepter ?
R - Non, pas comme cela, certainement pas. Mais c'est astucieux. Il n'en a pas parlé pendant le dîner. Il n'en a pas parlé à Berlin. Je sais que la tarte à la crème c'est le silence de Lionel Jospin. Mais on aurait pu s'étonner du silence de M. Schroeder à Berlin sur les propositions du SPD. Il n'en a pas dit un mot.
Q - Oui, mais hier soir, il a dit que c'était les siennes, c'est clair.
R - C'est un échange de deux minutes dans la rue. Il ne peut pas être solidaire des propositions de son propre parti. C'est une contribution à un débat dont le chancelier dit : "nous aussi, les autres Européens aussi, qui doit se développer en 2001-2002-2003 et être conclu en 2004". Si on fige l'expression comme cela de préférence à long terme, on ne va pas comprendre la suite du débat, puisqu'il y aura une dynamique. Les positions vont bouger. Elles vont s'enrichir les unes des autres. Mais ce moment n'est pas venu. Ce sera après.
Q - Est-ce qu'il y a une vision de gauche de l'Europe ou cela n'a aucun sens de dire cela ?
R - Je pense qu'elle s'exprimera avec beaucoup de force et beaucoup d'éclat dans la prochaine intervention de Lionel Jospin qui sera centrée tout autant sur le contenu que sur le contenant à propos de l'Europe. Quelle Europe voulons-nous ? C'est aussi : quelle société européenne voulons-nous ? On ne peut pas avoir des ambitions qui ne soient que mécaniques, qu'institutionnelles, je veux dire. Là, il y aura une vision de gauche, clairement de gauche, et qui aura, je crois, une grande influence sur le débat qui va suivre.
Q - L'Europe sera un vrai débat entre le président le Premier ministre pour l'élection présidentielle. Finie la cohabitation ?
R - Certainement. Cela ne veut pas dire que la cohabitation constitutionnelle est interrompue par le débat. Mais cette grande discussion sur l'avenir de l'Europe que nous avons souhaitée, que nous avons suscitée, qui se développe, qui va s'amplifier, va être le contexte de notre vie politique nationale au cours, je le rappelais à l'instant, des trois prochaines années, dont y compris, pendant la présidentielle de 2002.
Q - Vous aimez bien parler du moteur franco-allemand. Vous avez entendu ce que disent les Verts, et Daniel Cohn Bendit : le moteur est allemand et les Français aujourd'hui sont les freins.
R - J'ai trouvé assez cocasse parce qu'au cours de la présidence française que nous avons exercée dans des conditions difficiles pour aboutir au résultat de Nice, grâce auquel nous pouvons parler de l'avenir maintenant, sinon on serait encore en train de tourner en rond, tous les pays ont défendu leurs intérêts légitimes, aussi bien l'Allemagne que les autres. Donc, cela est une vue biaisée de penser qu'il y a un pays qui s'est spécialisé dans les visions à long terme, sympathique, et que les autres sont en train de végéter au niveau de la défense des intérêts nationaux. Ce n'est pas du tout comme cela que cela se présente. Tous les pays d'Europe aujourd'hui ont à la fois la défense de leurs intérêts et une vision de l'Europe à construire. Et comme on n'en est pas encore à la conclusion du débat, on en est à l'expression des préférences de chacun.
Q - Oui, mais comme les Allemands ont parlé les premiers, il y a le risque que nous on apparaisse à la traîne.
R - Non, c'est une construction artificielle. Ils ont exprimé des points de vue déjà différents entre eux. Et ils profitent du débat de façon à assurer leur nuance entre eux. Mais, nous allons faire la même chose et cela durera encore un certain temps, si l'on veut ce grand débat démocratique précisément par ces procédés, comme les sites Internet, ce que le Quai d'Orsay avait déjà organisé il y a quelques semaines pour permettre un dialogue.
Q - Le président copie sur vous ?
R - Ils font référence au site du Quai d'Orsay auquel ils renvoient dans leur propre site.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 mai 2001)
Interview à LCI le 14 mai :
Q - On attend les résultats définitifs des élections en Italie, mais on sait déjà ce matin que le parti de Sylvio Berlusconi est en tête, que celui d'Huberto Bosi s'effondre. Est-ce un bon présage pour l'Europe ?
R - Le peuple italien se prononce démocratiquement et j'ai confiance dans la démocratie et dans le peuple italien. Ensuite, nous serons évidemment attentifs à ce que sera ce gouvernement et à ce qu'il fera ; attentifs et s'il le faut, vigilants.
Q - On a dit à un moment que l'Italie pourrait connaître le même sort que l'Autriche.
R - Qui a dit cela ?
Q - Je l'ai entendu dire, pas par vous mais...
R - Non, l'état d'esprit en Europe est celui que je viens de résumer.
Q - C'est-à-dire que les choses vont se passer normalement.
R - Démocratie mais ensuite, attention et vigilance s'il le faut !
Q - Vigilance sur quoi ?
R - Sur les actes du gouvernement ; ce qui est important, c'est de savoir ce qu'un gouvernement fait concrètement.
Q - Il y a un débat sur l'Europe actuellement, un débat franco-allemand et débat franco-français.
R - Et un débat général, dans toute l'Europe.
Q - Oui, mais un débat aussi, en France où l'on attend de connaître la vision du Premier ministre sur l'Europe.
R - Cela montre bien l'importance que l'on apporte à sa vision car il y a eu beaucoup de discours importants sur l'Europe jusqu'ici, mais on voit bien que l'attente et la curiosité se portent en priorité sur ce que pense et ce que va dire Lionel Jospin dans peu de temps d'ailleurs.
Q - Savez-vous quand ? on parle du mois prochain...
R - Non, mais ce n'est pas dans très longtemps. Mais, il y a une attente très forte et cela montre bien la place qu'occupe Lionel Jospin non seulement dans le débat français c'est évident, mais dans le débat européen même. Cela étant dit, c'est un débat qui doit se conclure en 2004, nous en sommes au stade où, dans chaque pays vont s'exprimer les préférences, chacun va dire l'Europe qu'il souhaite, l'Europe idéale à ses yeux. Ensuite, le débat évoluera, à un moment donné viendra le temps de la négociation entre les différentes visions.
Q - Les choses sont-elles plus compliquées pour le Premier ministre à cause de la cohabitation parce qu'il serait difficile d'avoir des nuances avec la pensée du président de la République, car la France est censée parler d'une seule voix ?
R - la France doit décider, négocier d'une seule voix, c'est ce que nous faisons dans toutes les crises ou négociations internationales. Là, c'est un exercice différent. Il s'agit de dire, à partir d'une certaine situation politique, d'une certaine analyse de la France, de l'Europe, du monde, quelle Europe serait souhaitable, quelle organisation pour que les Européens se sentent bien dans l'Europe, que le système fonctionne bien, que les gens se sentent bien représentés et en même temps, que cette Europe soit efficace, alors que le grand enjeu des années à venir, c'est l'élargissement. Il y a déjà 15 pays, ce qui, déjà a tout changé, et potentiellement, nous pourrons passer à 27.
Q - Et on ne s'est pas vraiment adaptés ?
R - Si, nous nous sommes adaptés à 10 justement alors qu'il y avait eu en 1996-1997 une conférence à Amsterdam qui avait échouée, elle.
Depuis, nous vivions avec cette espèce d'hypothèque, il y avait toutes sortes de mécanismes de fonctionnement à améliorer.
Q - Mais "Nice" n'est pas encore appliqué.
R - "Nice" n'est pas encore appliqué parce que ce n'est pas encore ratifié, mais cela va l'être très certainement et c'est un gros progrès en fait. Evidemment, un certain nombre d'idéalistes ont considéré que ce n'était pas assez, mais c'était un progrès et c'est cela qui nous a permis d'aller encore au-delà. Nous avons amélioré la mécanique de Nice, nous préparons maintenant le vrai débat qui doit se conclure en 2004 sur la forme de l'Union européenne élargie et donc les mécanismes de pouvoirs. C'est pour cela qu'il y a des points de vues différents qui s'expriment et que chaque partie va dire son point de vue.
Q - Jacques Chirac a parlé de Fédération, d'Etat nation. Lionel Jospin pourrait parler de Fédération seulement ?
R - Il a déjà parlé de Fédération et d'Etat nation et c'est la formule de Jacques Delors, pour résumer. Elle se répand d'ailleurs en Europe, elle a un certain succès car elle a l'avantage de bien exprimer le fait que l'Europe est, et sera, de toute façon, une combinaison entre des Etats membres et un niveau européen. Mais, ce ne sont pas les mots qui vont trancher ce débat. Il faudra savoir ensuite ce que l'on veut exactement mettre au niveau européen et au niveau des Etats membres et comment tout fonctionnera à chaque niveau.
Q - C'est là où arrivent les propositions du SPD portées par le chancelier Schroeder qui n'a pas tout à fait la même vision que la France et qui parle surtout de renationalisation d'un certain nombre de politiques dont la PAC et les aides régionales, ce qui évidemment, provoque un certain émoi dans notre pays puisque c'est un peu le ciment de l'Europe.
R - C'est d'abord un débat, chacun exprimant son point de vue. Dans chaque pays, il y a parfois plusieurs points de vues. Par exemple, la position du SPD qui est assez classique d'ailleurs pour le SPD, qui a été rappelée récemment et qu'endosse forcément le chancelier Schroeder, il en est le président, elle n'est pas tout à fait la même que celle de Joschka Fischer dont on a beaucoup parlé il y a un an et qu'il a nuancé lui-même d'ailleurs sur beaucoup de points parce que c'est un débat qui bouge et chacun tient compte des autres. La position du SPD paraît plus fédéraliste sur certains points. En fait, elle l'est moins sur beaucoup d'autres, elle est même moins européenne sur beaucoup d'autres pour ne pas parler de fédéralisme.
Q - On a parlé de position égoïste ?
R - Chaque pays défend ses intérêts, ce n'est pas choquant. C'est une position qui renvoie un certain nombre de politiques, aujourd'hui communes, comme la politique agricole qui est importante ou la politique des fonds structurels, politiques qui la renationalise. Ce qui n'est pas du tout notre point de vue.
Q - Est-ce imaginable ?
R - C'est défendu par un certain nombre de pays en Europe, ce n'est pas le point de vue de la France, ni de plusieurs autres pays. Il y a un élément du débat.
Il y en a un autre, c'est par exemple, comment, au niveau européen, le pouvoir de demain fonctionnera-t-il ? Comment sera-t-il réparti ? Je crois que la France défendra plutôt la thèse selon laquelle il faut garder le triangle institutionnel qui a fait ces preuves, sinon nous n'en serions pas là, nous n'aurions pas fait tout ce que nous avons obtenu, c'est-à-dire, Parlement, Commission, Conseil. Il faut renforcer le Parlement, renforcer la Commission, mais ne pas affaiblir simultanément le pilier Conseil et même, au contraire, le moderniser aussi. Il faut retrouver le même équilibre qui a donné de si bons résultats, mais à un niveau au-dessus d'efficacité européenne.
Il y a d'autres propositions qui vont simplement renforcer la Commission et le Parlement, mais sans toucher au volet Conseil. C'est un élément du débat et je voudrais simplement dire que la vision européenne n'est pas que de la mécanique institutionnelle, et vous verrez lorsque Lionel Jospin s'exprimera que la dimension " contenu " sera aussi forte et peut-être plus que la dimension " contenant ".
Q - Par exemple, le renforcement des droits sociaux ?
R - Quelle société européenne voulons-nous, oui. Dans quel genre d'Europe voulons-nous vivre, indépendamment de comme cela fonctionne-t-il.
Q - On imagine une société démocratique quand même....
R - Certainement, mais elle peut l'être de façon plus ou moins exemplaire..?
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 mai 2001)
Interview à Focus-Money le 14 mai :
Q - Le chancelier fédéral, Gerhard Schröder, a suggéré une démocratisation des institutions de l'Union européenne. Partagez-vous l'opinion de votre ami politique ?
R - Le document élaboré pour le congrès du SPD est important. Cependant, la position de la France ne peut être la même.
Q - Pourquoi non ?
R - Cette proposition romprait l'équilibre qui existe en Europe et qui a fait ses preuves entre le Conseil, les Etats membres, le Parlement et la Commission.
Q - Pourquoi refusez-vous un renforcement du Parlement et de la Commission ?
R - Si nous ne renforcions que deux des quatre sommets, cela compromettrait l'efficacité du système. Nous devons renforcer la Commission et le Parlement mais pas en affaiblissant le Conseil.
Q - Mais alors, aucune des institutions ne sera plus forte.
R - Le but est qu'elles soient plus fortes ensemble. Les idées avancées par M. Schröder comportent le risque d'un blocage entre les 15 Etats membres de l'UE.
Q - Toutefois, les citoyens sont déçus par l'Europe, le Parlement devrait avoir un droit de parole renforcé.
R - On ne peut pas dire, même indirectement, que les gouvernements de l'UE ne sont pas démocratiques. C'est à leur coopération que nous devons bien des progrès accomplis par l'Europe et dont nous pouvons être fiers : le marché intérieur et l'euro. Si nous renforçons le Parlement et la Commission, nous ne devons pas reléguer le Conseil au rôle d'une seconde chambre. Ce serait une erreur. De plus, certaines politiques continueront, pour une durée indéterminée, d'être gérées par les gouvernements ensemble.
Q - De quelles politiques s'agit-il ?
R - C'est une question à négocier pour 2004. Mais les procédures intergouvernementales doivent-elles aussi être rénovées et modernisées. Nous avons pu mesurer durant la Présidence allemande de l'Union comme durant la Présidence française, combien il est devenu difficile de trouver par la négociation des solutions consensuelles à 15. A cet égard, l'entente entre la France et l'Allemagne est indispensable.
Q - Pourtant, les deux pays semblent s'éloigner l'un de l'autre. Alors qu'en Allemagne, la question de l'élargissement est d'ores et déjà une véritable question de société, les milieux politiques parisiens n'ont en tête, pour leur part, que les élections présidentielles de l'année prochaine.
R - Ce n'est pas contradictoire. Ces élections sont très importantes pour la France. Toutefois, les deux ministres des Affaires étrangères ont mis en place un partenariat intellectuel, politique et diplomatique intense et de confiance. C'est aussi vrai sur l'élargissement où nous cherchons ensemble des solutions aux problèmes qui apparaissent chapitre par chapitre, sans oublier que pour chaque pays, l'adhésion ne sera effective que lorsque toutes les questions auront été réglées.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 mai 2001)