Texte intégral
Messieurs les Ministres, Cher Henri de RAINCOURT, Cher Jean-Pierre SOISSON,
Monsieur le Président de la FNSEA,
Cher Jean-Michel, Monsieur le Président des JA, Cher William VILLENEUVE,
Je suis heureux de vous retrouver aujourd'hui pour la clôture du 64e Congrès de la FNSEA.
Je sais que vos travaux ont été riches et constructifs. Je compte sur vous pour me transmettre vos propositions et pour que nous puissions poursuivre notre travail en commun.
La FNSEA est le 1er des syndicats agricoles. Cela lui donne une responsabilité particulière dans la crise actuelle que traverse le monde agricole. Une responsabilité que vous avez su exercer. Je veux donc saluer l'attitude courageuse que vous avez eue dans ces moments difficiles.
Je prends un seul exemple : la crise du lait. Vous avez signé et défendu l'accord du 3 juin dernier. Vous avez eu des discussions entre vous à ce sujet. Mais à tous ceux qui vous critiquent, je voudrais poser les questions suivantes : où en serions-nous sans cet accord ? Quel prix aurait été payé aux producteurs de lait durant l'année 2009 ? Les producteurs français ont-ils été mieux ou moins bien payés que leurs homologues européens ? La vérité est qu'ils ont été mieux payés en 2009. La vérité est que nous avons connu deux augmentations successives des prix du lait pour les deux premiers trimestres de 2010 parce que nous avions l'accord du 3 juin comme référence.
Je ne connais pas d'autre attitude que la responsabilité pour obtenir des résultats positifs au service des intérêts dont vous avez la charge.
Au moment où je vous parle, nous sommes encore dans une crise agricole qui remet en cause 30 ans de certitudes en Europe. Je vous le dis simplement : rien ne pourra plus être comme avant. Je mesure la détresse des paysans français tous les jours. Depuis des mois, je les rencontre dans leurs fermes, dans leurs exploitations, je les écoute et je les entends. Je vois des paysans de 50 ou 60 ans obligés d'emprunter pour couvrir leurs dettes. Je vois des jeunes de 20 ou 30 ans qui s'interrogent sur leur choix et hésitent à s'installer. Je vois des femmes d'agriculteurs contraintes de travailler deux fois plus pour combler le manque à gagner. Je vois les drames personnels que vivent des centaines de familles, touchées par la crise ou la tempête Xynthia. Dans toutes les campagnes de France, le doute et le désarroi se sont installés.
Face à ce doute, je ne suis pas venu ici à Auxerre pour vous annoncer de nouvelles mesures techniques ou de nouvelles subventions. Je suis venu vous dire que le Président de la République et le Gouvernement sont à vos côtés pour vous aider à construire un avenir meilleur. Je suis venu vous dire que nous ne vous laisserons pas tomber. Nous ne vous laisserons pas tomber. Nous continuerons à accompagner vos exploitations, comme nous l'avons fait depuis le mois d'octobre avec le plan d'urgence, complété par les annonces du Président de la République au Salon de l'Agriculture. Je continue à veiller à ce que chacune des exploitations ait une solution face à ses difficultés. Nous mettrons en place les mesures économiques nécessaires pour renforcer la rentabilité de vos exploitations. Et nous poursuivrons, au plus haut niveau de l'Etat, le combat que j'ai engagé depuis plusieurs mois pour une politique agricole européenne forte et une régulation des marchés.
L'erreur, ce serait de sous-estimer la profondeur de la crise et de n'apporter que des réponses de court terme. L'erreur, ce serait de ne tirer que des conséquences superficielles des mois difficiles que nous traversons, pour finalement revenir au laisser-faire et au laisser-aller. La réalité, c'est que nous risquons aujourd'hui, si nous n'y prenons pas garde, de perdre notre agriculture qui a fait la force de la France depuis des siècles. La réalité, c'est que la crise agricole nous impose de refonder la politique agricole commune sur des bases plus solides. La réalité, c'est que la crise agricole nous oblige à inventer ensemble une nouvelle donne agricole, en France, comme en Europe. C'est cette nouvelle donne dont je suis venu vous parler aujourd'hui.
La nouvelle donne agricole que je vous propose repose d'abord sur un projet commun au service de tous les citoyens européens : ce projet, c'est l'alimentation.
L'alimentation, j'en suis convaincu, est la chance de notre agriculture. Elle est et doit rester la première vocation de votre travail et de votre engagement. Pas n'importe quelle alimentation, bien sûr. Mais une alimentation sûre qui ne soit pas soumise aux aléas internationaux dans un monde qui ne sait pas demain comment nourrir l'ensemble de ses habitants. Une alimentation saine, dans un monde où les risques sanitaires ont été multipliés par 10 en l'espace de 15 ans. Une alimentation équilibrée, dans un monde où les problèmes de surpoids et d'obésité touchent de plus en plus de nos concitoyens et posent un réel problème social. L'alimentation est le lien le plus solide entre l'agriculteur et le citoyen. Elle doit donc être remise au coeur de notre projet commun.
Le projet de loi que je défendrai au Sénat à partir du 18 mai en procédure d'urgence en fera son premier titre. Il mettra en place un programme national pour l'alimentation.
Il rendra obligatoire le respect des recommandations nutritionnelles dans la restauration collective, en particulier dans les écoles.
Il favorisera le développement des circuits courts, pour mettre fin aux aberrations que nous constatons tous : comme ces pommes de l'hémisphère Sud qui ont séjourné 3 mois dans un frigo et qui atterrissent dans les cantines des régions productrices de pommes.
Nous sommes prêts à modifier le code des marchés publics pour avancer dans cette direction. Nous sommes prêts à travailler étroitement avec les collectivités territoriales : les régions, les départements et les communes, pour trouver les solutions les plus efficaces.
Nous défendrons aussi le modèle alimentaire français fondé sur un équilibre entre les aliments, contre les attaques récurrentes dont font l'objet un jour la viande, un autre jour le lait, un troisième jour les fromages.
La nouvelle donne agricole que je vous propose repose aussi sur une ambition partagée : faire de notre agriculture une agriculture durable. Je sais combien ce sujet est difficile. Je mesure les réticences et les obstacles. Mais je voudrais simplement faire quelques remarques de bon sens et proposer un chemin.
Première remarque : une grande majorité de nos concitoyens soutient l'agriculture durable et ne veut plus voir se renouveler les erreurs du passé. Je l'ai constaté en Bretagne comme dans beaucoup d'autres régions de France.
Deuxième remarque : vous vous êtes engagés vous-mêmes dans cette voie. Vous avez fait des efforts considérables comme aucune autre profession n'en a fait. Certains parlent de l'environnement. Vous, vous le défendez. « Agriculteur - pollueur », cela n'existe que dans l'esprit égaré de quelques citadins, qui n'ont jamais mis les pieds dans nos campagnes et n'ont jamais mesuré combien vous aviez su changer. Pourquoi perdre par conséquent le bénéfice de ces efforts ? Il faut poursuivre dans la même direction, mais en respectant certaines conditions que je formule depuis plusieurs mois, qui viennent d'être reprises au Salon de l'agriculture par le Président de la République :
Première condition : que les nouvelles mesures soient compatibles avec la réalité économique des exploitations. Il faut étudier leur impact dans chaque filière et pouvoir adapter en conséquence le rythme de leur mise en oeuvre. On ne peut pas tout faire au même rythme quand la situation économique est bonne ou quand elle est mauvaise, quand tout va bien et quand tout va mal.
Deuxième condition : que les autres pays européens adoptent, respectent et contrôlent les mêmes règles environnementales que vous. Marché unique, règles uniques. Marché unique, normes uniques. Sur la taxe Carbone, la décision prise par le Président de la République et par le Gouvernement est par conséquent une décision sage. Car cette taxe sera d'autant plus efficace, d'autant plus forte aussi, qu'elle marquera un engagement européen et pas seulement national.
Troisième condition : que nous poursuivions nos efforts de recherche dans le domaine agronomique pour trouver des solutions aux impasses techniques et pour toujours mieux conjuguer agriculture, respect de l'environnement. Le développement durable, en agriculture en particulier, passe par le soutien et le développement de notre effort de recherche.
Pour remplir ces conditions, nous avons installé un groupe de travail entre mon ministère et le ministère de l'environnement sur différentes mesures agro-environnementales. Je discuterai directement avec Jean-Louis BORLOO et Chantal JOUANNO des mesures les plus sensibles, comme les phytosanitaires ou les installations classées. Nous inscrirons ces travaux dans le respect du Grenelle de l'environnement, dont beaucoup de mesures bénéficient aux agriculteurs. Mais je serai vigilant sur le respect des intérêts des agriculteurs et sur les contraintes qui sont les vôtres. Sur les BCAE et les couverts hivernaux, il faut remettre du bon sens agronomique. Je me battrai avec vous sur ces sujets.
La nouvelle donne agricole suppose de nouveaux instruments économiques pour stabiliser votre revenu, préserver votre capital agricole et vous permettre de gagner en compétitivité. Autrement dit, il n'y aura pas de nouvelle donne agricole sans des changements économiques profonds dans l'organisation de l'agriculture française. Ces changements, nous avons trop longtemps reculé avant de les mettre en place. Ils sont désormais indispensables face à une concurrence européenne et mondiale accrue.
Nous devons d'abord tous ensemble sécuriser votre revenu. C'est la priorité absolue. Combien d'entre vous ici ont investi 100, 200 ou 300 000 euros dans leur exploitation sans savoir ce qu'ils vont toucher le mois prochain ? Combien ont des remboursements d'emprunt de plusieurs milliers d'euros par mois sans connaître leur revenu de l'année ?
Pour sécuriser votre revenu, nous mettrons en place dans la loi des contrats écrits entre producteurs et industriels, sous la surveillance des pouvoirs publics, qui vous garantiront un volume, une durée et un prix.
Nous renforcerons les interprofessions pour que les producteurs puissent négocier en position de force. J'ai demandé lundi au Commissaire européen à la concurrence, Joaquín ALMUNIA, vice-président de la Commission, une adaptation du droit de la concurrence européen pour permettre aux interprofessions de fixer des indicateurs de marché et permettre enfin aux producteurs de négocier dans des conditions plus fortes et plus avantageuses. La situation actuelle, où le producteur est systématiquement le maillon faible de la chaîne alimentaire, ne peut plus tenir. Il est temps de redonner un réel pouvoir de négociation aux producteurs. Je m'engage à vous y aider.
La sécurisation de votre revenu passe aussi par une épargne de précaution plus facile, des dispositifs assurantiels plus avantageux, plus nombreux et plus efficaces pour faire face aux aléas, incluant l'examen d'une réassurance publique. L'instabilité des prix, les risques climatiques, les crises sanitaires ne sont plus l'exception mais la règle en agriculture. Pour y faire face, vous avez besoin de nouveaux instruments de couverture des risques : nous les mettrons en place dans la loi.
Nous renforcerons enfin l'observatoire des prix et des marges, en l'élargissant à vos coûts de production, à toutes les filières et à tous les produits agricoles, pour mieux répartir la valeur ajoutée tout au long de la chaîne commerciale. Un kilo de pommes coûte 80 centimes d'euro à produire, vous le vendez à 60 centimes d'euros et il se retrouve sur les étals au triple ou au quadruple du prix. Comment voulez-vous en vivre ?
Tous ces nouveaux instruments économiques sont nécessaires. Mais ils ne sont pas suffisants. Ils ne seront pas suffisants notamment si nous continuons à perdre des terres agricoles au rythme où nous les perdons aujourd'hui : 200 ha par jour. À quoi bon sécuriser le revenu des paysans si les paysans demain n'ont plus de terre ? À quoi bon se proclamer grande puissance agricole européenne si nous perdons 200 ha de terres agricoles par jour.
J'appelle à une prise de conscience de chacun sur la nécessité absolue de mettre un coup d'arrêt à la perte des terres agricoles en France. Nous dilapidons notre capital agricole. Nous le laissons disparaître sans mesurer que nous affaiblissons dans le même temps notre vitalité économique et notre indépendance alimentaire.
Pour préserver les terres agricoles, je propose de créer un observatoire national des terres agricoles, d'instaurer des commissions départementales qui rendront un avis sur le déclassement des terres et de taxer la mutation des terres de manière progressive.
Je mesure la difficulté de ce débat. Mais ce n'est pas parce que le débat est difficile qu'il faut le fuir. C'est parce que le débat est difficile qu'il faut l'engager et le conclure. C'est aussi un enjeu pour l'installation des jeunes.
Ces nouveaux instruments économiques ne seront pas suffisants non plus si nous ne gagnons pas ensemble la bataille de la compétitivité. La compétitivité n'est pas un mot tabou en agriculture. La compétitivité ne signifie pas l'adoption d'un modèle économique unique dans toutes les exploitations agricoles françaises. Compétitivité ne veut pas dire uniformité. Je suis attaché à la diversité de l'agriculture française. Compétitivité veut dire coûts de production plus faibles, efficacité énergétique plus grande, commercialisation de vos produits plus valorisante.
Les pouvoirs publics sont là pour vous aider à avancer dans cette direction :
* Quand nous abaissons le coût du travail occasionnel à 9,29 euros de l'heure, contre plus de 11 euros auparavant, nous améliorons votre compétitivité. Je suis prêt à examiner toute proposition dans un esprit ouvert.
* Quand nous lançons les diagnostics énergétiques, nous améliorons votre compétitivité.
* Quand nous classons la méthanisation en activité agricole, nous améliorons votre compétitivité.
* Quand nous soutenons les nouveaux débouchés comme l'agriculture biologique, nous améliorons votre compétitivité.
Dans les prochains jours, je lancerai des études indépendantes, filière par filière, pour évaluer les coûts de production de chacun et vous aider à gagner en compétitivité. Car c'est aussi une condition de l'amélioration de votre revenu. Et c'est une condition du maintien de la puissance agricole française. Nous sommes la première puissance agricole européenne. Nous avons vocation à le rester. Nous avons perdu des parts de marché sur l'industrie agro-alimentaire. Nous avons vocation à les regagner.
La nouvelle donne agricole, enfin, suppose une refondation de la PAC.
Vous le savez tous, la clef de votre avenir se trouve dans les choix européens. C'est en Europe que se livre la bataille décisive. C'est en Europe que nous devons engager nos forces, avec le soutien décisif du Président de la République. Le Président de la République a menacé d'une crise en cas d'abandon de la PAC ? Il a eu raison, car mieux vaut une crise politique qu'une faute historique.
Nous avons connu des adaptations successives en matière de PAC comme le bilan de santé. Ce bilan était nécessaire, mais il pose aujourd'hui de réelles difficultés dans certaines filières comme les céréaliers. J'installerai donc dans les jours qui viennent un comité de suivi pour répondre à vos questions. Mais maintenant il faut un cap.
Depuis des mois, je défends l'idée de la régulation européenne des marchés agricoles. Pourquoi ? Parce que je suis convaincu qu'entre le retour à une politique des prix administrés, qui est impossible, et l'abandon aux seules forces du marché, qui est déraisonnable, il existe une autre voie qui est celle de la régulation. Jouer le jeu de l'offre et de la demande ne doit pas être le jouet des fous du marché.
Notre obstination commence à payer. En août dernier, la France réclamait une intervention de la Commission européenne pour faire remonter les prix du lait : nous l'avons obtenue en novembre et les prix sont remontés en janvier. La France réclamait une réflexion sur la régulation du marché du lait : nous l'avons obtenue en décembre avec le groupe à haut niveau. La France proposait de nouveaux instruments de régulation plus efficaces et plus flexibles : le Commissaire européen Dacian CIOLOS vient d'annoncer le dépôt d'un projet législatif d'ici la fin de l'année 2010. Les lignes bougent, nos idées avancent. Notre obstination commune a payé, raison de plus pour ne pas baisser la garde.
Nous étions seuls au début de l'été 2009.
Nous étions 2 avec l'Allemagne à la fin de l'été.
Nous étions 22 à Paris le 10 décembre pour lancer un Appel en faveur d'une PAC forte. Je maintiendrai nos efforts tant que nous ne serons pas 27 à défendre ces idées. Et ne nous y trompons pas, cette bataille pour le lait est en fait une bataille pour toutes les filières agricoles : les céréales, la viticulture, l'élevage, les fruits et légumes et les productions d'Outre-mer. Vous avez le soutien total du Gouvernement et du Président de la République sur la régulation européenne des marchés agricoles.
Comment abordons-nous cette échéance de la renégociation de la PAC ?
Sur la forme, notre état d'esprit se résume en un mot : la détermination. Pas la détermination du seul ministre de l'Agriculture, mais la détermination du Président de la République, du Premier ministre et de tout le Gouvernement. L'agriculture est un sujet stratégique pour l'Union européenne. Plus de 80 % des citoyens européens en sont convaincus. Il est donc légitime que l'agriculture soit traitée au plus haut niveau des rencontres européennes, c'est-à-dire au Conseil européen. Au dernier Conseil, le Président de la République a demandé et obtenu que l'agriculture figure dans la stratégie économique de l'Union pour 2020. Pour en parler souvent avec lui, je peux vous dire que le Président de la République saura défendre vos intérêts avec force.
Sur la méthode, il est essentiel de poursuivre notre travail de conviction auprès de tous les partenaires concernés : les autres Etats-membres bien sûr, mais aussi la Commission et le Parlement européen, qui sera un appui précieux dans les mois à venir. De votre côté, je sais que vous aurez à coeur de vous concerter avec les autres grands syndicats agricoles européens. D'ici la fin du mois de juin, nous présenterons avec mon homologue allemande une contribution commune sur l'avenir de la PAC, à la demande du Président de la République et de la Chancelière. Ce sera un signe fort de notre volonté de travailler en commun. Car nous le savons tous : un accord franco-allemand est la clef du succès. Même s'il est difficile à construire, même si nos positions peuvent être divergentes sur des points précis, je sais que nous nous retrouverons sur l'essentiel.
Sur le fond, nous défendrons 3 orientations majeures :
La première orientation, ce sont des outils de régulation du marché plus efficaces dans toutes les filières agricoles. Je dis bien : toutes les filières agricoles. La politique qui a consisté à démanteler un à un tous ces outils de régulation était une erreur. Il est temps désormais de nous doter de nouveaux instruments contre la volatilité des prix. Car de 2 choses l'une :
* soit des gens très savants peuvent nous garantir que la volatilité des prix est provisoire. Et dans ce cas là, laissons effectivement les arbitrages au seul marché.
* soit nous faisons le constat que la volatilité des prix ne cesse d'augmenter d'année en année, et, dans ce cas là, donnons-nous les moyens de lutter contre.
Pour ma part, mon choix est fait. Entre l'angélisme et le réalisme, je choisis le réalisme. La nouvelle Politique agricole commune doit disposer de tous les instruments d'intervention plus flexibles et plus rapides sur les marchés, de transparence sur les volumes, d'information sur les prix, de gestion des aléas, qui permettront de corriger le comportement erratique des marchés. Au-delà, il est évident que dans le cadre du G20 que la France présidera en 2011, nous devons réfléchir à la question plus large de la régulation du cours des matières premières.
Enfin, la nouvelle politique agricole commune doit tenir compte de l'ouverture du commerce international. Il n'y aura pas de retour en arrière. Notre puissance exportatrice agricole, qui dépasse les exportations de l'aéronautique européenne, en serait la première victime. Pas d'angélisme là non plus. Mais nous ne pouvons pas aller au-delà de ce que nous avons négocié à l'OMC. L'agriculture ne sera pas la variable d'ajustement de ces négociations, et nous sommes déterminés à poursuivre le combat en faveur de la préférence communautaire, qui est tout simplement un combat en faveur de la reconnaissance de vos efforts.
La deuxième orientation de la PAC que nous défendrons, c'est le maintien d'un niveau cohérent d'aides directes. Ces aides, il faudra les simplifier, il faudra mieux en expliquer le fonctionnement auprès de nos concitoyens européens, il faudra garantir leur équité entre Etats membres. Nous ne pouvons pas vous demander de respecter des normes environnementales et sanitaires toujours plus strictes et ne pas prévoir les compensations nécessaires en retour. Le prix mondial ne peut pas davantage être le seul juge-arbitre d'une agriculture européenne qui se fixe d'autres objectifs que l'alimentation au meilleur coût. La cohérence des aides directes, c'est tout simplement la compensation du surcoût entraîné par les normes environnementales, sanitaires et sociales. La cohérence des aides directes, c'est le prix de notre modèle de développement européen, auquel nous sommes tous attachés.
La troisième orientation de la PAC que nous défendrons, c'est le maintien d'exploitations agricoles jusque dans les zones les plus difficiles de notre territoire. Là aussi, le modèle français est en jeu. C'est l'honneur des agriculteurs d'avoir su développer partout leur activité, y compris dans les zones moins favorisées comme les montagnes. C'est l'honneur et la fierté des agriculteurs d'avoir su développer avec les sylviculteurs 80 % du territoire européen. A nous de défendre cet héritage. J'y serai attentif dans le cadre de la révision de la délimitation des zones défavorisées engagée par la Commission européenne, dont les premières conclusions ne me satisfont pas.
La nouvelle donne agricole que je vous propose, nous pouvons la résumer de la manière suivante.
Nous vous demandons de continuer à garantir la sécurité alimentaire des Français. De devenir toujours plus un des pôles majeurs de développement économique et scientifique de notre société. Nous appelons à une meilleure organisation des filières et au renforcement du pouvoir des producteurs, pour gagner en compétitivité et améliorer l'équité de la chaîne commerciale.
En retour, vous pouvez compter sur l'engagement total de l'Etat pour mettre à votre disposition les instruments économiques nécessaires et pour jouer son rôle d'arbitre.
Vous pouvez compter sur l'engagement total de l'Etat pour défendre une régulation européenne des marchés qui sera la seule protection efficace contre la volatilité des prix mondiaux.
Vous pouvez compter sur l'engagement total de l'Etat pour garantir à l'échelle européenne une juste rémunération de vos efforts en matière de sécurité sanitaire et d'environnement.
Pour mettre en place cette nouvelle donne agricole, j'ai besoin de votre soutien, j'ai besoin du soutien du syndicalisme agricole. Ne vous trompez pas de bataille : les vrais combats à livrer sont européens et internationaux. Personne en France ne doute de votre valeur et de la valeur de la PAC. Beaucoup, en revanche, hors de France, ne veulent plus de soutien à l'agriculture et doutent du bien fondé de la PAC. Nous devrons être unis pour gagner. Nous devrons être unis pour convaincre. Ici, en France, nous sommes tous paysans.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 2 avril 2010
Monsieur le Président de la FNSEA,
Cher Jean-Michel, Monsieur le Président des JA, Cher William VILLENEUVE,
Je suis heureux de vous retrouver aujourd'hui pour la clôture du 64e Congrès de la FNSEA.
Je sais que vos travaux ont été riches et constructifs. Je compte sur vous pour me transmettre vos propositions et pour que nous puissions poursuivre notre travail en commun.
La FNSEA est le 1er des syndicats agricoles. Cela lui donne une responsabilité particulière dans la crise actuelle que traverse le monde agricole. Une responsabilité que vous avez su exercer. Je veux donc saluer l'attitude courageuse que vous avez eue dans ces moments difficiles.
Je prends un seul exemple : la crise du lait. Vous avez signé et défendu l'accord du 3 juin dernier. Vous avez eu des discussions entre vous à ce sujet. Mais à tous ceux qui vous critiquent, je voudrais poser les questions suivantes : où en serions-nous sans cet accord ? Quel prix aurait été payé aux producteurs de lait durant l'année 2009 ? Les producteurs français ont-ils été mieux ou moins bien payés que leurs homologues européens ? La vérité est qu'ils ont été mieux payés en 2009. La vérité est que nous avons connu deux augmentations successives des prix du lait pour les deux premiers trimestres de 2010 parce que nous avions l'accord du 3 juin comme référence.
Je ne connais pas d'autre attitude que la responsabilité pour obtenir des résultats positifs au service des intérêts dont vous avez la charge.
Au moment où je vous parle, nous sommes encore dans une crise agricole qui remet en cause 30 ans de certitudes en Europe. Je vous le dis simplement : rien ne pourra plus être comme avant. Je mesure la détresse des paysans français tous les jours. Depuis des mois, je les rencontre dans leurs fermes, dans leurs exploitations, je les écoute et je les entends. Je vois des paysans de 50 ou 60 ans obligés d'emprunter pour couvrir leurs dettes. Je vois des jeunes de 20 ou 30 ans qui s'interrogent sur leur choix et hésitent à s'installer. Je vois des femmes d'agriculteurs contraintes de travailler deux fois plus pour combler le manque à gagner. Je vois les drames personnels que vivent des centaines de familles, touchées par la crise ou la tempête Xynthia. Dans toutes les campagnes de France, le doute et le désarroi se sont installés.
Face à ce doute, je ne suis pas venu ici à Auxerre pour vous annoncer de nouvelles mesures techniques ou de nouvelles subventions. Je suis venu vous dire que le Président de la République et le Gouvernement sont à vos côtés pour vous aider à construire un avenir meilleur. Je suis venu vous dire que nous ne vous laisserons pas tomber. Nous ne vous laisserons pas tomber. Nous continuerons à accompagner vos exploitations, comme nous l'avons fait depuis le mois d'octobre avec le plan d'urgence, complété par les annonces du Président de la République au Salon de l'Agriculture. Je continue à veiller à ce que chacune des exploitations ait une solution face à ses difficultés. Nous mettrons en place les mesures économiques nécessaires pour renforcer la rentabilité de vos exploitations. Et nous poursuivrons, au plus haut niveau de l'Etat, le combat que j'ai engagé depuis plusieurs mois pour une politique agricole européenne forte et une régulation des marchés.
L'erreur, ce serait de sous-estimer la profondeur de la crise et de n'apporter que des réponses de court terme. L'erreur, ce serait de ne tirer que des conséquences superficielles des mois difficiles que nous traversons, pour finalement revenir au laisser-faire et au laisser-aller. La réalité, c'est que nous risquons aujourd'hui, si nous n'y prenons pas garde, de perdre notre agriculture qui a fait la force de la France depuis des siècles. La réalité, c'est que la crise agricole nous impose de refonder la politique agricole commune sur des bases plus solides. La réalité, c'est que la crise agricole nous oblige à inventer ensemble une nouvelle donne agricole, en France, comme en Europe. C'est cette nouvelle donne dont je suis venu vous parler aujourd'hui.
La nouvelle donne agricole que je vous propose repose d'abord sur un projet commun au service de tous les citoyens européens : ce projet, c'est l'alimentation.
L'alimentation, j'en suis convaincu, est la chance de notre agriculture. Elle est et doit rester la première vocation de votre travail et de votre engagement. Pas n'importe quelle alimentation, bien sûr. Mais une alimentation sûre qui ne soit pas soumise aux aléas internationaux dans un monde qui ne sait pas demain comment nourrir l'ensemble de ses habitants. Une alimentation saine, dans un monde où les risques sanitaires ont été multipliés par 10 en l'espace de 15 ans. Une alimentation équilibrée, dans un monde où les problèmes de surpoids et d'obésité touchent de plus en plus de nos concitoyens et posent un réel problème social. L'alimentation est le lien le plus solide entre l'agriculteur et le citoyen. Elle doit donc être remise au coeur de notre projet commun.
Le projet de loi que je défendrai au Sénat à partir du 18 mai en procédure d'urgence en fera son premier titre. Il mettra en place un programme national pour l'alimentation.
Il rendra obligatoire le respect des recommandations nutritionnelles dans la restauration collective, en particulier dans les écoles.
Il favorisera le développement des circuits courts, pour mettre fin aux aberrations que nous constatons tous : comme ces pommes de l'hémisphère Sud qui ont séjourné 3 mois dans un frigo et qui atterrissent dans les cantines des régions productrices de pommes.
Nous sommes prêts à modifier le code des marchés publics pour avancer dans cette direction. Nous sommes prêts à travailler étroitement avec les collectivités territoriales : les régions, les départements et les communes, pour trouver les solutions les plus efficaces.
Nous défendrons aussi le modèle alimentaire français fondé sur un équilibre entre les aliments, contre les attaques récurrentes dont font l'objet un jour la viande, un autre jour le lait, un troisième jour les fromages.
La nouvelle donne agricole que je vous propose repose aussi sur une ambition partagée : faire de notre agriculture une agriculture durable. Je sais combien ce sujet est difficile. Je mesure les réticences et les obstacles. Mais je voudrais simplement faire quelques remarques de bon sens et proposer un chemin.
Première remarque : une grande majorité de nos concitoyens soutient l'agriculture durable et ne veut plus voir se renouveler les erreurs du passé. Je l'ai constaté en Bretagne comme dans beaucoup d'autres régions de France.
Deuxième remarque : vous vous êtes engagés vous-mêmes dans cette voie. Vous avez fait des efforts considérables comme aucune autre profession n'en a fait. Certains parlent de l'environnement. Vous, vous le défendez. « Agriculteur - pollueur », cela n'existe que dans l'esprit égaré de quelques citadins, qui n'ont jamais mis les pieds dans nos campagnes et n'ont jamais mesuré combien vous aviez su changer. Pourquoi perdre par conséquent le bénéfice de ces efforts ? Il faut poursuivre dans la même direction, mais en respectant certaines conditions que je formule depuis plusieurs mois, qui viennent d'être reprises au Salon de l'agriculture par le Président de la République :
Première condition : que les nouvelles mesures soient compatibles avec la réalité économique des exploitations. Il faut étudier leur impact dans chaque filière et pouvoir adapter en conséquence le rythme de leur mise en oeuvre. On ne peut pas tout faire au même rythme quand la situation économique est bonne ou quand elle est mauvaise, quand tout va bien et quand tout va mal.
Deuxième condition : que les autres pays européens adoptent, respectent et contrôlent les mêmes règles environnementales que vous. Marché unique, règles uniques. Marché unique, normes uniques. Sur la taxe Carbone, la décision prise par le Président de la République et par le Gouvernement est par conséquent une décision sage. Car cette taxe sera d'autant plus efficace, d'autant plus forte aussi, qu'elle marquera un engagement européen et pas seulement national.
Troisième condition : que nous poursuivions nos efforts de recherche dans le domaine agronomique pour trouver des solutions aux impasses techniques et pour toujours mieux conjuguer agriculture, respect de l'environnement. Le développement durable, en agriculture en particulier, passe par le soutien et le développement de notre effort de recherche.
Pour remplir ces conditions, nous avons installé un groupe de travail entre mon ministère et le ministère de l'environnement sur différentes mesures agro-environnementales. Je discuterai directement avec Jean-Louis BORLOO et Chantal JOUANNO des mesures les plus sensibles, comme les phytosanitaires ou les installations classées. Nous inscrirons ces travaux dans le respect du Grenelle de l'environnement, dont beaucoup de mesures bénéficient aux agriculteurs. Mais je serai vigilant sur le respect des intérêts des agriculteurs et sur les contraintes qui sont les vôtres. Sur les BCAE et les couverts hivernaux, il faut remettre du bon sens agronomique. Je me battrai avec vous sur ces sujets.
La nouvelle donne agricole suppose de nouveaux instruments économiques pour stabiliser votre revenu, préserver votre capital agricole et vous permettre de gagner en compétitivité. Autrement dit, il n'y aura pas de nouvelle donne agricole sans des changements économiques profonds dans l'organisation de l'agriculture française. Ces changements, nous avons trop longtemps reculé avant de les mettre en place. Ils sont désormais indispensables face à une concurrence européenne et mondiale accrue.
Nous devons d'abord tous ensemble sécuriser votre revenu. C'est la priorité absolue. Combien d'entre vous ici ont investi 100, 200 ou 300 000 euros dans leur exploitation sans savoir ce qu'ils vont toucher le mois prochain ? Combien ont des remboursements d'emprunt de plusieurs milliers d'euros par mois sans connaître leur revenu de l'année ?
Pour sécuriser votre revenu, nous mettrons en place dans la loi des contrats écrits entre producteurs et industriels, sous la surveillance des pouvoirs publics, qui vous garantiront un volume, une durée et un prix.
Nous renforcerons les interprofessions pour que les producteurs puissent négocier en position de force. J'ai demandé lundi au Commissaire européen à la concurrence, Joaquín ALMUNIA, vice-président de la Commission, une adaptation du droit de la concurrence européen pour permettre aux interprofessions de fixer des indicateurs de marché et permettre enfin aux producteurs de négocier dans des conditions plus fortes et plus avantageuses. La situation actuelle, où le producteur est systématiquement le maillon faible de la chaîne alimentaire, ne peut plus tenir. Il est temps de redonner un réel pouvoir de négociation aux producteurs. Je m'engage à vous y aider.
La sécurisation de votre revenu passe aussi par une épargne de précaution plus facile, des dispositifs assurantiels plus avantageux, plus nombreux et plus efficaces pour faire face aux aléas, incluant l'examen d'une réassurance publique. L'instabilité des prix, les risques climatiques, les crises sanitaires ne sont plus l'exception mais la règle en agriculture. Pour y faire face, vous avez besoin de nouveaux instruments de couverture des risques : nous les mettrons en place dans la loi.
Nous renforcerons enfin l'observatoire des prix et des marges, en l'élargissant à vos coûts de production, à toutes les filières et à tous les produits agricoles, pour mieux répartir la valeur ajoutée tout au long de la chaîne commerciale. Un kilo de pommes coûte 80 centimes d'euro à produire, vous le vendez à 60 centimes d'euros et il se retrouve sur les étals au triple ou au quadruple du prix. Comment voulez-vous en vivre ?
Tous ces nouveaux instruments économiques sont nécessaires. Mais ils ne sont pas suffisants. Ils ne seront pas suffisants notamment si nous continuons à perdre des terres agricoles au rythme où nous les perdons aujourd'hui : 200 ha par jour. À quoi bon sécuriser le revenu des paysans si les paysans demain n'ont plus de terre ? À quoi bon se proclamer grande puissance agricole européenne si nous perdons 200 ha de terres agricoles par jour.
J'appelle à une prise de conscience de chacun sur la nécessité absolue de mettre un coup d'arrêt à la perte des terres agricoles en France. Nous dilapidons notre capital agricole. Nous le laissons disparaître sans mesurer que nous affaiblissons dans le même temps notre vitalité économique et notre indépendance alimentaire.
Pour préserver les terres agricoles, je propose de créer un observatoire national des terres agricoles, d'instaurer des commissions départementales qui rendront un avis sur le déclassement des terres et de taxer la mutation des terres de manière progressive.
Je mesure la difficulté de ce débat. Mais ce n'est pas parce que le débat est difficile qu'il faut le fuir. C'est parce que le débat est difficile qu'il faut l'engager et le conclure. C'est aussi un enjeu pour l'installation des jeunes.
Ces nouveaux instruments économiques ne seront pas suffisants non plus si nous ne gagnons pas ensemble la bataille de la compétitivité. La compétitivité n'est pas un mot tabou en agriculture. La compétitivité ne signifie pas l'adoption d'un modèle économique unique dans toutes les exploitations agricoles françaises. Compétitivité ne veut pas dire uniformité. Je suis attaché à la diversité de l'agriculture française. Compétitivité veut dire coûts de production plus faibles, efficacité énergétique plus grande, commercialisation de vos produits plus valorisante.
Les pouvoirs publics sont là pour vous aider à avancer dans cette direction :
* Quand nous abaissons le coût du travail occasionnel à 9,29 euros de l'heure, contre plus de 11 euros auparavant, nous améliorons votre compétitivité. Je suis prêt à examiner toute proposition dans un esprit ouvert.
* Quand nous lançons les diagnostics énergétiques, nous améliorons votre compétitivité.
* Quand nous classons la méthanisation en activité agricole, nous améliorons votre compétitivité.
* Quand nous soutenons les nouveaux débouchés comme l'agriculture biologique, nous améliorons votre compétitivité.
Dans les prochains jours, je lancerai des études indépendantes, filière par filière, pour évaluer les coûts de production de chacun et vous aider à gagner en compétitivité. Car c'est aussi une condition de l'amélioration de votre revenu. Et c'est une condition du maintien de la puissance agricole française. Nous sommes la première puissance agricole européenne. Nous avons vocation à le rester. Nous avons perdu des parts de marché sur l'industrie agro-alimentaire. Nous avons vocation à les regagner.
La nouvelle donne agricole, enfin, suppose une refondation de la PAC.
Vous le savez tous, la clef de votre avenir se trouve dans les choix européens. C'est en Europe que se livre la bataille décisive. C'est en Europe que nous devons engager nos forces, avec le soutien décisif du Président de la République. Le Président de la République a menacé d'une crise en cas d'abandon de la PAC ? Il a eu raison, car mieux vaut une crise politique qu'une faute historique.
Nous avons connu des adaptations successives en matière de PAC comme le bilan de santé. Ce bilan était nécessaire, mais il pose aujourd'hui de réelles difficultés dans certaines filières comme les céréaliers. J'installerai donc dans les jours qui viennent un comité de suivi pour répondre à vos questions. Mais maintenant il faut un cap.
Depuis des mois, je défends l'idée de la régulation européenne des marchés agricoles. Pourquoi ? Parce que je suis convaincu qu'entre le retour à une politique des prix administrés, qui est impossible, et l'abandon aux seules forces du marché, qui est déraisonnable, il existe une autre voie qui est celle de la régulation. Jouer le jeu de l'offre et de la demande ne doit pas être le jouet des fous du marché.
Notre obstination commence à payer. En août dernier, la France réclamait une intervention de la Commission européenne pour faire remonter les prix du lait : nous l'avons obtenue en novembre et les prix sont remontés en janvier. La France réclamait une réflexion sur la régulation du marché du lait : nous l'avons obtenue en décembre avec le groupe à haut niveau. La France proposait de nouveaux instruments de régulation plus efficaces et plus flexibles : le Commissaire européen Dacian CIOLOS vient d'annoncer le dépôt d'un projet législatif d'ici la fin de l'année 2010. Les lignes bougent, nos idées avancent. Notre obstination commune a payé, raison de plus pour ne pas baisser la garde.
Nous étions seuls au début de l'été 2009.
Nous étions 2 avec l'Allemagne à la fin de l'été.
Nous étions 22 à Paris le 10 décembre pour lancer un Appel en faveur d'une PAC forte. Je maintiendrai nos efforts tant que nous ne serons pas 27 à défendre ces idées. Et ne nous y trompons pas, cette bataille pour le lait est en fait une bataille pour toutes les filières agricoles : les céréales, la viticulture, l'élevage, les fruits et légumes et les productions d'Outre-mer. Vous avez le soutien total du Gouvernement et du Président de la République sur la régulation européenne des marchés agricoles.
Comment abordons-nous cette échéance de la renégociation de la PAC ?
Sur la forme, notre état d'esprit se résume en un mot : la détermination. Pas la détermination du seul ministre de l'Agriculture, mais la détermination du Président de la République, du Premier ministre et de tout le Gouvernement. L'agriculture est un sujet stratégique pour l'Union européenne. Plus de 80 % des citoyens européens en sont convaincus. Il est donc légitime que l'agriculture soit traitée au plus haut niveau des rencontres européennes, c'est-à-dire au Conseil européen. Au dernier Conseil, le Président de la République a demandé et obtenu que l'agriculture figure dans la stratégie économique de l'Union pour 2020. Pour en parler souvent avec lui, je peux vous dire que le Président de la République saura défendre vos intérêts avec force.
Sur la méthode, il est essentiel de poursuivre notre travail de conviction auprès de tous les partenaires concernés : les autres Etats-membres bien sûr, mais aussi la Commission et le Parlement européen, qui sera un appui précieux dans les mois à venir. De votre côté, je sais que vous aurez à coeur de vous concerter avec les autres grands syndicats agricoles européens. D'ici la fin du mois de juin, nous présenterons avec mon homologue allemande une contribution commune sur l'avenir de la PAC, à la demande du Président de la République et de la Chancelière. Ce sera un signe fort de notre volonté de travailler en commun. Car nous le savons tous : un accord franco-allemand est la clef du succès. Même s'il est difficile à construire, même si nos positions peuvent être divergentes sur des points précis, je sais que nous nous retrouverons sur l'essentiel.
Sur le fond, nous défendrons 3 orientations majeures :
La première orientation, ce sont des outils de régulation du marché plus efficaces dans toutes les filières agricoles. Je dis bien : toutes les filières agricoles. La politique qui a consisté à démanteler un à un tous ces outils de régulation était une erreur. Il est temps désormais de nous doter de nouveaux instruments contre la volatilité des prix. Car de 2 choses l'une :
* soit des gens très savants peuvent nous garantir que la volatilité des prix est provisoire. Et dans ce cas là, laissons effectivement les arbitrages au seul marché.
* soit nous faisons le constat que la volatilité des prix ne cesse d'augmenter d'année en année, et, dans ce cas là, donnons-nous les moyens de lutter contre.
Pour ma part, mon choix est fait. Entre l'angélisme et le réalisme, je choisis le réalisme. La nouvelle Politique agricole commune doit disposer de tous les instruments d'intervention plus flexibles et plus rapides sur les marchés, de transparence sur les volumes, d'information sur les prix, de gestion des aléas, qui permettront de corriger le comportement erratique des marchés. Au-delà, il est évident que dans le cadre du G20 que la France présidera en 2011, nous devons réfléchir à la question plus large de la régulation du cours des matières premières.
Enfin, la nouvelle politique agricole commune doit tenir compte de l'ouverture du commerce international. Il n'y aura pas de retour en arrière. Notre puissance exportatrice agricole, qui dépasse les exportations de l'aéronautique européenne, en serait la première victime. Pas d'angélisme là non plus. Mais nous ne pouvons pas aller au-delà de ce que nous avons négocié à l'OMC. L'agriculture ne sera pas la variable d'ajustement de ces négociations, et nous sommes déterminés à poursuivre le combat en faveur de la préférence communautaire, qui est tout simplement un combat en faveur de la reconnaissance de vos efforts.
La deuxième orientation de la PAC que nous défendrons, c'est le maintien d'un niveau cohérent d'aides directes. Ces aides, il faudra les simplifier, il faudra mieux en expliquer le fonctionnement auprès de nos concitoyens européens, il faudra garantir leur équité entre Etats membres. Nous ne pouvons pas vous demander de respecter des normes environnementales et sanitaires toujours plus strictes et ne pas prévoir les compensations nécessaires en retour. Le prix mondial ne peut pas davantage être le seul juge-arbitre d'une agriculture européenne qui se fixe d'autres objectifs que l'alimentation au meilleur coût. La cohérence des aides directes, c'est tout simplement la compensation du surcoût entraîné par les normes environnementales, sanitaires et sociales. La cohérence des aides directes, c'est le prix de notre modèle de développement européen, auquel nous sommes tous attachés.
La troisième orientation de la PAC que nous défendrons, c'est le maintien d'exploitations agricoles jusque dans les zones les plus difficiles de notre territoire. Là aussi, le modèle français est en jeu. C'est l'honneur des agriculteurs d'avoir su développer partout leur activité, y compris dans les zones moins favorisées comme les montagnes. C'est l'honneur et la fierté des agriculteurs d'avoir su développer avec les sylviculteurs 80 % du territoire européen. A nous de défendre cet héritage. J'y serai attentif dans le cadre de la révision de la délimitation des zones défavorisées engagée par la Commission européenne, dont les premières conclusions ne me satisfont pas.
La nouvelle donne agricole que je vous propose, nous pouvons la résumer de la manière suivante.
Nous vous demandons de continuer à garantir la sécurité alimentaire des Français. De devenir toujours plus un des pôles majeurs de développement économique et scientifique de notre société. Nous appelons à une meilleure organisation des filières et au renforcement du pouvoir des producteurs, pour gagner en compétitivité et améliorer l'équité de la chaîne commerciale.
En retour, vous pouvez compter sur l'engagement total de l'Etat pour mettre à votre disposition les instruments économiques nécessaires et pour jouer son rôle d'arbitre.
Vous pouvez compter sur l'engagement total de l'Etat pour défendre une régulation européenne des marchés qui sera la seule protection efficace contre la volatilité des prix mondiaux.
Vous pouvez compter sur l'engagement total de l'Etat pour garantir à l'échelle européenne une juste rémunération de vos efforts en matière de sécurité sanitaire et d'environnement.
Pour mettre en place cette nouvelle donne agricole, j'ai besoin de votre soutien, j'ai besoin du soutien du syndicalisme agricole. Ne vous trompez pas de bataille : les vrais combats à livrer sont européens et internationaux. Personne en France ne doute de votre valeur et de la valeur de la PAC. Beaucoup, en revanche, hors de France, ne veulent plus de soutien à l'agriculture et doutent du bien fondé de la PAC. Nous devrons être unis pour gagner. Nous devrons être unis pour convaincre. Ici, en France, nous sommes tous paysans.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 2 avril 2010