Déclaration de M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, sur les grandes orientations de la réforme des collectivités locales, à Paris le 4 mai 2010.

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Intervenant(s) : 
  • Michel Mercier - Ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire

Circonstance : Colloque à l'Institut d'études politiques de Paris le 4 mai 2010

Texte intégral

Monsieur le directeur de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris, Richard DESCOINGS
Monsieur le directeur de la Chaire Mutations de l'action publique et du droit public
Mesdames et Messieurs
Chers Etudiants

Je suis d'autant plus heureux d'ouvrir ce colloque, qu'étant universitaire, c'est toujours agréable pour moi de rencontrer des étudiants et de leur transmettre ma passion du droit et du monde public. Les sujets que vous allez aborder aujourd'hui me passionnent depuis de nombreuses années, et je suis donc particulièrement honoré que vous ayez choisi de m'inviter pour parler de la réforme en cours.
Cette allocution liminaire m'intéresse d'autant plus que vous abordez les principaux sujets et que vous posez des questions intéressantes, même si elles sont parfois formulées comme des réponses.
Je souhaiterais donc y répondre ce matin rapidement et franchement et vous donnant à la fois ma conviction et les objectifs de cette réforme.
Ce n'est une surprise pour personne, cette réforme était attendue, car elle était nécessaire, et, depuis plusieurs années de nombreux Rapports, synthétisés par la Commission BALLADUR, avaient souligné l'inachèvement des processus engagés depuis la décentralisation et le développement de l'intercommunalité.
Avant tout, je voudrais vous dire que la décentralisation, comme tout dispositif institutionnel, est un processus, il ne faut donc pas rêver d'un stade législatif ultime et parfait.
Il est nécessaire, régulièrement, de reprendre cette question et de l'adapter aux évolutions économiques, sociologiques de notre pays et de ses territoires. C'est effectivement le cas pour l'intercommunalité dont tout le monde s'entendait à souligner l'inachèvement et la nécessité de lui donner une plus grande légitimité démocratique. C'est aussi le cas pour la création des métropoles et pôles métropolitains, ambition qui correspond à l'évolution européenne et même mondiale, du monde urbain.
Parallèlement, je voudrais aussi vous rappeler que l'Etat lui même se réorganise autour des territoires. Ainsi, la réforme universitaire est, elle aussi, une réforme territoriale. A voir le succès actuel du plan Campus, on comprend que les quelques résistances initiales étaient artificielles, caricaturales et archaïques; en effet, on assiste, grâce à cette réforme, à une véritable renaissance du monde universitaire, à un foisonnement de projets.
La réforme des collectivités était donc attendue par les élus et par la population, soucieuse d'une plus grande cohérence dans l'action des divers niveaux de collectivités locales.
Il s'agit en fait de compléter, d'améliorer des dispositifs incomplets, inachevés ou inadaptés.
Ainsi, ce projet de loi reprend des questions éludées depuis longtemps comme celle de la fusion de communes avec la création des communes nouvelles, de la même manière, il fallait ouvrir le chantier de la réforme des finances locales et notamment de la transformation de la taxe professionnelle.
Bien évidemment, les résistances et les critiques ne manquent pas, comme elles n'ont pas manqué en 1982 : le processus législatif est en cours, je connais les craintes, nous les écouterons, mais nous achèverons cette réforme essentielle.
Mais il fallait aussi ouvrir le chantier du Grand Paris, car rien depuis longtemps n'a été fait sur ce sujet, et Paris reste, au mieux, une capitale du XIXème siècle, loin derrière les métropoles comparables. Nous connaissons tous la spécificité de Paris, mais nous savons aussi que la capitale ne peut être dissociée, ne serait-ce qu'en matière de transports ou de logement d'un ensemble plus vaste. Qui ne regrette aussi le retard de la région parisienne en matière d'intercommunalité ?
Alors, il est évident que le sujet parisien est spécifique, et il est normal, comme cela s'est fait à d'autres époques, que le sujet soit traité au niveau national.
Premier point du programme de votre journée, vous abordez la réforme des finances locales : une entrave à la performance des collectivités ?
Il faut rappeler que le secteur public dépend avant tout de la performance des entreprises et des contribuables. La performance des collectivités, c'est la qualité du service public et l'attractivité des territoires, nous avions donc le devoir de revoir cet impôt depuis longtemps honni.
De fait cette réforme engage tous les partenaires : l'Etat, les collectivités et les entreprises. Pour faire évoluer le dispositif vers la contribution économique territoriale, nous avons choisi une méthode pragmatique et progressive, incluant une clause de revoyure et donc la possibilité d'aménagements du dispositif.
Quant à l'autonomie des collectivités, elle est, vous le savez tous, protégée par la Constitution, et, d'ailleurs, elle ne se réduit pas à l'autonomie fiscale, elle repose plutôt sur la qualité des projets et l'innovation.
La réforme de la taxe professionnelle était donc nécessaire à la clarification du cadre financier des collectivités.
Quels sont les principaux objectifs de la réforme des collectivités locales ?
Il s'agit avant tout d'une réforme fondée sur la prise en compte effective de la dynamique des territoires, et c'est pourquoi elle permet de dépasser les frontières institutionnelles et la complexité actuelle, en favorisant les rapprochements, voire l'intégration. Cette philosophie se décline à tous les étages du monde territorial : communes, intercommunalités, départements, régions.

Le gouvernement développe une vision de l'organisation territoriale articulée autour de 3 axes complémentaires :

  • Des territoires urbains denses mieux structurés et plus compétitifs ;
  • Une alliance département/région mieux articulée et complémentaire ;
  • Une alliance communes/intercommunalités renforcée et plus efficace.

La mondialisation donne une place centrale aux métropoles. La France est de ce point de vue insuffisamment outillée, nous devons donc donner aux ensembles métropolitains les moyens de développement et d'attractivité qu'ils méritent.
Dans une économie en concurrence avec les villes étrangères, leur renforcement devient un enjeu national en termes d'attractivité, de compétitivité et de développement durable de notre territoire.
Les métropoles doivent donc renforcer leur présence dans les domaines politique, économique, scientifique, universitaire, culturel et touristique. Elles contribuent à une part importante du PIB de la France et sont un moteur essentiel de la dynamique nationale dans une société qui s'urbanise de plus en plus.
Les départements et les régions sont des acteurs majeurs pour les territoires que ce soit en matière de développement économique ou de cohésion territoriale, indissociable d'ailleurs de la cohésion sociale. Ils sont aussi très présents dans le lancement et la réalisation des grands projets. Je pense au numérique, je pense aux lignes à grandes vitesses (LGV) où ces 2 collectivités sont très largement parties prenantes au côté de l'Etat. Je pense également au tourisme, à la culture, à la formation, où leur rôle est essentiel dans l'impulsion et la conduite des projets, dans la réalisation d'équipements et d'infrastructures d'accueil des élèves.
Le bloc département/région est un point d'équilibre entre les communes et l'Etat. Il est le premier partenaire des communes et bien souvent des intercommunalités, avec lesquelles il participe au développement équilibré des espaces ruraux et urbains.
Mais nous devons aller plus loin et renforcer la coordination et la convergence des politiques publiques menées par ces 2 collectivités.
Le conseiller territorial siégera demain, à la fois au conseil régional et au conseil général de son département d'élection. Il sera porteur d'une vision, à la fois territoriale et régionale. Il permettra la complémentarité des interventions respectives de ces deux collectivités. Son positionnement renforcera l'articulation et la cohérence des politiques qu'elles mènent sur le territoire. Sa création est un facteur de simplification et de rapprochement.
Simplifier, c'est aussi permettre aux départements et aux régions qui le souhaitent de se regrouper. C'est le sens des dispositions sur l'introduction d'une procédure de regroupement de départements qui n'existait pas et sur la rénovation de la procédure de regroupement de régions. Le Sénat a introduit une procédure complémentaire de rattachement d'un département à une autre région et une procédure d'initiative qui tend à la création d'une collectivité à statut particulier se substituant à une région et aux départements qui la composent.
Ainsi, vous le voyez, il s'agit de renforcer les capacités de coopération des structures, et même d'y inciter les décideurs locaux.
Mais c'est autour d'une intercommunalité plus intégrée que nous avons souhaité aller le plus loin.
Depuis la fin du XIXème siècle, l'intercommunalité n'a cessé d'évoluer, toujours dans le sens d'une intégration des structures des compétences et des finances plus grandes. Avec les dispositions de la loi, nous complétons ces acquis et permettons ainsi aux élus de disposer de meilleurs outils pour maîtriser leurs territoires.
D'ailleurs, la carte intercommunale restait à achever et à rationaliser (13 400 syndicats, 2 600 EPCI, 371 pays, 1 900 communes isolées : c'est beaucoup trop). La loi de 1999 visait déjà à simplifier, mais toutes ses potentialités n'ont pas été utilisées. Nous devons, aujourd'hui, inciter les EPCI à réfléchir et agir sur des périmètres plus pertinents tant en milieu urbain que rural. La détermination des bons périmètres est fondamentale.
La carte intercommunale a notamment un impact fort sur les documents de planification (SCOT, PLU, PLH, PDU, etc), qui nécessitent d'être plus contraignants et plus soucieux de la préservation des ressources, et sont des outils fondamentaux pour une politique d'aménagement du territoire efficace.
C'est donc autour de ces objectifs que se sont construites les principales avancées : plus de cohérence aux périmètres et à l'action des EPCI, une exigence démocratique renforcée, rapprochement et mutualisation des services, possibilité de créer des communes nouvelles.
Il s'agit donc d'un panel souple et varié qui est offert aux maires et leur permet d'adapter les structures aux territoires et aux projets.
Ainsi, si l'on veut considérer cette réforme, et éviter les critiques caricaturales, il faut s'attacher à l'ensemble des mesures. Par ailleurs, il faut aussi être attentif à l'évolution des territoires, de leur économie, de leur sociologie. Ainsi, les Assises des territoires ruraux que j'ai récemment organisées ont montré toute la vitalité d u monde rural, mais aussi, la nécessité d'adapter les structures aux besoins.

Source http://www.datar.gouv.fr, le 5 mai 2010