Texte intégral
(...)
Q - Le Premier ministre, lors de sa conférence de presse, a aussi indiqué qu'il fallait poursuivre les efforts de chacun, de chaque Français, mais aussi dans les ministères. En ce qui vous concerne, vous avez annoncé qu'il n'y aurait pas de "Garden party" au Quai d'Orsay. Le ministère des Affaires étrangères peut-il renoncer à d'autres dépenses et lesquelles ?
R - Mais comment "renoncer à d'autres dépenses" ? Nous sommes en tête du renoncement aux dépenses. Nous avons baissé les dépenses de 25 % dans mon cabinet avant même qu'on nous le demande, parce que c'était normal. S'agissant des déplacements, j'ai réduit le budget de 18 %. Nous l'avons fait et c'est normal ; il faut montrer l'exemple, mais c'est plus difficile dans certains cas.
Q - Dans certains cas ; par exemple en ce qui concerne l'aide publique au développement, là vous n'êtes pas totalement d'accord avec ce que l'on vous demande et vous demandez l'arbitrage de Nicolas Sarkozy...
R - Les enjeux sont importants et nécessitent une décision du président de la République. J'en ai parlé, évidemment, avec le ministre du Budget, le Premier ministre, et nous en sommes d'accord. Il faut savoir comment la France va tenir ses engagements en ce qui concerne la politique de développement. Les nécessités sont grandes et nos possibilités moins grandes que les nécessités. Nous allons donc voir.
Q - Si la France est obligée de diminuer vraiment de façon drastique et importante ses dépenses en la matière, pensez-vous que ce sera la fin d'une époque ? Est-ce que c'est un dossier sur lequel vous êtes prêt à vous battre ?
R - Qu'est ce que cela signifie "être prêt à se battre" ? Ce n'est pas un combat de boxe !
Q - Ce n'est pas un combat de boxe mais est-ce un dossier prioritaire pour vous ?
R - Bien sûr, mais qu'est-ce que cela signifie un dossier prioritaire ? Il faut être réaliste, les retraites, c'est un dossier prioritaire et je comprends les manifestations.
Un certain nombre de dépenses sont absolument nécessaires pour maintenir les projets en cours, mais qu'est ce que cela signifie le budget du développement ? D'autres modes de financement de l'aide public au développement doivent intervenir et la France est la première à défendre ces financements innovants. Nous avons proposé - et cela fait 25 ans que je le propose -, une contribution infime de 0,005 % sur les transactions financières. Cette nouvelle ressource ne va pas se substituer à l'aide existante, mais va s'ajouter. Par ailleurs, nous avons un certain nombre de dépenses nouvelles à financer, comme par exemple la formation des soldats au maintien de la paix en Afrique. La France essaye de faire face à ses engagements. Est-ce que je vais me battre ? Bien sûr, mais, à un moment donné, il faut être réaliste. Je ne peux pas à la fois demander une rigueur - pardon pour le mot -, du moins un équilibre nécessaire, et participer aux dépenses. Mais je souhaite participer le plus possible aux dépenses nécessaires pour le développement.
Q - Que pensez-vous de ce drôle de climat, en ce moment en France, avec des affaires concernant des ministres en place qui sortent à peu près chaque semaine dans "Le Canard Enchainé", avec le foot qui est devenu une affaire nationale dont le président de la République s'occupe personnellement, allant jusqu'à convoquer Thierry Henry le jour d'une grande manifestation contre les retraites ? Avez-vous l'impression que ce climat reflète un malaise plus général de la France ?
R - Cela reflète une incompréhension du monde comme il tourne, je le crois depuis très longtemps. Nous avons vécu en Europe et particulièrement en France, dans une sorte de bulle qui ne permettait pas de voir l'évolution autour de nous. Ce malaise existe fortement. Nous, les Européens et pas seulement les Français, ne sommes plus les rois du monde. C'est un malaise européen, il faut s'adapter et proposer autre chose pour que cette anxiété cesse. Cela va prendre un certain temps, et ce dans tous les domaines. Vous savez le football, dont je ne suis pas spécialiste, est un exemple parmi les autres, il ne suffit pas de penser que nous sommes les plus forts pour l'être ; c'est vrai dans tous les domaines. La France et l'Europe, c'est-à-dire 500 millions d'habitants les plus riches du monde, devant l'évolution de ce qui nous entoure, doivent se remettre en question. D'ailleurs nous le faisons.
(...)
Q - Aujourd'hui, a commencé le G8 à Toronto qui sera ensuite suivi d'un G20. Ces grand-messes servent-elles encore à quelque chose ? On voit, alors que débutent ces sommets, qu'il y a des critiques de la part d'associations altermondialistes, d'ATTAC qui pensent que cette réunion va être une nouvelle mascarade. A quoi cela sert-il ?
R - Vous voyez, je vous disais comme le dialogue est "facile" en France! ATTAC est un mouvement international. En France, ils nous attaquent alors que nous proposons exactement ce pourquoi ils se battent depuis si longtemps : les financements innovants. Je vous rappelle qu'il y a à peine huit jours, la lettre conjointe d'Angela Merkel et de Nicolas Sarkozy adressée au G20 demandait que l'on prenne en compte et mette en place ces financements innovants. Leur attitude est excessive, et ces excès ne servent pas leur cause. C'est dommage !
Pourquoi le G8 et le G20 ? Le G20 est une invention française. En l'espace de deux ans, tout le monde s'y réfère. Mais il ne faut pas oublier qu'il y a aussi une organisation des Nations unies, qui ne regroupe pas 20 pays mais 192. Cette organisation doit être réformée. Nous sommes conscients de cela. Politiquement, le G8 c'est très important. Quant au G20, c'est essentiel parce qu'il faut aussi réformer le système financier international. Il faut de la morale et de la rigueur - pardon, j'emploie trois fois votre mot !
Q - Alors qu'en est-il justement des soit disant différends entre les Etats-Unis et l'Europe concernant cette régulation du système financier dont on parle depuis l'éclatement de la crise ?
R - Je crois que le président Obama est très partisan de cette régulation et je l'ai vu en parler avec le président Sarkozy. Je crois qu'il a des réticences, sur les financements innovants et sur la taxation des banques. Quant à nous, nous sommes en tête des pays qui souhaitent que ces deux aspects soient traités au G20.
Q - Alors, justement, la taxation des banques, est-ce une utopie ? Est-ce que c'est quelque chose sur lequel, croyez-vous, l'on puisse arriver à un accord ?
R - Il faut s'entendre, la taxation des banques, c'est pour constituer un fonds qui pourra faire face en cas de crise bancaire ou financière. Ce n'est pas exactement ce que nous proposons - même si nous sommes d'accord. Nous proposons un financement qui serait une contribution absolument modeste, une taxation des transactions financières pour le développement. Vous savez, je fais une démonstration, que je vais vous faire à vous personnellement : sur 1 000 euros envoyés, voilà ce que cela coûterait : cinq centimes d'euros. C'est pour le développement. Vous m'avez demandé si je me battrais, je me bats et cela fait vingt-cinq ans que je me bats pour qu'il y ait cette contribution. Je pense que nous y arriverons.
Q - Quand ?
R - Je ne crois pas que ce soit au G20 samedi. Mais un jour oui, et de plus en plus, nous convainquons. L'Union européenne est d'accord, nous avons avec nous un groupe de 60 pays, dont 12 pays leaders. Le groupe d'experts m'a remis son rapport la semaine dernière. Aujourd'hui, je sors de cette réunion avec eux et ils sont tous d'accord concernant la faisabilité technique de la mise en place de cette contribution. Cela va se faire, c'est de l'espoir qui devient réalité.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 juin 2010
Q - Le Premier ministre, lors de sa conférence de presse, a aussi indiqué qu'il fallait poursuivre les efforts de chacun, de chaque Français, mais aussi dans les ministères. En ce qui vous concerne, vous avez annoncé qu'il n'y aurait pas de "Garden party" au Quai d'Orsay. Le ministère des Affaires étrangères peut-il renoncer à d'autres dépenses et lesquelles ?
R - Mais comment "renoncer à d'autres dépenses" ? Nous sommes en tête du renoncement aux dépenses. Nous avons baissé les dépenses de 25 % dans mon cabinet avant même qu'on nous le demande, parce que c'était normal. S'agissant des déplacements, j'ai réduit le budget de 18 %. Nous l'avons fait et c'est normal ; il faut montrer l'exemple, mais c'est plus difficile dans certains cas.
Q - Dans certains cas ; par exemple en ce qui concerne l'aide publique au développement, là vous n'êtes pas totalement d'accord avec ce que l'on vous demande et vous demandez l'arbitrage de Nicolas Sarkozy...
R - Les enjeux sont importants et nécessitent une décision du président de la République. J'en ai parlé, évidemment, avec le ministre du Budget, le Premier ministre, et nous en sommes d'accord. Il faut savoir comment la France va tenir ses engagements en ce qui concerne la politique de développement. Les nécessités sont grandes et nos possibilités moins grandes que les nécessités. Nous allons donc voir.
Q - Si la France est obligée de diminuer vraiment de façon drastique et importante ses dépenses en la matière, pensez-vous que ce sera la fin d'une époque ? Est-ce que c'est un dossier sur lequel vous êtes prêt à vous battre ?
R - Qu'est ce que cela signifie "être prêt à se battre" ? Ce n'est pas un combat de boxe !
Q - Ce n'est pas un combat de boxe mais est-ce un dossier prioritaire pour vous ?
R - Bien sûr, mais qu'est-ce que cela signifie un dossier prioritaire ? Il faut être réaliste, les retraites, c'est un dossier prioritaire et je comprends les manifestations.
Un certain nombre de dépenses sont absolument nécessaires pour maintenir les projets en cours, mais qu'est ce que cela signifie le budget du développement ? D'autres modes de financement de l'aide public au développement doivent intervenir et la France est la première à défendre ces financements innovants. Nous avons proposé - et cela fait 25 ans que je le propose -, une contribution infime de 0,005 % sur les transactions financières. Cette nouvelle ressource ne va pas se substituer à l'aide existante, mais va s'ajouter. Par ailleurs, nous avons un certain nombre de dépenses nouvelles à financer, comme par exemple la formation des soldats au maintien de la paix en Afrique. La France essaye de faire face à ses engagements. Est-ce que je vais me battre ? Bien sûr, mais, à un moment donné, il faut être réaliste. Je ne peux pas à la fois demander une rigueur - pardon pour le mot -, du moins un équilibre nécessaire, et participer aux dépenses. Mais je souhaite participer le plus possible aux dépenses nécessaires pour le développement.
Q - Que pensez-vous de ce drôle de climat, en ce moment en France, avec des affaires concernant des ministres en place qui sortent à peu près chaque semaine dans "Le Canard Enchainé", avec le foot qui est devenu une affaire nationale dont le président de la République s'occupe personnellement, allant jusqu'à convoquer Thierry Henry le jour d'une grande manifestation contre les retraites ? Avez-vous l'impression que ce climat reflète un malaise plus général de la France ?
R - Cela reflète une incompréhension du monde comme il tourne, je le crois depuis très longtemps. Nous avons vécu en Europe et particulièrement en France, dans une sorte de bulle qui ne permettait pas de voir l'évolution autour de nous. Ce malaise existe fortement. Nous, les Européens et pas seulement les Français, ne sommes plus les rois du monde. C'est un malaise européen, il faut s'adapter et proposer autre chose pour que cette anxiété cesse. Cela va prendre un certain temps, et ce dans tous les domaines. Vous savez le football, dont je ne suis pas spécialiste, est un exemple parmi les autres, il ne suffit pas de penser que nous sommes les plus forts pour l'être ; c'est vrai dans tous les domaines. La France et l'Europe, c'est-à-dire 500 millions d'habitants les plus riches du monde, devant l'évolution de ce qui nous entoure, doivent se remettre en question. D'ailleurs nous le faisons.
(...)
Q - Aujourd'hui, a commencé le G8 à Toronto qui sera ensuite suivi d'un G20. Ces grand-messes servent-elles encore à quelque chose ? On voit, alors que débutent ces sommets, qu'il y a des critiques de la part d'associations altermondialistes, d'ATTAC qui pensent que cette réunion va être une nouvelle mascarade. A quoi cela sert-il ?
R - Vous voyez, je vous disais comme le dialogue est "facile" en France! ATTAC est un mouvement international. En France, ils nous attaquent alors que nous proposons exactement ce pourquoi ils se battent depuis si longtemps : les financements innovants. Je vous rappelle qu'il y a à peine huit jours, la lettre conjointe d'Angela Merkel et de Nicolas Sarkozy adressée au G20 demandait que l'on prenne en compte et mette en place ces financements innovants. Leur attitude est excessive, et ces excès ne servent pas leur cause. C'est dommage !
Pourquoi le G8 et le G20 ? Le G20 est une invention française. En l'espace de deux ans, tout le monde s'y réfère. Mais il ne faut pas oublier qu'il y a aussi une organisation des Nations unies, qui ne regroupe pas 20 pays mais 192. Cette organisation doit être réformée. Nous sommes conscients de cela. Politiquement, le G8 c'est très important. Quant au G20, c'est essentiel parce qu'il faut aussi réformer le système financier international. Il faut de la morale et de la rigueur - pardon, j'emploie trois fois votre mot !
Q - Alors qu'en est-il justement des soit disant différends entre les Etats-Unis et l'Europe concernant cette régulation du système financier dont on parle depuis l'éclatement de la crise ?
R - Je crois que le président Obama est très partisan de cette régulation et je l'ai vu en parler avec le président Sarkozy. Je crois qu'il a des réticences, sur les financements innovants et sur la taxation des banques. Quant à nous, nous sommes en tête des pays qui souhaitent que ces deux aspects soient traités au G20.
Q - Alors, justement, la taxation des banques, est-ce une utopie ? Est-ce que c'est quelque chose sur lequel, croyez-vous, l'on puisse arriver à un accord ?
R - Il faut s'entendre, la taxation des banques, c'est pour constituer un fonds qui pourra faire face en cas de crise bancaire ou financière. Ce n'est pas exactement ce que nous proposons - même si nous sommes d'accord. Nous proposons un financement qui serait une contribution absolument modeste, une taxation des transactions financières pour le développement. Vous savez, je fais une démonstration, que je vais vous faire à vous personnellement : sur 1 000 euros envoyés, voilà ce que cela coûterait : cinq centimes d'euros. C'est pour le développement. Vous m'avez demandé si je me battrais, je me bats et cela fait vingt-cinq ans que je me bats pour qu'il y ait cette contribution. Je pense que nous y arriverons.
Q - Quand ?
R - Je ne crois pas que ce soit au G20 samedi. Mais un jour oui, et de plus en plus, nous convainquons. L'Union européenne est d'accord, nous avons avec nous un groupe de 60 pays, dont 12 pays leaders. Le groupe d'experts m'a remis son rapport la semaine dernière. Aujourd'hui, je sors de cette réunion avec eux et ils sont tous d'accord concernant la faisabilité technique de la mise en place de cette contribution. Cela va se faire, c'est de l'espoir qui devient réalité.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 juin 2010