Texte intégral
ARLETTE CHABOT
Bonsoir Monsieur le Premier ministre.
FRANÇOIS FILLON
Bonsoir.
ARLETTE CHABOT
Merci d'avoir accepté notre invitation. Nous allons vous interroger avec Jean BOISSONNAT qui pendant des années nous a éclairés sur les enjeux économiques de ce pays sur une radio qui est toujours EUROPE 1. Donc nous serons à deux pour essayer de comprendre ce que vous proposez et de même, ce que propose le Parti socialiste. Alors quand on a su que vous veniez à cette émission certains ont dit, j'ai lu dans les journaux, c'est les confrères qui l'ont écrit, « tiens, ça y est, François FILLON prend en charge la réforme des retraites ». Et puis hier le président de la République intervient au Conseil des ministres et on se dit « voilà, ça y est ». Donc le patron de la réforme de retraites c'est le président de la République...
FRANÇOIS FILLON
Bien sûr. Comment pourrait-il en être autrement, le président de la République est élu par les Français et il décide, il en a d'ailleurs toujours été ainsi, même si parfois les apparences étaient différentes. Ce que je veux vous dire ce soir, c'est qu'il n'y a aucune mesure dans cette réforme des retraites qui n'ait pas fait l'objet de longs débats avec le président de la République, avec le Gouvernement, avec Eric WOERTH, avec Georges TRON, et que toutes les mesures que nous vous proposons sont des mesures que je soutiens, que je porte. Si ça n'était pas le cas, je ne serais pas devant vous ce soir pour les défendre.
ARLETTE CHABOT
Donc 100% d'accord avec tout ce qui est proposé bien sûr ?
FRANÇOIS FILLON
Bien sûr, et les propositions que nous avons faites, que le président de la République a annoncées au Conseil des ministres mercredi, sont des propositions qui ne remettent pas en cause ce qui pour moi est absolument fondamental, c'est-à-dire, parce que je crois que c'est le langage de vérité qu'on doit aux Français, c'est-à-dire le coeur de la réforme, l'allongement de la durée de travail de 60 à 62 ans avec ses conséquences notamment sur la durée au-delà de laquelle la décote ne s'applique plus, c'est-à-dire de 65 à 67 ans, c'est fondamental.
ARLETTE CHABOT
On va en parler dans un instant évidemment avec Jean. Juste une petite précision quand même, vous dites c'est le président de la République qui effectivement mène la réforme, c'est normal, du coup Bernard THIBAULT, François CHEREQUE ont raison de dire que ce n'est pas la peine d'aller discuter avec le ministre, ça ne sert à rien puisque c'est à l'Elysée que tout se décide ?
FRANÇOIS FILLON
Non, je crois que ce n'est pas exact de dire ça. Il y a un ministre qui a préparé cette réforme, qui la défend aujourd'hui devant le Parlement, qui est en train de faire le travail qui est normal dans une démocratie. Et dans le passé je n'ai pas le souvenir lorsque François MITTERRAND était président de la République, lorsque Jacques CHIRAC était président de la République, que les organisations syndicales refusaient de discuter avec les ministres. Vous pensez vraiment un instant que sur une réforme des retraites le président MITTERRAND ou le président CHIRAC n'avait pas leur mot à dire ? Qui peut penser cela ?
ARLETTE CHABOT
Ce soir, dans une interview publiée par LE MONDE, Bernard THIBAULT dit qu'au fond « Nicolas SARKOZY instrumentalise la réforme des retraites pour des raisons politiques ». Il met en garde contre un blocage, voire même une crise sociale...
FRANÇOIS FILLON
Je respecte beaucoup Bernard THIBAULT et je respecte d'une façon générale les organisations syndicales qui jouent un rôle essentiel et qui ont été très responsables dans la gestion, notamment de la crise économique et financière que nous venons de traverser, mais sur ce sujet, il se trompe. Franchement, pour le président de la République et pour le Gouvernement ça aurait été plus simple de ne pas avoir à proposer cette réforme des retraites, ça aurait été plus simple d'attendre les élections présidentielles de 2012 pour en débattre. Si nous avons estimé, avec le président, qu'il était nécessaire de présenter cette réforme, c'est parce qu'il y a une aggravation des déficits, il y a une aggravation des déficits qui est due à la démographie mais qui a été accélérée par la crise économique et financière. J'ai bien noté qu'il y avait beaucoup de gens dans les rues de nos villes mardi dernier. Mais je dis que si on disait aux Français qu'on ne peut plus payer les retraites, si on disait aux Français qu'on doit réduire de façon importante le montant des pensions, il y en aurait, et c'est normal, beaucoup plus à manifester.
ARLETTE CHABOT
Jean BOISSONNAT, 60, 62, 65, 67...
JEAN BOISSONNAT
Oui... Monsieur le Premier ministre, ce n'est pas votre première réforme sur les retraites puisqu'en 2003 c'est vous qui étiez en charge et qui en tant que ministre du Travail avez conduit cette réforme. Et elle s'inscrivait d'ailleurs dans la ligne de BALLADUR en 1993 et dans tous les cas ça passe par un allongement de la période nécessaire pour avoir une retraite à taux plein. Cette fois-ci, vous ajoutez à ce processus, que vous continuez, vous ajoutez le fait que l'on ne pourra plus exiger d'avoir sa retraite à 60 ans. Est-ce que ce problème-là n'était pas déjà clairement posé, compte tenu de ce que l'on sait des évolutions démographiques lorsque vous avez fait votre retraite de 2003. Et pourquoi à l'époque vous ne l'aviez pas retenue que vous la retenez aujourd'hui ? Il peut y avoir deux explications mais vous allez donner la vôtre, c'est peut-être que le système de 2003 n'a pas eu tous les résultats que vous souhaitiez, et pourquoi ? Et, deuxièmement, parce qu'il y avait peut-être un contexte politique qui ne vous permettait pas, à l'époque, de remettre en cause la retraite à 60 ans, alors que à l'évidence, pour les raisons pour lesquelles vous le faites aujourd'hui, cela existait déjà.
FRANÇOIS FILLON
D'abord je crois qu'il faut admettre l'idée qu'il n'y a pas une réforme des retraites définitive, qui réglera le problème des retraites des Français pour très longtemps. Il faut en permanence adapter le système aux évolutions démographiques qui ne sont pas si faciles que cela à prévoir, aux évolutions économiques, aux comportements mêmes des Français. Et il y a une question d'acceptabilité de la réforme. Quand en 1993, Edouard BALLADUR a souhaité que dans le secteur privé on passe de 37 annuités et demie à 40 annuités pour avoir une retraite à taux plein, il y a eu des protestations très fortes. Le Parti socialiste, à l'époque, a pris l'engagement d'abroger cette mesure dès qu'il arriverait au pouvoir. Puis finalement tout le monde a admis que c'était une mesure nécessaire. Quand nous avons proposé de faire la même chose pour le secteur public puis d'engager une augmentation de la durée de cotisation en 2003, nous avons franchi une étape supplémentaire. C'est vrai qu'à l'époque, on s'est posé la question de savoir s'il faut toucher à l'âge légal. On a pensé...
ARLETTE CHABOT
C'est un tabou en France, c'est un tabou à gauche, c'est un tabou pour les syndicats...
FRANÇOIS FILLON
Bon, c'est un tabou. On a pensé qu'il était possible de ne pas le faire et que l'allongement de la durée de cotisation serait suffisant pour changer les comportements, conduire les Français à rester plus longtemps et donc mieux équilibrer les régimes.
JEAN BOISSONNAT
Pourquoi ça n'a pas marché ?
FRANÇOIS FILLON
Ca a marché partiellement. Sur les 20 milliards d'Euros en 2020 que la réforme de 2003 devait apporter, grosso modo on est à peu près dans les clous. Mais ça n'est pas suffisant pour convaincre les Français de travailler plus longtemps. Et beaucoup d'entre eux choisissent toujours, souvent d'ailleurs à mon sens pas exactement en connaissance de cause sur ce qui va être la pension qu'ils vont recevoir, de partir plus tôt. Et quand on regarde ce qui se passe dans les autres pays européens on voit bien que sans une mesure d'allongement de la durée légale on ne peut pas réussir à équilibrer les régimes de retraite.
ARLETTE CHABOT
Et vous auriez pu quand même par exemple maintenir le droit de partir à la retraite à 60 ans mais avec une pénalité très forte. Après, à chacun de choisir...
FRANÇOIS FILLON
C'est un choix que nous avons examiné mais que nous n'avons pas retenu, parce que je pense que c'est un choix très dangereux. C'est un choix qui consiste à fabriquer des très petites retraites, des retraites qui ne permettront pas à nos concitoyens de vivre décemment, simplement parce qu'on n'a pas le courage d'affronter le problème en face. Et le problème en face, c'est l'allongement de l'âge légal. Encore une fois, tous les autres pays européens ont pratiqué avant nous. Nous sommes en train de proposer une réforme qui vise à passer de 60 à 62 ans l'âge légal pour partir à la retraite. Dans tous les autres pays européens sans exception, le débat aujourd'hui est entre 65, 66, 67, voire 68 ans. Donc la réforme que nous proposons est très raisonnable. Elle s'inscrit dans une continuité après celle de 93 et celle de 2003. Mais je crois vraiment qu'elle est incontournable.
JEAN BOISSONNAT
N'est-elle pas menacée, comme celle de 2003, d'un semi échec, compte tenu du contexte dans lequel nous sommes. En 2003, vous aviez prévu pour financer ce qui était mis en oeuvre un transfert des moyens de l'assurance-chômage sur l'assurance vieillesse. Ca n'a pas été possible...
FRANÇOIS FILLON
Nous étions prêts à le faire en 2008, à l'été 2008, les décrets étaient même préparés. Et puis il y a eu la crise économique qui est venue bouleverser complètement, au moins de façon temporaire, les données du problème. Nous avons repris cette proposition dans le projet de réforme à l'horizon de 2018, pour environ un milliard d'euros en 2018, un peu plus en 2020, parce que la démographie de notre pays doit conduire mécaniquement à une réduction du chômage. On ne peut pas à la fois avoir un allongement de la durée de la vie, un nombre de retraités plus important, une démographie qui nous conduit à prendre les mesures que nous sommes en train de prendre, et puis en même temps, ne pas avoir d'effet de cette démographie sur le chômage. Mais en même temps il peut y avoir des incertitudes, il peut y avoir des crises à nouveau et c'est la raison pour laquelle nous avons prévu dans cette réforme un comité de pilotage, avec un premier rendez-vous en 2018, pour le cas échéant ajuster les paramètres de la réforme en fonction de la réalité économique et démographique.
JEAN BOISSONNAT
Oui mais vous avez prévu, si j'ai bien lu, peut-être me suis-je trompé, un taux de croissance de l'économie française d'ici 2018 qui vous permet de tenir dans les clous, que vous avez vous-même indiqué un taux de croissance de l'ordre de 2,5% par an...
FRANÇOIS FILLON
Le Conseil d'Orientation des Retraites, qui est l'organisme qui regroupe les partenaires sociaux et qui a fait faire beaucoup de progrès au débat sur les retraites dans notre pays et qui avait d'ailleurs été créé par Lionel JOSPIN, ce Conseil d'Orientation des Retraites a proposé trois scénarios avec des chiffres en terme de chômage et en terme de croissance. On a retenu le scénario médian. Certains, que vous aurez l'occasion d'interroger tout à l'heure, ont choisi le scénario le plus optimiste. Il y a un scénario plus dégradé, c'est la raison pour laquelle il faudra forcément réaliser des adaptations au cours de la mise en oeuvre de cette réforme. Encore une fois, il n'y aura jamais de réforme définitive, il faudra faire évoluer les choses et c'est la raison pour laquelle il faut que nous abordions ce débat avec un grand sens des responsabilités et une volonté de coller au plus près à la réalité.
ARLETTE CHABOT
Alors beaucoup pense que ce passage 60, 62 est injuste parce que effectivement, Jean le rappelait, j'allais dire qu'il y a double peine. C'est-à-dire qu'on n'a plus le droit de faire valoir ses droits à la retraite à 60 ans, en même temps il faut avoir cotiser 40 ans et demi, 41, 41 et demi, etc., et ceux qui par exemple ont commencé à travailler à 18 ans, je ne parle pas des carrières longues, mais 18, 19 ans ils vont se retrouver à avoir cotisé plus longtemps, 42, 43, 44 ans, « ça ce n'est pas juste », disent les organisations syndicales notamment...
FRANÇOIS FILLON
D'abord il faut dire que c'est la situation d'aujourd'hui et que c'était la situation d'hier, il n'y a pas de nouveauté dans ce domaine.
ARLETTE CHABOT
Sauf qu'on pouvait dire « moi je pars »...
FRANÇOIS FILLON
Non, non, vous pouviez partir à 60 ans, vous ne pouviez pas partir avant...
ARLETTE CHABOT
Voilà, à 60 ans.
FRANÇOIS FILLON
Et l'injustice était la même entre ceux qui ont commencé à travailler à 14, à 15 ans ou ceux qui ont travaillé...
ARLETTE CHABOT
Je parle 18, 19 et 20, pas les carrières longues.
FRANÇOIS FILLON
Ou ceux qui ont commencé à travailler plus tard. Deuxièmement, il faut d'abord évoquer ce qu'est notre système de retraite. On a choisi, c'est notre pacte républicain depuis 1945, un système par répartition. Je pense que beaucoup de Français ne savent pas ce que ça veut dire. Ca veut dire que les actifs cotisent, les salariés et les entreprises, et ces cotisations servent à payer les retraites non pas les leurs mais celles des retraités d'aujourd'hui. Et ce système contributif permet en même temps, par le calcul des trimestres, de calculer la pension que l'on aura lorsqu'on prendra soi-même sa retraite. C'est un système qui a des inconvénients, aucun système n'est parfaitement juste, mais il a un grand avantage, il est très robuste, il est très sûr. Il n'est pas soumis aux aléas des cours de la Bourse, il n'est pas soumis aux aléas, en tout cas pas autant que les autres, de la situation économique. Si on veut garder ce système avec une vie qui s'allonge, 15 ans de plus, on vit aujourd'hui 15 ans de plus que nos parents, on ne peut pas ne pas allonger la durée de travail. On va passer 15 ans de plus que nos parents en retraite, comment est-ce qu'on peut imaginer et qui aujourd'hui nous croirait si on le proposait, qu'on va pouvoir continuer à financer des retraites qui s'allongent en moyenne de 15 ans aujourd'hui, qui vont s'allonger encore plus, sans travailler plus. J'ajoute que la question de la compétitivité de l'économie française avec nos voisins et en particulier avec nos voisins allemands est une question que personne ne peut ignorer. Je ne crois pas qu'il y ait un Français qui puisse croire au fond de lui-même, s'il est sincère, que la France va pouvoir conserver le même niveau de vie qu'aujourd'hui, en travaillant beaucoup moins que nos voisins allemands.
ARLETTE CHABOT
Alors moi je reviens, donc ce n'est pas injuste par exemple pour ceux qui vont devoir travailler 43, 44 ans.18 ans, on parlera des carrières longues après, mais ceux qui ont commencé à travailler à 18 ans, 19 ans, ils ne pourraient pas partir à 60 ans...
FRANÇOIS FILLON
Là aussi pour être honnête il faut dire que jusqu'en 2003, quand vous aviez commencé à travailler à 14 ans, vous partiez à la retraite au même âge que celui qui avait commencé à travailler à 25 ou à 28 ans. Qui a changé ce système ? C'est la majorité actuelle, dans le cadre de la réforme de 2003 à la suite d'une négociation avec la CFDT. Cétait une revendication qui était portée par la CFDT depuis longtemps. C'était d'ailleurs un engagement que la gauche avait pris quasiment à chaque élection législative depuis des années, qu'elle n'avait jamais mis en oeuvre. Donc on a rendu possible le départ anticipé pour ceux qui ont commencé à travailler à 14, à 15 et à 16 ans. Et dans la réforme que nous proposons aujourd'hui on propose d'aller plus loin et de prendre les catégories qui ont commencé à travailler à 17 ans, donc de 17 à 18 ans.
ARLETTE CHABOT
Voilà, vous ne me répondez pas sur les 18, 19 mais avant, les carrières longues...
FRANÇOIS FILLON
Simplement parce que si on veut aller plus loin, compte tenu du nombre de personnes qui sont concernées, alors l'équilibre financier n'est plus assuré et donc il faut soit baisser les pensions, soit augmenter les cotisations, soit allonger encore plus la durée de travail pour les autres. C'est un système dans lequel dès qu'on touche à un paramètre les autres sont impactés. Je pense que l'équilibre que nous avons trouvé, c'est aujourd'hui le plus juste.
ARLETTE CHABOT
Pour que les choses soient précises, pardonne-moi, que tout le monde comprenne, pardonnez-moi, Jean, ça veut dire que le dispositif des carrières longues est maintenu, c'est-à-dire qu'il faudra...
FRANÇOIS FILLON
Il n'est pas maintenu, il est amélioré.
ARLETTE CHABOT
Amélioré puisqu'on va jusqu'à 17 ans.
FRANÇOIS FILLON
Il est amélioré puisqu'on passe à 17 ans, je rappelle que c'est...
ARLETTE CHABOT
Ceux qui pourront faire valoir leurs droits à la retraite quand ils auront obtenu les annuités nécessaires et demandées par la loi, c'est ça, à taux plein ?
FRANÇOIS FILLON
Absolument. Et donc...
ARLETTE CHABOT
Sans majoration, sans plus ?
FRANÇOIS FILLON
Sans majoration et avec un système de lissage qui fait partie des propositions que le président de la République a mises sur la table mercredi dernier, pour éviter ce que certains qui ont profité de ce système ont pu constater, c'est-à-dire des effets de seuil qui sont très importants, on a donc décidé d'améliorer le dispositif. Mais c'est 600.000 Français qui sont partis à la retraite anticipée d'une certaine façon de cette manière et avec le passage à 17 ans, c'est 100.000 Français de plus qui pourront bénéficier de ce dispositif.
JEAN BOISSONNAT
Mais c'est pas ça...
ARLETTE CHABOT
Alors, Jean, 65, 67 ans, Jean...
JEAN BOISSONNAT
Oui puis il y a un autre point sur le sujet que vous venez d'aborder. Est-ce que au passage vous n'avez pas dénaturé le fonds de réserve des retraites. Vous dites souvent « la gauche n'a rien fait sur les retraites », c'est assez vrai, sauf qu'ils ont créé ce fonds de réserve des retraites.
FRANÇOIS FILLON
Le Fonds de réserve et le COR.
JEAN BOISSONNAT
Voilà.
ARLETTE CHABOT
Le Conseil d'Orientation des Retraites qui donne le pilotage.
JEAN BOISSONNAT
Le Fonds de réserve, il a pour objet d'organiser la solidarité entre les générations et il devait être nourri pour servir dans les années 2020 et 2030 à réaliser ça. Or, on a le sentiment - peut-être qu'on se trompe - que vous êtes en train de piocher dedans et de lui enlever en quelque sorte sa caractéristique essentielle qui était de préparer à l'horizon 2020 et 2030, ce qui se posera de toute manière compte tenu de l'état de notre démographie. Est-ce que vous n'êtes pas en train là de changer la nature du Fonds qui devait servir à réaliser entre les générations une solidarité ?
FRANÇOIS FILLON
D'abord, nous, nous n'avons jamais pensé que le Fonds de réserve pourrait avoir ce résultat. Il avait pour objectif de lisser un déficit entre 2020 et 2030. Déficit qui, d'ailleurs, apparaît plus tôt que prévu, compte tenu de l'évolution démographique et de la situation économique. Et aujourd'hui, ce serait tout à fait paradoxal de continuer à mettre de l'argent sur le Fonds de réserve, tout en empruntant en même temps pour rembourser les déficits actuels...
JEAN BOISSONNAT
En empruntant ou en trouvant d'autres ressources...
FRANÇOIS FILLON
Ça a un côté Shadock quand même...
D'un côté, on investit pour l'avenir mais en même temps, on emprunte pour rembourser les déficits actuels. Nous, nous pensons que c'est plus intelligent d'utiliser le Fonds de réserve maintenant pour régler la question du déficit accumulé qu'il va bien falloir régler d'une façon ou d'une autre - surtout que je vous rappelle que nous avons atteint des niveaux d'endettement qui ne nous permettent guère d'aller plus loin -, et de résoudre de façon plus efficace et plus définitive la question de l'équilibre des régimes de retraite par l'allongement de la durée de travail et par un certain nombre de recettes supplémentaires que la loi, le projet de loi propose et qui consiste notamment à prélever environ quatre milliards d'euros sur les plus fortunés de nos concitoyens, sur le capital, sur les entreprises qui vont apporter près de deux milliards, en raison d'un dispositif que nous allons modifier sur les allégements de charges. Je crois qu'aller au-delà dans un pays qui est pratiquement aujourd'hui celui qui a le niveau de prélèvements obligatoires le plus élevé en Europe, ce serait tout à fait irresponsable.
ARLETTE CHARBOT
Alors j'ai bien compris. Pardonnez-moi, qu'on comprenne bien, je résume toujours. Donc vous ne bougerez pas sur le report de l'âge de départ à la retraite (60-62 ans, 65-67 ans). Ce qui pénalise beaucoup les femmes. Je le dis, 65-67 ans, ce sont surtout les femmes qui sont pénalisées. Est-ce qu'on peut réfléchir à la mesure ? Je crois que le président du Sénat est là. Il y a beaucoup de membres du Gouvernement autour de nous ce soir. Je ne sais pas, on n'est pas à la table du Conseil des ministres, on n'est pas au siège de l'UMP. Il y a même Xavier BERTRAND, il y a le président du Sénat. Lui-même s'est dit : et si on réfléchissait, comme le demande la CFDT d'une certaine manière, à ce report 65-67 ans pour avoir sa retraite à taux plein ? Ce qui signifie sans pénalités. Alors on peut réfléchir ou pas ? ...
FRANÇOIS FILLON
Non, d'abord, il faut dire de quoi on parle...
ARLETTE CHABOT
Il a tort Gérard LARCHER ou pas ?
FRANÇOIS FILLON
L'âge de départ à la retraite, ce sera 62 ans...
ARLETTE CHABOT
62 ans...
FRANÇOIS FILLON
Au terme d'une période de montée en puissance d'ici 2018...
ARLETTE CHABOT
Ça commence à partir de juillet 2011...
FRANÇOIS FILLON
Ça concerne les personnes qui sont nées à partir du 1er juillet 1951. Toutes celles qui sont nées avant ne sont pas concernées. Et ensuite à partir de cette date, à raison de quatre mois par génération, le dispositif monte en puissance. Il est normal, dans ce contexte, d'appliquer à la limite pour obtenir une retraite à taux plein sans décote, le même décalage de deux ans. Si on ne le fait pas, c'est environ un tiers des mesures d'âge qui sont le fondement même de cette réforme, qui sont la réponse à la question du déficit, qui vont manquer pour financer les retraites demain. Donc le Gouvernement est naturellement ouvert à toutes les propositions, puis il y a un débat parlementaire. La démocratie, c'est...
ARLETTE CHABOT
Mais les sénateurs ont raison de réfléchir à ça ou la CFDT a raison ? ...
FRANÇOIS FILLON
Non, mais tout le monde a raison de réfléchir...
ARLETTE CHABOT
On peut faire un geste envers les femmes qui ont souvent des carrières un peu compliquées ? ...
FRANÇOIS FILLON
Simplement, je veux dire à tous ceux qui nous écoutent qu'il n'y a pas de solution miracle. Si l'on veut faire bouger ce paramètre-là, il faut trouver ces milliards qui vont manquer pour financer les retraites. Donc ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'il faut baisser les pensions. Ça veut dire qu'il faut augmenter les cotisations. C'est une question qu'on s'est posée. Mais on a déjà un niveau de prélèvements, de charges sur les entreprises qui est très élevé. Si on augmente les cotisations, on aura moins de pouvoir d'achat pour les Français et on aura plus de risque de délocalisation...
JEAN BOISSONNAT
Mais, monsieur le Premier ministre, vous avez fait allusion - et c'est évidemment un événement qui a tout changé - à la crise que nous venons de traverser. Pourrait-on imaginer - et je crois que certains membres de la majorité l'ont évoqué - que compte tenu de cet événement exceptionnel, imprévisible, c'est vrai, qu'était la crise, il n'y ait pas un certain nombre de dispositions que vous avez prises sans savoir que cette crise allait avoir cette ampleur et qui pourraient être en quelque sorte suspendues le temps de maîtriser cette crise ? Je pense à une chose toute simple : le bouclier fiscal. On peut parfaitement avoir une conviction politique pour l'instaurer mais compte tenu de la crise et du caractère exceptionnel de cette crise, pourrait-on imaginer que le Gouvernement prenne l'initiative de dire : « Bon ce bouclier fiscal, nous y tenons, nous le gardons durablement mais pendant un temps, nous le suspendons » ? Or, si je calcule approximativement, il coûte environ six cents millions chaque année. Si vous le suspendiez, disons, trois à quatre ans, eh bien ça vous fait quand même quelques milliards que vous récupérez et pour des raisons qui ne signifient nullement de votre part le renoncement à une orientation politique fondamentale, puisque vous prenez en compte un événement exceptionnel pour prendre une mesure temporaire.
FRANÇOIS FILLON
D'abord Monsieur BOISSONNAT, nous avons décidé, dans le cadre de cette réforme, de proposer une augmentation de la fiscalité sur les Français les plus aisés qui ne sera pas concernée par le bouclier fiscal, c'est-à-dire que le bouclier fiscal ne s'appliquera pas en particulier à l'augmentation de l'impôt sur le revenu...
JEAN BOISSONNAT
Oui, mais ça ce ne sont pas six cents millions...
ARLETTE CHABOT
« Mais on pourrait faire plus », disent certains, notamment sur les stock-options, etc.
FRANÇOIS FILLON
Mais d'abord, alors sur les stock-options, parlons-en. Les stock-options étaient très peu taxées dans le passé. C'est cette majorité qui a décidé de les taxer. Et dans la réforme, il est proposé d'augmenter la taxation des stock-options. Mais il faut aussi être réaliste. Le Parti socialiste propose de taxer les stock-options et tire de cette taxation 2 milliards d'euros. L'assiette des stock-options aujourd'hui, ce sont 2,7 milliards. Ça veut dire que les socialistes imaginent qu'ils vont prélever les deux tiers, près des trois quarts de l'assiette même de leur impôt. La vérité, c'est qu'en imaginant qu'on le fasse, on le ferait une année et l'année suivante, il n'y a plus de stock-options donc il n'y a plus de ressources pour financer les retraites. Donc il faut aussi être réaliste. Mais pour répondre à la question de monsieur BOISSONNAT, d'abord, la question des retraites ne peut pas être financée - mais vous le savez bien - avec des mesures qui ne sont pas durables. Donc oui, on peut bricoler ici ou là pour passer une année, deux années mais ce n'est pas le sujet, la question qui nous est posée. La question qui nous est posée, c'est : l'équilibre en 2018, l'équilibre en 2020, ça passe par l'allongement de la durée légale du travail. Bon, le...
ARLETTE CHABOT
Mais c'est ça qui crée le sentiment d'injustice. Ce que dit à l'instant Jean BOISSONNAT, c'est que d'un côté, on ne touche pas effectivement au bouclier fiscal ; de l'autre, on dit qu'on n'impose pas...
FRANÇOIS FILLON
La question du bouclier fiscal, le président de la République et moi-même, nous y réfléchissons, la majorité y réfléchit. Quel est notre souci ? Notre souci, c'est de faire en sorte qu'il reste dans notre pays des hommes et des femmes qui investissent dans l'économie On parle beaucoup, au moment de la réforme des retraites, de taxer les riches. Encore faut-il qu'il y en ait. Et donc moi, je préfère encourager à ce qu'il y en ait plus pour qu'ils rapportent plus d'impôts aux pays, plutôt que de faire en sorte, par une fiscalité complètement confiscatoire par rapport aux autres fiscalités européennes, de les faire partir. Nous ne sommes pas dans un monde fermé ! On a enregistré depuis une dizaine d'années un décrochage de la compétitivité de l'économie française au regard de l'économie allemande, vous le savez bien. Et notamment avec un point de départ qui est grosso modo les années 2000 et la réduction du temps de travail. Si nous ne sommes pas en mesure, dans les prochaines années, de rattraper notre voisin allemand en termes de compétitivité, donc d'aligner notre fiscalité et la sienne, d'une manière ou d'une autre de rapprocher notre organisation en matière de travail, alors nous aurons de moins en moins d'emplois industriels, nous aurons de moins en moins d'emplois tout court et la question du financement des retraites se posera d'une façon encore plus difficile.
ARLETTE CHABOT
Si on revient au 65-67 ans, vous ne bougerez pas non plus, il n'y aura pas de mesure spécifique, particulière pour des femmes qui ont eu des carrières, souvent - c'est le cas des femmes - du temps partiel, voilà...
FRANÇOIS FILLON
Alors parlons de la question des femmes parce que d'abord, il faut dire que le système de retraite ne peut pas corriger toutes les inégalités qui existent dans la société...
ARLETTE CHABOT
Sinon on ne fait que des régimes spéciaux, c'est ça que vous voulez dire...
FRANÇOIS FILLON
Et simplement, si vous voulez, donner plus de retraite à des hommes et à des femmes qui ont cotisé moins, pour des raisons qui sont indépendantes de leur volonté, vous êtes obligée de le faire au détriment des autres puisque vous êtes dans un système par répartition. Donc la première chose que je veux dire, c'est qu'on ne peut pas demander au système de retraite de tout corriger, toutes les inégalités. Il faut naturellement qu'il y tende. La deuxième chose que je veux dire c'est que la question des femmes, elle va se poser de moins en moins à l'avenir puisque le rapport du COR montre que les jeunes générations, à partir des gens qui sont nés en 1966, ont les mêmes durées de cotisation, pour les hommes et pour les femmes. La question se pose pour tous ceux qui vont arriver maintenant à la retraite et qui ont eu des carrières courtes, des carrières qui ont été plus chahutées. Il y a des mesures, dans ce texte, qui améliorent la situation par rapport à ce qu'elle était auparavant, dans les années précédentes ! On a décidé ainsi de donner deux années de cotisations supplémentaires gratuites par enfant. On a, dans ce texte, proposé de prendre en compte les indemnités journalières à l'occasion des congés de maternité pour qu'elles comptent dans le calcul final de la pension, ce qui n'était pas le cas aujourd'hui ! On a proposé de mettre en place un dispositif de trimestres gratuits à chaque naissance. Je rappelle aussi que beaucoup de femmes qui ont eu des carrières très courtes sont aujourd'hui au minimum vieillesse et que le minimum vieillesse n'est pas concerné par l'allongement de deux ans. Il continuera à être servi à partir de 65 ans. Donc il y a beaucoup de mesures qui permettent d'améliorer la situation, s'agissant des femmes. Je remarque que ce sujet n'est pas nouveau ! Il était posé depuis longtemps ! Il y a beaucoup de Gouvernements qui se sont succédé, il n'a pas été réglé.
ARLETTE CHABOT
Oui, mais là, c'est 65 ans, 67 ans pour les femmes ! Elles voient ça comme une espèce de cauchemar !
FRANÇOIS FILLON
C'est...
ARLETTE CHABOT
C'est loin, 67 ans !
FRANÇOIS FILLON
C'est l'ensemble de la population française qui vit plus longtemps et c'est naturel que l'ensemble des catégories voit sa durée de travail augmenter de deux ans.
ARLETTE CHABOT
Donc vous dites non à Monsieur LARCHER, mais il ne fait pas la tête, ce n'est pas grave.
FRANÇOIS FILLON
Non, je ne dis pas non à Monsieur LARCHER. Je dis qu'on peut toujours discuter, chercher des solutions. Vous savez, si j'avais la possibilité de proposer des solutions plus faciles, ce n'est pas une réforme facile ! Je comprends parfaitement l'inquiétude, le fait que les Français n'approuvent pas massivement cette idée de travailler plus. Mais en même temps, je sais qu'ils sont réalistes au fond d'eux-mêmes et je leur demande de regarder ce qui se passe autour d'eux. Ils constatent que, dans tous les autres pays européens, encore une fois, on parle de passer de 65 à 67 ans ! Et nous, nous parlons de passer à 62 ans.
ARLETTE CHABOT
Vous avez bien vu la mobilisation dans les rues, plus de 2 millions, disent les syndicats, mais en tout cas, très, très forte mobilisation ; vous en avez tenu compte, on se dit « peut-être que la prochaine fois, ils vont encore lâcher autre chose », non ?
FRANÇOIS FILLON
Non, je pense qu'aujourd'hui... Lâcher autre chose, d'abord, ce n'est pas comme ça que ça fonctionne...
ARLETTE CHABOT
C'est exprimé ainsi, pardonnez-moi, la formule est un peu familière.
FRANÇOIS FILLON
... Ca veut dire ne plus assurer le financement des retraites. Il y a un moment où il faut être honnête ! Il faut dire la vérité ! Après, on peut avoir des désaccords et on a, avec les organisations syndicales, un dialogue, il y a des sujets sur lesquels on est en accord, j'ai entendu Monsieur THIBAULT dire plusieurs fois qu'on était le seul pays européen où on ne pouvait pas négocier, il n'y avait pas une négociation entre les organisations syndicales et le gouvernement sur la question des retraites. Mais c'est aussi le seul pays européen où les organisations syndicales nous ont dit : « On ne discute pas des mesures d'âge » ! A partir du moment où on ne discute pas des mesures d'âge, comment pouvons-nous arriver à une négociation qui aboutisse à un financement pérenne ?
JEAN BOISSONNAT
Et le relèvement de la CSG sur les pensions ? Parce que la CSG, aujourd'hui, frappe les retraites à un taux inférieur auquel la CSG frappe les revenus, les autres revenus. Est-ce que là, il y a une marge ou pas ?
FRANÇOIS FILLON
Nous, nous pensons que les retraites ne sont pas... sont en moyenne d'un niveau qui est bas, d'ailleurs je pense que tout au long de votre émission, on entendra les uns ou les autres réclamer une hausse des petites retraites...
ARLETTE CHABOT
C'est surtout les Français qui sont inquiets ! On l'a entendu tout à l'heure, ils disent « on aura 400 euros » !
FRANÇOIS FILLON
... Et donc ajouter une fiscalité supplémentaire sur les retraités, ça ne nous a pas paru raisonnable. Nous avons préféré protéger le pouvoir d'achat des retraités plutôt que de recourir à la fiscalité.
ARLETTE CHABOT
Je disais, vous avez bougé un peu, le Président de la République l'a annoncé hier, notamment sur la pénibilité. Néanmoins, vous gardez le même système, c'est-à-dire c'est l'individu qui est concerné et il n'y a pas... Voilà, une baisse de 20 % à 10 % le taux nécessaire d'invalidité, mais après ce sera une commission qui permettra ou non, si j'ai bien compris, effectivement, à l'homme ou la femme de bénéficier... De partir plus tôt à la retraite ; on peut aller plus loin et pourquoi vous gardez cette conception, j'allais dire, individuelle de la pénibilité ?
FRANÇOIS FILLON
D'abord, ce sera le système le plus avancé, le plus généreux en Europe. Aucun autre pays européen ne s'est engagé aussi loin dans le débat sur la pénibilité. Pourquoi ? Parce que c'est un débat extraordinairement difficile ; vouloir désigner des catégories, des professions qui exercent des métiers pénibles pour leur donner un avantage en terme de départ, c'est, en réalité, reconstituer des régimes spéciaux ! On avait donné des avantages aux cheminots quand ils conduisaient des locomotives à vapeur, et puis ensuite le système est resté et nous avons dû le réformer en 2007. J'ajoute que... C'est la raison pour laquelle les autres pays européens ne se sont pas engagés dans cette voie. Pour donner les avantages massifs en terme d'âge de départ à un grand nombre de Français, il faut que les autres cotisent plus ou travaillent plus longtemps ! Donc on a trouvé un équilibre, pour la première fois, la notion de pénibilité, qui n'avait jamais été introduite dans notre système de retraites, ni par la gauche ni par la droite, est introduite. La mesure qui a été proposée par le Président de la République et par le gouvernement va concerner au moins 30.000 personnes, donc ce n'est pas du tout une mesure négligeable, elle va permettre...
ARLETTE CHABOT
Ce n'est pas beaucoup, disent certains, par rapport aux risques professionnels, à l'exposition de certains !
FRANÇOIS FILLON
Elle va permettre, en tout cas, de prendre tous ceux qui, du fait de la pénibilité du travail, de l'exposition à des travaux pénibles, ont un impact sur leur santé. On a proposé une deuxième solution, c'est d'inciter - on l'avait déjà fait en 2003 mais sans incitation - les branches professionnelles, comme c'est le cas dans d'autres pays européens, en Allemagne notamment - à négocier des accords parce qu'elles sont les mieux à même de déterminer quels sont les postes de travail pénibles, et dans le cadre d'un équilibre global à ces branches. En 2003, on avait voulu inciter les branches à le faire, elles ne l'ont pas fait. Dans cette réforme, nous proposons un Fonds qui sera doté par l'Etat et qui servirait à amorcer une négociation qui permettrait d'expérimenter, dans des branches professionnelles, un dispositif qui serait plus... comment dirais-je, géré de façon plus proche du terrain par les partenaires sociaux eux-mêmes.
ARLETTE CHABOT
Parce qu'il y a un moyen d'évaluer, c'est aussi l'espérance de vie ! On sait très bien qu'en fonction du métier, on vit moins vieux.
FRANÇOIS FILLON
Oui, mais si vous prenez l'espérance de vie...
ARLETTE CHABOT
... Oui, c'est ça, moins vieux.
FRANÇOIS FILLON
Si vous prenez l'espérance de vie, alors il faut que les catégories qui ont des espérances de vie très longue travaillent plus longtemps ! Qui, dans notre pays, a l'espérance de vie la plus longue, Madame CHABOT ? Ce sont les enseignants. Moi, je veux bien que l'on explique aux enseignants qu'ils n'ont pas un métier pénible, mais j'entends tous les jours, dans les micros...
JEAN BOISSONNAT
Les enseignants et les ecclésiastiques.
FRANÇOIS FILLON
Oui, mais... Ils sont assez peu nombreux, c'est pour ça que je ne les ai pas cités. Donc c'est une idée généreuse qui a une vraie logique, mais qui se heurte à la perception que nos concitoyens ont de la pénibilité.
JEAN BOISSONNAT
Question latérale, qui va vous paraître secondaire. Vous dites « attention aux métiers rudes ». S'il est un métier rude, c'est Premier ministre. Est-ce que vous avez hâte de prendre votre retraite ?
ARLETTE CHABOT
Oh, pas tout de suite, Jean, pas tout de suite !
FRANÇOIS FILLON
Monsieur BOISSONNAT, il n'y a pas de Premier ministre qui soit resté quarante et un ans en fonction.
ARLETTE CHABOT
Il y a une autre catégorie qui, effectivement, est souvent en difficulté et on s'aperçoit qu'il y a beaucoup de gens qui sont déjà... sont au chômage, n'ont pas de travail, parce que l'emploi des seniors, en France, ce n'est pas terrible et donc ils sont à 57, 58, 59 ans, ils touchent des allocations chômage, qu'est-ce qui va leur arriver à eux ? Ils vont être prolongés jusqu'à 62 ans avec des allocations qui sont peut-être inférieures à la retraite qu'ils pourraient toucher s'ils étaient partis à 60 ans ?
FRANÇOIS FILLON
Ca, c'est vraiment un défi très, très important pour la société française, que de mieux intégrer les salariés les plus âgés. Il faut que les entreprises fassent de gros efforts pour repenser les carrières, repenser les postes de travail, mieux organiser les fins de carrière ; nous proposons, d'ailleurs, dans la réforme parmi les ouvertures qui ont été faites par le Président de la République et le gouvernement, d'inciter les branches professionnelles à négocier des fins de carrière qui seraient différentes avec des temps partiels, avec du tutorat, avec une organisation différente. Donc c'est vraiment une responsabilité des entreprises, et c'est tout l'intérêt des entreprises de le faire parce que les travailleurs les plus âgés apportent à l'entreprise une compétence dont on s'est privé ces dernières années, avec une vision à courte vue sur la nécessité d'offrir des nouveaux postes de travail en se débarrassant le plus rapidement possible des salariés les plus âgés, on voit bien que ça n'a, en rien, réduit le chômage, mais cela a privé l'économie française d'une grande capacité.
ARLETTE CHABOT
Oui. Et ça, je ne voudrais pas être désagréable avec vous, loin de moi, mais ce n'est pas la première fois qu'on entend qu'il faut effectivement conserver les seniors !
FRANÇOIS FILLON
Il y a des nouvelles choses...
ARLETTE CHABOT
Ca ne marche pas trop !
FRANÇOIS FILLON
Il y a des nouvelles choses dans la réforme, il y a des aides à l'embauche des plus de 55 ans, il y a cette incitation à la négociation dans les branches, mais bien entendu, il faudra du temps pour que cela se fasse. Deuxième chose que je veux dire, c'est qu'il y a des progrès qui ont été faits, contrairement - quand il y a des progrès qui sont faits dans notre pays, il faut le dire ! - ...
ARLETTE CHABOT
Oui.
FRANÇOIS FILLON
... L'emploi des seniors, ça ne s'est pas dégradé depuis quelques années, ça s'est amélioré. La vérité, c'est que, depuis 2002, le taux d'activité des seniors en France a augmenté de près de 4 % et si on corrige les variations démographiques, c'est en réalité de 5 %.
JEAN BOISSONNAT
Oui, mais il est moitié moindre que dans les pays scandinaves.
FRANÇOIS FILLON
Ca, dans les pays scandinaves peut-être, mais la comparaison avec les autres pays européens, elle est aussi totalement faussée par les statistiques qu'on a l'habitude de donner puisqu'on compare ce qui se passe dans des pays où les gens travaillent jusqu'à 65 ans. C'est naturel que, entre 60 et 65 ans en France, il y ait assez peu de gens au travail, puisque l'âge de la retraite est à 60 ans. Mais si on prend les Français qui... Les salariés de 55 à 59 ans, on a un taux d'activité qui est à peu près comparable, il est de 1 point inférieur à la moyenne européenne. Malgré tout, immédiatement, il restera des travailleurs âgés qui sont au chômage et qui doivent être aidés. Il y avait un dispositif qui s'appelle l'allocation équivalent-retraite qui existait ; on l'avait suspendu, on l'a remis du fait de la crise économique, on l'a prolongé jusqu'en 2011, donc il va être prolongé jusqu'à la fin de 2011 et les partenaires sociaux qui gèrent l'assurance-chômage vont devoir intégrer, dans la convention assurance-chômage, la réforme des retraites, une fois qu'elle sera votée ! Donc nous attendons la négociation qui va être... qui va avoir lieu entre eux. Mais je leur dis dès aujourd'hui, que une fois qu'ils auront négocié la nouvelle convention Retraites, alors nous mettrons en place un système équivalent à l'allocation équivalent-retraite, pérenne pour les travailleurs les plus âgés.
ARLETTE CHABOT
On va, dans un... Tout à l'heure, donc je rappelle que François CHEREQUE, Bernard THIBAULT vont vous répondre, que Ségolène ROYAL présentera les propositions du Parti socialiste. En attendant, on va faire un tour au siège du PARISIEN - AUJOURD'HUI EN FRANCE. Thierry BORSA, est-ce qu'on a répondu à peu près aux questions que se posent vos lecteurs et qu'ils vont ont transmises ces derniers jours ?
THIERRY BORSA, DIRECTEUR DE LA REDACTION DU PARISIEN
Ecoutez, beaucoup des questions que nos lecteurs nous ont transmises sur le site www.leparisien.fr ont été abordées dans ce que vient de dire le Premier ministre. Il y a, malgré tout, un certain nombre de points sur lesquels il reste des interrogations. Un de ces points, c'est la durée de cotisation pour les personnes qui ont connu des interruptions de carrière, des interruptions de carrière qui sont notamment liées à des périodes de chômage. Donc ces personnes aimeraient savoir ce qu'il est prévu pour compenser ces interruptions de carrière et la perte de cotisations qui en a découlé. L'autre question qui revient, aussi, beaucoup dans ce que nous envoie... dans les messages que nous envoient les internautes, c'est : est-ce que cette réforme sera de nature à garantir le montant de la rémunération pour les personnes lorsqu'elles arriveront à l'âge de la retraite ? Et puis enfin il y a une autre question qui apparaît de façon assez forte, ce soir, c'est sur une réforme de cette ampleur, une réforme de cette importance, est-ce que le gouvernement n'aurait pas dû consulter les Français par référendum ?
ARLETTE CHABOT
Voilà, merci Thierry, on vous retrouvera tout à l'heure. Le plus simple, le référendum... Pourquoi ? Parce que, en fait, c'est une question présidentielle ! Ce n'était pas... Effectivement, cette réforme n'était pas dans le programme de Nicolas SARKOZY, en 2008 il avait même dit « je n'ai pas reçu de mandat pour le faire », il y a eu la crise, elle est faite. Pourquoi ne pas consulter les Français ?
FRANÇOIS FILLON
Je crois que c'est tout à l'honneur du Président de la République d'avoir choisi cette voie difficile parce qu'elle s'imposait, en raison, encore une fois, de l'accélération du calendrier liée à la crise économique. Je pense qu'il y a un Président de la République élu au suffrage universel, des députés, des sénateurs, une majorité, on est dans un système démocratique, il y a un dialogue avec les partenaires sociaux, ce sont des problèmes extrêmement complexes, on le voit bien avec le temps qu'il faut pour les expliquer ! Je ne crois pas que ce soit des questions qui soient compatibles avec la simplicité d'un référendum. Sur la question des carrières qui ont été interrompues...
ARLETTE CHABOT
Interrompues...
FRANÇOIS FILLON
... Les améliorations dans le projet de loi puisque, en particulier, pour les jeunes, les huit trimestres de cotisations seront gratuitement ajoutés pour ceux qui ont commencé à travailler tard. La loi de 2003 prévoyait des dispositifs pour racheter des périodes d'interruption. On travaille autour de ces sujets pour améliorer les choses. Quant au niveau des pensions, je pense que vraiment, la meilleure garantie du niveau des pensions, c'est l'allongement de la durée du travail ! J'ai entendu beaucoup d'experts s'exprimer ces derniers jours sur l'idée qu'on pourrait faire une réforme plus systémique, enfin une réforme très... qui changerait... les choses...
ARLETTE CHABOT
C'est-à-dire on change complètement de système de retraites...
FRANÇOIS FILLON
... Ce qu'on appelle la retraite par points ou les comptes notionnels. Ce sont des sujets intéressants que le gouvernement ne s'interdit pas de regarder ! D'ailleurs, il y a un rendez-vous en 2018, un comité de pilotage ! Simplement, il ne faut pas tromper les Français, il faut leur dire la vérité. On peut tourner le sujet dans tous les sens, on peut avoir des comptes notionnels, on peut avoir des retraites par points ; si on ne travaille pas plus longtemps, on ne cotisera pas plus, et donc on n'arrivera pas à financer nos régimes de retraites.
ARLETTE CHABOT
Mais vous avez entendu, au tout début de l'émission, dans ces... On entendait, les Français disaient « moi, j'aurai quoi ? Quatre cents euros, cinq cents euros », qu'est-ce qu'on peut garantir ? On sait que pour les fonctionnaires, on est... Quoi, à peu près...
FRANÇOIS FILLON
Aujourd'hui, le niveau moyen, tous régimes confondus, c'est un peu plus de 1.100 euros en moyenne, tous régimes confondus.
ARLETTE CHABOT
D'accord. Mais le taux de remplacement, comme on dit, c'est-à-dire « combien j'aurai du salaire », et d'ailleurs ce n'est pas le même calcul pour les fonctionnaires et pour ceux du privé, mais ça va s'arranger... Un jour.
FRANÇOIS FILLON
La loi de 2003 avait fixé un taux minimum à 85 % du SMIC, qui n'était d'ailleurs pas atteint précédemment et qui a été atteint à partir de 2009....
ARLETTE CHABOT
Pour les salariés du privé...
FRANÇOIS FILLON
La réforme, elle vise à maintenir un taux de remplacement équivalent à celui d'aujourd'hui ! C'est tout notre objectif !
ARLETTE CHABOT
C'est-à-dire tous les salariés du privé, la Présidente de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, c'est-à-dire les salariés du privé...
FRANÇOIS FILLON
Vous voyez les chiffres !
ARLETTE CHABOT
... S'inquiètent de ça ! C'est quoi ? C'est 50 % à peu près ?
FRANÇOIS FILLON
Une moyenne de 1.100 euros par... En moyenne, tous régimes confondus, alors que la moyenne des salaires dans notre pays est de l'ordre de 1.300 euros. Voilà, vous avez les chiffres. Et c'est ça que nous voulons maintenir. C'est un choix politique très important, celui de maintenir le niveau des retraites, de maintenir le pouvoir d'achat des retraités, plutôt que de compter sur des recettes aléatoires, sur des recettes... J'ai entendu beaucoup de propositions de taxation du capital des entreprises, je veux d'ailleurs dire à ce sujet que les entreprises paient déjà 70 % des cotisations de retraite ! Quand j'entends dire que ce sont les salariés qui paient l'essentiel de la réforme, ça n'est pas exact ! Les entreprises paient 70 % des cotisations, aujourd'hui, dans notre pays, et pour le reste, faire trop appel au capital, faire trop appel à des recettes financières, c'est exposer nos concitoyens à avoir des baisses de pensions.
ARLETTE CHABOT
De façon très courte...
JEAN BOISSONNAT
Vous dites... Vous dites...
ARLETTE CHABOT
Oui ?
JEAN BOISSONNAT
Vous dites « il faut dire la vérité aux Français ». Je voudrais revenir sur ce point qui est très important. Est-ce que, au fond de vous-même, quand vous regardez ce qui s'est passé après les efforts que vous aviez déployés en 2003, est-ce que, au fond de vous-même, la question que vous vous posez, à partir du moment où vous limitez l'horizon à 2018, ce qui est quand même très proche dans ces domaines-là, où tous les autres pays regardent à vingt ans, à trente ans, est-ce que vous ne vous demandez pas, au fond, la situation est plus grave que je ne peux, aujourd'hui, l'avouer à mes concitoyens ?
FRANÇOIS FILLON
Non, je crois que ce que nous disons - d'ailleurs on nous accuse beaucoup de dramatiser, nous ne dramatisons pas - on connaît à peu près les chiffres, il manquera 45 milliards en 2020 si on ne fait rien, 75 à l'horizon 2050. Simplement, nous avons estimé, avec le Président de la République que, compte tenu du fait que cette réforme n'avait pas été dans le débat présidentiel, que l'on était obligé de l'avancer en raison de l'aggravation des déficits et des risques courus par notre économie, il était raisonnable de se fixer un horizon assez court, 2018, de mettre en place un système de pilotage, et puis de permettre les réflexions ultérieures sur l'évolution, y compris vers des systèmes de retraites différents.
ARLETTE CHABOT
C'est-à-dire que cent fois sur le métier, il faut remettre l'ouvrage des retraites, et on recommencera...
FRANÇOIS FILLON
D'ailleurs quand on regarde ce qui se passe en réalité dans les autres pays européens...
ARLETTE CHABOT
Ca sera un débat de 2012 et 2017 ?
FRANÇOIS FILLON
... C'est ça aussi ! La plupart des autres pays européens ont ajusté, en fonction de la démographie et de l'économie, leur système. Mais ils l'ont fait beaucoup plus tôt que nous, et ils l'ont fait, dans presque tous les cas, dans le cadre d'un consensus relatif entre les partenaires sociaux, le patronat, la droite et la gauche, que pour le moment, notre pays n'a pas été capable de construire.
ARLETTE CHABOT
Donc ça sera le débat des prochaines élections présidentielles. Deux, trois petites questions très rapides. Bernard TAPIE, 210 millions d'euros, Madame LAGARDE, qui est là aussi ce soir, on se souvient, c'est : on solde l'affaire du Crédit Lyonnais qui, à l'époque, effectivement, j'allais dire pour faire simple, appartenait à l'Etat. On n'avait pas compris ce chiffre, on ne pensait pas que, comme le disait tout à l'heure effectivement, Jean, il y a d'un côté, le bouclier fiscal, on voit que Bernard TAPIE, même si c'est tout à fait normal, 200 millions...
FRANÇOIS FILLON
Ah je vous arrête, ça n'a rien à voir ! On a...
ARLETTE CHABOT
Non mais ça a choqué ! Est-ce que...
FRANÇOIS FILLON
... Une décision de justice !
ARLETTE CHABOT
D'accord, mais est-ce que ça peut...
FRANÇOIS FILLON
Une décision de justice sur...
ARLETTE CHABOT
Comment... Vous comprenez que ça puisse choquer d'un seul coup, interpeller les Français ?
FRANÇOIS FILLON
Non, enfin je veux dire, il y a une décision de justice qui concerne Monsieur TAPIE, qui est favorable à Monsieur TAPIE. Je ne sais pas le montant exact qui lui sera versé. Ce que je sais, c'est que sur ce montant, l'Etat prélèvera la fiscalité qui doit être prélevée, et donc on verra, au bout du compte, ce qui restera à Monsieur TAPIE. Ca sera sans doute assez différent des chiffres qui sont donnés, mais encore une fois, ce n'est pas une décision du gouvernement ! C'est une...
ARLETTE CHABOT
Non mais vous comprenez que ça choque ! C'est ça, ma question !
FRANÇOIS FILLON
Enfin je veux dire, c'est une décision de justice ; Monsieur TAPIE, la Justice a estimé que Monsieur TAPIE...
ARLETTE CHABOT
Ca fait beaucoup d'argent.
FRANÇOIS FILLON
... Qui avait été, je le rappelle, ministre d'un gouvernement de gauche, avait été spolié dans l'affaire du Crédit Lyonnais. Moi, je ne commente pas les décisions de justice, je les applique.
ARLETTE CHABOT
Vous continuez à penser que l'affaire BETTENCOURT ne perturbe pas le débat sur les retraites ?
FRANÇOIS FILLON
Je vais vous dire, avec le Président de la République, on ne s'est jamais posé la question de savoir si on devait soutenir Eric WOERTH. Parce que nous, nous pensons qu'un pays dans lequel on peut faire démissionner un ministre qui n'a rien à se reprocher, - cela fait près de trois mois que ce débat dure, personne n'a été capable de trouver une seule faute qualifiable sur le plan judiciaire, qui puisse entraîner une procédure judiciaire -, un pays où on force un ministre à démissionner simplement parce qu'un certain nombre de médias l'ont décidé, ce n'est plus tout à fait une démocratie. Je sais que c'était comme cela dans le passé, que cela faisait partie des traditions de notre pays ; et bien c'est une rupture que nous avons voulue avec le Président de la République, et moi, je suis plutôt fier de diriger un gouvernement qui a su résister. Eric WOERTH est un homme honnête, il n'a pas commis de faute, je ne crois pas que le fait...
ARLETTE CHABOT
Il y a eu des oublis de temps en temps...
FRANÇOIS FILLON
Je ne crois pas que le fait de demander une décoration soit une faute, ou alors il faudrait que je publie la totalité des lettres qui me sont envoyées tous les jours par des hommes de droite et de gauche, et des femmes, pour me recommander à la Légion d'honneur ou au mérite telle ou telle personne. Il faudrait s'assurer à chaque fois qu'ils n'ont aucun lien.
ARLETTE CHABOT
Il y a beaucoup de ministres ici, il y en a qui doivent se dire « oh lala, oh lala, il y a un remaniement qui s'annonce, qu'est-ce que je fais dans un mois, un mois et demi ? » ... Franchement, c'était une bonne idée d'annoncer avant l'été qu'il y aurait un remaniement au mois d'octobre ? Est-ce que ça n'affaiblit pas l'autorité de certains, en dehors de leurs angoisses personnelles ?
FRANÇOIS FILLON
La caractéristique des Institutions de la Vème République, c'est que le Premier ministre ne commande pas les remaniements. Ils sont...
ARLETTE CHABOT
Non, pas le remaniement, c'est l'annonce d'un remaniement !
FRANÇOIS FILLON
Qui sont... Qui sont de la responsabilité du Président de la République...
ARLETTE CHABOT
Ca n'affaiblit pas tous ceux qui sont là, qui se font du souci ?
FRANÇOIS FILLON
Ecoutez, nous, on a devant nous, avec le gouvernement, une réforme des retraites, comme vous avez pu le constater, une loi sur la sécurité qui est en cours de débat au Sénat, un budget qui, vous avez pu aussi le constater, n'est pas facile à construire compte tenu de la situation économique et financière qui est celle de la France et de l'Europe et du monde, une réforme des collectivités locales qui passionne beaucoup le Sénat. Voilà, c'est notre horizon, c'est mon horizon, c'est l'horizon du gouvernement.
ARLETTE CHABOT
Justement, Jean vous a demandé de façon un peu brutale tout à l'heure, si ce n'était pas votre... Enfin brutale, à la façon Jean BOISSONNAT, c'est-à-dire extrêmement bien élevée, si votre retraite... Tout le monde vous trouve extrêmement détendu, serein, beaucoup plus qu'avant ! Qu'est-ce qu'il se passe, c'est bientôt fini ? C'est...
FRANÇOIS FILLON
Pourquoi est-ce que ce serait le...
ARLETTE CHABOT
C'est le soulagement qui arrive, ou au contraire, vous vous dites...
FRANÇOIS FILLON
Le fait de s'approcher de la fin qui me rendrait serein ?
ARLETTE CHABOT
... « J'ai tenu plus de trois ans et c'est formidable » ? C'est vrai que vous avez l'air beaucoup plus détendu...
FRANÇOIS FILLON
Simplement parce que je fais ce que je crois juste, parce que j'ai le sentiment que la politique que nous conduisons est en train de porter ses fruits, on voit que l'économie est en train de redémarrer, on voit que le chômage a commencé, pour la première fois, même si c'est encore timide, à baisser, parce que les perspectives de croissance de l'économie française sont meilleures, parce qu'on fait des réformes structurelles qui étaient absolument indispensables, j'ai dit qu'il fallait dire la vérité aux Français, que la France pouvait supporter la vérité ; le Président de la République et la majorité me donnent l'occasion de mettre en oeuvre une politique qui est en cohérence avec mes convictions, donc c'est normal que cela me rende détendu, Madame CHABOT.
ARLETTE CHABOT
Juste un mot, il y a une femme en Iran qui est menacée d'exécution, il y a une pétition en France, il y a la mobilisation. Vous pensez que vraiment, la pression du gouvernement français peut faire changer les choses et l'épargner ?
FRANÇOIS FILLON
Je voudrais dire qu'on est tous révoltés par cette espèce d'acte de barbarie dont est menacée Sakiné ; le Président de la République est intervenu personnellement, il a dit que nous étions désormais responsables de sa vie, responsables de son sort. C'est notre soeur à tous parce que c'est une femme qui est menacée par la pire des barbaries. Je pense que la pression internationale a déjà abouti à un premier résultat...
ARLETTE CHABOT
Un report...
FRANÇOIS FILLON
Il faut continuer, ce n'est pas gagné, mais je pense que l'Iran et les dirigeants Iraniens doivent comprendre que cet acte de barbarie mettrait l'Iran au ban des Nations.
ARLETTE CHABOT
Merci Monsieur le Premier ministre...
FRANÇOIS FILLON
Madame CHABOT puis-je simplement avant de vous quitter dire qu'on a beaucoup parlé de vérité, il faut au moment où cette réforme va s'engager que chacun comprenne bien qu'à chaque réforme précédente il y a eu des contestations, il y a eu des manifestations, la gauche en général s'est engagée à abroger les réformes précédentes ; elle ne l'a jamais fait. Et finalement chaque réforme précédente est intégrée dans l'héritage social de notre pays et ma conviction, c'est qu'aujourd'hui on a un débat vif autour de cette réforme des retraites, mais dans quelques années lorsqu'il s'agira de la faire évoluer, alors cela aura été la réforme de tous les Français.
Source http://www.gouvernement.fr, le 21 septembre 2010