Interview de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique, à RMC le 7 septembre 2010, sur le risque d'augmentation du taux de TVA pour les offres couplant téléphonie-internet-télévision (triple play).

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

J.-J. Bourdin Savoir et comprendre le matin sur RMC, N. Kosciusko-Morizet, secrétaire d’Etat chargée du Développement de l’économie numérique et secrétaire générale adjointe de l’UMP est en direct avec nous ce matin. N. Kosciusko-Morizet, bonjour. Bonjour. Plusieurs milliers, je dis "milliers" ! Millions de Français utilisent la fameuse offre "triple play", c’est-à-dire Internet-télé et téléphone. Cette offre "triple play" est adossée à une TVA en partie de 5,5, est-ce que cette TVA va passer à 19,6 ?
 
Alors on a un problème qui est qu’on est attaqué par la Commission européenne sur cette TVA à taux réduit. Et on est en mauvaise posture, on le sait, on n’est pas encore condamné mais on le serait si on allait au bout de la procédure. Pourquoi ? Parce que notre TVA à taux réduit elle est fondée sur une évaluation forfaitaire. On dit : allez à la louche, on considère que 50 % du "triple play" c’est de la télévision, et sur la télévision on peut faire du taux réduit. Or Bruxelles nous fait remarquer qu’il y a des gens qui n’utilisent pas la télévision en "triple play", il y a des gens qui pour des raisons techniques ne s’organisent pas pour l’utiliser, ne peuvent pas utiliser. Et donc cette réduction-là elle est mise en cause. Donc il va falloir évoluer...
 
Donc ça va passer à 19,6 ?
 
Les arbitrages ne sont pas entièrement rendus, et le président de la République a reçu hier le monde du cinéma - parce que vous savez qu’une partie du cinéma est financé, à la suite d’un montage un peu complexe, par cette TVA, une partie du cinéma - le monde du cinéma pour l’assurer que ces financements seraient préservés. Mais la TVA elle-même il va falloir, oui on est prêt à chercher des solutions, il va y avoir des évolutions.
 
Donc ça va passer à 19,6 ?
 
Non, je ne peux pas vous répondre aussi clairement que ça parce que l’arbitrage n’est pas définitivement rendu, monsieur Bourdin.
 
...es arbitrages ont été rendus à l’Elysée hier soir, vous le savez bien, N. Kosciusko-Morizet !
 
Sur le monde du cinéma. C’est une chose un peu différente, je viens de vous le dire, parce qu’il y a deux choses : il y a les fournisseurs d’accès Internet, et il y a le monde du cinéma. Mais je le dis clairement, la TVA à l’ancienne, celle qu’on avait, oui elle est attaquée par Bruxelles, elle ne va pas pouvoir rester en l’état.
 
Donc on va passer à 19,6 ? N. Kosciusko-Morizet...
 
Monsieur Bourdin, je vous ai répondu.
 
Vous m’avez vraiment répondu ?
 
Je vous ai vraiment répondu.
 
Franchement répondu ?
 
Je vous ai franchement répondu. Le président de la République a confirmé hier au cinéma que leur financement à eux n’était pas touché... Ceci dit, on ne peut pas rester dans la situation actuelle sur la TVA, je viens de vous le dire, parce que Bruxelles nous attaque et parce qu’on serait condamné.
 
On est d’accord. Donc si on ne reste pas dans la situation actuelle, on va évoluer, donc on va changer le taux de TVA.
 
Il y a plusieurs façons de le faire.
 
Oui, mais enfin on va le changer quoi.
 
Il va évoluer, ça c’est sûr.
 
Ça c’est sûr. E. Berretta du Point l’annonce ce matin d’ailleurs, dans le Point et en général il est bien informé, comme nous. N. Kosciusko-Morizet, autre chose : est-ce que vous comprenez, vous qui défendez notre environnement, est-ce que vous comprenez que l’Etat réduise les avantages fiscaux, je ne sais pas moi, du photovoltaïque, enfin de tout ce qui est renouvelable ?
 
Le problème de fond, ça ne vous a pas échappé, c’est qu’une crise est passée par là, la plus considérable peut-être depuis cinquante ans, et que nous ne voulons pas augmenter les impôts. Et pour ne pas augmenter les impôts, sachant que la crise étant passée par là, il faut trouver quelques ressources pour limiter les déficits...
 
On réduit les avantages fiscaux.
 
Eh bien ça s’appelle la réduction des niches fiscales.
 
Alors c’est une niche fiscale tout ce qui est environnemental ?
 
Le problème si vous voulez c’est que toutes les niches fiscales ont leur justification. Et d’ailleurs chaque bénéficiaire est là pour le dire.
 
Celle là aussi ?
 
Il y en a auquel on est forcément plus ou moins sensible. Et à l’intérieur de toutes les niches fiscales en faveur de l’environnement, moi il y en a auquel je suis plus sensible que d’autres. Le photovoltaïque...
 
Lequel ?
 
...Par exemple, tout ce qui permet aux particuliers de s’équiper et d’accompagner leur propre équipement.
 
Ça baisse ça aussi dites-moi.
 
Moins.
 
Un peu moins, mais ça baisse quand même.
 
Moins. Mais monsieur Bourdin, vous proposez quoi ? L’augmentation des impôts ? Nous on refuse l’augmentation des impôts.
 
Enfin l’augmentation des impôts sur le revenu vous refusez ?
 
Attendez ! L’augmentation des impôts c’est quand vous augmentez les impôts pour tout le monde. Les niches fiscales c’est assez particulier quand même, c’est pour accompagner un investissement.
 
On ne touche pas, si j’ai bien compris, à la TVA sur la restauration mais on touche à l’environnement, on touche à l’offre "triple play", on touche... Enfin bon, hein N. Kosciusko-Morizet ?
 
Ça a peu à voir, parce que ce qu’on essaye de préserver au maximum c’est ce qui accompagne l’emploi, les niches fiscales pour l’emploi. Et tous les Français peuvent le comprendre en ce moment. En fait il y a deux types de niches fiscales dont le président de la République a dit très clairement qu’on n’y toucherait pas : c’est celle qui accompagne l’emploi, et celle qui accompagne les personnes en plus grande difficulté. Parce qu’il en existe aussi... on a toujours en tête que les niches fiscales c’est pour les riches, ce n’est pas vrai. Les niches fiscales en fait tout le monde en rencontre dans son quotidien.
 
Cela dit, le développement des énergies renouvelables ça intéresse l’emploi aussi.
 
Bien sûr, mais on essaye de toucher celles qui l’agressent le moins. Vous comprenez bien, J.-J. Bourdin, que ça n’est pas par plaisir. La crise tout le monde y est confronté. Regardez ce qui se passe dans les pays voisins, regardez les mesures drastiques qu’ils sont en train de prendre. Nous on essaye de faire : pas augmenter les impôts, de préserver l’emploi au maximum et de réserver les plus défavorisés. A partir de là, il faut quand même prendre des décisions.
 
En Allemagne on réfléchit à une hausse des salaires de 5 à 6 %.
 
En Allemagne, les syndicats ont demandé une hausse de 6 % et regardez depuis plusieurs années la façon dont ça se passe en Allemagne, la raison pour laquelle ils demandent une hausse des salaires de 6 %, c’est que ça fait des années qu’ils n’ont pas évolué.
 
C’est vrai, c’est vrai. Merci N. Kosciusko-Morizet. Merci à vous.
 
Je vous en prie.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 7 septembre 2010