Texte intégral
Monsieur le Président de la Région Martinique, Cher Serge LETCHIMY,
Monsieur le Président du Département de la Martinique, Cher Claude LISE
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Directeur régional des Affaires culturelles,
Chers amis,
Je vais vous dire pourquoi je suis particulièrement heureux ce matin, d'être ici, avec vous, en Martinique, dans cette salle SCHOELCHER. C'est parce que, comme vous le savez, j'ai fait de l'Outre-mer l'une des grandes priorités de mon action, et que je peux être enfin ici, parmi vous qui, tous, participez au dynamisme culturel de cette île, que vous soyez artistes, mais aussi élus, responsables culturels ou simples citoyen passionnés par le devenir de votre territoire.
Je suis particulièrement heureux non seulement, bien sûr, parce que je me sens porté par la splendeur des paysages, par leurs parfums, par la chaleur humaine qui m'entoure, par la mémoire active qui se manifeste ici à chaque pas et par l'élan créatif qui jaillit de toutes parts dans cette île généreuse. Mais aussi parce qu'il s'agit pour moi d'une rencontre importante et par conséquent, d'une présence nécessaire et d'un déplacement essentiel. J'ai voulu à tout prix que la volonté politique abolisse les distances de la géographie, qui ont trop souvent été le prétexte à laisser ces territoires se confronter seuls à leurs difficultés.
Ma présence ici, dans ces lieux éloignés non seulement de la capitale, mais aussi de la métropole, se veut aussi une illustration de la capacité de cette forme d'amour et de compréhension que porte la culture à enjamber l'obstacle des mers et des kilomètres. Car quand je lis des ouvrages de CHAMOISEAU, quand je lis Edouard GLISSANT ou Raphaël CONFIANT, quand j'écoute des mélodies et des rythmes venus d'ici, je ne suis pas à distance, je suis au contraire de plain-pied dans ce domaine de l'intime, et je dirais de l'intersection que constitue pour nous tous la culture. Je me trouve alors immédiatement au coeur de ce laboratoire du multiculturel qui était depuis si longtemps l'apanage de la créolité avant de devenir la règle du monde.
J'ai été nommé ministre un peu avant la conclusion des Etats Généraux de l'outremer, lancés par le Président de la République parfaitement conscient de l'urgence d'agir, et qui ont conduit à des décisions importantes lors du Comité Interministériel de l'Outre-mer du 6 novembre 2009. J'ai souhaité personnellement décliner cette démarche et la prolonger de la manière la plus adaptée aux enjeux de mon ministère. C'est pourquoi j'ai décidé de confier la réalisation d'un rapport à un connaisseur et un ami de l'outre-mer, à un homme de musée de premier plan, Michel COLARDELLE, ancien Directeur du Musée des arts et traditions populaires et nommé récemment Directeur Régional des Affaires Culturelles de Guyane, après m'avoir remis son rapport le 15 avril dernier.
Pour prendre pleinement la mesure de l'enjeu, j'ai souhaité également rencontrer des élus et des personnalités de l'Outre-mer qui m'ont fait part de leurs analyses et de leurs ambitions pour ces territoires. J'ai eu plusieurs discussions approfondies avec ma collègue Marie-Luce PENCHARD, ministre de l'Outre-mer. J'ai échangé avec Daniel MAXIMIN, le commissaire de l'Année des Outre-mer français qui va s'ouvrir en 2011.
J'ai également souhaité que mon Cabinet, accompagné du Secrétaire Général du ministère, effectue une mission aux Antilles et en Guyane en février dernier afin d'y rencontrer les élus, les artistes, les acteurs culturels et les directeurs régionaux des affaires culturels.
Tous cela m'a permis de préciser le cadre d'un renouvellement de notre politique culturelle et des médias en Outre-mer. C'est de cette politique dont je souhaite à présent vous dessiner les principales lignes de force.
L'inspiration première de cette nouvelle politique, c'est bien sûr de reconnaître et de valoriser les spécificités des cultures ultramarines, et de leur contribution essentielle au pluralisme artistique et culturel de notre pays.
Cette action entre évidemment en parfaite cohérence avec l'axe structurant de ma politique que j'ai appelé la « culture pour chacun », qui vise à rendre possible la rencontre de chacun de nos concitoyens avec l'art et la culture, quels que soit leurs horizons, leurs origines, leurs déterminations et leurs fidélités.
Cette priorité de l'Outre-mer dans le cadre de la « culture pour chacun » se décline en un certain nombre d'objectifs opérationnels précis et de mesures concrètes qui constituent le plan d'actions que je vais maintenant vous présenter et que j'ai souhaité mettre en oeuvre dès cette année.
La question des moyens est importante, mais elle n'est pas la seule. A cet égard, j'ai décidé, dès le budget 2010, un effort financier de pas moins de 7 millions d'euros supplémentaires pour l'ensemble de l'Outre-mer. Au-delà des moyens, je souhaite que mon ministère opère vis-à-vis des territoires ultramarins, et plus précisément de la Martinique, ce que Michel COLARDELLE appelle joliment un « décentrement du regard » qui puisse nous rendre plus souples et plus réactifs aux problématiques artistiques et culturelles de l'Outre-mer.
Ce plan s'articule autour de huit objectifs opérationnels.
Tous ces objectifs sont communs à l'ensemble des territoires ultramarins, mais reçoivent une déclinaison particulière en fonction des spécificités de chacun d'eux. Je vais vous préciser les plus importants de ceux qui concernent la Martinique.
? Le premier objectif vise à promouvoir la singularité des expressions artistiques et culturelles de l'Outre-mer. Il est, à mes yeux primordial, car il conditionne tous les autres.
La réalisation de cet objectif engage une réflexion sur la création d'établissements culturels à la fois emblématiques et structurants, des lieux de croisement des mémoires et des innovations, à l'instar du Centre Jean-Marie TJIBAOU en Nouvelle-Calédonie, dont la réussite et le rayonnement peuvent faire figure de modèle.
Mon ministère accompagnera les élus dans leur réflexion sur l'émergence de tels établissements. Compte tenu du contexte de contraintes budgétaires que nous connaissons, je souhaite que cette réflexion soit coordonnée entre les différents échelons de collectivités territoriales et qu'elle donne lieu à un projet partagé. Mes services centraux et déconcentrés se mobiliseront sur ces sujets, en lien avec les préfets, afin de déterminer les projets qui, territoire par territoire, peuvent aider à la réalisation de cette ambition.
Les questions linguistiques sont également centrales dans la mise en oeuvre de ce premier objectif, c'est pourquoi j'ai souhaité qu'une enveloppe complémentaire de 325000 euros soit débloquée dès cette année pour soutenir les différents projets de valorisation des patrimoines linguistiques des Outre-mer.
Une attention particulière sera portée aux archives du monde ultramarin, avec notamment un projet de numérisation des archives de RFO porté par l'INA et la création d'un site dédié à l'histoire et à la mémoire de l'esclavage, qui sera piloté par le Comité pour l'histoire et la mémoire de l'esclavage, présidé par Françoise VERGÈS.
Le patrimoine culturel immatériel mérite une attention toute particulière. Je m'attacherai à promouvoir sa conservation, sa transmission et toutes les formes de sa valorisation. D'ores et déjà, un projet de portail dédié aux patrimoines martiniquais est soutenu par la DRAC. Il permettra de réunir l'ensemble des informations concernant l'architecture et les patrimoines martiniquais.
Enfin, plusieurs mesures relatives à l'audiovisuel, décidées dans le cadre du Comité Interministériel de l'Outre-mer, sont en voie de réalisation. Je pense notamment à l'extension de la diffusion de France O sur l'ensemble du territoire national, qui prendra effet à la mi-juillet, et au passage à la télévision numérique terrestre qui se réalisera à la fin de l'année 2010. Un effort particulier en direction de la production et de la diffusion cinématographiques en outre-mer sera consenti, notamment par la Taxe spéciale additionnelle qui, compte tenu des modifications législatives nécessaires, devrait être mise en place en juillet 2011 ou, au plus tard, en janvier 2012. La perception de la TSA permettra d'encourager la modernisation du parc cinématographique.
Je souhaite également que la Martinique puisse conclure une convention avec le Centre National du Cinéma et de l'Image animée (CNC) ; les négociations seront engagées très rapidement. La Martinique est, en effet, avec la Guyane, la seule région ultramarine à ne pas encore en bénéficier.
J'augmenterai de 30% le taux des trois crédits d'impôt créés depuis 2004 afin de favoriser les tournages en Outre-mer.
En dernier lieu, une nouvelle impulsion sera donnée en faveur de la recherche et de la culture scientifique et technique. Je pense notamment au projet d'un centre de conservation et d'études en Martinique, adossé au musée départemental d'archéologie. Une étude de faisabilité en a été restituée au mois de mai dernier.
? Le deuxième objectif concerne la promotion des cultures et des artistes ultramarins, en outre-mer aussi bien qu'en métropole.
A cette fin, le Comité Interministériel de l'Outre mer a décidé la création d'une Agence nationale de promotion des cultures ultramarines. Ce projet est piloté par mon ministère, en lien avec celui de l'Outre-mer. Cette agence aura pour vocation de créer et de développer des réseaux, de mettre en relation les artistes avec des structures de production et de diffusion, d'apporter un soutien efficace à la professionnalisation des artistes et des acteurs culturels ultramarins.
L'autre mesure essentielle, décidée également par le CIOM, est la mise en place, en 2011, d'une année des Outre-mer français. Plusieurs manifestations nationales telles que le Festival d'Avignon, les Francofolies de la Rochelle, ou le Salon du Livre de Paris, proposeront une programmation ultramarine. Des expositions seront organisées. Je pense tout particulièrement à celle qui est prévue à l'Orangerie du Sénat, en partenariat avec la Fondation Clément de Bernard HAYOT, qui mettra notamment en valeur les artistes martiniquais.
?Le troisième objectif, absolument indispensable pour conduire un développement culturel durable, est celui de la formation.
Je souhaite que nous puissions, de concert avec les élus, développer l'enseignement supérieur artistique et les enseignements spécialisés. Notre objectif est de créer, dans chaque zone, une offre cohérente de formation.
Dans ce cadre, deux projets majeurs doivent être soutenus en Martinique :
1) La création d'un conservatoire à rayonnement départemental des Arts à Fort-de-France. Je souhaite que mes services examinent la possibilité d'apporter un soutien à ce projet qui sera donc une exception dans le contexte créé par la loi de 2004.
2) Le développement de l'Institut régional des arts visuels, qui est le seul établissement d'enseignement artistique de la Caraïbe. Je suivrai avec la plus grande attention sa transformation en établissement public de coopération culturelle (EPCC), qui l'autorisera à délivrer des diplômes d'Etat.
Le socle de la formation, c'est, en outre-mer comme en métropole, l'éducation artistique et culturelle dont j'ai fait aussi une priorité de mon action et qui exige ici un effort accru. Je souhaite donc renforcer le partenariat établi avec le Rectorat, afin d'offrir au plus grand nombre d'élèves possible cette initiation essentielle à l'art et à la culture.
En matière de formation professionnelle, un plan triennal a été élaboré par la DRAC Martinique avec le Centre national de la Fonction publique territoriale, de manière à proposer une formation continue pour l'ensemble des professionnels des collectivités territoriales.
? Le quatrième objectif concerne la politique du livre et de la lecture. Je n'insisterai pas ici à Fort-de-France, dans la ville d'Aimé CÉSAIRE, sur le caractère fondamental de l'accès au livre pour pouvoir s'ouvrir aux autres pratiques culturelles et sur le chemin de l'émancipation personnelle et collective.
J'ai demandé que des inspections, dont les conclusions me seront rendues fin juillet, soient menées sur l'ensemble des territoires d'Outremer, afin de nourrir les mesures que je souhaite mettre en oeuvre de manière adaptée, dans le cadre du plan de développement de la lecture que j'ai annoncé au mois de mars.
Dans le domaine du Livre comme dans beaucoup d'autres, il est indispensable de donner la priorité aux jeunes publics. Ainsi, je veux que soit créé un « Prix des collégiens », en lien avec la Bibliothèque départementale de prêt de Martinique, le Rectorat et la DRAC. Ce grand concours de lecture aura pour objectif principal de susciter et de stimuler un désir de lire chez les collégiens et de développer une émulation critique autour des ouvrages sélectionnés dans le cadre de ce prix.
La lutte contre l'illettrisme est primordiale : la DRAC Martinique va renforcer ses partenariats avec l'Association de Gestion de l'Environnement de la Formation en Martinique (AGEFMA) et l'Association des Sages Femmes de la Martinique pour intensifier les interventions auprès des jeunes qui vivent dans les quartiers périphériques, souvent le plus frappés par ce fléau.
Des Assises Régionales du Livre auront lieu en novembre 2010 afin d'élaborer un état des lieux et des besoins. Elles s'appuieront sur les inspections que j'évoquais et déboucheront sur des propositions concrètes.
?Les liens réciproques qui, dans ces territoires, comme souvent aussi en métropole, unissent la culture et le tourisme constituent le cinquième objectif de ce plan d'actions.
Le temps n'est plus où l'on opposait tourisme et culture, dans une vision un rien puriste des choses. Nous travaillerons à rapprocher les professions du tourisme et de la culture, à développer les instances de concertation et à proposer des programmations adaptées aux atouts et aux attentes du tourisme dans ces territoires.
En Martinique, un partenariat entre la DRAC et le Comité Martiniquais du Tourisme (CMT) a été établi, dans le but de mettre à disposition des publics et des touristes différents supports d'information et de connaissance des lieux culturels. Ce lien va s'intensifier et une publication concernant le patrimoine bâti sera élaborée en 2011.
La Ville et Pays d'Art et d'Histoire de Saint-Pierre sera mieux valorisée dans les années qui viennent avec le projet d'un Centre d'Interprétation et d'Animation du Patrimoine.
?Le sixième objectif vise à renforcer les actions en matière d'architecture et d'urbanisme.
Cet enjeu est capital pour la mise en valeur des sites historiques et patrimoniaux, mais également pour l'amélioration du cadre de vie des habitants. Je sais que les élus martiniquais sont de plus en plus sensibles à cette problématique du vivre-ensemble. Des efforts conjoints doivent être entrepris. Sur les 34 communes de la Martinique, aucune ne dispose encore de Zone de protection du patrimoine urbain, architectural et paysager (ZPPAUP) ou de Plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV).
Je souhaite que les élus martiniquais puissent disposer d'un appui technique renforcé dans la mise en oeuvre de ce type de protections. Je sais que Fort-de-France, Saint-Pierre et Saint-Esprit ont des projets en cours et je les soutiendrai fortement, comme je soutiendrai les autres communes qui ont manifesté le souhait de s'inscrire dans de tels dispositifs. La DRAC Martinique accompagnera les communes dans leurs démarches patrimoniales et urbanistiques. D'ores et déjà, l'Architecte des bâtiments de France travaille en concertation avec les collectivités territoriales et les propriétaires sur la thématique de la « créolisation des hôtels » dans la perspective de leur inscription à l'inventaire supplémentaire, en partenariat avec la Région et le Comité Martiniquais du Tourisme.
?Le septième objectif vise à amplifier les coopérations régionales et internationales.
Les cultures ultramarines ont besoin de s'ancrer davantage dans les zones géographiques de leurs territoires, afin d'accroître les échanges artistiques et culturels, de mieux diffuser leurs artistes et de développer davantage de coproductions et de partenariats.
La DRAC Martinique, notamment grâce à l'effort budgétaire complémentaire décidé cette année, a pris des initiatives très importantes dans ce domaine. Elle a notamment conclu, le mois dernier, une convention avec le réseau des Alliances Françaises de la Caraïbe, afin de faire mieux connaître et reconnaître les artistes et à mettre en réseau les projets culturels de chacun de ces territoires.
Le DRAC recevra en octobre prochain, avec les collectivités territoriales, des représentants de Cuba, de la République Dominicaine, d'Haïti, ainsi que les délégués des Alliances Françaises de la région et des opérateurs culturels, afin de définir une stratégie commune d'échanges et de projets.
?Enfin, le huitième et dernier objectif, s'il peut sembler un peu technique n'en revêt pas moins un caractère absolument capital : il s'agit de travailler à une meilleure adaptation des méthodes et des normes de mon ministère à la spécificité de chacun des territoires ultra-marins. Dans l'histoire de France, la nécessité de constituer la Nation et la République, a parfois mené à des excès d'uniformisation des approches, des procédures et des modes d'action, un travers particulièrement sensible dans ces territoires.
L'affinement de la capacité d'expertise de mon administration au service d'une politique culturelle ultramarine est une nécessité. J'ai demandé aux directeurs généraux de mon administration la mise en place d'un groupe de travail permanent en lien avec les DRAC, afin de mieux répondre aux besoins des élus et des opérateurs culturels.
Apporter un conseil technique aux collectivités territoriales et aux acteurs culturels est indispensable à la professionnalisation de la production artistique et sa meilleure diffusion. C'est pourquoi l'outil que constitue l'Association Martiniquaise de soutien aux entreprises culturelles sera conforté dans ses missions.
Voilà, résumé à grands traits, l'essentiel de ce plan d'action pour la culture dans les Outre-mer qui se veut à la mesure des enjeux considérables qu'il représente pour chacun d'entre nous. Je souhaite en suivre personnellement les avancées, et c'est la raison pour laquelle j'ai décidé de mettre en place un comité de pilotage au sein de mon ministère, présidé au niveau de mon cabinet.
C'est ainsi une nouvelle page de l'action du ministère de la Culture et de la Communication en Outre-mer que je souhaite écrire avec vous. Je suis, depuis toujours, convaincu des potentialités inestimables de ces territoires, qui, par la richesse de leur histoire, la fécondité de leurs métissages et les promesses d'une situation stratégique ont tous les atouts pour délivrer un message essentiel, non seulement à la métropole et dans leur région, mais aussi au vaste monde sur lequel sont ouverts leurs horizons.
Je vous remercie de votre attention et me tient à votre disposition pour toutes les questions que vous souhaiteriez me poser.Source http://www.martinique.pref.gouv.fr, le 1er septembre 2010
Monsieur le Président du Département de la Martinique, Cher Claude LISE
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Directeur régional des Affaires culturelles,
Chers amis,
Je vais vous dire pourquoi je suis particulièrement heureux ce matin, d'être ici, avec vous, en Martinique, dans cette salle SCHOELCHER. C'est parce que, comme vous le savez, j'ai fait de l'Outre-mer l'une des grandes priorités de mon action, et que je peux être enfin ici, parmi vous qui, tous, participez au dynamisme culturel de cette île, que vous soyez artistes, mais aussi élus, responsables culturels ou simples citoyen passionnés par le devenir de votre territoire.
Je suis particulièrement heureux non seulement, bien sûr, parce que je me sens porté par la splendeur des paysages, par leurs parfums, par la chaleur humaine qui m'entoure, par la mémoire active qui se manifeste ici à chaque pas et par l'élan créatif qui jaillit de toutes parts dans cette île généreuse. Mais aussi parce qu'il s'agit pour moi d'une rencontre importante et par conséquent, d'une présence nécessaire et d'un déplacement essentiel. J'ai voulu à tout prix que la volonté politique abolisse les distances de la géographie, qui ont trop souvent été le prétexte à laisser ces territoires se confronter seuls à leurs difficultés.
Ma présence ici, dans ces lieux éloignés non seulement de la capitale, mais aussi de la métropole, se veut aussi une illustration de la capacité de cette forme d'amour et de compréhension que porte la culture à enjamber l'obstacle des mers et des kilomètres. Car quand je lis des ouvrages de CHAMOISEAU, quand je lis Edouard GLISSANT ou Raphaël CONFIANT, quand j'écoute des mélodies et des rythmes venus d'ici, je ne suis pas à distance, je suis au contraire de plain-pied dans ce domaine de l'intime, et je dirais de l'intersection que constitue pour nous tous la culture. Je me trouve alors immédiatement au coeur de ce laboratoire du multiculturel qui était depuis si longtemps l'apanage de la créolité avant de devenir la règle du monde.
J'ai été nommé ministre un peu avant la conclusion des Etats Généraux de l'outremer, lancés par le Président de la République parfaitement conscient de l'urgence d'agir, et qui ont conduit à des décisions importantes lors du Comité Interministériel de l'Outre-mer du 6 novembre 2009. J'ai souhaité personnellement décliner cette démarche et la prolonger de la manière la plus adaptée aux enjeux de mon ministère. C'est pourquoi j'ai décidé de confier la réalisation d'un rapport à un connaisseur et un ami de l'outre-mer, à un homme de musée de premier plan, Michel COLARDELLE, ancien Directeur du Musée des arts et traditions populaires et nommé récemment Directeur Régional des Affaires Culturelles de Guyane, après m'avoir remis son rapport le 15 avril dernier.
Pour prendre pleinement la mesure de l'enjeu, j'ai souhaité également rencontrer des élus et des personnalités de l'Outre-mer qui m'ont fait part de leurs analyses et de leurs ambitions pour ces territoires. J'ai eu plusieurs discussions approfondies avec ma collègue Marie-Luce PENCHARD, ministre de l'Outre-mer. J'ai échangé avec Daniel MAXIMIN, le commissaire de l'Année des Outre-mer français qui va s'ouvrir en 2011.
J'ai également souhaité que mon Cabinet, accompagné du Secrétaire Général du ministère, effectue une mission aux Antilles et en Guyane en février dernier afin d'y rencontrer les élus, les artistes, les acteurs culturels et les directeurs régionaux des affaires culturels.
Tous cela m'a permis de préciser le cadre d'un renouvellement de notre politique culturelle et des médias en Outre-mer. C'est de cette politique dont je souhaite à présent vous dessiner les principales lignes de force.
L'inspiration première de cette nouvelle politique, c'est bien sûr de reconnaître et de valoriser les spécificités des cultures ultramarines, et de leur contribution essentielle au pluralisme artistique et culturel de notre pays.
Cette action entre évidemment en parfaite cohérence avec l'axe structurant de ma politique que j'ai appelé la « culture pour chacun », qui vise à rendre possible la rencontre de chacun de nos concitoyens avec l'art et la culture, quels que soit leurs horizons, leurs origines, leurs déterminations et leurs fidélités.
Cette priorité de l'Outre-mer dans le cadre de la « culture pour chacun » se décline en un certain nombre d'objectifs opérationnels précis et de mesures concrètes qui constituent le plan d'actions que je vais maintenant vous présenter et que j'ai souhaité mettre en oeuvre dès cette année.
La question des moyens est importante, mais elle n'est pas la seule. A cet égard, j'ai décidé, dès le budget 2010, un effort financier de pas moins de 7 millions d'euros supplémentaires pour l'ensemble de l'Outre-mer. Au-delà des moyens, je souhaite que mon ministère opère vis-à-vis des territoires ultramarins, et plus précisément de la Martinique, ce que Michel COLARDELLE appelle joliment un « décentrement du regard » qui puisse nous rendre plus souples et plus réactifs aux problématiques artistiques et culturelles de l'Outre-mer.
Ce plan s'articule autour de huit objectifs opérationnels.
Tous ces objectifs sont communs à l'ensemble des territoires ultramarins, mais reçoivent une déclinaison particulière en fonction des spécificités de chacun d'eux. Je vais vous préciser les plus importants de ceux qui concernent la Martinique.
? Le premier objectif vise à promouvoir la singularité des expressions artistiques et culturelles de l'Outre-mer. Il est, à mes yeux primordial, car il conditionne tous les autres.
La réalisation de cet objectif engage une réflexion sur la création d'établissements culturels à la fois emblématiques et structurants, des lieux de croisement des mémoires et des innovations, à l'instar du Centre Jean-Marie TJIBAOU en Nouvelle-Calédonie, dont la réussite et le rayonnement peuvent faire figure de modèle.
Mon ministère accompagnera les élus dans leur réflexion sur l'émergence de tels établissements. Compte tenu du contexte de contraintes budgétaires que nous connaissons, je souhaite que cette réflexion soit coordonnée entre les différents échelons de collectivités territoriales et qu'elle donne lieu à un projet partagé. Mes services centraux et déconcentrés se mobiliseront sur ces sujets, en lien avec les préfets, afin de déterminer les projets qui, territoire par territoire, peuvent aider à la réalisation de cette ambition.
Les questions linguistiques sont également centrales dans la mise en oeuvre de ce premier objectif, c'est pourquoi j'ai souhaité qu'une enveloppe complémentaire de 325000 euros soit débloquée dès cette année pour soutenir les différents projets de valorisation des patrimoines linguistiques des Outre-mer.
Une attention particulière sera portée aux archives du monde ultramarin, avec notamment un projet de numérisation des archives de RFO porté par l'INA et la création d'un site dédié à l'histoire et à la mémoire de l'esclavage, qui sera piloté par le Comité pour l'histoire et la mémoire de l'esclavage, présidé par Françoise VERGÈS.
Le patrimoine culturel immatériel mérite une attention toute particulière. Je m'attacherai à promouvoir sa conservation, sa transmission et toutes les formes de sa valorisation. D'ores et déjà, un projet de portail dédié aux patrimoines martiniquais est soutenu par la DRAC. Il permettra de réunir l'ensemble des informations concernant l'architecture et les patrimoines martiniquais.
Enfin, plusieurs mesures relatives à l'audiovisuel, décidées dans le cadre du Comité Interministériel de l'Outre-mer, sont en voie de réalisation. Je pense notamment à l'extension de la diffusion de France O sur l'ensemble du territoire national, qui prendra effet à la mi-juillet, et au passage à la télévision numérique terrestre qui se réalisera à la fin de l'année 2010. Un effort particulier en direction de la production et de la diffusion cinématographiques en outre-mer sera consenti, notamment par la Taxe spéciale additionnelle qui, compte tenu des modifications législatives nécessaires, devrait être mise en place en juillet 2011 ou, au plus tard, en janvier 2012. La perception de la TSA permettra d'encourager la modernisation du parc cinématographique.
Je souhaite également que la Martinique puisse conclure une convention avec le Centre National du Cinéma et de l'Image animée (CNC) ; les négociations seront engagées très rapidement. La Martinique est, en effet, avec la Guyane, la seule région ultramarine à ne pas encore en bénéficier.
J'augmenterai de 30% le taux des trois crédits d'impôt créés depuis 2004 afin de favoriser les tournages en Outre-mer.
En dernier lieu, une nouvelle impulsion sera donnée en faveur de la recherche et de la culture scientifique et technique. Je pense notamment au projet d'un centre de conservation et d'études en Martinique, adossé au musée départemental d'archéologie. Une étude de faisabilité en a été restituée au mois de mai dernier.
? Le deuxième objectif concerne la promotion des cultures et des artistes ultramarins, en outre-mer aussi bien qu'en métropole.
A cette fin, le Comité Interministériel de l'Outre mer a décidé la création d'une Agence nationale de promotion des cultures ultramarines. Ce projet est piloté par mon ministère, en lien avec celui de l'Outre-mer. Cette agence aura pour vocation de créer et de développer des réseaux, de mettre en relation les artistes avec des structures de production et de diffusion, d'apporter un soutien efficace à la professionnalisation des artistes et des acteurs culturels ultramarins.
L'autre mesure essentielle, décidée également par le CIOM, est la mise en place, en 2011, d'une année des Outre-mer français. Plusieurs manifestations nationales telles que le Festival d'Avignon, les Francofolies de la Rochelle, ou le Salon du Livre de Paris, proposeront une programmation ultramarine. Des expositions seront organisées. Je pense tout particulièrement à celle qui est prévue à l'Orangerie du Sénat, en partenariat avec la Fondation Clément de Bernard HAYOT, qui mettra notamment en valeur les artistes martiniquais.
?Le troisième objectif, absolument indispensable pour conduire un développement culturel durable, est celui de la formation.
Je souhaite que nous puissions, de concert avec les élus, développer l'enseignement supérieur artistique et les enseignements spécialisés. Notre objectif est de créer, dans chaque zone, une offre cohérente de formation.
Dans ce cadre, deux projets majeurs doivent être soutenus en Martinique :
1) La création d'un conservatoire à rayonnement départemental des Arts à Fort-de-France. Je souhaite que mes services examinent la possibilité d'apporter un soutien à ce projet qui sera donc une exception dans le contexte créé par la loi de 2004.
2) Le développement de l'Institut régional des arts visuels, qui est le seul établissement d'enseignement artistique de la Caraïbe. Je suivrai avec la plus grande attention sa transformation en établissement public de coopération culturelle (EPCC), qui l'autorisera à délivrer des diplômes d'Etat.
Le socle de la formation, c'est, en outre-mer comme en métropole, l'éducation artistique et culturelle dont j'ai fait aussi une priorité de mon action et qui exige ici un effort accru. Je souhaite donc renforcer le partenariat établi avec le Rectorat, afin d'offrir au plus grand nombre d'élèves possible cette initiation essentielle à l'art et à la culture.
En matière de formation professionnelle, un plan triennal a été élaboré par la DRAC Martinique avec le Centre national de la Fonction publique territoriale, de manière à proposer une formation continue pour l'ensemble des professionnels des collectivités territoriales.
? Le quatrième objectif concerne la politique du livre et de la lecture. Je n'insisterai pas ici à Fort-de-France, dans la ville d'Aimé CÉSAIRE, sur le caractère fondamental de l'accès au livre pour pouvoir s'ouvrir aux autres pratiques culturelles et sur le chemin de l'émancipation personnelle et collective.
J'ai demandé que des inspections, dont les conclusions me seront rendues fin juillet, soient menées sur l'ensemble des territoires d'Outremer, afin de nourrir les mesures que je souhaite mettre en oeuvre de manière adaptée, dans le cadre du plan de développement de la lecture que j'ai annoncé au mois de mars.
Dans le domaine du Livre comme dans beaucoup d'autres, il est indispensable de donner la priorité aux jeunes publics. Ainsi, je veux que soit créé un « Prix des collégiens », en lien avec la Bibliothèque départementale de prêt de Martinique, le Rectorat et la DRAC. Ce grand concours de lecture aura pour objectif principal de susciter et de stimuler un désir de lire chez les collégiens et de développer une émulation critique autour des ouvrages sélectionnés dans le cadre de ce prix.
La lutte contre l'illettrisme est primordiale : la DRAC Martinique va renforcer ses partenariats avec l'Association de Gestion de l'Environnement de la Formation en Martinique (AGEFMA) et l'Association des Sages Femmes de la Martinique pour intensifier les interventions auprès des jeunes qui vivent dans les quartiers périphériques, souvent le plus frappés par ce fléau.
Des Assises Régionales du Livre auront lieu en novembre 2010 afin d'élaborer un état des lieux et des besoins. Elles s'appuieront sur les inspections que j'évoquais et déboucheront sur des propositions concrètes.
?Les liens réciproques qui, dans ces territoires, comme souvent aussi en métropole, unissent la culture et le tourisme constituent le cinquième objectif de ce plan d'actions.
Le temps n'est plus où l'on opposait tourisme et culture, dans une vision un rien puriste des choses. Nous travaillerons à rapprocher les professions du tourisme et de la culture, à développer les instances de concertation et à proposer des programmations adaptées aux atouts et aux attentes du tourisme dans ces territoires.
En Martinique, un partenariat entre la DRAC et le Comité Martiniquais du Tourisme (CMT) a été établi, dans le but de mettre à disposition des publics et des touristes différents supports d'information et de connaissance des lieux culturels. Ce lien va s'intensifier et une publication concernant le patrimoine bâti sera élaborée en 2011.
La Ville et Pays d'Art et d'Histoire de Saint-Pierre sera mieux valorisée dans les années qui viennent avec le projet d'un Centre d'Interprétation et d'Animation du Patrimoine.
?Le sixième objectif vise à renforcer les actions en matière d'architecture et d'urbanisme.
Cet enjeu est capital pour la mise en valeur des sites historiques et patrimoniaux, mais également pour l'amélioration du cadre de vie des habitants. Je sais que les élus martiniquais sont de plus en plus sensibles à cette problématique du vivre-ensemble. Des efforts conjoints doivent être entrepris. Sur les 34 communes de la Martinique, aucune ne dispose encore de Zone de protection du patrimoine urbain, architectural et paysager (ZPPAUP) ou de Plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV).
Je souhaite que les élus martiniquais puissent disposer d'un appui technique renforcé dans la mise en oeuvre de ce type de protections. Je sais que Fort-de-France, Saint-Pierre et Saint-Esprit ont des projets en cours et je les soutiendrai fortement, comme je soutiendrai les autres communes qui ont manifesté le souhait de s'inscrire dans de tels dispositifs. La DRAC Martinique accompagnera les communes dans leurs démarches patrimoniales et urbanistiques. D'ores et déjà, l'Architecte des bâtiments de France travaille en concertation avec les collectivités territoriales et les propriétaires sur la thématique de la « créolisation des hôtels » dans la perspective de leur inscription à l'inventaire supplémentaire, en partenariat avec la Région et le Comité Martiniquais du Tourisme.
?Le septième objectif vise à amplifier les coopérations régionales et internationales.
Les cultures ultramarines ont besoin de s'ancrer davantage dans les zones géographiques de leurs territoires, afin d'accroître les échanges artistiques et culturels, de mieux diffuser leurs artistes et de développer davantage de coproductions et de partenariats.
La DRAC Martinique, notamment grâce à l'effort budgétaire complémentaire décidé cette année, a pris des initiatives très importantes dans ce domaine. Elle a notamment conclu, le mois dernier, une convention avec le réseau des Alliances Françaises de la Caraïbe, afin de faire mieux connaître et reconnaître les artistes et à mettre en réseau les projets culturels de chacun de ces territoires.
Le DRAC recevra en octobre prochain, avec les collectivités territoriales, des représentants de Cuba, de la République Dominicaine, d'Haïti, ainsi que les délégués des Alliances Françaises de la région et des opérateurs culturels, afin de définir une stratégie commune d'échanges et de projets.
?Enfin, le huitième et dernier objectif, s'il peut sembler un peu technique n'en revêt pas moins un caractère absolument capital : il s'agit de travailler à une meilleure adaptation des méthodes et des normes de mon ministère à la spécificité de chacun des territoires ultra-marins. Dans l'histoire de France, la nécessité de constituer la Nation et la République, a parfois mené à des excès d'uniformisation des approches, des procédures et des modes d'action, un travers particulièrement sensible dans ces territoires.
L'affinement de la capacité d'expertise de mon administration au service d'une politique culturelle ultramarine est une nécessité. J'ai demandé aux directeurs généraux de mon administration la mise en place d'un groupe de travail permanent en lien avec les DRAC, afin de mieux répondre aux besoins des élus et des opérateurs culturels.
Apporter un conseil technique aux collectivités territoriales et aux acteurs culturels est indispensable à la professionnalisation de la production artistique et sa meilleure diffusion. C'est pourquoi l'outil que constitue l'Association Martiniquaise de soutien aux entreprises culturelles sera conforté dans ses missions.
Voilà, résumé à grands traits, l'essentiel de ce plan d'action pour la culture dans les Outre-mer qui se veut à la mesure des enjeux considérables qu'il représente pour chacun d'entre nous. Je souhaite en suivre personnellement les avancées, et c'est la raison pour laquelle j'ai décidé de mettre en place un comité de pilotage au sein de mon ministère, présidé au niveau de mon cabinet.
C'est ainsi une nouvelle page de l'action du ministère de la Culture et de la Communication en Outre-mer que je souhaite écrire avec vous. Je suis, depuis toujours, convaincu des potentialités inestimables de ces territoires, qui, par la richesse de leur histoire, la fécondité de leurs métissages et les promesses d'une situation stratégique ont tous les atouts pour délivrer un message essentiel, non seulement à la métropole et dans leur région, mais aussi au vaste monde sur lequel sont ouverts leurs horizons.
Je vous remercie de votre attention et me tient à votre disposition pour toutes les questions que vous souhaiteriez me poser.Source http://www.martinique.pref.gouv.fr, le 1er septembre 2010