Déclaration de M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, sur les objectifs de réduction du déficit public et sur les grandes lignes du projet de loi de financement de la sécurité sociale, Paris le 9 juin 2010.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • François Baroin - Ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat

Circonstance : Intervention de François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat devant la Commission des comptes de la Sécurité sociale, le 9 juin 2010

Texte intégral

Mesdames et Monsieur les ministres,
Messieurs les parlementaires,
Monsieur le secrétaire général,
Mesdames et messieurs les présidents,
Mesdames et messieurs,

Votre Commission existe depuis plus de trente ans, et elle permet d'assurer chaque année un contrôle efficace des comptes de la sécurité sociale. Elle est une garantie de la transparence de ces comptes, et en ce sens un outil éminemment démocratique. Je m'en félicite, et c'est pour moi un honneur que de participer à cette Commission comme ministre pour la première fois.
Si l'on regarde les dernières années, on peut se rendre compte que l'instauration des lois de financement de la sécurité sociale en 1996 a permis d'anticiper davantage et d'être plus scrupuleux quant aux dépenses de la sécurité sociale. Pour cibler au mieux ces évolutions et améliorer son adaptabilité, l'Etat s'est doté d'un certain nombre d'outils, comme les annexes du PLFSS ou l'ONDAM.
Je tenais à faire ce petit détour parce que ces évolutions nous semblent aujourd'hui évidentes, alors qu'elles étaient en leur temps des nouveautés qui ont permis d'améliorer la gestion des comptes sociaux.
Aujourd'hui, dans des circonstances de sortie de crise économique et de difficultés récentes dans certains pays européens comme la Grèce, le Gouvernement a pris la décision d'accentuer davantage la maîtrise des dépenses publiques, sans pour autant nuire à la reprise. Nous marchons sur un fil en quelque sorte, une ligne de crête avec deux versants nord.
Nos choix en termes de finances sociales à partir de 2010 s'en ressentent. C'est une question de responsabilité à l'égard de nos concitoyens.
Je voudrais remercier chaleureusement le secrétaire général, Monsieur François Monier, pour la qualité de ses travaux et la clarté de son exposé. Je voudrais également remercier le directeur de la sécurité sociale, Monsieur Dominique Libault, et l'ensemble de ses équipes, qui ont accompli un travail très important ces dernières semaines pour préparer le rapport qui nous est présenté aujourd'hui.


1. Nous sommes aujourd'hui en sortie de crise, la situation financière des comptes de la sécurité sociale s'est donc logiquement dégradée depuis 2008.
A. La crise que nous avons vécue en 2009 a sévèrement touché les comptes sociaux.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : le déficit du régime général a doublé en un an, de 10 milliards d'euros en 2008 à plus de 20 milliards d'euros en 2009.
Notre choix pour remédier à cette situation, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, n'est pas d'augmenter les prélèvements obligatoires. Notre choix est celui de la responsabilité.
Nous sommes déterminés à maintenir le cap de la maîtrise des dépenses. C'est pour cette raison que nous avons engagé la réforme des retraites, c'est pour cette raison que nous maintenons notre objectif de tenir l'ONDAM à 3% en 2010.
B. Nous sommes rassurés de constater que les comptes qui viennent de nous être présentés montrent une amélioration, en comparaison des comptes associés à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, alors même que le contexte économique et financier reste difficile.
Pour 2009, le déficit du régime général s'est en effet réduit de 3,1 milliards d'euros, à 20,3 milliards d'euros, par rapport aux prévisions de l'automne dernier.
Cette moindre dégradation se confirme pour 2010 : le déficit s'établirait à 26,8 milliards d'euros, soit 3,7 milliards d'euros de moins que dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. Même s'ils doivent être encore confirmés au cours de la deuxième partie de l'année 2010, ces résultats sont encourageants.
Mais surtout, l'évolution de la masse salariale du secteur privé en 2009 et en 2010 est meilleure que prévue : -1,3 % en 2009 et +0,3% prévu à ce jour pour 2010, alors que nous prévoyions -2,0% et -0,4% à l'automne dernier. Cette amélioration apporterait près de 3 milliards d'euros au régime général en 2010.
Malgré cela, le déficit du régime général sera en 2010 le plus élevé de l'histoire, et nous ne pouvons bien évidemment pas nous contenter du fait qu'il soit un peu moindre que ce qui avait été prévu l'année dernière.


2. Notre stratégie en matière de finances sociales, à partir de 2010, sera centrée sur trois priorités, les niches sociales, l'assurance maladie et la réforme des retraites, sans oublier la poursuite de la lutte contre la fraude.
Nous avons posé un objectif responsable : une trajectoire ambitieuse et nécessaire de retour à un déficit public en deçà de 3% du PIB en 2013. Cet objectif concerne tous les postes de la dépense publique et donc toutes les branches du régime général. Mais trois axes de notre démarche me semblent devoir être mis en avant.

A. Notre objectif est de renforcer les recettes de la sécurité sociale dont l'assiette est réduite par les niches sociales.
Pour cela, nous voulons remettre en cause les niches dont l'efficacité, notamment en termes d'emplois, n'est pas avérée.
Le gouvernement a également décidé, dans le cadre de sa proposition récente de réforme constitutionnelle, d'encadrer la création de nouvelles niches. Les PLF et PLFSS auraient le monopole des dispositions fiscales et de celles qui affectent les recettes de la sécurité sociale. Cette décision est capitale pour la sécurité sociale : elle permettra de mettre fin aux créations de niches sociales sur lesquelles le Ministre en charge des comptes sociaux n'avait pas entièrement la main.

B. Notre choix en matière de pilotage des dépenses d'assurance maladie s'inscrit dans le cadre global de maîtrise des finances publiques.
1. En 2008 et 2009, l'ONDAM a progressé de 3,5% et 3,7%, ce qui confirme notre capacité à maîtriser la dépense par rapport aux époques antérieures. Le dépassement de 0,4 point en 2009 s'explique notamment par l'évolution des dépenses hospitalières qui ont été plus dynamiques que prévu.
L'ONDAM sera progressivement abaissé pour passer de 3% en 2010 à 2,9% en 2011 et 2,8% en 2012. Roselyne Bachelot et moi-même avons souhaité être exigeants mais réalistes. Les leviers existent pour améliorer l'efficience de notre système de santé : on peut citer les agences régionales de santé, créées en avril 2010, ou encore les 150 projets de performance des hôpitaux.
Nous aurions pu, compte tenu de l'ampleur des déficits, afficher des objectifs plus stricts. Certains critiqueront peut-être ce qu'ils considèrent comme une mesure timide ; d'autres parleront au contraire d'un rationnement des soins. Ceci montre selon moi que notre position est la bonne : choisir la voie la plus raisonnable, la voie médiane.
2. Pour respecter cette trajectoire de l'ONDAM, nous avons retenu une méthode inspirée des conclusions du rapport de Raoul Briet.
Nous souhaitons renforcer le rôle du comité d'alerte, qui émettra un avis sur la construction de l'ONDAM pour en renforcer la sincérité. Simultanément le seuil d'alerte sera progressivement diminué.
Le pilotage des dépenses de l'ONDAM s'appliquera désormais à l'ensemble des champs. Sans cela nous courons le risque de nous rendre compte trop tard des dépassements pour certains postes que nous n'avions pas soumis à ce pilotage. C'est ce qui s'est malheureusement passé à la fin de l'année 2009.
Nous rendrons compte régulièrement de ce pilotage global aux commissions des affaires sociales de l'Assemblée Nationale et du Sénat.
Je suis sûr qu'Yves Bur et qu'Alain Vasselle, ici présents, sauront se montrer vigilants à ce sujet.
Enfin nous avons souhaité que le pilotage des crédits relevant de l'ONDAM soit maîtrisé en fonction de l'exécution constatée au fur et à mesure de l'année. Une fraction des dotations sera mise en réserve, et si nous devons effectuer de nouvelles dépenses en cours d'année, ou si l'ONDAM n'est pas respecté, nous y puiserons.
Tout ceci témoigne d'une inflexion dans la gestion que nous avions mise en place jusqu'ici. Ces changements impliquent une transparence et une réactivité accrues.
Vous l'aurez noté, nous n'avons pas tardé à mettre en oeuvre ces préconisations dès cette année. Nous avons récemment apporté, Roselyne Bachelot et moi-même, des réponses immédiates au risque de dépassement de l'ONDAM pour 2010, alors même qu'il restait inférieur au seuil de 0,75% des dépenses puisque le comité d'alerte évaluait le risque de dépassement à environ 600 millions d'euros. Roselyne Bachelot, Eric Woerth et moi-même avons aussitôt décidé de prendre des mesures correctrices dont le rendement 2010, estimé à 600 millions d'euros, viendra compenser intégralement la prévision de dépassement.
3. Je serai particulièrement attentif aux postes de dépenses dont l'évolution est dynamique.
A ce titre, l'évolution des volumes de dépenses hospitalières devra faire l'objet d'une attention particulière.
Une réflexion doit être engagée dès à présent sur les moyens permettant de mieux réguler l'activité hospitalière en recentrant l'hôpital sur son coeur de métier et en développant des solutions autres que l'hospitalisation. Cet objectif doit être relayé par les agences régionales de santé (ARS).
Autre poste, l'évolution des dépenses de transports sanitaires et d'arrêts de travail : on constate 5,8% de hausse des indemnités journalières sur les 4 premiers mois de l'année 2010. Nous voulons dans ce domaine amplifier les actions de contrôle et de régulation de l'assurance maladie pour infléchir la courbe des dépenses.

C. La réforme des retraites que nous avons entreprise vise à préserver notre système de retraite par répartition.
On le sait, les déséquilibres démographiques vont aller en s'accentuant. Il s'agit donc d'y répondre. Le Gouvernement présentera la réforme dans quelques jours.

D. Enfin, je poursuivrai la lutte contre la fraude sociale, pour laquelle une adaptation profonde du cadre législatif et réglementaire a été menée dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale depuis 2006.
Des efforts très importants ont permis de bâtir des outils de détection des fraudes et d'adapter les méthodes de contrôle.
Je citerai comme exemple la création du Répertoire National Commun de la Protection Sociale, les croisements de fichiers entre organismes de sécurité sociale et administration fiscale, la création de la délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLF).
Des objectifs portant sur la lutte contre la fraude sont dorénavant systématiquement présents dans les conventions d'objectifs et de gestion signées entre l'Etat et les caisses nationales de sécurité sociale. Les résultats de cette politique sont patents.
Le montant des fraudes détectées s'est élevé à 380 millions d'euros en 2009, représentant une nouvelle progression. Depuis 2006, près de 1,3 milliards d'euros de fraudes ont été détectés par les organismes de sécurité sociale, dont plus de 40% pour la seule branche maladie.
Je poursuivrai ces efforts car ces abus sont intolérables. L'Etat se doit de garantir les règles de saine concurrence entre les entreprises et le respect des droits des salariés.
Nous avons tous conscience que le système de sécurité sociale est un élément essentiel de notre cohésion nationale parce qu'il repose sur la solidarité. C'est pour cette raison que sa préservation est un enjeu capital. Cette préservation passe par la maîtrise de la dette sociale.
Bien sûr, le meilleur moyen de ne pas subir le poids de la dette sociale, c'est d'abord de ne pas en créer. Les réformes que nous menons s'inscrivent dans cette perspective.
Aujourd'hui, il nous faut aussi trouver les moyens de nous acquitter d'une dette qui, sous l'effet de la crise, s'est accentuée : 54,6 milliards d'euros accumulés pour l'ACOSS pour les seules années 2009 et 2010.
Parce que ce sujet le mérite, j'ai souhaité organiser une concertation avec la représentation nationale, comme l'avait proposé Eric Woerth l'année passée. La commission de la dette sociale, composée de parlementaires de la majorité et de l'opposition, s'est ainsi réunie une première fois le 26 mai dernier ; elle se réunira une nouvelle fois le 15 juin prochain, pour une clôture de ses travaux à la fin du mois.
Nous ne pouvons pas remettre le sujet de la dette sociale à plus tard, en d'autres termes imposer à nos enfants demain le fardeau de nos dettes d'aujourd'hui. C'est une question de responsabilité.
Je vous remercie.

Source http://www.securite-sociale.fr, le 6 octobre 2010