Texte intégral
M. Biraben et C. Roux.- M. Biraben : La secrétaire d'État chargée de la Prospective et du Développement de l'Economie Numérique, par ailleurs secrétaire générale adjointe de l'UMP, est notre invitée : N. Kosciusko-Morizet. À ma droite, une majorité serre les rangs face à la rue sur la réforme des retraites ; à ma gauche, cette même majorité se divise sur la date éventuelle de la suppression du bouclier fiscal. F. Fillon a fait une hypothèse, les parlementaires lui ont répondu « chiche ». Bonjour N. Kosciusko-Morizet.
Bonjour.
C. Roux : Bonjour.
M. Biraben : Soyez la bienvenue.
C. Roux : Alors nous avons un sondage ce matin, BVA-La Matinale, qui dit que 2 Français sur 3 sont favorables à une grande réforme de la fiscalité avec une suppression du bouclier fiscal et de l'ISF et une création d'une tranche d'impôt supplémentaire. La question qui se pose ce matin c'est est-ce qu'il faut faire cette grande réforme, voulue par le Premier ministre et par les Français, dès ce budget ?
Je crois que ça veut dire que les Français sont mûrs pour une grande réflexion transversale et s'insèrent bien dans le calendrier d'avoir cette réflexion en 2011 en même temps qu'on travaille sur la convergence fiscale franco-allemande. Est-ce qu'il faut le faire dès l'automne ? C'est quand même un peu rapide, un peu précipité.
C. Roux : Pourquoi c'est précipité ? Pourquoi est-ce qu'il faudrait prendre le temps ?
Parce qu'il s'agit d'une grande réforme transversale. Il ne s'agit pas d'un impôt seulement, vous l'avez souligné vous-même. En fait, il s'agit de modifier, là, en l'occurrence, sur votre sondage, au moins trois paramètres. Et puis tout ça s'inscrit dans un contexte plus global qui est celui de la convergence de la fiscalité avec nos voisins, parce que derrière ce sujet, il y a le problème de la concurrence fiscale. Il y a le problème de faire en sorte de pouvoir fidéliser en quelque sorte aussi les personnes, qu'elles restent là, qu'elles investissent dans l'industrie nationale. Et donc il y a des questions de comparaison avec les voisins européens. Ça prend un peu de temps, ce n'est pas trop de prendre une année pour en débattre vraiment et aller au fond du sujet. Nous, en tous cas, à l'UMP, dans le cadre de la préparation du projet 2012, on a prévu d'y travailler mais plutôt à l'hiver 2011, à l'hiver qui vient.
C. Roux : En tous cas, il est acquis sur le fond, quel que soit le calendrier, que le bouclier fiscal c'est fini ?
Non. Il est acquis que 2011 peut être l'année du lancement d'une réflexion sur la fiscalité. Il y a manifestement en France le sentiment que notre fiscalité est inaboutie. La meilleure preuve d'ailleurs c'est que vous faites des sondages comme ça avec de très, très forts taux dans une direction ou dans l'autre ; ce n'est pas neutre ce que vous dites vous-même. Donc il y a cette idée que notre fiscalité est inaboutie. Maintenant, ce n'est pas des choses qu'il faut bouger brutalement.
C. Roux : Alors qu'est-ce que vous dites à la centaine de députés qui réclament donc cette réforme fiscale dès maintenant ? Ils étaient 70 hier soir, ils sont une centaine aujourd'hui. Qu'est-ce que vous leur dites : gardez votre calme ?
Prenons le temps de la réflexion, 2011 est la bonne année. On a eu la crise, on vient d'avoir deux ans de crise très lourde. Le bouclier fiscal, c'est quelque chose qui a été mis en place en 2007 dans l'idée qu'il ne fallait pas qu'on paye plus de 50 % de ce qu'on gagnait. Ça met forcément un peu de temps à faire de l'effet. Prenons le temps de faire le bilan et donnons-nous l'année 2011 pour travailler vraiment sur la convergence fiscale entre la France et l'Allemagne.
C. Roux : Et ça donne le sentiment quand même qu'on enterre le bouclier fiscal, que la majorité a quand même défendu pendant des semaines, des mois, des années, et que désormais on tourne une page.
Pas du tout, attendez : non, c'est une question de principe. Les principes c'est la fiscalité ne doit pas être confiscatoire et elle doit être efficace, c'est-à-dire qu'elle ne doit pas vous amener à fuir et à désinvestir l'industrie et l'économie française. Ça, c'est les principes. Après, il y a plein de manières de le faire. Les manières de le faire, on s'en fiche un peu. Ce n'est pas le sujet, on n'a pas à être dogmatique sur la manière. En revanche, on a à être fermes sur les principes parce que derrière, c'est l'équilibre de notre économie.
M. Biraben : Alors ferme sur les principes. Egalement sur le dossier des retraites ?
C. Roux : Oui, sur le dossier des retraites puisque les lycéens ont rejoint le mouvement de manière assez spontanée, puisque la mobilisation se fait via les réseaux sociaux, via Twitter. Est-ce que vous risquez, est-ce que vous craignez une contagion à la jeunesse ?
J'adore votre passage où vous dites : « de manière assez spontanée » puisque la mobilisation se fait...
C. Roux : Pas du tout ? Ce n'est pas le cas ? C'est ce qu'ont expliqué les jeunes hier, qu'il n'y avait pas eu d'appel à une mobilisation de la part des centrales syndicales.
Attendez ! D'abord ce n'est pas parce que ça se fait sur les réseaux sociaux ou sur Twitter que c'est complètement spontané. Ça ne change rien au mouvement.
C. Roux : Allez au bout de votre pensée. Qui est derrière tout ça ?
Je n'en sais rien, c'est juste... Pardon, je critiquais juste la formule journalistique : « oh, ben c'est forcément spontané puisque ça se passe sur Twitter ». Vous savez bien que ce n'est pas parce que ça se passe sur Internet que c'est forcément spontané.
C. Roux : Donc c'est organisé.
Maintenant, que les lycéens s'intéressent aux retraites, moi je trouve ça formidable. Tout l'objectif du Gouvernement, c'est de faire en sorte qu'ils en aient une en sauvant le système par répartition. Parce que si on continue sur la base actuelle - aujourd'hui on emprunte pour payer une retraite sur dix ; bientôt on empruntera pour payer une retraite sur six et puis un jour on n'aura même plus les moyens d'emprunter et les lycéens d'aujourd'hui - si on suit par exemple les propositions du Parti socialiste, c'est-à-dire en fait rien du tout, ils n'auront rien. Donc je trouve ça très bien que les lycéens s'investissent. Maintenant...
C. Roux : Mais ils ne s'investissent pas pour défendre la réforme, ça ne vous a pas échappé.
Oui, j'ai bien compris. Je comprends très bien qu'ils s'investissent ; je préfèrerais qu'ils s'investissent un peu différemment.
C. Roux : Alors, est-ce que vous craignez cette mobilisation - on ne va pas dire spontanée - qu'est-ce qu'on peut dire ?
Par ailleurs, par ailleurs, de toute façon...
C. Roux : Est-ce que c'est une source, très sérieusement, est-ce que c'est une source d'inquiétude que la contestation de la réforme désormais soit étendue au mouvement lycéen ? Est-ce que c'est une source d'inquiétude ?
Plus la réforme est comprise et acceptée, mieux c'est. En même temps, c'est bien normal que cette réforme suscite des réactions. On le savait en le faisant, on le fait par esprit de responsabilité. On le fait parce qu'il faut le faire, parce qu'on croit qu'il faut sauver le système par répartition. On savait que ce ne serait pas sympa de dire aux Français : il va falloir travailler deux ans de plus.
C. Roux : « Même pas peur », donc ; c'est ça ce que dit le Gouvernement et l'Élysée aujourd'hui : c'est « même pas peur ».
Mais ce n'est pas une question de peur ou de pas peur : il faut la faire. On sait qu'il faut la faire sinon les lycéens dont vous dites qu'ils vont manifester, ils n'auront pas de retraite. Et vous savez qui va payer s'il n'y a plus de système par répartition ? C'est comme d'habitude les plus faibles, parce que ceux qui ont les moyens, ils auront la possibilité de se faire la capitalisation, ils auront acheté leur appartement, la vie sera quand même plus facile pour eux. Donc c'est eux qu'on protège.
M. Biraben : Hadopi maintenant.
C. Roux : Oui, Hadopi parce que Free refuse toujours d'envoyer les mails Hadopi à ses abonnés. Est-ce que vous attendez que l'opérateur rentre gentiment dans le rang ou est-ce qu'il faut prévoir des sanctions ?
Le ministre de la Culture a annoncé qu'il voulait travailler sur des sanctions. Moi je crois que Free essaye de se faire un coup de com' là-dessus et qu'il ne faut pas tomber dans le panneau. Hadopi c'est pour l'essentiel une démarche de pédagogie. Ça n'a pas mal marché d'ailleurs puisqu'on en parle beaucoup, on parle beaucoup du piratage, on parle du mal que ça fait à l'industrie fiscale ( ?). Et maintenant que c'est en place, il faut travailler sur la suite avec les opérateurs et pas seulement : aussi avec les distributeurs par exemple et les créateurs. Et la suite c'est la création d'une offre légale qui soit vraiment attractive en France. Là, Free fait un coup de com', c'est un artéfact en fait, ce n'est pas ça le fond du sujet. Le fond du sujet, c'est est-ce qu'on va réussir en France à avoir une offre légale de qualité qui fait que finalement, aller télécharger illégalement, c'est ringard, ce soit de moins bonne qualité, ce soit moins intuitif, ce soit quelque chose qu'on n'aille plus faire en fait, que ce soit dépassé. Et de préférence une offre de qualité qui soit française et européenne, parce que si au bout du compte il n'y a que iTunes, on n'aura pas vraiment gagné non plus. Je le dis ça aussi à l'attention des majors. C'est-à-dire que moi je voudrais à la fois qu'on ait une offre légale, mais je voudrais aussi qu'on ait des modèles économiques, des start-up qui réussissent à vivre dans l'offre légale. Ça nécessite un certain nombre de modifications de notre système et une meilleure prise en compte des propositions de Zelnik dans son rapport « Création et Internet ».
C. Roux : Alors qu'est-ce que vous répondez à la gauche qui, par la voix du député C. Paul, a déclaré que la gauche reviendrait sur Hadopi si elle était aux responsabilités en 2012.
Ben voyons ! Et comme sur les retraites ! Alors ça vous savez, c'est des trucs que la gauche dit toujours avant et ne fait jamais après. Pourquoi ? Parce que dans le fond, ils savent bien que ce qu'on a fait c'est dur. Ce n'est pas très sympa de faire l'Hadopi, ce n'est pas très sympa. Ce n'est pas très sympa de faire la réforme des retraites, mais il y a un moment où il faut qu'il y en ait qui fassent le boulot pas sympa. Et si jamais par malheur ils arrivaient au pouvoir, derrière, ce n'est pas vrai qu'ils changeraient. Ils ne changeraient rien du tout parce qu'ils savent qu'on ne peut pas faire autrement, ils savent qu'on en a besoin. Je crois que les Français...
C. Roux : C'est comme ça qu'on se fait réélire : en disant des trucs pas très sympas.
...Non mais attendez, moi je fais confiance à l'esprit de responsabilité des Français aussi. On a besoin de réformes, la France a besoin de réformes. On ne peut pas rester comme ça sans bouger dans un monde qui change, on le sait. En plus dans un monde en crise.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 11 octobre 2010
Bonjour.
C. Roux : Bonjour.
M. Biraben : Soyez la bienvenue.
C. Roux : Alors nous avons un sondage ce matin, BVA-La Matinale, qui dit que 2 Français sur 3 sont favorables à une grande réforme de la fiscalité avec une suppression du bouclier fiscal et de l'ISF et une création d'une tranche d'impôt supplémentaire. La question qui se pose ce matin c'est est-ce qu'il faut faire cette grande réforme, voulue par le Premier ministre et par les Français, dès ce budget ?
Je crois que ça veut dire que les Français sont mûrs pour une grande réflexion transversale et s'insèrent bien dans le calendrier d'avoir cette réflexion en 2011 en même temps qu'on travaille sur la convergence fiscale franco-allemande. Est-ce qu'il faut le faire dès l'automne ? C'est quand même un peu rapide, un peu précipité.
C. Roux : Pourquoi c'est précipité ? Pourquoi est-ce qu'il faudrait prendre le temps ?
Parce qu'il s'agit d'une grande réforme transversale. Il ne s'agit pas d'un impôt seulement, vous l'avez souligné vous-même. En fait, il s'agit de modifier, là, en l'occurrence, sur votre sondage, au moins trois paramètres. Et puis tout ça s'inscrit dans un contexte plus global qui est celui de la convergence de la fiscalité avec nos voisins, parce que derrière ce sujet, il y a le problème de la concurrence fiscale. Il y a le problème de faire en sorte de pouvoir fidéliser en quelque sorte aussi les personnes, qu'elles restent là, qu'elles investissent dans l'industrie nationale. Et donc il y a des questions de comparaison avec les voisins européens. Ça prend un peu de temps, ce n'est pas trop de prendre une année pour en débattre vraiment et aller au fond du sujet. Nous, en tous cas, à l'UMP, dans le cadre de la préparation du projet 2012, on a prévu d'y travailler mais plutôt à l'hiver 2011, à l'hiver qui vient.
C. Roux : En tous cas, il est acquis sur le fond, quel que soit le calendrier, que le bouclier fiscal c'est fini ?
Non. Il est acquis que 2011 peut être l'année du lancement d'une réflexion sur la fiscalité. Il y a manifestement en France le sentiment que notre fiscalité est inaboutie. La meilleure preuve d'ailleurs c'est que vous faites des sondages comme ça avec de très, très forts taux dans une direction ou dans l'autre ; ce n'est pas neutre ce que vous dites vous-même. Donc il y a cette idée que notre fiscalité est inaboutie. Maintenant, ce n'est pas des choses qu'il faut bouger brutalement.
C. Roux : Alors qu'est-ce que vous dites à la centaine de députés qui réclament donc cette réforme fiscale dès maintenant ? Ils étaient 70 hier soir, ils sont une centaine aujourd'hui. Qu'est-ce que vous leur dites : gardez votre calme ?
Prenons le temps de la réflexion, 2011 est la bonne année. On a eu la crise, on vient d'avoir deux ans de crise très lourde. Le bouclier fiscal, c'est quelque chose qui a été mis en place en 2007 dans l'idée qu'il ne fallait pas qu'on paye plus de 50 % de ce qu'on gagnait. Ça met forcément un peu de temps à faire de l'effet. Prenons le temps de faire le bilan et donnons-nous l'année 2011 pour travailler vraiment sur la convergence fiscale entre la France et l'Allemagne.
C. Roux : Et ça donne le sentiment quand même qu'on enterre le bouclier fiscal, que la majorité a quand même défendu pendant des semaines, des mois, des années, et que désormais on tourne une page.
Pas du tout, attendez : non, c'est une question de principe. Les principes c'est la fiscalité ne doit pas être confiscatoire et elle doit être efficace, c'est-à-dire qu'elle ne doit pas vous amener à fuir et à désinvestir l'industrie et l'économie française. Ça, c'est les principes. Après, il y a plein de manières de le faire. Les manières de le faire, on s'en fiche un peu. Ce n'est pas le sujet, on n'a pas à être dogmatique sur la manière. En revanche, on a à être fermes sur les principes parce que derrière, c'est l'équilibre de notre économie.
M. Biraben : Alors ferme sur les principes. Egalement sur le dossier des retraites ?
C. Roux : Oui, sur le dossier des retraites puisque les lycéens ont rejoint le mouvement de manière assez spontanée, puisque la mobilisation se fait via les réseaux sociaux, via Twitter. Est-ce que vous risquez, est-ce que vous craignez une contagion à la jeunesse ?
J'adore votre passage où vous dites : « de manière assez spontanée » puisque la mobilisation se fait...
C. Roux : Pas du tout ? Ce n'est pas le cas ? C'est ce qu'ont expliqué les jeunes hier, qu'il n'y avait pas eu d'appel à une mobilisation de la part des centrales syndicales.
Attendez ! D'abord ce n'est pas parce que ça se fait sur les réseaux sociaux ou sur Twitter que c'est complètement spontané. Ça ne change rien au mouvement.
C. Roux : Allez au bout de votre pensée. Qui est derrière tout ça ?
Je n'en sais rien, c'est juste... Pardon, je critiquais juste la formule journalistique : « oh, ben c'est forcément spontané puisque ça se passe sur Twitter ». Vous savez bien que ce n'est pas parce que ça se passe sur Internet que c'est forcément spontané.
C. Roux : Donc c'est organisé.
Maintenant, que les lycéens s'intéressent aux retraites, moi je trouve ça formidable. Tout l'objectif du Gouvernement, c'est de faire en sorte qu'ils en aient une en sauvant le système par répartition. Parce que si on continue sur la base actuelle - aujourd'hui on emprunte pour payer une retraite sur dix ; bientôt on empruntera pour payer une retraite sur six et puis un jour on n'aura même plus les moyens d'emprunter et les lycéens d'aujourd'hui - si on suit par exemple les propositions du Parti socialiste, c'est-à-dire en fait rien du tout, ils n'auront rien. Donc je trouve ça très bien que les lycéens s'investissent. Maintenant...
C. Roux : Mais ils ne s'investissent pas pour défendre la réforme, ça ne vous a pas échappé.
Oui, j'ai bien compris. Je comprends très bien qu'ils s'investissent ; je préfèrerais qu'ils s'investissent un peu différemment.
C. Roux : Alors, est-ce que vous craignez cette mobilisation - on ne va pas dire spontanée - qu'est-ce qu'on peut dire ?
Par ailleurs, par ailleurs, de toute façon...
C. Roux : Est-ce que c'est une source, très sérieusement, est-ce que c'est une source d'inquiétude que la contestation de la réforme désormais soit étendue au mouvement lycéen ? Est-ce que c'est une source d'inquiétude ?
Plus la réforme est comprise et acceptée, mieux c'est. En même temps, c'est bien normal que cette réforme suscite des réactions. On le savait en le faisant, on le fait par esprit de responsabilité. On le fait parce qu'il faut le faire, parce qu'on croit qu'il faut sauver le système par répartition. On savait que ce ne serait pas sympa de dire aux Français : il va falloir travailler deux ans de plus.
C. Roux : « Même pas peur », donc ; c'est ça ce que dit le Gouvernement et l'Élysée aujourd'hui : c'est « même pas peur ».
Mais ce n'est pas une question de peur ou de pas peur : il faut la faire. On sait qu'il faut la faire sinon les lycéens dont vous dites qu'ils vont manifester, ils n'auront pas de retraite. Et vous savez qui va payer s'il n'y a plus de système par répartition ? C'est comme d'habitude les plus faibles, parce que ceux qui ont les moyens, ils auront la possibilité de se faire la capitalisation, ils auront acheté leur appartement, la vie sera quand même plus facile pour eux. Donc c'est eux qu'on protège.
M. Biraben : Hadopi maintenant.
C. Roux : Oui, Hadopi parce que Free refuse toujours d'envoyer les mails Hadopi à ses abonnés. Est-ce que vous attendez que l'opérateur rentre gentiment dans le rang ou est-ce qu'il faut prévoir des sanctions ?
Le ministre de la Culture a annoncé qu'il voulait travailler sur des sanctions. Moi je crois que Free essaye de se faire un coup de com' là-dessus et qu'il ne faut pas tomber dans le panneau. Hadopi c'est pour l'essentiel une démarche de pédagogie. Ça n'a pas mal marché d'ailleurs puisqu'on en parle beaucoup, on parle beaucoup du piratage, on parle du mal que ça fait à l'industrie fiscale ( ?). Et maintenant que c'est en place, il faut travailler sur la suite avec les opérateurs et pas seulement : aussi avec les distributeurs par exemple et les créateurs. Et la suite c'est la création d'une offre légale qui soit vraiment attractive en France. Là, Free fait un coup de com', c'est un artéfact en fait, ce n'est pas ça le fond du sujet. Le fond du sujet, c'est est-ce qu'on va réussir en France à avoir une offre légale de qualité qui fait que finalement, aller télécharger illégalement, c'est ringard, ce soit de moins bonne qualité, ce soit moins intuitif, ce soit quelque chose qu'on n'aille plus faire en fait, que ce soit dépassé. Et de préférence une offre de qualité qui soit française et européenne, parce que si au bout du compte il n'y a que iTunes, on n'aura pas vraiment gagné non plus. Je le dis ça aussi à l'attention des majors. C'est-à-dire que moi je voudrais à la fois qu'on ait une offre légale, mais je voudrais aussi qu'on ait des modèles économiques, des start-up qui réussissent à vivre dans l'offre légale. Ça nécessite un certain nombre de modifications de notre système et une meilleure prise en compte des propositions de Zelnik dans son rapport « Création et Internet ».
C. Roux : Alors qu'est-ce que vous répondez à la gauche qui, par la voix du député C. Paul, a déclaré que la gauche reviendrait sur Hadopi si elle était aux responsabilités en 2012.
Ben voyons ! Et comme sur les retraites ! Alors ça vous savez, c'est des trucs que la gauche dit toujours avant et ne fait jamais après. Pourquoi ? Parce que dans le fond, ils savent bien que ce qu'on a fait c'est dur. Ce n'est pas très sympa de faire l'Hadopi, ce n'est pas très sympa. Ce n'est pas très sympa de faire la réforme des retraites, mais il y a un moment où il faut qu'il y en ait qui fassent le boulot pas sympa. Et si jamais par malheur ils arrivaient au pouvoir, derrière, ce n'est pas vrai qu'ils changeraient. Ils ne changeraient rien du tout parce qu'ils savent qu'on ne peut pas faire autrement, ils savent qu'on en a besoin. Je crois que les Français...
C. Roux : C'est comme ça qu'on se fait réélire : en disant des trucs pas très sympas.
...Non mais attendez, moi je fais confiance à l'esprit de responsabilité des Français aussi. On a besoin de réformes, la France a besoin de réformes. On ne peut pas rester comme ça sans bouger dans un monde qui change, on le sait. En plus dans un monde en crise.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 11 octobre 2010