Texte intégral
C. Barbier.- Bonjour É. Besson.
Bonjour G. Roquette.
M. Le Pen est à l'offensive sur tous les thèmes, ses thèmes classiques - immigration, insécurité - mais aussi sur l'économie et même sur la laïcité. Quelle est la bonne stratégie pour l'UMP ?
Ne pas la sous-estimer et en même temps ne pas faire d'elle une obsession et le centre du débat politique. La seule réponse pour les Républicains, c'est de répondre aux préoccupations du peuple français. Et lorsqu'elle dit un certain nombre de choses sur la nation, etc., il ne faut pas écouter ses réponses, elles ne sont pas très intéressantes, il faut en même temps écouter les préoccupations du peuple. Je crois qu'il faut un équilibre des droits et des devoirs - c'est le cas pour les Français, c'est le cas pour les étrangers - bien noter ce que sont les risques sur notre vivre ensemble. Oui, il y a des risques communautaristes, oui il y a des risques individualistes, oui il y a des Français qui se posent la question sur l'avenir de la France dans la mondialisation. Les Républicains doivent apporter des réponses sans se préoccuper de ces remèdes qui au demeurant mèneraient la France dans l'impasse.
Est-ce qu'il faut construire davantage de mosquées ?
Bien sûr. Bien sûr qu'il faut construire davantage de mosquées parce qu'il faut - c'est l'application pleine du principe de laïcité - il faut que ceux qui croient puissent exercer leur culte. L'État reconnaît, enfin, n'a pas à reconnaître des religions mais reconnaît le fait religieux. Et donc, il y a, il doit y avoir la possibilité matérielle de prier, ce qui au demeurant conduit quand ça n'est pas respecté à des scènes qui sont choquantes. Oui c'est choquant que les musulmans prient dans la rue. Mais c'est aussi choquant qu'ils ne puissent pas prier à l'intérieur de mosquées.
Et l'État, les pouvoirs publics, doivent participer au financement de ces lieux de culte ?
Vous savez ce qu'est la loi de 1905 : la meilleure façon, ce sont effectivement les baux emphytéotiques et la facilitation. Mais il ne faut pas être hypocrite de ce point de vue-là. On sait bien que le patrimoine historique des églises françaises a été apporté aux communes par la loi de 1905 parce que c'était la tradition. Aujourd'hui l'islam est la deuxième religion de France ; il faut que les musulmans puissent prier dans des conditions décentes, ce qui n'est pas le cas dans beaucoup de communes.
J.-F. Copé, le nouveau patron de l'UMP, veut rouvrir le débat sur l'identité nationale. Vous y êtes favorable ?
Je ne crois pas que la question soit exactement celle de la réouverture et ce n'est pas comme ça que j'ai entendu ce qu'a dit Jean-François et je suis d'accord avec sa préoccupation. La question est celle des valeurs. Les Français veulent une société de respect - je le disais à l'instant - d'équilibre entre les droits et les devoirs. Ils veulent que les étrangers qui s'intègrent dans la nation respectent nos lois, nos coutumes, nos traditions et d'un autre côté, les Français d'origine étrangère attendent que la France soit respectueuse de sa promesse, sa promesse d'égalité, sa promesse de non discrimination. Oui, tous ces sujets doivent être abordés de front, plus nécessairement sous la forme d'un débat, mais l'ancrage dans des valeurs parce que ces questions, elles traversent tous les pays européens - vous le voyez actuellement - mais c'est particulièrement sensible en France parce que la France n'a pas été basée sur une religion, sur une ethnie au départ ; c'est un peuple qui s'est fondé sur des valeurs.
On a le sentiment que la majorité a eu du mal à faire passer ce message-là puisqu'il faut rouvrir ce débat, puisque votre ministère même, votre ancien ministère, celui de l'Immigration et de l'Identité nationale, a été supprimé, comme si de toute façon on ne pouvait pas y arriver.
Le président de la République s'en est expliqué 48 heures après le remaniement lors d'une émission de télévision.
Ç'a été une surprise pour vous, la suppression de votre ministère ?
Non, pas tellement, mais il faudrait refaire l'historique de ce qui s'est passé. Maintenant sur le fond, moi je n'ai jamais à titre personnel renié ce débat, renié ce que j'ai essayé de dire même s'il y a eu des dérapages que j'ai déplorés ou condamnés, mais sur le fond je suis persuadé qu'un peuple qui n'est pas basé sur une ethnie, sur une religion mais sur des valeurs, doit en permanence s'interroger sur ses valeurs et sur son vivre ensemble. De cela, je n'ai jamais varié et je pense que la question va se poser pendant les dix ans qui viennent.
Vous êtes le ministre de l'Industrie. Le gros dossier industriel du moment, c'est Ingenico, fabricant français de terminaux électroniques. Il y a une offre publique d'achat d'un groupe américain sur Ingenico, offre publique inamicale. L'État est actionnaire de façon indirecte d'Ingenico. Est-ce que l'État va accepter cette offre américaine ?
L'État discute avec Safran et avec ses dirigeants bien évidemment.
Parce que Safran est lui-même l'actionnaire d'Ingenico.
Absolument. Et l'État a pleinement conscience du caractère stratégique de cette entreprise, Ingenico, pour la filière électronique française.
Plan stratégique pour être vendu à des Américains ?
Je ne sais pas, ce n'est pas à moi de l'exprimer de cette façon-là. En tous cas, je vous confirme que nous considérons - que l'État considère - que c'est une entreprise essentielle pour la filière électronique française. À titre personnel, je me réjouis qu'hier le conseil d'administration ait considéré que l'offre n'était pas suffisamment intéressante. C'est une étape très importante.
Mais c'est une question de prix ou une question de principe ?
C'est toute la discussion des jours qui viennent.
Le prix du gasoil est à 1,20 euro, le prix de l'essence à 1,45 euro. Vous êtes aussi le ministre de l'Énergie. On va à nouveau vers des sommets dans le prix des carburants ?
On va voir, on va voir. En tous cas vous avez raison ; il faut être très vigilant. Le prix du pétrole, comme l'ensemble du prix des matières premières - comment dire ? - doit mobiliser notre attention et notre vigilance d'autant que, vous le savez, je suis très, très attaché à l'accès à l'énergie et la lutte contre ce qu'on appelait la précarité énergétique. C'est pourquoi j'ai voulu par un arrêté qui sera opérationnel dès le 1er janvier, que nous ayons une baisse des tarifs sociaux du gaz et de l'électricité, parce que l'énergie est devenue un bien essentiel.
Pour ce qui concerne 650 000 clients à peu près.
Absolument. Pour ce qui concerne le pétrole, pour l'instant nous sommes avec mon équipe en situation de regard et de vigilance. On n'est pas encore dans une situation où il faut intervenir mais nous regardons de très près.
L'affaire WikiLeaks. Vous aviez dit : ce site Internet, qui donc a révélé des secrets diplomatiques américains, ne doit pas être hébergé en France. Pour l'instant, il n'y a pas de décision sur ce sujet, comme si le Gouvernement avait du mal à prendre une position.
D'abord c'est normal que le Gouvernement s'interroge. Il y a des faits, il y a des possibilités juridiques et maintenant, ce dossier a été « interministérialisé » comme on dit, c'est-à-dire que sous l'autorité du Premier ministre, ce sont les ministres de l'Intérieur, de la Justice, de la Défense, etc., qui travaillent avec nous sur le sujet. D'autant qu'au-delà de l'affaire WikiLeaks, c'est une question de principe qui est posée. Est-ce qu'on considère, ce qui est mon cas, qu'Internet doit être un monde de liberté mais de liberté régulée, ou est-ce qu'on considère qu'Internet est un monde, entre guillemets, sans loi - ce que je ne crois pas. Le président de la République et le Premier ministre ont dit en la matière il y a eu un vol, un recel de vol. Vous savez que les États-Unis considèrent - c'est leur formulation - que c'est un site criminel. Pourquoi ? Parce qu'il met en danger la vie d'un certain nombre de personnes, des sources, et deuxièmement parce qu'il a commis un acte qui est extrêmement grave : la publication de sites stratégiques.
Donc a priori, on va arrêter d'héberger en France WikiLeaks. On va vers cette décision-là.
On verra. C'est une décision qui ne peut être prise qu'après une décision de justice, vous l'imaginez bien.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 21 décembre 2010
Bonjour G. Roquette.
M. Le Pen est à l'offensive sur tous les thèmes, ses thèmes classiques - immigration, insécurité - mais aussi sur l'économie et même sur la laïcité. Quelle est la bonne stratégie pour l'UMP ?
Ne pas la sous-estimer et en même temps ne pas faire d'elle une obsession et le centre du débat politique. La seule réponse pour les Républicains, c'est de répondre aux préoccupations du peuple français. Et lorsqu'elle dit un certain nombre de choses sur la nation, etc., il ne faut pas écouter ses réponses, elles ne sont pas très intéressantes, il faut en même temps écouter les préoccupations du peuple. Je crois qu'il faut un équilibre des droits et des devoirs - c'est le cas pour les Français, c'est le cas pour les étrangers - bien noter ce que sont les risques sur notre vivre ensemble. Oui, il y a des risques communautaristes, oui il y a des risques individualistes, oui il y a des Français qui se posent la question sur l'avenir de la France dans la mondialisation. Les Républicains doivent apporter des réponses sans se préoccuper de ces remèdes qui au demeurant mèneraient la France dans l'impasse.
Est-ce qu'il faut construire davantage de mosquées ?
Bien sûr. Bien sûr qu'il faut construire davantage de mosquées parce qu'il faut - c'est l'application pleine du principe de laïcité - il faut que ceux qui croient puissent exercer leur culte. L'État reconnaît, enfin, n'a pas à reconnaître des religions mais reconnaît le fait religieux. Et donc, il y a, il doit y avoir la possibilité matérielle de prier, ce qui au demeurant conduit quand ça n'est pas respecté à des scènes qui sont choquantes. Oui c'est choquant que les musulmans prient dans la rue. Mais c'est aussi choquant qu'ils ne puissent pas prier à l'intérieur de mosquées.
Et l'État, les pouvoirs publics, doivent participer au financement de ces lieux de culte ?
Vous savez ce qu'est la loi de 1905 : la meilleure façon, ce sont effectivement les baux emphytéotiques et la facilitation. Mais il ne faut pas être hypocrite de ce point de vue-là. On sait bien que le patrimoine historique des églises françaises a été apporté aux communes par la loi de 1905 parce que c'était la tradition. Aujourd'hui l'islam est la deuxième religion de France ; il faut que les musulmans puissent prier dans des conditions décentes, ce qui n'est pas le cas dans beaucoup de communes.
J.-F. Copé, le nouveau patron de l'UMP, veut rouvrir le débat sur l'identité nationale. Vous y êtes favorable ?
Je ne crois pas que la question soit exactement celle de la réouverture et ce n'est pas comme ça que j'ai entendu ce qu'a dit Jean-François et je suis d'accord avec sa préoccupation. La question est celle des valeurs. Les Français veulent une société de respect - je le disais à l'instant - d'équilibre entre les droits et les devoirs. Ils veulent que les étrangers qui s'intègrent dans la nation respectent nos lois, nos coutumes, nos traditions et d'un autre côté, les Français d'origine étrangère attendent que la France soit respectueuse de sa promesse, sa promesse d'égalité, sa promesse de non discrimination. Oui, tous ces sujets doivent être abordés de front, plus nécessairement sous la forme d'un débat, mais l'ancrage dans des valeurs parce que ces questions, elles traversent tous les pays européens - vous le voyez actuellement - mais c'est particulièrement sensible en France parce que la France n'a pas été basée sur une religion, sur une ethnie au départ ; c'est un peuple qui s'est fondé sur des valeurs.
On a le sentiment que la majorité a eu du mal à faire passer ce message-là puisqu'il faut rouvrir ce débat, puisque votre ministère même, votre ancien ministère, celui de l'Immigration et de l'Identité nationale, a été supprimé, comme si de toute façon on ne pouvait pas y arriver.
Le président de la République s'en est expliqué 48 heures après le remaniement lors d'une émission de télévision.
Ç'a été une surprise pour vous, la suppression de votre ministère ?
Non, pas tellement, mais il faudrait refaire l'historique de ce qui s'est passé. Maintenant sur le fond, moi je n'ai jamais à titre personnel renié ce débat, renié ce que j'ai essayé de dire même s'il y a eu des dérapages que j'ai déplorés ou condamnés, mais sur le fond je suis persuadé qu'un peuple qui n'est pas basé sur une ethnie, sur une religion mais sur des valeurs, doit en permanence s'interroger sur ses valeurs et sur son vivre ensemble. De cela, je n'ai jamais varié et je pense que la question va se poser pendant les dix ans qui viennent.
Vous êtes le ministre de l'Industrie. Le gros dossier industriel du moment, c'est Ingenico, fabricant français de terminaux électroniques. Il y a une offre publique d'achat d'un groupe américain sur Ingenico, offre publique inamicale. L'État est actionnaire de façon indirecte d'Ingenico. Est-ce que l'État va accepter cette offre américaine ?
L'État discute avec Safran et avec ses dirigeants bien évidemment.
Parce que Safran est lui-même l'actionnaire d'Ingenico.
Absolument. Et l'État a pleinement conscience du caractère stratégique de cette entreprise, Ingenico, pour la filière électronique française.
Plan stratégique pour être vendu à des Américains ?
Je ne sais pas, ce n'est pas à moi de l'exprimer de cette façon-là. En tous cas, je vous confirme que nous considérons - que l'État considère - que c'est une entreprise essentielle pour la filière électronique française. À titre personnel, je me réjouis qu'hier le conseil d'administration ait considéré que l'offre n'était pas suffisamment intéressante. C'est une étape très importante.
Mais c'est une question de prix ou une question de principe ?
C'est toute la discussion des jours qui viennent.
Le prix du gasoil est à 1,20 euro, le prix de l'essence à 1,45 euro. Vous êtes aussi le ministre de l'Énergie. On va à nouveau vers des sommets dans le prix des carburants ?
On va voir, on va voir. En tous cas vous avez raison ; il faut être très vigilant. Le prix du pétrole, comme l'ensemble du prix des matières premières - comment dire ? - doit mobiliser notre attention et notre vigilance d'autant que, vous le savez, je suis très, très attaché à l'accès à l'énergie et la lutte contre ce qu'on appelait la précarité énergétique. C'est pourquoi j'ai voulu par un arrêté qui sera opérationnel dès le 1er janvier, que nous ayons une baisse des tarifs sociaux du gaz et de l'électricité, parce que l'énergie est devenue un bien essentiel.
Pour ce qui concerne 650 000 clients à peu près.
Absolument. Pour ce qui concerne le pétrole, pour l'instant nous sommes avec mon équipe en situation de regard et de vigilance. On n'est pas encore dans une situation où il faut intervenir mais nous regardons de très près.
L'affaire WikiLeaks. Vous aviez dit : ce site Internet, qui donc a révélé des secrets diplomatiques américains, ne doit pas être hébergé en France. Pour l'instant, il n'y a pas de décision sur ce sujet, comme si le Gouvernement avait du mal à prendre une position.
D'abord c'est normal que le Gouvernement s'interroge. Il y a des faits, il y a des possibilités juridiques et maintenant, ce dossier a été « interministérialisé » comme on dit, c'est-à-dire que sous l'autorité du Premier ministre, ce sont les ministres de l'Intérieur, de la Justice, de la Défense, etc., qui travaillent avec nous sur le sujet. D'autant qu'au-delà de l'affaire WikiLeaks, c'est une question de principe qui est posée. Est-ce qu'on considère, ce qui est mon cas, qu'Internet doit être un monde de liberté mais de liberté régulée, ou est-ce qu'on considère qu'Internet est un monde, entre guillemets, sans loi - ce que je ne crois pas. Le président de la République et le Premier ministre ont dit en la matière il y a eu un vol, un recel de vol. Vous savez que les États-Unis considèrent - c'est leur formulation - que c'est un site criminel. Pourquoi ? Parce qu'il met en danger la vie d'un certain nombre de personnes, des sources, et deuxièmement parce qu'il a commis un acte qui est extrêmement grave : la publication de sites stratégiques.
Donc a priori, on va arrêter d'héberger en France WikiLeaks. On va vers cette décision-là.
On verra. C'est une décision qui ne peut être prise qu'après une décision de justice, vous l'imaginez bien.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 21 décembre 2010