Texte intégral
Madame la Ministre,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux davoir assisté à cette passionnante journée de débats qui, je le crois, était nécessaire pour initier un élan de réflexion sur les évolutions de notre fiscalité du patrimoine.
Je salue encore une fois les élus, les représentants dorganisations professionnelles, les économistes et les experts qui nous ont fait lhonneur de partager avec nous leur réflexion, et nous ont permis davancer sur un sujet dune importance capitale pour la compétitivité de notre pays.
Je tiens à saluer plus particulièrement les parlementaires qui ont accompagné la réflexion du Gouvernement au cours de ces dernières semaines, certains dentre eux ont participé sur la tribune à nos débats de la journée. Leurs idées, leur esprit douverture ont nourri de longues séances de réflexion collective, Christine LAGARDE en a été avec moi le témoin, dune qualité et dune intensité rares.
Le Président de la République et le Premier ministre mont confié le pilotage de cette réforme majeure. Conformément à son souhait, nous avons fixé un calendrier resserré, avec pour objectif de parvenir à un projet de loi examiné au Parlement avant lété 2011.
Nous avons souhaité dès lorigine que ce projet soit le fruit dune réflexion collective, car la question qui nous est posée est au cur du consensus démocratique : cest bien autour du consentement à limpôt que se sont construit les Parlements. Cest sur lidée de sa juste répartition en fonction des capacités contributives de chacun que sest construit notre pacte républicain.
Cest la raison pour laquelle nous avons souhaité vous accueillir aujourdhui. Cest la raison pour laquelle nous avons souhaité mobiliser le plus grand nombre dacteurs dhorizon divers : pour faire vivre ce débat.
Je ne reviendrai pas sur les raisons qui nous ont conduit à ouvrir cette réflexion : Christine LAGARDE avant moi a montré les limites dun système au bord de limplosion, et lurgence qui sattache à sa réforme.
Il me revient à présent, non pas de clore prématurément le débat, mais dévoquer devant vous certaines lignes directrices qui nous apparaissent clairement et quil me paraît utile de partager pour organiser notre réflexion collective. Je le ferai en deux temps : dabord pour tracer les exigences attachées à cette réforme, ensuite pour esquisser avec vous quelques pistes de réflexion.
I LES EXIGENCES DE LA REFORME
Première exigence : la réforme devra se faire dans le respect de léquilibre de nos finances publiques. Le Gouvernement sest engagé avec détermination dans un programme de maîtrise des déficits publics, qui exige de contenir les dépenses de lÉtat, mais aussi de ne pas saper ses ressources. Il ne déviera pas de la route quil sest tracée.
Mais au-delà même de cet impératif, financer la réforme par le déficit reviendrait à en faire peser le poids sur les générations futures. Ce nest pas une option. Toute réforme de la fiscalité du patrimoine devra être opérée à recettes constantes.
Deuxième exigence : la réforme ne devra être financée que par des contribuables aujourdhui à lISF. Si par nature toute réforme fiscale équilibrée conduit à des transferts de charge, il ne serait pas acceptable que ces transferts conduisent à faire porter aux classes moyennes un allègement dimpôt qui profiterait aux plus aisés.
Notre responsabilité, cest de trouver une manière plus équitable et plus efficace au plan économique dappeler la contribution aux charges collectives des plus fortunés de nos concitoyens. Cela nous conduira peut être à réviser la manière dont nous apprécions leur capacité contributive et leur participation au bien-être collectif.
? Cela signifie que nous ne pouvons financer la suppression de lISF en augmentant la tranche marginale de limpôt sur le revenu ou en créant une nouvelle tranche. Je sais que la tentation existe, mais il faut bien comprendre ce que cela signifie : ce serait en réalité faire porter à 300 000 actifs (53 ans de moyenne dâge), dont seulement un tiers paie lISF - car ils sont dans une phase daccumulation de leur patrimoine - un allègement bénéficiant à 600 000 personnes majoritairement inactives (66 ans de moyenne dâge) et dont 20% seulement sont à la tranche marginale de lIR. En un mot, transférer limpôt de ceux qui ont accumulé de la fortune vers ceux qui tentent de sen constituer une par leur travail. Ce nest pas le projet de société que porte ce Gouvernement.
? Cela signifie que le Gouvernement nimposera pas les plus-values réalisées sur la résidence principale. Ce nest pas un scoop : la résidence principale, vous le savez, nest pas un bien comme un autre. Le Gouvernement sengage à ne pas faire peser sa réforme fiscale sur la résidence principale, car cela reviendrait à organiser un transfert de charges vers les classes moyennes qui sont propriétaires de leur logement.
? Cela signifie également que nous ne reviendrons pas sur les mesures dallègement sur la transmission du patrimoine votées dans le cadre de la loi TEPA.
Dernier point : jexclus dintégrer les impôts locaux au périmètre de notre réforme. Cela ne signifie pas que nous interdisons toute réflexion sur la fiscalité locale. Mais outre le fait que celle-ci a déjà connu un bouleversement majeur avec la réforme de la taxe professionnelle, la fiscalité locale charrie des enjeux différents de ceux que nous examinons actuellement, et qui ont par ailleurs un lourd impact financier sur les collectivités. Ne nous compliquons pas inutilement la tâche.
II LES PISTES DE REFLEXION
Ces jalons étant posés, comment trouver la voie qui concilie toutes ces exigences ?
A/ Certains ont caressé lidée de supprimer le bouclier fiscal et la première tranche de lISF, tout en maintenant un plafonnement de lISF et de lIR à 70% des revenus.
Ce serait en quelque sorte une forme de « retour aux sources », à une époque, celle de la création de lISF, où le plafonnement nétait pas plafonné, où le taux marginal de lISF était de 1,5%, contre 1,8% aujourdhui.
Certes, cette solution conservatrice ne manque pas dattraits quand on est confronté à une équation complexe : elle a lavantage de limiter les effets de transfert, de supprimer le bouclier dans sa forme actuelle et de régler à court terme le problème de limposition de la résidence principale.
Mais cette logique de court terme est-elle réellement à la hauteur de nos ambitions ? Maintenir un mécanisme de plafonnement, nest-ce pas reconnaître quau fond, nous navons pas su éradiquer les vices de conception de cet impôt ?
Linclinaison naturelle de ce Gouvernement nest pas de regarder dans le rétroviseur, mais plutôt de construire un système moderne et pérenne, adaptée aux exigences de notre temps.
B/ Deux scénarios émergent de nos réflexions :
Ces deux scénarios de vraie réforme ont un point commun : parce quils reposent sur des réformes ambitieuses, ils rendent possibles la suppression pure et simple du bouclier. Ils concilient ainsi les deux objectifs majeurs de toute réforme de la fiscalité du patrimoine : lexigence de compétitivité et lexigence déquité.
1)Le premier scénario est radical : il consiste en une suppression du bouclier fiscal et de lISF, qui seraient remplacés par une imposition sur la richesse tirée du patrimoine.
Ce scénario offre la possibilité de moderniser limposition du patrimoine, en taxant uniquement les flux plutôt que les stocks. Mais sans le faire au détriment de ceux qui créent de la richesse, et sans alourdir le poids dimpositions qui sont déjà très lourdes vous lavez vu dans la présentation qui ma précédé par comparaison avec les pratiques internationales.
La philosophie dun tel scénario reposerait sur 3 piliers :
1 - Premier pilier : seuls les hauts patrimoines aujourdhui à lISF seraient concernés. Limposition ne concernerait que les foyers qui sont aujourdhui soumis à lISF, ou qui le seraient demain si cet impôt était maintenu. Il y a donc une identité de redevables entre ceux qui sont soumis à lISF et ceux qui seraient soumis à la nouvelle imposition.
Limposition nouvelle ne concernerait cependant que les plus hauts patrimoines, cest-à-dire ceux supérieurs à 1.3 M, seuil qui resterait calculé, par souci de simplicité, selon les modalités actuelles et connues de tous les redevables de lISF.
2 - Le second pilier : seul lenrichissement net serait imposé.
Le nouveau régime consiste à taxer au taux unique de 19% non plus la richesse elle-même, comme actuellement avec lISF, mais lenrichissement. Cet enrichissement sapprécierait en comparant la valeur densemble du patrimoine au 1er janvier et sa valeur au 31 décembre de lannée dimposition.
Le dispositif est donc très simple et équitable :
i)Celui qui senrichit restitue à la collectivité 19% de cette richesse supplémentaire ;
ii)Celui qui sappauvrit, car la valeur de son patrimoine a diminué, ne supporte pas dimposition. Cest là une différence fondamentale avec lISF. En outre, dans lhypothèse dun appauvrissement, cette perte de valeur viendrait en déduction des enrichissements réalisés au cours des dix années suivantes.
Deux actifs feraient exception :
La résidence principale, je lai déjà évoqué.
Les titres de PME non cotées, parce que leur valorisation est complexe et parce que le Gouvernement veut encourager linvestissement dans ces entreprises, comme le fait aujourdhui lISF.
Des outils simples et sécurisants seraient mis à la disposition des contribuables pour évaluer la valorisation de leurs biens immobiliers. Dans le même souci de simplicité, cet impôt pourrait, dans de nombreuses situations, être prélevé à source.
3 Le troisième pilier : la neutralité
Il nest pas question, comme aujourdhui pour lISF, de taxer deux fois les mêmes actifs : pendant leur détention et au moment de leur cession. La nouvelle imposition viendrait donc en déduction de limpôt dû en cas de cession. On supprimerait ainsi les doubles impositions en même temps que lon supprimerait tous les dispositifs qui permettent aujourdhui à certains patrimoines daccumuler des revenus parfois considérables en échappant à toute imposition.
Vous le voyez, lesprit dune telle approche, cest bien de taxer un flux plutôt quun stock.
Cest une réforme de compétitivité économique car elle finance la suppression de lISF, en élargissant lassiette plutôt quen augmentant des taux déjà élevés. Parce quelle neutralise, en appliquant un taux transversal, un biais curieux de notre fiscalité, qui favorise le placement dans des fonds sans risques plutôt que le placement en actions.
Cest aussi une vraie réforme de justice fiscale : là ou lISF pouvait appauvrir celui dont la fortune restait inchangée, voire diminuait, cest bien laccroissement de la fortune qui serait ainsi taxée. Surtout, cette taxation se ferait de manière simple, globale et sans échappatoire.
2) Le second scénario consisterait à supprimer non seulement le bouclier fiscal mais aussi les causes du bouclier fiscal, cest à dire à refondre profondément lISF.
Sans faire disparaître lISF, il sagit den corriger ses principaux défauts :
LISF souffre dabord dune dynamique absurde, qui a fait entrer en une décennie 300 000 ménages dans son champ, sous le seul effet de la flambée des prix de limmobilier. Est-on plus riche quand on na jamais quitté sa résidence principale mais que le marché semballe autour de soi ? Le même ménage dans la même maison et avec le même revenu est-il plus riche en 2011 quil ne létait en 2000 ?
Exclure la résidence principale de lassiette de lISF est assurément une voie tentante, mais elle peut créer dautres iniquités, entre la maison à 300 000 et lhôtel particulier à 15 M, entre les grandes villes et les moins grandes villes, entre le cadre qui déménage temporairement pour son emploi et les autres.
A ce stade de la réflexion, le Gouvernement dans cette hypothèse privilégie la suppression de la 1ère tranche de lISF.
LISF souffre ensuite dun barème absurde, déconnecté des réalités économiques. En 1982, le rendement des obligations dEtat était de 15%. Fixé à 1,5%, le taux marginal de lISF appréhendait, en sus de limpôt sur le revenu, 10% de ce rendement.
En 2010, avec un rendement de lordre de 3.6%, le taux marginal appréhende la moitié de ce revenu ! Il ne faut pas sétonner quon ait été obligé dappliquer des mécanismes de plafonnement, qui en réalité tuent la progressivité de lISF : par leur effet, le taux réel dISF supporté par les grandes fortunes est très éloigné du taux apparent.
Cest pourquoi le Gouvernement réfléchit à un barème rénové, simple, lisible, applicable à lensemble du patrimoine, autour de 2 taux qui pourraient être de 0,25% et 0,5%. A 0,5%, le rapport entre lISF et le rendement réel des actifs resterait supérieur à ce quil était en 1982 et ce taux serait supérieur au taux réel supporté aujourdhui par de nombreuses fortunes par leffet de divers plafonnements, bouclier et réductions dimpôts.
LISF souffre enfin de son excessive complexité et du caractère parfois inquisitorial des déclarations quil impose à ses assujettis. Pour pallier ces défauts, le Gouvernement réfléchit à une simplification de limpôt.
Les redevables assujettis au taux de 0,25% se contenteraient de déclarer globalement leur patrimoine sur leur déclaration dimpôt sur le revenu. Leur ISF serait intégré à lavis dimposition dimpôt sur le revenu. Ces simplifications pourraient concerner plus de 200 000 contribuables.
En résumé, nest-il pas possible de créer un impôt simple ? Un barème réaliste ? Une imposition sans plafonnement, sans niches et sans détours ? Voici laxe de réflexion que vous propose le Gouvernement.
Pour en terminer sur ces scénarios, je veux dire quils népuisent pas le débat.
Dautres réflexions ont cours, au Gouvernement comme dans la majorité :
Comment par exemple mettre à contribution les non-résidents qui bénéficient des services publics français sans toujours contribuer à leur financement à la hauteur de leur capacité contributive ?
Comment appréhender le revenu de celui qui sexpatrie, non pour des raisons professionnelles, mais seulement le temps déchapper à la taxation de sa plus-value ?
Nous réfléchissons à des mesures qui permettraient dinclure ces cas de figure dans notre fiscalité. Bien entendu, cela ne vise pas les Français qui travaillent à létranger et qui contribuent par leur activité au rayonnement international de notre pays.
Le Premier président de la Cour des comptes remettra demain au Président de la République un rapport sur la convergence fiscale franco-allemande : le système allemand peut être, en ce domaine, une source dinspiration. Voici des questions auxquelles nous devrons répondre dici le printemps.
Mesdames et Messieurs,
Vous le voyez, les deux grandes pistes de réformes qui émergent de cette journée de réflexion sont très différentes les unes des autres.
Elles ont en commun de mettre tous les termes du débat sur la table : quel type dimpôt voulons-nous ? Faut-il aller vers la suppression de l??ISF, comme la plupart de nos voisins européens, ou simplement laménager ? Dans cette dernière hypothèse, comment faire de lISF un impôt moderne et juste ?
Pour conclure cette journée, je souhaiterais rappeler que le Gouvernement na pas pris de décision à ce stade.
Il souhaite faire vivre le débat en fixant simplement un cap : lambition de construire un système juste, efficace économiquement, simple et lisible pour tous. Ce nest pas avec des demi-réformes que nous serons à la hauteur du mandat que nous ont confié les Français.
Je vous donne rendez-vous aux prochains débats sur la fiscalité du patrimoine et souhaite que le projet de loi que nous porterons au début de lété soit le reflet de ce travail de concertation et de réflexion.
Je vous remercie.
Source http://www.budget.gouv.fr, le 4 mars 2011
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux davoir assisté à cette passionnante journée de débats qui, je le crois, était nécessaire pour initier un élan de réflexion sur les évolutions de notre fiscalité du patrimoine.
Je salue encore une fois les élus, les représentants dorganisations professionnelles, les économistes et les experts qui nous ont fait lhonneur de partager avec nous leur réflexion, et nous ont permis davancer sur un sujet dune importance capitale pour la compétitivité de notre pays.
Je tiens à saluer plus particulièrement les parlementaires qui ont accompagné la réflexion du Gouvernement au cours de ces dernières semaines, certains dentre eux ont participé sur la tribune à nos débats de la journée. Leurs idées, leur esprit douverture ont nourri de longues séances de réflexion collective, Christine LAGARDE en a été avec moi le témoin, dune qualité et dune intensité rares.
Le Président de la République et le Premier ministre mont confié le pilotage de cette réforme majeure. Conformément à son souhait, nous avons fixé un calendrier resserré, avec pour objectif de parvenir à un projet de loi examiné au Parlement avant lété 2011.
Nous avons souhaité dès lorigine que ce projet soit le fruit dune réflexion collective, car la question qui nous est posée est au cur du consensus démocratique : cest bien autour du consentement à limpôt que se sont construit les Parlements. Cest sur lidée de sa juste répartition en fonction des capacités contributives de chacun que sest construit notre pacte républicain.
Cest la raison pour laquelle nous avons souhaité vous accueillir aujourdhui. Cest la raison pour laquelle nous avons souhaité mobiliser le plus grand nombre dacteurs dhorizon divers : pour faire vivre ce débat.
Je ne reviendrai pas sur les raisons qui nous ont conduit à ouvrir cette réflexion : Christine LAGARDE avant moi a montré les limites dun système au bord de limplosion, et lurgence qui sattache à sa réforme.
Il me revient à présent, non pas de clore prématurément le débat, mais dévoquer devant vous certaines lignes directrices qui nous apparaissent clairement et quil me paraît utile de partager pour organiser notre réflexion collective. Je le ferai en deux temps : dabord pour tracer les exigences attachées à cette réforme, ensuite pour esquisser avec vous quelques pistes de réflexion.
I LES EXIGENCES DE LA REFORME
Première exigence : la réforme devra se faire dans le respect de léquilibre de nos finances publiques. Le Gouvernement sest engagé avec détermination dans un programme de maîtrise des déficits publics, qui exige de contenir les dépenses de lÉtat, mais aussi de ne pas saper ses ressources. Il ne déviera pas de la route quil sest tracée.
Mais au-delà même de cet impératif, financer la réforme par le déficit reviendrait à en faire peser le poids sur les générations futures. Ce nest pas une option. Toute réforme de la fiscalité du patrimoine devra être opérée à recettes constantes.
Deuxième exigence : la réforme ne devra être financée que par des contribuables aujourdhui à lISF. Si par nature toute réforme fiscale équilibrée conduit à des transferts de charge, il ne serait pas acceptable que ces transferts conduisent à faire porter aux classes moyennes un allègement dimpôt qui profiterait aux plus aisés.
Notre responsabilité, cest de trouver une manière plus équitable et plus efficace au plan économique dappeler la contribution aux charges collectives des plus fortunés de nos concitoyens. Cela nous conduira peut être à réviser la manière dont nous apprécions leur capacité contributive et leur participation au bien-être collectif.
? Cela signifie que nous ne pouvons financer la suppression de lISF en augmentant la tranche marginale de limpôt sur le revenu ou en créant une nouvelle tranche. Je sais que la tentation existe, mais il faut bien comprendre ce que cela signifie : ce serait en réalité faire porter à 300 000 actifs (53 ans de moyenne dâge), dont seulement un tiers paie lISF - car ils sont dans une phase daccumulation de leur patrimoine - un allègement bénéficiant à 600 000 personnes majoritairement inactives (66 ans de moyenne dâge) et dont 20% seulement sont à la tranche marginale de lIR. En un mot, transférer limpôt de ceux qui ont accumulé de la fortune vers ceux qui tentent de sen constituer une par leur travail. Ce nest pas le projet de société que porte ce Gouvernement.
? Cela signifie que le Gouvernement nimposera pas les plus-values réalisées sur la résidence principale. Ce nest pas un scoop : la résidence principale, vous le savez, nest pas un bien comme un autre. Le Gouvernement sengage à ne pas faire peser sa réforme fiscale sur la résidence principale, car cela reviendrait à organiser un transfert de charges vers les classes moyennes qui sont propriétaires de leur logement.
? Cela signifie également que nous ne reviendrons pas sur les mesures dallègement sur la transmission du patrimoine votées dans le cadre de la loi TEPA.
Dernier point : jexclus dintégrer les impôts locaux au périmètre de notre réforme. Cela ne signifie pas que nous interdisons toute réflexion sur la fiscalité locale. Mais outre le fait que celle-ci a déjà connu un bouleversement majeur avec la réforme de la taxe professionnelle, la fiscalité locale charrie des enjeux différents de ceux que nous examinons actuellement, et qui ont par ailleurs un lourd impact financier sur les collectivités. Ne nous compliquons pas inutilement la tâche.
II LES PISTES DE REFLEXION
Ces jalons étant posés, comment trouver la voie qui concilie toutes ces exigences ?
A/ Certains ont caressé lidée de supprimer le bouclier fiscal et la première tranche de lISF, tout en maintenant un plafonnement de lISF et de lIR à 70% des revenus.
Ce serait en quelque sorte une forme de « retour aux sources », à une époque, celle de la création de lISF, où le plafonnement nétait pas plafonné, où le taux marginal de lISF était de 1,5%, contre 1,8% aujourdhui.
Certes, cette solution conservatrice ne manque pas dattraits quand on est confronté à une équation complexe : elle a lavantage de limiter les effets de transfert, de supprimer le bouclier dans sa forme actuelle et de régler à court terme le problème de limposition de la résidence principale.
Mais cette logique de court terme est-elle réellement à la hauteur de nos ambitions ? Maintenir un mécanisme de plafonnement, nest-ce pas reconnaître quau fond, nous navons pas su éradiquer les vices de conception de cet impôt ?
Linclinaison naturelle de ce Gouvernement nest pas de regarder dans le rétroviseur, mais plutôt de construire un système moderne et pérenne, adaptée aux exigences de notre temps.
B/ Deux scénarios émergent de nos réflexions :
Ces deux scénarios de vraie réforme ont un point commun : parce quils reposent sur des réformes ambitieuses, ils rendent possibles la suppression pure et simple du bouclier. Ils concilient ainsi les deux objectifs majeurs de toute réforme de la fiscalité du patrimoine : lexigence de compétitivité et lexigence déquité.
1)Le premier scénario est radical : il consiste en une suppression du bouclier fiscal et de lISF, qui seraient remplacés par une imposition sur la richesse tirée du patrimoine.
Ce scénario offre la possibilité de moderniser limposition du patrimoine, en taxant uniquement les flux plutôt que les stocks. Mais sans le faire au détriment de ceux qui créent de la richesse, et sans alourdir le poids dimpositions qui sont déjà très lourdes vous lavez vu dans la présentation qui ma précédé par comparaison avec les pratiques internationales.
La philosophie dun tel scénario reposerait sur 3 piliers :
1 - Premier pilier : seuls les hauts patrimoines aujourdhui à lISF seraient concernés. Limposition ne concernerait que les foyers qui sont aujourdhui soumis à lISF, ou qui le seraient demain si cet impôt était maintenu. Il y a donc une identité de redevables entre ceux qui sont soumis à lISF et ceux qui seraient soumis à la nouvelle imposition.
Limposition nouvelle ne concernerait cependant que les plus hauts patrimoines, cest-à-dire ceux supérieurs à 1.3 M, seuil qui resterait calculé, par souci de simplicité, selon les modalités actuelles et connues de tous les redevables de lISF.
2 - Le second pilier : seul lenrichissement net serait imposé.
Le nouveau régime consiste à taxer au taux unique de 19% non plus la richesse elle-même, comme actuellement avec lISF, mais lenrichissement. Cet enrichissement sapprécierait en comparant la valeur densemble du patrimoine au 1er janvier et sa valeur au 31 décembre de lannée dimposition.
Le dispositif est donc très simple et équitable :
i)Celui qui senrichit restitue à la collectivité 19% de cette richesse supplémentaire ;
ii)Celui qui sappauvrit, car la valeur de son patrimoine a diminué, ne supporte pas dimposition. Cest là une différence fondamentale avec lISF. En outre, dans lhypothèse dun appauvrissement, cette perte de valeur viendrait en déduction des enrichissements réalisés au cours des dix années suivantes.
Deux actifs feraient exception :
La résidence principale, je lai déjà évoqué.
Les titres de PME non cotées, parce que leur valorisation est complexe et parce que le Gouvernement veut encourager linvestissement dans ces entreprises, comme le fait aujourdhui lISF.
Des outils simples et sécurisants seraient mis à la disposition des contribuables pour évaluer la valorisation de leurs biens immobiliers. Dans le même souci de simplicité, cet impôt pourrait, dans de nombreuses situations, être prélevé à source.
3 Le troisième pilier : la neutralité
Il nest pas question, comme aujourdhui pour lISF, de taxer deux fois les mêmes actifs : pendant leur détention et au moment de leur cession. La nouvelle imposition viendrait donc en déduction de limpôt dû en cas de cession. On supprimerait ainsi les doubles impositions en même temps que lon supprimerait tous les dispositifs qui permettent aujourdhui à certains patrimoines daccumuler des revenus parfois considérables en échappant à toute imposition.
Vous le voyez, lesprit dune telle approche, cest bien de taxer un flux plutôt quun stock.
Cest une réforme de compétitivité économique car elle finance la suppression de lISF, en élargissant lassiette plutôt quen augmentant des taux déjà élevés. Parce quelle neutralise, en appliquant un taux transversal, un biais curieux de notre fiscalité, qui favorise le placement dans des fonds sans risques plutôt que le placement en actions.
Cest aussi une vraie réforme de justice fiscale : là ou lISF pouvait appauvrir celui dont la fortune restait inchangée, voire diminuait, cest bien laccroissement de la fortune qui serait ainsi taxée. Surtout, cette taxation se ferait de manière simple, globale et sans échappatoire.
2) Le second scénario consisterait à supprimer non seulement le bouclier fiscal mais aussi les causes du bouclier fiscal, cest à dire à refondre profondément lISF.
Sans faire disparaître lISF, il sagit den corriger ses principaux défauts :
LISF souffre dabord dune dynamique absurde, qui a fait entrer en une décennie 300 000 ménages dans son champ, sous le seul effet de la flambée des prix de limmobilier. Est-on plus riche quand on na jamais quitté sa résidence principale mais que le marché semballe autour de soi ? Le même ménage dans la même maison et avec le même revenu est-il plus riche en 2011 quil ne létait en 2000 ?
Exclure la résidence principale de lassiette de lISF est assurément une voie tentante, mais elle peut créer dautres iniquités, entre la maison à 300 000 et lhôtel particulier à 15 M, entre les grandes villes et les moins grandes villes, entre le cadre qui déménage temporairement pour son emploi et les autres.
A ce stade de la réflexion, le Gouvernement dans cette hypothèse privilégie la suppression de la 1ère tranche de lISF.
LISF souffre ensuite dun barème absurde, déconnecté des réalités économiques. En 1982, le rendement des obligations dEtat était de 15%. Fixé à 1,5%, le taux marginal de lISF appréhendait, en sus de limpôt sur le revenu, 10% de ce rendement.
En 2010, avec un rendement de lordre de 3.6%, le taux marginal appréhende la moitié de ce revenu ! Il ne faut pas sétonner quon ait été obligé dappliquer des mécanismes de plafonnement, qui en réalité tuent la progressivité de lISF : par leur effet, le taux réel dISF supporté par les grandes fortunes est très éloigné du taux apparent.
Cest pourquoi le Gouvernement réfléchit à un barème rénové, simple, lisible, applicable à lensemble du patrimoine, autour de 2 taux qui pourraient être de 0,25% et 0,5%. A 0,5%, le rapport entre lISF et le rendement réel des actifs resterait supérieur à ce quil était en 1982 et ce taux serait supérieur au taux réel supporté aujourdhui par de nombreuses fortunes par leffet de divers plafonnements, bouclier et réductions dimpôts.
LISF souffre enfin de son excessive complexité et du caractère parfois inquisitorial des déclarations quil impose à ses assujettis. Pour pallier ces défauts, le Gouvernement réfléchit à une simplification de limpôt.
Les redevables assujettis au taux de 0,25% se contenteraient de déclarer globalement leur patrimoine sur leur déclaration dimpôt sur le revenu. Leur ISF serait intégré à lavis dimposition dimpôt sur le revenu. Ces simplifications pourraient concerner plus de 200 000 contribuables.
En résumé, nest-il pas possible de créer un impôt simple ? Un barème réaliste ? Une imposition sans plafonnement, sans niches et sans détours ? Voici laxe de réflexion que vous propose le Gouvernement.
Pour en terminer sur ces scénarios, je veux dire quils népuisent pas le débat.
Dautres réflexions ont cours, au Gouvernement comme dans la majorité :
Comment par exemple mettre à contribution les non-résidents qui bénéficient des services publics français sans toujours contribuer à leur financement à la hauteur de leur capacité contributive ?
Comment appréhender le revenu de celui qui sexpatrie, non pour des raisons professionnelles, mais seulement le temps déchapper à la taxation de sa plus-value ?
Nous réfléchissons à des mesures qui permettraient dinclure ces cas de figure dans notre fiscalité. Bien entendu, cela ne vise pas les Français qui travaillent à létranger et qui contribuent par leur activité au rayonnement international de notre pays.
Le Premier président de la Cour des comptes remettra demain au Président de la République un rapport sur la convergence fiscale franco-allemande : le système allemand peut être, en ce domaine, une source dinspiration. Voici des questions auxquelles nous devrons répondre dici le printemps.
Mesdames et Messieurs,
Vous le voyez, les deux grandes pistes de réformes qui émergent de cette journée de réflexion sont très différentes les unes des autres.
Elles ont en commun de mettre tous les termes du débat sur la table : quel type dimpôt voulons-nous ? Faut-il aller vers la suppression de l??ISF, comme la plupart de nos voisins européens, ou simplement laménager ? Dans cette dernière hypothèse, comment faire de lISF un impôt moderne et juste ?
Pour conclure cette journée, je souhaiterais rappeler que le Gouvernement na pas pris de décision à ce stade.
Il souhaite faire vivre le débat en fixant simplement un cap : lambition de construire un système juste, efficace économiquement, simple et lisible pour tous. Ce nest pas avec des demi-réformes que nous serons à la hauteur du mandat que nous ont confié les Français.
Je vous donne rendez-vous aux prochains débats sur la fiscalité du patrimoine et souhaite que le projet de loi que nous porterons au début de lété soit le reflet de ce travail de concertation et de réflexion.
Je vous remercie.
Source http://www.budget.gouv.fr, le 4 mars 2011