Déclaration de M. Thierry Mariani, secrétaire d'Etat chargé des transports, sur les grandes orientations de la politique d'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire, à Paris le 11 janvier 2011.

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Mesdames et Messieurs, Messieurs les parlementaires,
Chacun comprendra que je commence avec un clin d'œil à Dominique BUSSEREAU, dont j'ai pris la suite. Je le remercie à nouveau ici de la manière dont s'est déroulée la passation de pouvoir. Je salue également les autres parlementaires que sont le Président d'Avenir-Transports, François-Michel GONNOT, et Louis NEGRE.
Monsieur le Président, Bernard SOULAGE, Messieurs les Présidents, Messieurs les Directeurs, Mesdames et Messieurs,
Je souhaite commencer mon propos en remerciant François-Michel GONNOT, Président d'Avenir-Transports, et Bernard SOULAGE, Président de Villes et Régions européennes de la grande vitesse, pour l'organisation de ce colloque sur le thème de l'ouverture à la concurrence des marchés ferroviaires. Je remercie également André STAUT avec un clin d'œil, puisque nous avions organisé ensemble avec François-Michel GONNOT, il y a six ans, un colloque sur le ciel unique européen placé sous la présidence de Dominique BUSSEREAU.
Il est important de présenter les nombreuses évolutions en matière d'ouverture à la concurrence des marchés ferroviaires. Il est tout aussi important d'y réfléchir en donnant l'occasion aux divers acteurs du secteur de se rencontrer et d'échanger.
Pour ma part, j'ai été surpris de l'importance accordée à la question de l'ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire, que ce soit dans des réunions de spécialistes comme ce colloque ou dans des réunions publiques que j'ai pu tenir lors de la campagne des élections régionales. Je pense en particulier à la question des TER.
L'ouverture à la concurrence des marchés ferroviaires est l'aboutissement d'un processus européen commencé en 1991 avec la directive 91440. Ce texte fondateur prévoit notamment les droits d'accès aux réseaux ferroviaires. Cette directive a ensuite été plusieurs fois modifiée avec les paquets ferroviaires. Je ne doute pas que le représentant de la Commission européenne en charge des transports ait évoqué avec vous les aspects communautaires du processus d'ouverture des marchés ferroviaires.
Pour ma part, je voudrais simplement vous dire quelques mots sur l'état actuel de l'ouverture des marchés ferroviaires en France et sur les perspectives qui s'offrent à nous en la matière.
Je commencerai par le marché du transport de marchandises. Celui-ci s'est progressivement ouvert à la concurrence. Depuis le 31 mars 2006, il est en France totalement ouvert. A cette date, la France avait d'ailleurs anticipé le calendrier européen de plusieurs mois. En 2010, la part de marché des nouveaux entrants représente 17%, alors qu'elle était proche de 5% seulement en 2004. A titre de comparaison, cette part de marché est d'environ 21% en Allemagne, alors que l'ouverture est intervenue outre-Rhin en 1994.
Ces résultats encourageants ne doivent cependant pas occulter la situation préoccupante du fret ferroviaire. Ce secteur a été particulièrement touché par la crise et il connaît depuis de nombreuses années de graves difficultés. Dans ces conditions, il est d'autant plus nécessaire que nous continuions à nous mobiliser pour le fret, avec les acteurs du secteur ferroviaire.
Je rappelle à cet égard que le gouvernement a lancé l'engagement national pour le fret ferroviaire. Ce programme d'action de grande ampleur s'est fixé huit axes de travail pour améliorer les services et développer de nouveaux produits qui correspondent à un investissement global en faveur du fret ferroviaire de plus de sept milliards d'euros d'ici à 2020. Ces projets intègrent notamment les projets de contournement de Lyon et de Nîmes-Montpellier, ainsi que la suppression des deux goulets d'étranglement sur le corridor Nord-Sud. Cet engagement destiné à restaurer la performance de ce secteur, notamment par l'amélioration des services et de la qualité du réseau, constitue notre feuille de route collective pour le fret ferroviaire.
Cette politique de revitalisation du fret ferroviaire s'inscrit aussi dans l'objectif d'évolution de la part modale du non routier non aérien de 14% à 25% à l'échéance 2022, objectif fixé dans la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement (loi du 3 août 2009).
S'agissant de l'ouverture à la concurrence du transport de voyageurs, elle a connu une accélération avec la libéralisation des services internationaux depuis le 13 décembre 2009. Depuis cette date, il est possible d'exploiter des services internationaux de transport de voyageurs et, au cours de ces services, de prendre et déposer des voyageurs à l'intérieur d'un même Etat (cabotage). Je précise que ce cabotage est encadré afin que l'objectif principal des services réalisés demeure bien l'international. Je souligne également l'importance de veiller à ce que l'équilibre économique des contrats de service public sur le territoire ne soit pas compromis par les dessertes intérieures réalisées à l'occasion des services internationaux.
Les textes européens ont fixé ces exigences qui sont reprises en France dans le code des transports, tout récemment publié, ainsi que dans le décret d'août 2010 relatif au transport ferroviaire des voyageurs. Certes, on ne compte pas encore de nouvel entrant circulant sur le marché public dans ce cadre. Toutefois, c'est un marché prometteur, comme en témoigne le partenariat lancé entre VEOLIA et TRENITALIA pour effectuer des services de trains de nuit entre la France et l'Italie à partir de l'été 2011. Je tiens à confirmer que ces projets reçoivent tout le soutien du gouvernement.
La perspective d'ouvrir à terme à la concurrence des services régionaux de voyageurs peut permettre d'améliorer la qualité du service aux usagers tout en améliorant la compétitivité du mode ferroviaire, notamment au profit des habitants de nos régions. Le gouvernement la conçoit comme un approfondissement de la décentralisation, dans la mesure où elle donne aux régions une possibilité de décision quant au choix de l'opérateur ferroviaire. Une ouverture éventuelle doit cependant être soigneusement préparée, en concertation avec l'ensemble des parties prenantes, au premier chef desquelles figurent les autorités organisatrices régionales.
Comme le gouvernement s'y était engagé lors du débat sur le projet de loi relatif à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires au Sénat, mon prédécesseur Dominique BUSSEREAU a mis en place le 7 avril 2009 un Comité des parties prenantes. Ce Comité travaille sur l'ouverture à la concurrence des services régionaux ferroviaires de voyageurs. La présidence en a été confiée au sénateur Francis GRIGNON. L'objectif de ce Comité est de parvenir à un constat partagé par les représentants des différentes entités conduites à intervenir dans le domaine des transports ferroviaires. Dans ce contexte, le Comité réunit des représentants des autorités organisatrices régionales de transport, de l'Etat, de la SNCF, des autres entreprises ferroviaires, de RFF, des usagers et du Conseil économique, social et environnemental.
A l'instar de la méthode mise en œuvre il y a une dizaine d'années pour la régionalisation des TER, il s'agit-là d'analyser de manière approfondie l'ensemble des sujets à traiter avant une ouverture à la concurrence. C'est notamment la question de la propriété et de la mise à disposition du matériel roulant, mais aussi celle du rôle du personnel de la SNCF et de l'utilisation par les nouveaux entrants des services en gare.
J'ai fait le point de ces travaux avec Francis GRIGNON il y a quelques jours. Je lui ai demandé qu'à l'issue des échanges avec les différentes parties intéressées, il remette au gouvernement un rapport global sur les points à traiter. Ce rapport proposera un encadrement législatif et réglementaire qui rende possible l'ouverture à la concurrence, tout préconisant la mise en place d'un dispositif acceptable par l'ensemble des acteurs du secteur ferroviaire. Nous analyserons ensuite ces propositions. Le rapport n'est pas encore publié, mais chaque personne curieuse le trouvera rapidement sur Internet. Quoi qu'il en soit, la remise officielle de la totalité de ce rapport devrait intervenir aux alentours de Pâques 2011.
Enfin, la question de l'ouverture des lignes nationales à la concurrence devrait prochainement être abordée par la Commission européenne. En effet, même si elle n'a pas fixé de date, la Commission a fait part de son intention de proposer une initiative sur le sujet dès 2012. D'ici là, elle a engagé des discussions avec le Conseil sur un projet de directive que la France soutient et qui apporte des améliorations au premier paquet ferroviaire, dans le sens d'une garantie du libre accès au réseau national.
Au-delà de ce point d'avancement des travaux, il faut rappeler que cette ouverture à la concurrence des marchés ferroviaires ne peut se faire sans un certain nombre de mesures d'accompagnement et sans l'implication de tous les acteurs concernés. Parmi ces acteurs figurent d'abord l'Autorité de régulation des activités ferroviaires. Cette Autorité est chargée d'accompagner le mouvement d'ouverture à la concurrence, mais aussi de veiller à ce que l'accès aux infrastructures et aux services soit équitable et non discriminatoire pour les entreprises ferroviaires. L'ARAF qui s'est mise en place l'été dernier est pleinement compétente depuis le 1er décembre 2010. Elle dispose désormais de tous les pouvoirs nécessaires pour mener à bien ses missions. C'est un élément indispensable dans l'organisation de notre système ferroviaire. Cet élément permettra de conforter les nouveaux entrants dans leur démarche.
D'autres acteurs concourent au développement de la concurrence dans le secteur ferroviaire dans des conditions optimales. Ainsi, l'Etablissement public de sécurité ferroviaire contrôle et veille au respect des conditions de sécurité, notamment au travers des autorisations qu'il délivre. Hubert du MESNIL, Président de RFF, vous a certainement rappelé l'importance des missions exercées par RFF pour l'attribution des sillons et la gestion des circulations, ainsi que pour la maintenance. A noter que la maintenance fait l'objet d'un effort sans précédent dans le cadre du plan de rénovation de réseau, avec près de mille kilomètres de voies régénérées chaque année, soit un doublement par rapport au début des années 2000. RFF mène également, à la suite du Grenelle, un programme très important d'investissement et de développement du réseau ferré : mille kilomètres de LGV en travaux en 2011, tant pour les lignes à grande vitesse que pour le réseau classique dans le cadre des contrats de projets.
D'autres mesures permettent de faciliter l'ouverture du transport ferroviaire à la concurrence. Je pense par exemple à la création de la Direction de la circulation ferroviaire, chargée pour le compte et selon les objectifs et principes fixés par RFF de la gestion des trafics et de la circulation. Ce service indépendant au sein de la SNCF assure ses missions en garantissant une concurrence libre et loyale, ainsi que l'absence de toute discrimination. Un décret précisant les règles de fonctionnement et d'organisation de ce service va d'ailleurs intervenir très rapidement. Concrètement, cette nouvelle organisation qui rapproche les services de RFF et de la SNCF permettra d'améliorer l'offre commerciale d'infrastructures. C'est une attente forte des entreprises ferroviaires et une priorité pour RFF.
Je pense également à l'adoption prochaine d'un décret destiné à renforcer l'autonomie du service spécialisé Gares et Connexions au sein de la SNCF. Ce service a été créé en avril 2009 pour assurer la gestion des gares et des services qui doivent y être offerts dans les meilleures conditions aux entreprises ferroviaires.
Grâce aux mesures législatives et réglementaires que nous avons prises, ainsi qu'au professionnalisme de l'ensemble des acteurs du marché, l'ouverture à la concurrence s'est jusqu'à présent déroulée dans le respect des exigences de sécurité et de conditions de travail des personnels concernés. Vous pouvez compter sur ma vigilance pour que ces exigences soient maintenues dans l'avenir.
Le développement des services de transport ferroviaire de marchandises et de voyageurs doit permettre aux clients et aux usagers, demain, de bénéficier d'un renforcement de l'attractivité de ce mode d'avenir en incitant chaque acteur à améliorer sa qualité de service et à baisser les prix.
Il appartient à l'Etat de définir les conditions et les modalités de l'ouverture à la concurrence, tout en veillant à préserver ce qui relève du service public de transport. C'est ce que nous venons de faire avec la convention qui pérennise et modernise l'offre des trains d'équilibre du territoire. Et c'est ce qu'à l'avenir, je continuerai, comme mon prédécesseur, à défendre avec conviction.
François-Michel GONNOT, Président d'Avenir-Transports
Merci beaucoup, Monsieur le Ministre. Merci à tous de votre attention.Source http://www.avenir-transports.org, le 11 février 2011