Déclaration de M. Benoist Apparu, secrétaire d'Etat chargé du logement, sur les mesures destinées à améliorer la condition locative des étudiants, à Paris le 5 avril 2011.

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Circonstance : Conférence nationale sur le logement étudiant, à Paris le 5 avril 2011

Texte intégral

Madame la Ministre, chère Valérie,
Monsieur le député Anciaux,
Madame la présidente [H. Mandroux, présidente de l'AVUF]
Messieurs les présidents,
Mesdames, Messieurs,

L'organisation de vos travaux de la matinée montre clairement deux caractéristiques de la politique du logement étudiant :
- la nécessité d'une offre diversifiée, pour répondre à la variété des besoins d'une population étudiante plus mobile et mieux répartie, au-delà des seuls logements des CROUS
- la dimension fondamentalement partenariale du développement de l'offre et de son insertion dans les territoires.

J'y ajouterais pour ma part, et ce sera le sens de mon intervention devant vous, une troisième caractéristique : la forte mobilisation de tous les acteurs et ses résultats concrets sur la période récente.

Vous le savez, la performance de notre enseignement supérieur est un des grands objectifs du quinquennat.

Pour relever ce défi, nous avons certes besoin d'amphithéâtres et de laboratoires, d'enseignants et de chercheurs, mais aussi, plus basiquement, de logements et de services pour faciliter la vie étudiante.

Sur ce plan, les engagements sont tenus. Permettez-moi de revenir sur trois d'entre eux.

* Premier engagement : développer l'offre de logements de qualité
Vous l'avez rappelé, les deux rapports du député Jean-Paul Anciaux, en 2004 puis en 2008, ont chiffré les besoins à 5 000 constructions et 7 000 réhabilitations par an.
Sur la base de ces rapports, le gouvernement s'est engagé dans un programme décennal ambitieux 2004-2014.

Pour atteindre les objectifs de construction, les règles de financement ont été modifiées. Les logements étudiants sont désormais financés par des prêts PLS, qui ouvrent droit à l'application d'un taux de TVA de 5,5 %, à l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pendant 25 ans, ainsi qu'au conventionnement à l'aide personnalisée au logement (APL).

Certains logements sont même financés en PLUS :
- c'est le cas en Ile de France dans le cadre d'un accord avec la région,
- c'est le cas en zones A et B, suivant les recommandations du second rapport de Jean-Paul Anciaux, lorsque les collectivités locales s'engagent financièrement.
Ainsi, entre 2004 et 2010, ce sont 37 512 logements qui ont été financés par des aides à la pierre, soit une moyenne annuelle de 5 359 logements, supérieure à l'objectif fixé.
L'objectif de 5 000 logements à créer chaque année est donc largement atteint, et plus largement encore en 2010 avec 6 848 logements financés.

Cette relance de la construction bénéficie principalement aux grands pôles universitaires, en particulier :
- Ile-de-France : 15 814 logements financés,
- Paca : 3 230 logements,
- Aquitaine : 3 069 logements,
- Midi-Pyrénées : 2 627 logements
- Pays-de-la-Loire : 2 514 logements.

Cette concentration sur les zones très tendues est une caractéristique qui traverse toute notre politique du logement. Nous devons construire en cohérence avec les besoins et les potentialités des territoires, d'où la nécessité de prendre en compte le logement étudiant dans la programmation de l'utilisation de l'espace.

Pour atteindre les objectifs de rénovation, outre les crédits budgétaires du ministère de l'enseignement supérieur, un effort important sur le budget du logement a été fait pour augmenter le niveau de l'allocation logement sociale (ALS) et financer ainsi une part significative de la réhabilitation ou de la reconstruction du parc ancien des CROUS.

Mais le développement d'un parc public dédié aux étudiants, qu'il soit géré par les CROUS ou par les organismes de logement social eux-mêmes, ne suffit pas pour répondre à la croissance de la demande et à sa diversification. Nous avons également besoin de développer une offre locative privée, et l'Etat la soutient en incitant les épargnants à investir dans de petits logements (Scellier) et dans des résidences étudiantes (Bouvard) à loyers maîtrisés.

* Deuxième engagement : faciliter l'accès au logement des étudiants
Développer une offre ne règle pas tous les problèmes, car la situation des étudiants est souvent fragile et leurs moyens modestes.

Il faut d'abord les solvabiliser, et leur donner les moyens d'assumer la charge d'un loyer. En matière d'aides personnelles au logement, le nombre d'étudiants bénéficiaires s'est aujourd'hui stabilisé. Sur 2 millions d'étudiants, un peu plus d'un tiers bénéficient d'une aide au logement (686 000 personnes sur 2 M, dont près de 200 000 boursiers sur 500 000), mais les deux tiers si on ne tient pas compte des étudiants logés gratuitement.

Le poids des aides au logement versés aux étudiants représente en 2009 un montant total de prestations de près de 1,3 milliard d'euros dont plus de 1 milliard d'euros au titre de l'allocation de logement sociale (ALS), ces 1,3 milliard étant imputés sur le budget du ministère du logement.

Même ainsi solvabilisé, un étudiant peut se heurter à des obstacles pour accéder à un logement, en particulier dans les marchés tendus des grandes villes universitaires. Il faut donc fluidifier les relations entre les bailleurs et les locataires étudiants.

Là encore, la collectivité intervient pour les soutenir, et les années récentes ont été marquées par beaucoup d'initiatives :
- dépôt de garantie : son montant a été ramené à deux mois à un mois par la loi pouvoir d'achat de 2008, et les partenaires sociaux peuvent le financer pour les étudiants boursiers dans le cadre du Loca pass
- caution : là aussi les partenaires sociaux d'Action logement peuvent se porter gratuitement caution vis-à-vis du propriétaire bailleur HLM pour le paiement des impayés du loyer et des charges locatives dans le cadre du Loca Pass.
- Assurance impayés de loyer et dégradation : la garantie des risques locatifs facilite l'accès au parc locatif privé de publics ne répondant pas aux critères habituels de solvabilité des compagnies d'assurance.

Sur ce dernier point, les besoins existent, beaucoup de collectivités sont prêtes à s'engager en appui du dispositif national, mais nous rencontrons deux difficultés :
- la diffusion encore insuffisante de la GRL par les assureurs, à laquelle nous travaillons de concert avec leurs représentants et Action logement ;
- le critère du taux d'effort maximum de 50 % qui, pour les étudiants non salariés non boursiers, peut constituer un obstacle. Là aussi nous réfléchissons avec les partenaires à des adaptations possibles de la GRL pour les étudiants modestes.

La contrainte financière n'est pas seule en cause - il faut aussi desserrer toute une série de contraintes juridiques, pour encourager l'essor de solutions qui ont fait leurs preuves à l'étranger.
- Dans le parc public, la colocation et la sous-location ont été facilitées par la loi MOLLE. Les dispositifs existent, les opérateurs doivent maintenant s'en saisir.
- Dans le parc privé, la colocation présente également de nombreux avantages, et pourtant sa diffusion reste insuffisante : en 2009 sur 700 000 étudiants bénéficiaires d'une aide au logement, 15 % seulement étaient colocataires.

Ce retard s'explique notamment par le recours fréquent des bailleurs au bail unique avec clause de solidarité. Cette solution présente un inconvénient majeur : le colocataire reste tenu envers le bailleur des loyers et charges échus après son congé, dès lors que le bail se poursuit avec le ou les autres preneurs. Même s'il perd tout droit d'occuper les lieux, il reste débiteur solidaire pendant toute la durée du bail.

Afin de limiter l'étendue dans le temps des effets de la solidarité, la Commission nationale de concertation a abouti à un consensus le 2 mars dernier sur la nécessité d'un assouplissement de la clause. Je propose donc de modifier la loi du 6 juillet 1989 pour préciser que la solidarité du colocataire prend fin à la date d'effet du congé régulièrement notifié, sous réserve que le nouveau colocataire soit agréé par le bailleur et le ou les colocataires en place.

* Troisième engagement : améliorer l'information et la protection des locataires étudiants
Nous le savons tous, les étudiants sont un public vulnérable, et qui, démarrant dans la vie, sont souvent mal préparés aux complexités de l'autonomie, et si mobilisés par leurs études qu'ils n'attachent pas toute l'attention requise aux contingences du quotidien.
Ils peuvent être facilement victimes des abus inhérents à tout marché de pénurie, sans toujours disposer de l'information suffisante pour faire valoir leurs droits.

Là encore, l'Etat agit. Frédéric Lefebvre reviendra plus en détail sur les mesures de prévention et de protection qui existent, mais je souhaiterais revenir sur deux initiatives particulières que j'ai prises sur le sujet, en lien avec les associations étudiantes.

D'abord, une brochure destinée aux jeunes locataires. Elle recense l'ensemble des aides dont ils peuvent bénéficier et des recours qu'ils peuvent engager en cas d'abus. Je m'étais engagé à la faire établir lorsque le débat sur les marchands de listes s'est ouvert. Sa diffusion dès d'aujourd'hui consacre cet engagement.

Surtout, une série de mesures destinées à lutter contre les abus des propriétaires de logements de micro-surfaces, dont les étudiants sont le public privilégié :
- la sanction de la méconnaissance du métrage Carrez associé aux locations, avec la possibilité pour les locataires d'obtenir une révision à la baisse du loyer lorsque la surface déclarée est erronée ;
- une surtaxe sur les revenus locatifs des logements loués à plus de 40 €/m2, quand on peut facilement trouver des logements loués à plus du double à Paris ;
- une amélioration de la transparence sur les loyers pratiqués, via le site internet de l'OLAP
- la conclusion d'une charte de bonne pratique avec les professionnels.

Le fonctionnement du marché locatif et la qualité de notre offre de logements sont des facteurs essentiels de l'attractivité et de l'efficacité de notre enseignement supérieur. Notre responsabilité collective est donc de mettre en place les outils et les partenariats les mieux adaptés.

Le défi est difficile à relever, tant les étudiants d'aujourd'hui diffèrent de leurs prédécesseurs : plus nombreux, ils mènent des études plus longues, dans davantage de villes universitaires.

La spécialisation par pôles, la pratique des stages, l'alternance et les échanges internationaux impliquent une plus grande mobilité.

Tout concourt donc à faire du logement étudiant un défi pour la France de demain. Je crois que l'innovation en la matière est au cœur de vos travaux de l'après-midi, nourris par les expériences de terrain.

J'espère qu'en émergeront les initiatives indispensables pour cette grande cause que doit être le logement étudiant.

Je vous remercie de votre attention.

Source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 6 avril 2011