Questions réponses de M. François Fillon, Premier ministre, sur le pouvoir d'achat et la prime de 1000 euros, la politique budgétaire et fiscale et les relations entre le président de la République et le Premier ministre, à Paris le 5 mai 2011.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Questions réponses à l'issue du séminaire du Gouvernement, à l'hôtel Matignon à Paris le 5 mai 2011

Texte intégral

Question : Monsieur le Premier ministre, vous
avez parlé des engagements du Président
pendant la campagne, et vous avez dit que la
plupart avaient été tenus. S'agissant de la
promesse du "Président du pouvoir d'achat",
est-ce que la prime de 1.000 euros est
nécessaire et suffisante à cocher la case
"Promesses tenues", première question. Et,
deuxième question : vous avez évoqué
brièvement la pression fiscale, dans le
programme pluriannuel de la France qui a été
adopté cette semaine, que vous avez fait
adopter, on voit que le taux des prélèvements
obligatoires devrait augmenter ces prochaines
années. Est-ce que cela veut dire que le
Gouvernement, qui succédera en 2012, devra
augmenter les impôts ou à tout le moins ne
pourra pas les baisser ?
François Fillon : Merci beaucoup de me poser
ces questions, qui vont me permettre de
revenir sur des sujets essentiels. D'abord,
pouvoir d'achat. Vous répétez les uns ou les
autres, jour après jour, que les engagements
n'ont pas été tenus sur le pouvoir d'achat. C'est
faux. Regardez les chiffres. Le pouvoir d'achat
des Français a progressé chaque année depuis
l'élection du Président de la République, et cela
malgré la crise. J'ai donné tout à l'heure les
chiffres.
2009 : 1,6 % quand le pouvoir d'achat dans
les autres pays européens était en
augmentation de 0,7 %. Le pouvoir d'achat a
progressé. Naturellement, nous aurions
souhaité qu'il progresse plus, mais nous avons
dû affronter cette crise économique et
financière et c'est une performance de la
France, des Français, et le Gouvernement y a
pris toute sa part, sous l'autorité du président
de la République, que d'avoir maintenu une
progression du pouvoir d'achat pour les
Français, en moyenne, dans un contexte aussi
difficile.
La prime qui va être mise en place n'a rien à
voir avec cette question du pouvoir d'achat. Et
d'ailleurs, ce n'est pas une prime de 1 000
euros, donc… Vous voulez que je coche des
cases ? Vous pouvez rayer 1 000 euros, et puis
vous pouvez rayer "pouvoir d'achat". C'est une
mesure de justice de sociale.
Il y a deux ans, le président de la République
et le Gouvernement ont demandé aux
partenaires sociaux de se mettre d'accord, de
négocier sur une meilleure répartition de la
valeur produite par l'entreprise. Chaque année,
les entreprises, quand elles sont bénéficiaires,
produisent de la valeur. Cette valeur c'est le
résultat des capitaux qui ont été investis dans
l'entreprise, mais c'est aussi le résultat du
travail des salariés.
Ce travail des salariés il est rémunéré, nous
sommes dans une situation où la compétitivité
rend difficile des augmentations importantes de
salaire, parce qu'il y a la compétition mondiale.
Mais il n'est pas anormal que les bénéfices de
l'entreprise soient répartis de façon plus
équitable, entre les actionnaires,
l'investissement nécessaire dans l'avenir et les
salariés. Et donc puisque en deux ans les
partenaires sociaux n'ont pas avancé d'un iota
sur cette négociation, nous avons décidé de
proposer un projet de loi.
Ce projet de loi est très simple : toutes les
entreprises de plus de cinquante salariés qui
augmentent la distribution de dividendes à
leurs actionnaires, par rapport à une moyenne
de deux ans, sont tenues d'ouvrir une
négociation avec les partenaires sociaux pour
verser une prime qui représente une partie au
fond de ces dividendes versés aux salariés.
La négociation est libre, naturellement, le
montant de la prime sera fixé par l'entreprise et
les partenaires sociaux.
Simplement, sur la question des charges
pesant sur cette prime, nous avons fixé jusqu'à
1 200 euros l'exonération de charges sociales.
Ce sera le même traitement que pour les
dividendes, c'est-à-dire le forfait social. Ce qui
est assez logique, puisque au fond, dans
l'esprit qui est celui de ce projet de loi, c'est
bien une meilleure répartition des dividendes
entre les actionnaires et les salariés.
Dans les entreprises de moins de cinquante
salariés, conscients des fragilités que
représentent beaucoup de ces entreprises, cette
négociation sera possible, mais elle sera
simplement facultative dans les mêmes
conditions, avec les mêmes avantages.
J'ajoute que si dans une entreprise, à la suite
d'une négociation sociale, des propositions
meilleures que celles que nous faisons sont
faites, naturellement elles pourront se
substituer au dispositif.
Deuxième sujet sur les prélèvements
obligatoires : nous allons et nous avons
commencé à supprimer des niches fiscales.
Ces niches fiscales, qui ont été accumulées au
cours des années, avaient sans doute, toutes,
des justifications, certaines d'ailleurs ne les
avaient plus.
Mais surtout c'était un moyen pour beaucoup
de contribuables d'échapper à l'impôt que
normalement leur capacité financière devait les
conduire à acquitter.
Donc, nous avons décidé de mettre de l'ordre
dans ces niches fiscales, et l'augmentation des
prélèvements que vous évoquez, qui est
contenue dans le document que nous avons
remis à Bruxelles, c'est la poursuite de la
suppression, année après année, de ces niches
fiscales.
Il y a d'ailleurs, dans le programme qui a été
voté par l'Assemblée nationale et le Sénat, un
montant annuel de suppressions de niches
fiscales. Il n'y a pas d'augmentation généralisée
des impôts.
Question : Est-ce que la réforme
constitutionnelle sur les finances publiques sera
adoptée à l'été, c'est-à-dire est-ce que vous
entendez réunir un Congrès dès cet été pour
l'appliquer rapidement ? Deuxième question :
est-ce qu'il faudra supprimer à nouveau 16.000
postes de fonctionnaires dans l'Education
nationale en 2012 ?
François Fillon : A la deuxième question, j'avais
déjà répondu, puisque la règle du 1 sur 2
continuera de s'appliquer en 2012, comme
d'ailleurs le Parlement s'y est engagé en votant
les lois de finances pluriannuelles.
Après, la répartition à l'intérieur des effectifs de
la fonction publique d'Etat, c'est un débat que
nous avons chaque année, que nous aurons
encore cette année, mais enfin, grosso modo,
on est sur les mêmes chiffres.
Deuxièmement, sur la réforme
constitutionnelle, je voudrais d'abord saluer le
vote intervenu hier soir (et je voudrais en
remercier François Baroin car ça n'était pas si
facile) du texte à l'Assemblée nationale. Il faut
maintenant que le débat s'engage au Sénat.
Nous verrons bien, en fonction du vote au
Sénat et en particulier de la question de savoir
si le vote sera conforme, nous verrons bien
quand est-ce que nous engagerons la dernière
étape, qui est celle de la réforme
constitutionnelle.
J'ai compris que la Gauche n'était pas favorable
à cette réforme. Elle est devant ses
responsabilités et, en réalité, une fois que nous
serons à la veille de prendre la décision de
convoquer le Congrès, les masques tomberont,
et on verra bien quels sont ceux qui veulent se
donner les moyens de réduire le déficit, et
quels sont ceux qui, tout en étant critiques sur
la politique économique et financière conduite,
n'ont absolument pas l'intention de le faire.
J'ajoute d'ailleurs que dans les projets du Parti
socialiste, dans les propos qui sont tenus par
les responsables socialistes, j'ai compris qu'ils
envisageaient de négocier avec nos partenaires
européens de retarder de deux ans le retour à
l'équilibre des comptes publics.
Outre que je leur souhaite beaucoup de plaisir
pour négocier avec des partenaires européens
qui eux-mêmes savent que ces décisions
conditionnent la bonne tenue financière de
notre monnaie, la conséquence immédiate de
cette annonce serait une fragilisation de la
notation financière de notre pays, et quand on
paie 45 milliards d'euros d'intérêts, on
comprend qu'il y a de bonnes raisons de
protéger cette notation triple A et de protéger
le taux d'intérêt qui est le nôtre, aujourd'hui.
Question : Tous les voyants sont au rouge en
terme d'enquête d'opinion, est-ce que malgré
tout, vous vous dites vous aussi : la situation
pour 2012, je la sens bien.
François Fillon : Oh ! Vous savez les voyants…
Quand on regarde les derniers sondages, c'est
très intéressant, on voit qu'il y a une majorité
de Français très large, qui est critique sur le
bilan du Gouvernement, et puis quand on
regarde les réformes les unes après les autres,
on s'aperçoit que finalement beaucoup de ces
réformes sont jugées de façon assez positive
par nos concitoyens.
Je crois que nous avons dû affronter une
situation économique et financière très difficile,
et quand je regarde la situation dans les autres
pays européens, la situation politique, elle est
souvent plus difficile que chez nous.
Les tensions en Allemagne sont très fortes, le
nouveau gouvernement britannique est
confronté à des résistances importantes,
l'Espagne, le Portugal, on voit dans certains
pays d'Europe du nord, monter le
nationalisme, des expressions d'extrême
droite… C'est une situation qui est assez
naturelle dans une phase de sortie de crise au
fond.
Nous venons de connaître une crise difficile,
cette crise a conduit nos concitoyens à faire des
efforts, à faire des sacrifices.
Aujourd'hui, on est dans la phase de
redémarrage de l'économie, il y a beaucoup
d'impatience, on a un an devant nous et c'était
un des leitmotivs de notre séminaire : un an
devant nous pour consolider cette croissance et
pour poursuivre l'effort de réforme sans se
préoccuper des sondages et des tensions
politiciennes. Et on verra bien à ce moment-là,
au bout de l'année, lorsque les Français auront
l'ensemble des résultats sous les yeux,
lorsqu'ils auront les projets devant eux,
lorsqu'ils auront à choisir entre des candidats,
des hommes et des femmes, sur la base de
leur parcours, sur la base de leur passé, sur la
base de leur crédibilité politique, oui, je suis
confiant dans l'avenir.
Question : Vous êtes à Matignon depuis quatre
ans et sans doute, sauf surprise peut-être, cinq.
C'est donc aussi votre bilan aujourd'hui. Je
voudrais savoir quel regard vous portez sur vos
relations avec le président de la République,
comment vous les qualifieriez. Je voudrais
savoir aussi, au regard de ce que vous aviez
écrit en 2006 dans un livre qui s'appelait "La
France peut supporter la vérité", si vous êtes
toujours partisan de la suppression du poste de
Premier ministre ?
François Fillon : Je vais commencer par là.
J'écrivais à l'époque mon souci de voir simplifié
notre système politique, notre système
institutionnel, d'aller vers un Président qui
gouverne, vers un Président élu pour cinq ans
au suffrage universel, qui assume lui-même les
réformes, et pas comme un Président arbitre,
comme ça a été si souvent le cas dans la 5e
République.
Et dans cet esprit, je préconisais une reforme
plus radicale des institutions, c'est-à-dire la
présidentialisation du régime. Bon, quand on
est dans l'opposition, on a toujours la tentation
d'aller plus loin dans la radicalité des réformes.
Je reste persuadé que la présidentialisation, le
régime présidentiel est un régime que la France
pourrait supporter, mais ce n'est pas le choix
que nous avons fait lors de la réforme
constitutionnelle qui a été votée en 2008.
Et donc dans cette réforme constitutionnelle,
dans l'équilibre que nous avons retenu, oui le
Premier ministre a toute sa place, il ne l'aurait
pas dans un vrai régime présidentiel où il
devrait être remplacé par un vice Président.
Quant à mes relations avec le président de la
République, elles sont excellentes, comme vous
le savez. D'ailleurs la meilleure preuve c'est que
je suis son Premier ministre depuis quatre ans,
je vais sans doute battre quelques records dans
le cadre de la 5e République, c'est je pense la
meilleure réponse à tous ceux, qui depuis
quatre ans, cherchent en permanence à nous
opposer.
Question : Une question : à titre personnel,
dans la probable campagne présidentielle de
Nicolas Sarkozy, quel rôle vous vous voyez
jouer ?
François Fillon : Alors comme vous avez pu le
constater, pendant trois heures, j'ai appelé les
ministres à se concentrer sur le gouvernement
de la France, sur la poursuite des réformes, sur
la conduite de la politique gouvernementale et
pas sur la préparation de l'élection
présidentielle.
Ca c'est un autre sujet et c'est pour plus tard.
Merci beaucoup.
Source http://www.gouvernement.fr, le 9 mai 2011