Texte intégral
GUILLAUME DURAND Nous sommes avec Benoist APPARU, ce matin, et Michaël DARMON, secrétaire d'Etat au Logement, évidemment pas Michaël DARMON, mais vous, Benoist APPARU. Bienvenue sur notre antenne. Vous avez bien fait de venir ce matin parce que je vais montrer aux téléspectateurs de I TELE qui nous rejoignent, évidemment la Une des ECHOS où on parle de la flambée, vous le savez, des prix de l'immobilier, avec des records encore battus, non seulement dans les grandes villes, notamment à Paris, mais en même temps sur la France entière. C'est les chiffres des notaires. Je montre ça à la caméra. Les prix augmentent de 9 %. Est-ce que c'est irréversible ?
BENOIST APPARU C'est très difficile de vous répondre, de savoir si c'est irréversible ou pas. En tout cas, on sait qu'on a une tendance fortement haussière sur Paris, l'Ile de France. France entière, le chiffre est trompeur parce qu'on a
GUILLAUME DURAND 9 % c'est important quand même !
BENOIST APPARU C'est important, mais c'est tellement tiré par Paris qu'on en oublie de dire qu'il y a la moitié des régions où les prix stagnent ou baissent.
GUILLAUME DURAND Ca monte où, ça descend où, information ce matin ?
BENOIST APPARU Très concrètement, ça monte en Ile de France, dans les grandes métropoles, et dans le reste du territoire ça baisse. En gros, vous prenez
GUILLAUME DURAND enfin, la France devient de plus en plus urbaine, vous le savez.
BENOIST APPARU Oui, mais 95 % du territoire n'est pas urbain en tant que tel. Donc, ça monte où ? Ca monte évidemment à Paris, en Ile de France, dans les très grandes villes, Bordeaux, Marseille, Lyon
GUILLAUME DURAND Côte d'Azur, sud-ouest.
BENOIST APPARU la Côte d'Azur, la façade Atlantique, bien évidemment. Sur le reste du territoire, par exemple chez moi, dans la Marne, c'est plutôt une tendance à la baisse ou à la stagnation. Donc, il faut être mesuré par rapport à ce qui se passe en France. Là où ça explose c'est clairement l'Ile de France.
GUILLAUME DURAND Là où c'est intéressant, c'est qu'on a l'impression que non seulement les prix augmentent d'une manière quand même assez faramineuse dans les grandes villes, mais en plus les ventes ont plutôt tendance à stagner. Comment on peut expliquer, parce que d'habitude on a l'impression que c'est un processus logique, c'est-à-dire les prix montent parce qu'il y a une demande considérable, or là, visiblement les ventes sont en train de s'éroder. Je ne parle pas des quartiers hyper luxueux.
BENOIST APPARU Alors, ce qui est en train de s'éroder notamment, ce sont les ventes de biens neufs liées à la promotion immobilière. Sur le marché du privé de l'ancien, les choses sont plus nuancées, là encore. Il y a un seul schéma qui compte, notamment en Ile de France où les prix flambent : il faut produire pour rééquilibre l'offre et la demande. Il n'y a pas assez de logements neufs qui se construisent en Ile de France. La région Ile de France est la dernière région de production de logements la dernière ! alors que c'est celle où les prix explosent le plus. Donc, il faut inverser totalement la tendance, et pour inverser la tendance il y a une seule recette : il faut libérer du foncier. Si vous n'avez pas la matière première foncière pour construire vos logements, ben vous ne construirez pas les logements. Et c'est l'une des raisons pour lesquelles, aujourd'hui même d'ailleurs, on va clôturer six mois de travail sur une réforme un peu ambitieuse, un peu lourde, demandée par le président de la République sur l'urbanisme, parce que c'est ça qui fait le droit des sols.
GUILLAUME DURAND Alors, le président de la République qui voulait une France de propriétaire, mais c'est devenu une France de très riches propriétaires aujourd'hui.
BENOIST APPARU Non !
GUILLAUME DURAND Parce qu'on a l'impression que Paris, c'est beaucoup moins le cas qu'à Londres ou à Manhattan, etc. mais enfin on est quand même parti pour se retrouver dans des villes où il y aura
BENOIST APPARU quand on voit les prix à Manhattan
GUILLAUME DURAND Non mais, ça, on va parler de l'affaire STRAUSS-KAHN, mais la crainte quand même socialement c'est de se retrouver quand même dans des centres villes qui sont quand même le coeur de l'exécutif, de la vie sociale, de la vie culturelle, où il n'y aura plus que des limousines, des taxis, des chauffeurs et plus aucun revenu modeste à l'horizon.
BENOIST APPARU Je suis d'accord, mais quand on parle de la France des propriétaires on ne parlait pas de Paris ville de propriétaires. Il n'y a pas que Paris dans le monde, il n'y a pas que Paris en France, et on a deux millions de parisiens pour qui effectivement c'est aujourd'hui très difficile d'acheter un bien si vous n'êtes pas plutôt très fortuné, ou en tout cas si vous n'avez pas un salaire très confortable.
GUILLAUME DURAND Mais là je ne parlais pas simplement de Paris, je parlais des centres villes.
BENOIST APPARU Oui, mais les centres villes, on a plutôt
GUILLAUME DURAND Bordeaux, Lyon.
BENOIST APPARU Oui, mais on a des prix à Bordeaux, à Lyon, qui sont certes élevés, qui sont certes en hausse, et qui vont être à, allez, 3 000 /m² maximum. On n'est pas aux 8 000 de Paris. Il y a vraiment enfin, Paris, les chiffres qu'on nous donne aujourd'hui c'est 8 000 /m². Sur des grandes villes comme Lyon, Marseille ou Bordeaux, vous serez autour de 3 000. Donc, on n'est pas du tout sur la même planète. Et la France de propriétaires, je pense qu'on est en passe, si ce n'est de la réussir en tout cas d'avoir une très grande avancée avec le prêt à taux zéro nouveau que nous avons créé à partir du 1er janvier, qui marche très bien, et qui devrait doubler en 2011 le nombre de nouveaux propriétaires par rapport à ce qu'on observait les autres années.
GUILLAUME DURAND Et pourquoi à Paris n'y a-t-il pas de logement suffisamment construit ? Enfin, je parle de Paris et de la région parisienne.
BENOIST APPARU Parce que sur Paris et la région parisienne vous avez une pression foncière très forte, et si les prix sont aussi hauts c'est que les terrains sont très très élevés. Et il faut arriver maintenant à inventer de nouveaux terrains. Par exemple, travailler sur la surélévation d'immeubles, travailler sur
GUILLAUME DURAND mais les Français détestent ça ! Aux Etats-Unis, ça pose pas des problèmes, les Français détestent ça.
BENOIST APPARU Mais on verra ! Je ne suis pas si convaincu
GUILLAUME DURAND souvenez-vous quand Bertrand DELANOË a essayé justement d'évoquer au centre de Paris ce genre de problème, tous les riverains, les commerçants, tout le monde a hurlé.
BENOIST APPARU Surélever dans le 4e ou le 3e arrondissement de Paris, on est d'accord, ça va être difficile, et en plus il faut y faire attention parce que la richesse de Paris c'est aussi son patrimoine. Mais il n'y a pas que le 3e, le 4e et le 1er arrondissement à Paris, il y a d'autres arrondissements dans lesquels les choses sont plus ouvertes. Et puis, au-delà de ça, transformation de bureaux en logements. Prenez un exemple, la taille de la ville de Paris c'est 8 000 ha, d'accord. 8 000 ha, c'est la taille de la ville. Je fais une comparaison, la surface des parkings des grandes surfaces en Ile de France c'est 5 000 ha, quasiment la taille de ville de Paris. On a des volumes, des fonciers qui sont différents, qui sont nouveaux, qu'il va falloir travailler. Et ce sont des terrains qui sont plus compliqués à construire, ça coûte plus cher, bien évidemment ça demande des opérations urbaines plus complexes mais c'est maintenant, dans cette direction-là qu'il faut impérativement aller si on veut régler les questions de crise du logement en Ile de France.
GUILLAUME DURAND Je repose la question, Benoist APPARU vous êtes secrétaire d'Etat au Logement, est-ce que vous avez la crainte, vous, parce que c'est votre fonction au sein du gouvernement, que pendant cette période, justement, on arrive à un moment où les villes de France ne soient plus habitées que par de bourgeois, voire des grands bourgeois ?
BENOIST APPARU Je ne le crois absolument pas.
GUILLAUME DURAND Ce qu'on appelle aux Etats-Unis la « gentryfication », c'est-à-dire
BENOIST APPARU Je ne le crois absolument pas. Il y a cette problématique claire à Paris, c'est la raison pour laquelle il faut faire du logement social, il faut faire du logement dit intermédiaire à Paris pour arriver à avoir une mixité de population sur Paris. Sur le reste du territoire, sincèrement, cette problématique n'a strictement rien à voir, les prix n'ont rien à voir, les loyers n'ont rien à voir. On n'est pas sur la même problématique.
GUILLAUME DURAND Et vous croyez que la population en veut de ce logement social ? C'est-à-dire les bourgeois qui sont installés à Paris ou dans les villes de la périphérie parisienne, vous croyez qu'ils sont pour ? Evidemment non !
BENOIST APPARU Evidemment, probablement pas, en tout cas on sera d'accord.
GUILLAUME DURAND Ils veulent rester entre eux.
BENOIST APPARU Je ne suis pas sûr que les choses soient aussi basiques que ça.
GUILLAUME DURAND C'est une question.
BENOIST APPARU C'est vrai qu'on a de temps en temps des ghettos de riches, de temps en temps aussi, à l'inverse, des ghettos de logement social. Quand vous avez une commune qui a 80 % de logement social, c'est pas beaucoup plus de la mixité que dans les communes qui en ont 5 %. Donc, il faut qu'on trouve l'équilibre sur Paris, sur l'Ile de France, comme sur l'ensemble du territoire, mais là encore faites attention à un point, ne résumons pas la situation parisienne, où effectivement on a une envolée des prix qui est délirante, et le reste du territoire où les prix, certes, augmentent, mais dans une mesure qui est beaucoup, beaucoup plus raisonnable.
GUILLAUME DURAND Quel est le nombre ou le chiffre précis des logements construits actuellement ?
BENOIST APPARU C'est très difficile de vous répondre. On estime qu'on finira l'année, allez, à un petit 400 000, 380, 370 000 logements, c'est-à-dire qu'on retrouve les tendances qui sont celles d'avant crise. On a un vrai feu vert sur les constructions de logements en tant que telles. Je pense que 2011 sera une très bonne année en la matière. En gros, avant la crise on était légèrement au-dessus de 400 000 logements. Pendant la crise, on a perdu la production, la construction de 100 000 logements. Et on est en train de les rattraper, donc de point de vue-là la tendance est plutôt bonne, les nouvelles sont plutôt très bonnes, donc on devrait avoir une très bonne année en matière de production de logements.
GUILLAUME DURAND L'affaire STRAUSS-KAHN, évidemment vous avez vu ce matin, il n'y a pas que la Une des ECHOS, il y a d'autres journaux, il y a eu LES ECHOS, excellent journal, mais on parle beaucoup justement de cette maison à Tribeca, qui est dans le sud de Manhattan, près de Wall Street, là, 632 m², 35 000 /mois. Alors, le fait de parler de ce chiffre, c'est démagogique, ça n'a aucun intérêt ou est-ce que effectivement vous considérez que politiquement ça a une signification ?
BENOIST APPARU Politiquement, ça a évidemment une signification. Quand on regarde les quand on écoute plutôt
GUILLAUME DURAND ben, la signification c'est que Anne SINCLAIR est riche.
BENOIST APPARU La signification, c'est pas pour ça attention, les jugements. Moi, quelqu'un qui est riche et qui met beaucoup d'argent dans son logement, c'est son problème. Tant mieux si les gens sont riches, c'est leur souci, ils font ce qu'ils veulent de leur argent. Si ils veulent 600 m², si ils veulent un bateau ou si ils veulent un avion, c'est leur sujet. Là où ça prend une signification politique c'est quand effectivement l'ex-champion du PS est dans cette situation-là et surtout quand on a un Parti socialiste qui depuis cinq ans, dix ans, quinze ans, vingt ans GUILLAUME DURAND donc, vous faites le lien.
BENOIST APPARU Je fais le lien entre la morale publique, la morale politique, les leçons de morale que nous donne le PS en permanence sur « vous, la droite des riches, vous qui faites une politique pour les riches, vous je ne sais quoi », etc., voilà. Il faudrait peut-être un peu de modestie par rapport à ces questions-là eu égard aux informations que nous avons.
GUILLAUME DURAND Mais vous êtes quand même vous n'êtes pas un naïf et vous n'êtes pas nouveau en politique. Vous découvrirez ces dernières semaines simplement qu'Anne SINCLAIR était richissime.
BENOIST APPARU Je n'ai pas à découvrir si Anne SINCLAIR est richissime, et tant mieux pour elle si elle l'est, d'ailleurs. On n'a pas à juger quelqu'un
GUILLAUME DURAND Ce n'est pas un jugement moral de ma part.
BENOIST APPARU Non, mais surtout pas d'ailleurs.
GUILLAUME DURAND Non mais, on a l'impression que justement à droite vous êtes en train de découvrir
BENOIST APPARU attendez, les gens qui sont riches, tant mieux pour eux. Si il y en a de plus en plus, tant mieux, c'est pas un problème
GUILLAUME DURAND Mais en quoi ça l'implique lui ?
BENOIST APPARU Je dis simplement que quand on donne des leçons de morale politiques à la terre entière, quand effectivement le PS fait comme fonds de commercer un seul truc depuis que Nicolas SARKOZY est élu, « vous faites une politique pour les riches », ce qui est faux, etc., là, j'espère que ça va redonner un tout petit peu de modestie à ceux qui passent leur temps à nous dire ça.
GUILLAUME DURAND Michaël DARMON nous a rejoints. Michaël, bonjour.
MICHAËL DARMON Bonjour.
BENOIST APPARU Bonjour.
GUILLAUME DURAND Nous allons continuer cette conversation ensemble.
MICHAËL DARMON Eh bien, morale politique toujours : est-ce que Georges TRON doit quitter le gouvernement ?
BENOIST APPARU Ecoutez, pour l'instant, non, je ne vois pas de raison pour laquelle aujourd'hui que Georges TRON quitte le gouvernement.
MICHAËL DARMON Aucune raison ?
BENOIST APPARU Mais aucune raison, là encore, ça fait quinze jours, trois semaines, qu'à juste titre on nous fait la leçon sur présomption d'innocence. Essayons de l'appliquer à tous les cas de figure. Moi, je n'ai pas d'information particulière sur cette histoire. J'imagine que assez rapidement on aura des informations.
MICHAËL DARMON C'est-à-dire que le récit des plaignantes, les dépositions des plaignantes auprès des policiers ou des associations qui ont recueilli, pour l'une d'entre elle, déjà sa plainte il y a quelques temps, pour vous ne constituent pas une information ou un début d'information ?
BENOIST APPARU Ah mais, c'est un début d'information. Attendons peut-être d'avoir une information plus complète pour en tirer des conséquences. Si effectivement les allégations de ces deux personnes s'avèrent vraies, on en tirera tous toutes les conséquences tout de suite, mais attendons de savoir si c'est vrai, si c'est faux, quelle est la version, entre guillemets, de Georges TRON, avant d'en tirer des conséquences.
MICHAËL DARMON Qu'est-ce qui sera déterminant pour vous, parce qu'il y a déjà une enquête préliminaire qui est ouverte ?
BENOIST APPARU L'information ! L'information. Quelle est la réalité des faits qui lui sont reprochés. Donc, dans quelques jours, j'imagine, on commencera à avoir un certain nombre d'indices, un certain nombre d'informations un peu plus claires, qui nous montreront si Georges TRON a raison, si ces deux potentielles victimes ont raison. Pour l'instant, restons-en, si vous le voulez bien, même si je sais que vous n'aimez pas ces arguments-là, à la présomption d'innocence. Elle est valable dans tous les sens.
MICHAËL DARMON D'une manière plus générale, est-ce que ce n'est pas la conséquence finalement de l'affaire STRAUSS-KAHN, c'est-à-dire qu'au fond il y a des langues qui se délient ? Les plaignantes ont dit, voilà, « une femme de chambre peut mettre en cause Dominique STRAUSS-KAHN, donc moi je n'ai plus le droit me taire ». Est-ce que c'est, au fond, la conséquence de ce qui se passe ?
BENOIST APPARU Alors, j'espère, j'espère que dans des pays comme les nôtres ou les Etats-Unis, où il y a souvent des omertas par rapport à ça, qu'effectivement ce qui s'est passé à New York va changer la donne, et qu'un certain nombre de victimes d'hommes puissants, ou d'hommes moins puissants d'ailleurs, vont pouvoir se libérer et libérer leur parole. Nous savons tous que dans les affaires de moeurs souvent les victimes ont honte de ce qui leur est arrivé et ne parlent pas au nom de cette honte. Si ça peut libérer des paroles en la matière, si ça peut psychologiquement libérer ces femmes et mettre en accusation ces violeurs et ces hommes, tant mieux.
MICHAËL DARMON Alors, sur le plan politique, depuis quelques jours vous appelez ouvertement au rôle plus important d'Alain JUPPÉ. « La France a besoin d'Alain JUPPÉ », vous dites. On sait que vous êtes juppéiste de souche, comme on pourrait dire, mais pourquoi tout d'un coup alors que Nicolas SARKOZY prépare une deuxième campagne vous dites « la France a besoin d'Alain JUPPÉ » ?
BENOIST APPARU Jai dit, « la majorité a besoin d'Alain JUPPÉ », ce qui n'est pas tout à fait la même chose. J'ai dit « la majorité a besoin d'Alain JUPPÉ pour gagner », pourquoi ? Parce que j'estime que une majorité qui va porter un projet politique pour 2012 elle a besoin d'être équilibrée. Aujourd'hui, nous avons, notamment par l'intermédiaire de Claude GUÉANT, une représentation de la droite, qu'on va qualifier de traditionnelle, qui est forte, qui est puissante, qui existe, et qu'on entend.
MICHAËL DARMON Bon, en français, vous trouvez que la droite est trop à droite, quoi.
BENOIST APPARU Non ! Non, non, parce que justement je ne veux pas opposer les uns aux autres, je ne veux pas de contradiction entre les deux, parce que sinon on va partir dans la guerre et on va partir dans le conflit. Ce que je ne veux surtout pas. Il faut donc qu'on arrive à se dire que cette droite elle existe, ce courant, entre guillemets, traditionnel il a toujours existé. Mais en face, il y a toujours eu aussi un courant d'une droite plus ouverte, plus moderne, plus généreuse, et c'est dans cet équilibre entre une droite traditionnelle et une droite ouverte qu'on arrive à gagner.
MICHAËL DARMON Ben, ce n'est pas du tout ce que dit Nicolas SARKOZY ! Lui, il pense que si il arrive à récupérer les électeurs du Front national, il a gagné. Alors, c'est pas du tout votre analyse. Quel est l'apport d'Alain JUPPÉ et d'une droite plus modérée sachant que c'est le vote du Front national qui fait la différence ?
BENOIST APPARU Attendez, je vous rappelle une chose, si vous regardez la campagne électorale de 2007
MICHAËL DARMON eh bien, oui, justement !
BENOIST APPARU Nicolas SARKOZY en 2007 a essayé de faire la synthèse. Quand il cite dans ses discours Jaurès, quand il fait ce meeting où il a cette volonté d'avoir une France rassemblée, pour réunir justement l'ensemble des familles politiques de droite, il n'est pas dans un positionnement par rapport à un autre. Au contraire, il est dans l'équilibre.
MICHAËL DARMON Vous savez bien que l'équation c'était le report des voix du Front national.
BENOIST APPARU Non mais, que ce soit une des équations, oui, mais je suis désolé de vous dire que la droite plus ouverte, que le centre, ça compte aussi. Et c'est dans l'équilibre entre les deux que nous devrons trouver des solutions. Le président de la République, probablement, peut-être, je ne sais pas, est un futur candidat à l'élection présidentielle, lui, son job sera de faire la synthèse des deux. Mais pour préparer ce terrain-là, il me semble qu'on doit avoir une voix de droite plus ouverte, plus moderne, plus généreuse, qui s'exprime plus, et il me semble que des personnalités type Alain JUPPÉ peuvent très bien incarner ce courant-là.
GUILLAUME DURAND Mais justement, Michaël a raison, la droite populaire, celle des radars ou celle de Brigitte BARÈGES qui évoquant le mariage homosexuel a eu cette phrase quand même totalement insensée, « Et pourquoi pas encore des unions entre animaux », est-ce que vous vous reconnaissez justement dans ce type de comportement ?
BENOIST APPARU Si j'appelle à avoir une droite peut-être plus ouverte, plus moderne, plus généreuse, c'est que je me sens peut-être plus proche de celle-là que de l'autre. Et autant je considère
GUILLAUME DURAND pardonnez-moi
BENOIST APPARU Mais pour moi, ça ne représente pas ça, justement.
GUILLAUME DURANT Mais c'est dingue quand même une phrase pareille.
BENOIST APPARU Justement, je vais vous répondre très précisément. Pour moi, on a besoin de ce courant traditionnel, on a besoin d'avoir cette droite.
MICHAËL DARMON Cette droite dure.
BENOIST APPARU Une droite qu'on va qualifier de dure, si vous le souhaitez. On a besoin de cette droite-là. Enfin, on n'est pas non plus obligé de tomber dans une caricature, et on n'est pas obligé de tomber dans des formules de ce type-là.
GUILLAUME DURAND Oui !
BENOIST APPARU Ce n'est pas ma tasse de thé, clairement.
MICHAËL DARMON Pourquoi vous dites, « on va besoin d'une droite dure » ?
BENOIST APPARU Parce qu'on a besoin d'avoir l'ensemble des courants de pensée qui existent dans ce pays. Vous avez besoin d'avoir une droite plus traditionnelle qui correspond à un électorat, qui correspond à un courant de pensée, et oui, il faut l'assumer. Il faut l'assumer aussi comme une forme de digue par rapport au Front national, clairement. Et on a besoin d'un point d'équilibre.
MICHAËL DARMON De digue ou d'aspirateur ?
BENOIST APPARU C'est pas une digue, c'est pas un aspirateur, peu importe le terme qu'on veut utiliser.
MICHAËL DARMON Ben si, c'est important en politique.
BENOIST APPARU Non ! Non, non, enfin en l'occurrence l'image est effectivement amusante, mais il me semble que ce qui est important c'est que cette droite-là elle existe. Pourquoi voudriez-vous qu'elle ne soit pas incarnée ? Pourquoi voudriez-vous opposer ces deux courants de pensée ? Ces deux courants existent, ils ont toujours existé. Il y a vingt ans, cette droite était incarnée par un Charles PASQUA d'un côté, et vous aviez des équilibres avec toujours des Alain JUPPÉ d'ailleurs, ou des Philippe SÉGUIN de l'autre. Donc, on trouvait cet équilibre-là. On a besoin de ce même équilibre et sans opposer les uns aux autres.
GUILLAUME DURAND Dernière question, Michaël.
MICHAËL DARMON On dit qu'en cas de remplacement de Christine LAGARDE et si jamais c'est François BAROIN qui allait donc au Ministère des Finances, vous seriez intéressé par le poste de porte-parole du gouvernement.
BENOIST APPARU Moi, j'ai lu ça dans la presse, comme vous.
MICHAËL DARMON Ah oui ?
BENOIST APPARU Je l'ai lu dans la presse comme vous.
MICHAËL DARMON C'est une information que vous avez recueillie !
BENOIST APPARU C'est une information que j'ai lue effectivement dans un article
GUILLAUME DURAND mais peut-être que vous pouvez lire ça dans votre miroir le matin.
MICHAËL DARMON Quand vous vous rasez.
BENOIST APPARU Ben écoutez, je ne l'ai pas lu dans ma main, je ne l'ai pas lu dans mon miroir, ce matin.
MICHAËL DARMON Quand vous vous rasez ?
BENOIST APPARU Quand je me rase, effectivement, je suis déjà très content d'être membre du gouvernement.
MICHAËL DARMON Merci beaucoup.
GUILLAUME DURAND Merci Benoist APPARU d'??tre venu nous voir ce matin, donc pour parler de logement et de la situation politique. Bonne journée à vous.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 27 mai 2011
BENOIST APPARU C'est très difficile de vous répondre, de savoir si c'est irréversible ou pas. En tout cas, on sait qu'on a une tendance fortement haussière sur Paris, l'Ile de France. France entière, le chiffre est trompeur parce qu'on a
GUILLAUME DURAND 9 % c'est important quand même !
BENOIST APPARU C'est important, mais c'est tellement tiré par Paris qu'on en oublie de dire qu'il y a la moitié des régions où les prix stagnent ou baissent.
GUILLAUME DURAND Ca monte où, ça descend où, information ce matin ?
BENOIST APPARU Très concrètement, ça monte en Ile de France, dans les grandes métropoles, et dans le reste du territoire ça baisse. En gros, vous prenez
GUILLAUME DURAND enfin, la France devient de plus en plus urbaine, vous le savez.
BENOIST APPARU Oui, mais 95 % du territoire n'est pas urbain en tant que tel. Donc, ça monte où ? Ca monte évidemment à Paris, en Ile de France, dans les très grandes villes, Bordeaux, Marseille, Lyon
GUILLAUME DURAND Côte d'Azur, sud-ouest.
BENOIST APPARU la Côte d'Azur, la façade Atlantique, bien évidemment. Sur le reste du territoire, par exemple chez moi, dans la Marne, c'est plutôt une tendance à la baisse ou à la stagnation. Donc, il faut être mesuré par rapport à ce qui se passe en France. Là où ça explose c'est clairement l'Ile de France.
GUILLAUME DURAND Là où c'est intéressant, c'est qu'on a l'impression que non seulement les prix augmentent d'une manière quand même assez faramineuse dans les grandes villes, mais en plus les ventes ont plutôt tendance à stagner. Comment on peut expliquer, parce que d'habitude on a l'impression que c'est un processus logique, c'est-à-dire les prix montent parce qu'il y a une demande considérable, or là, visiblement les ventes sont en train de s'éroder. Je ne parle pas des quartiers hyper luxueux.
BENOIST APPARU Alors, ce qui est en train de s'éroder notamment, ce sont les ventes de biens neufs liées à la promotion immobilière. Sur le marché du privé de l'ancien, les choses sont plus nuancées, là encore. Il y a un seul schéma qui compte, notamment en Ile de France où les prix flambent : il faut produire pour rééquilibre l'offre et la demande. Il n'y a pas assez de logements neufs qui se construisent en Ile de France. La région Ile de France est la dernière région de production de logements la dernière ! alors que c'est celle où les prix explosent le plus. Donc, il faut inverser totalement la tendance, et pour inverser la tendance il y a une seule recette : il faut libérer du foncier. Si vous n'avez pas la matière première foncière pour construire vos logements, ben vous ne construirez pas les logements. Et c'est l'une des raisons pour lesquelles, aujourd'hui même d'ailleurs, on va clôturer six mois de travail sur une réforme un peu ambitieuse, un peu lourde, demandée par le président de la République sur l'urbanisme, parce que c'est ça qui fait le droit des sols.
GUILLAUME DURAND Alors, le président de la République qui voulait une France de propriétaire, mais c'est devenu une France de très riches propriétaires aujourd'hui.
BENOIST APPARU Non !
GUILLAUME DURAND Parce qu'on a l'impression que Paris, c'est beaucoup moins le cas qu'à Londres ou à Manhattan, etc. mais enfin on est quand même parti pour se retrouver dans des villes où il y aura
BENOIST APPARU quand on voit les prix à Manhattan
GUILLAUME DURAND Non mais, ça, on va parler de l'affaire STRAUSS-KAHN, mais la crainte quand même socialement c'est de se retrouver quand même dans des centres villes qui sont quand même le coeur de l'exécutif, de la vie sociale, de la vie culturelle, où il n'y aura plus que des limousines, des taxis, des chauffeurs et plus aucun revenu modeste à l'horizon.
BENOIST APPARU Je suis d'accord, mais quand on parle de la France des propriétaires on ne parlait pas de Paris ville de propriétaires. Il n'y a pas que Paris dans le monde, il n'y a pas que Paris en France, et on a deux millions de parisiens pour qui effectivement c'est aujourd'hui très difficile d'acheter un bien si vous n'êtes pas plutôt très fortuné, ou en tout cas si vous n'avez pas un salaire très confortable.
GUILLAUME DURAND Mais là je ne parlais pas simplement de Paris, je parlais des centres villes.
BENOIST APPARU Oui, mais les centres villes, on a plutôt
GUILLAUME DURAND Bordeaux, Lyon.
BENOIST APPARU Oui, mais on a des prix à Bordeaux, à Lyon, qui sont certes élevés, qui sont certes en hausse, et qui vont être à, allez, 3 000 /m² maximum. On n'est pas aux 8 000 de Paris. Il y a vraiment enfin, Paris, les chiffres qu'on nous donne aujourd'hui c'est 8 000 /m². Sur des grandes villes comme Lyon, Marseille ou Bordeaux, vous serez autour de 3 000. Donc, on n'est pas du tout sur la même planète. Et la France de propriétaires, je pense qu'on est en passe, si ce n'est de la réussir en tout cas d'avoir une très grande avancée avec le prêt à taux zéro nouveau que nous avons créé à partir du 1er janvier, qui marche très bien, et qui devrait doubler en 2011 le nombre de nouveaux propriétaires par rapport à ce qu'on observait les autres années.
GUILLAUME DURAND Et pourquoi à Paris n'y a-t-il pas de logement suffisamment construit ? Enfin, je parle de Paris et de la région parisienne.
BENOIST APPARU Parce que sur Paris et la région parisienne vous avez une pression foncière très forte, et si les prix sont aussi hauts c'est que les terrains sont très très élevés. Et il faut arriver maintenant à inventer de nouveaux terrains. Par exemple, travailler sur la surélévation d'immeubles, travailler sur
GUILLAUME DURAND mais les Français détestent ça ! Aux Etats-Unis, ça pose pas des problèmes, les Français détestent ça.
BENOIST APPARU Mais on verra ! Je ne suis pas si convaincu
GUILLAUME DURAND souvenez-vous quand Bertrand DELANOË a essayé justement d'évoquer au centre de Paris ce genre de problème, tous les riverains, les commerçants, tout le monde a hurlé.
BENOIST APPARU Surélever dans le 4e ou le 3e arrondissement de Paris, on est d'accord, ça va être difficile, et en plus il faut y faire attention parce que la richesse de Paris c'est aussi son patrimoine. Mais il n'y a pas que le 3e, le 4e et le 1er arrondissement à Paris, il y a d'autres arrondissements dans lesquels les choses sont plus ouvertes. Et puis, au-delà de ça, transformation de bureaux en logements. Prenez un exemple, la taille de la ville de Paris c'est 8 000 ha, d'accord. 8 000 ha, c'est la taille de la ville. Je fais une comparaison, la surface des parkings des grandes surfaces en Ile de France c'est 5 000 ha, quasiment la taille de ville de Paris. On a des volumes, des fonciers qui sont différents, qui sont nouveaux, qu'il va falloir travailler. Et ce sont des terrains qui sont plus compliqués à construire, ça coûte plus cher, bien évidemment ça demande des opérations urbaines plus complexes mais c'est maintenant, dans cette direction-là qu'il faut impérativement aller si on veut régler les questions de crise du logement en Ile de France.
GUILLAUME DURAND Je repose la question, Benoist APPARU vous êtes secrétaire d'Etat au Logement, est-ce que vous avez la crainte, vous, parce que c'est votre fonction au sein du gouvernement, que pendant cette période, justement, on arrive à un moment où les villes de France ne soient plus habitées que par de bourgeois, voire des grands bourgeois ?
BENOIST APPARU Je ne le crois absolument pas.
GUILLAUME DURAND Ce qu'on appelle aux Etats-Unis la « gentryfication », c'est-à-dire
BENOIST APPARU Je ne le crois absolument pas. Il y a cette problématique claire à Paris, c'est la raison pour laquelle il faut faire du logement social, il faut faire du logement dit intermédiaire à Paris pour arriver à avoir une mixité de population sur Paris. Sur le reste du territoire, sincèrement, cette problématique n'a strictement rien à voir, les prix n'ont rien à voir, les loyers n'ont rien à voir. On n'est pas sur la même problématique.
GUILLAUME DURAND Et vous croyez que la population en veut de ce logement social ? C'est-à-dire les bourgeois qui sont installés à Paris ou dans les villes de la périphérie parisienne, vous croyez qu'ils sont pour ? Evidemment non !
BENOIST APPARU Evidemment, probablement pas, en tout cas on sera d'accord.
GUILLAUME DURAND Ils veulent rester entre eux.
BENOIST APPARU Je ne suis pas sûr que les choses soient aussi basiques que ça.
GUILLAUME DURAND C'est une question.
BENOIST APPARU C'est vrai qu'on a de temps en temps des ghettos de riches, de temps en temps aussi, à l'inverse, des ghettos de logement social. Quand vous avez une commune qui a 80 % de logement social, c'est pas beaucoup plus de la mixité que dans les communes qui en ont 5 %. Donc, il faut qu'on trouve l'équilibre sur Paris, sur l'Ile de France, comme sur l'ensemble du territoire, mais là encore faites attention à un point, ne résumons pas la situation parisienne, où effectivement on a une envolée des prix qui est délirante, et le reste du territoire où les prix, certes, augmentent, mais dans une mesure qui est beaucoup, beaucoup plus raisonnable.
GUILLAUME DURAND Quel est le nombre ou le chiffre précis des logements construits actuellement ?
BENOIST APPARU C'est très difficile de vous répondre. On estime qu'on finira l'année, allez, à un petit 400 000, 380, 370 000 logements, c'est-à-dire qu'on retrouve les tendances qui sont celles d'avant crise. On a un vrai feu vert sur les constructions de logements en tant que telles. Je pense que 2011 sera une très bonne année en la matière. En gros, avant la crise on était légèrement au-dessus de 400 000 logements. Pendant la crise, on a perdu la production, la construction de 100 000 logements. Et on est en train de les rattraper, donc de point de vue-là la tendance est plutôt bonne, les nouvelles sont plutôt très bonnes, donc on devrait avoir une très bonne année en matière de production de logements.
GUILLAUME DURAND L'affaire STRAUSS-KAHN, évidemment vous avez vu ce matin, il n'y a pas que la Une des ECHOS, il y a d'autres journaux, il y a eu LES ECHOS, excellent journal, mais on parle beaucoup justement de cette maison à Tribeca, qui est dans le sud de Manhattan, près de Wall Street, là, 632 m², 35 000 /mois. Alors, le fait de parler de ce chiffre, c'est démagogique, ça n'a aucun intérêt ou est-ce que effectivement vous considérez que politiquement ça a une signification ?
BENOIST APPARU Politiquement, ça a évidemment une signification. Quand on regarde les quand on écoute plutôt
GUILLAUME DURAND ben, la signification c'est que Anne SINCLAIR est riche.
BENOIST APPARU La signification, c'est pas pour ça attention, les jugements. Moi, quelqu'un qui est riche et qui met beaucoup d'argent dans son logement, c'est son problème. Tant mieux si les gens sont riches, c'est leur souci, ils font ce qu'ils veulent de leur argent. Si ils veulent 600 m², si ils veulent un bateau ou si ils veulent un avion, c'est leur sujet. Là où ça prend une signification politique c'est quand effectivement l'ex-champion du PS est dans cette situation-là et surtout quand on a un Parti socialiste qui depuis cinq ans, dix ans, quinze ans, vingt ans GUILLAUME DURAND donc, vous faites le lien.
BENOIST APPARU Je fais le lien entre la morale publique, la morale politique, les leçons de morale que nous donne le PS en permanence sur « vous, la droite des riches, vous qui faites une politique pour les riches, vous je ne sais quoi », etc., voilà. Il faudrait peut-être un peu de modestie par rapport à ces questions-là eu égard aux informations que nous avons.
GUILLAUME DURAND Mais vous êtes quand même vous n'êtes pas un naïf et vous n'êtes pas nouveau en politique. Vous découvrirez ces dernières semaines simplement qu'Anne SINCLAIR était richissime.
BENOIST APPARU Je n'ai pas à découvrir si Anne SINCLAIR est richissime, et tant mieux pour elle si elle l'est, d'ailleurs. On n'a pas à juger quelqu'un
GUILLAUME DURAND Ce n'est pas un jugement moral de ma part.
BENOIST APPARU Non, mais surtout pas d'ailleurs.
GUILLAUME DURAND Non mais, on a l'impression que justement à droite vous êtes en train de découvrir
BENOIST APPARU attendez, les gens qui sont riches, tant mieux pour eux. Si il y en a de plus en plus, tant mieux, c'est pas un problème
GUILLAUME DURAND Mais en quoi ça l'implique lui ?
BENOIST APPARU Je dis simplement que quand on donne des leçons de morale politiques à la terre entière, quand effectivement le PS fait comme fonds de commercer un seul truc depuis que Nicolas SARKOZY est élu, « vous faites une politique pour les riches », ce qui est faux, etc., là, j'espère que ça va redonner un tout petit peu de modestie à ceux qui passent leur temps à nous dire ça.
GUILLAUME DURAND Michaël DARMON nous a rejoints. Michaël, bonjour.
MICHAËL DARMON Bonjour.
BENOIST APPARU Bonjour.
GUILLAUME DURAND Nous allons continuer cette conversation ensemble.
MICHAËL DARMON Eh bien, morale politique toujours : est-ce que Georges TRON doit quitter le gouvernement ?
BENOIST APPARU Ecoutez, pour l'instant, non, je ne vois pas de raison pour laquelle aujourd'hui que Georges TRON quitte le gouvernement.
MICHAËL DARMON Aucune raison ?
BENOIST APPARU Mais aucune raison, là encore, ça fait quinze jours, trois semaines, qu'à juste titre on nous fait la leçon sur présomption d'innocence. Essayons de l'appliquer à tous les cas de figure. Moi, je n'ai pas d'information particulière sur cette histoire. J'imagine que assez rapidement on aura des informations.
MICHAËL DARMON C'est-à-dire que le récit des plaignantes, les dépositions des plaignantes auprès des policiers ou des associations qui ont recueilli, pour l'une d'entre elle, déjà sa plainte il y a quelques temps, pour vous ne constituent pas une information ou un début d'information ?
BENOIST APPARU Ah mais, c'est un début d'information. Attendons peut-être d'avoir une information plus complète pour en tirer des conséquences. Si effectivement les allégations de ces deux personnes s'avèrent vraies, on en tirera tous toutes les conséquences tout de suite, mais attendons de savoir si c'est vrai, si c'est faux, quelle est la version, entre guillemets, de Georges TRON, avant d'en tirer des conséquences.
MICHAËL DARMON Qu'est-ce qui sera déterminant pour vous, parce qu'il y a déjà une enquête préliminaire qui est ouverte ?
BENOIST APPARU L'information ! L'information. Quelle est la réalité des faits qui lui sont reprochés. Donc, dans quelques jours, j'imagine, on commencera à avoir un certain nombre d'indices, un certain nombre d'informations un peu plus claires, qui nous montreront si Georges TRON a raison, si ces deux potentielles victimes ont raison. Pour l'instant, restons-en, si vous le voulez bien, même si je sais que vous n'aimez pas ces arguments-là, à la présomption d'innocence. Elle est valable dans tous les sens.
MICHAËL DARMON D'une manière plus générale, est-ce que ce n'est pas la conséquence finalement de l'affaire STRAUSS-KAHN, c'est-à-dire qu'au fond il y a des langues qui se délient ? Les plaignantes ont dit, voilà, « une femme de chambre peut mettre en cause Dominique STRAUSS-KAHN, donc moi je n'ai plus le droit me taire ». Est-ce que c'est, au fond, la conséquence de ce qui se passe ?
BENOIST APPARU Alors, j'espère, j'espère que dans des pays comme les nôtres ou les Etats-Unis, où il y a souvent des omertas par rapport à ça, qu'effectivement ce qui s'est passé à New York va changer la donne, et qu'un certain nombre de victimes d'hommes puissants, ou d'hommes moins puissants d'ailleurs, vont pouvoir se libérer et libérer leur parole. Nous savons tous que dans les affaires de moeurs souvent les victimes ont honte de ce qui leur est arrivé et ne parlent pas au nom de cette honte. Si ça peut libérer des paroles en la matière, si ça peut psychologiquement libérer ces femmes et mettre en accusation ces violeurs et ces hommes, tant mieux.
MICHAËL DARMON Alors, sur le plan politique, depuis quelques jours vous appelez ouvertement au rôle plus important d'Alain JUPPÉ. « La France a besoin d'Alain JUPPÉ », vous dites. On sait que vous êtes juppéiste de souche, comme on pourrait dire, mais pourquoi tout d'un coup alors que Nicolas SARKOZY prépare une deuxième campagne vous dites « la France a besoin d'Alain JUPPÉ » ?
BENOIST APPARU Jai dit, « la majorité a besoin d'Alain JUPPÉ », ce qui n'est pas tout à fait la même chose. J'ai dit « la majorité a besoin d'Alain JUPPÉ pour gagner », pourquoi ? Parce que j'estime que une majorité qui va porter un projet politique pour 2012 elle a besoin d'être équilibrée. Aujourd'hui, nous avons, notamment par l'intermédiaire de Claude GUÉANT, une représentation de la droite, qu'on va qualifier de traditionnelle, qui est forte, qui est puissante, qui existe, et qu'on entend.
MICHAËL DARMON Bon, en français, vous trouvez que la droite est trop à droite, quoi.
BENOIST APPARU Non ! Non, non, parce que justement je ne veux pas opposer les uns aux autres, je ne veux pas de contradiction entre les deux, parce que sinon on va partir dans la guerre et on va partir dans le conflit. Ce que je ne veux surtout pas. Il faut donc qu'on arrive à se dire que cette droite elle existe, ce courant, entre guillemets, traditionnel il a toujours existé. Mais en face, il y a toujours eu aussi un courant d'une droite plus ouverte, plus moderne, plus généreuse, et c'est dans cet équilibre entre une droite traditionnelle et une droite ouverte qu'on arrive à gagner.
MICHAËL DARMON Ben, ce n'est pas du tout ce que dit Nicolas SARKOZY ! Lui, il pense que si il arrive à récupérer les électeurs du Front national, il a gagné. Alors, c'est pas du tout votre analyse. Quel est l'apport d'Alain JUPPÉ et d'une droite plus modérée sachant que c'est le vote du Front national qui fait la différence ?
BENOIST APPARU Attendez, je vous rappelle une chose, si vous regardez la campagne électorale de 2007
MICHAËL DARMON eh bien, oui, justement !
BENOIST APPARU Nicolas SARKOZY en 2007 a essayé de faire la synthèse. Quand il cite dans ses discours Jaurès, quand il fait ce meeting où il a cette volonté d'avoir une France rassemblée, pour réunir justement l'ensemble des familles politiques de droite, il n'est pas dans un positionnement par rapport à un autre. Au contraire, il est dans l'équilibre.
MICHAËL DARMON Vous savez bien que l'équation c'était le report des voix du Front national.
BENOIST APPARU Non mais, que ce soit une des équations, oui, mais je suis désolé de vous dire que la droite plus ouverte, que le centre, ça compte aussi. Et c'est dans l'équilibre entre les deux que nous devrons trouver des solutions. Le président de la République, probablement, peut-être, je ne sais pas, est un futur candidat à l'élection présidentielle, lui, son job sera de faire la synthèse des deux. Mais pour préparer ce terrain-là, il me semble qu'on doit avoir une voix de droite plus ouverte, plus moderne, plus généreuse, qui s'exprime plus, et il me semble que des personnalités type Alain JUPPÉ peuvent très bien incarner ce courant-là.
GUILLAUME DURAND Mais justement, Michaël a raison, la droite populaire, celle des radars ou celle de Brigitte BARÈGES qui évoquant le mariage homosexuel a eu cette phrase quand même totalement insensée, « Et pourquoi pas encore des unions entre animaux », est-ce que vous vous reconnaissez justement dans ce type de comportement ?
BENOIST APPARU Si j'appelle à avoir une droite peut-être plus ouverte, plus moderne, plus généreuse, c'est que je me sens peut-être plus proche de celle-là que de l'autre. Et autant je considère
GUILLAUME DURAND pardonnez-moi
BENOIST APPARU Mais pour moi, ça ne représente pas ça, justement.
GUILLAUME DURANT Mais c'est dingue quand même une phrase pareille.
BENOIST APPARU Justement, je vais vous répondre très précisément. Pour moi, on a besoin de ce courant traditionnel, on a besoin d'avoir cette droite.
MICHAËL DARMON Cette droite dure.
BENOIST APPARU Une droite qu'on va qualifier de dure, si vous le souhaitez. On a besoin de cette droite-là. Enfin, on n'est pas non plus obligé de tomber dans une caricature, et on n'est pas obligé de tomber dans des formules de ce type-là.
GUILLAUME DURAND Oui !
BENOIST APPARU Ce n'est pas ma tasse de thé, clairement.
MICHAËL DARMON Pourquoi vous dites, « on va besoin d'une droite dure » ?
BENOIST APPARU Parce qu'on a besoin d'avoir l'ensemble des courants de pensée qui existent dans ce pays. Vous avez besoin d'avoir une droite plus traditionnelle qui correspond à un électorat, qui correspond à un courant de pensée, et oui, il faut l'assumer. Il faut l'assumer aussi comme une forme de digue par rapport au Front national, clairement. Et on a besoin d'un point d'équilibre.
MICHAËL DARMON De digue ou d'aspirateur ?
BENOIST APPARU C'est pas une digue, c'est pas un aspirateur, peu importe le terme qu'on veut utiliser.
MICHAËL DARMON Ben si, c'est important en politique.
BENOIST APPARU Non ! Non, non, enfin en l'occurrence l'image est effectivement amusante, mais il me semble que ce qui est important c'est que cette droite-là elle existe. Pourquoi voudriez-vous qu'elle ne soit pas incarnée ? Pourquoi voudriez-vous opposer ces deux courants de pensée ? Ces deux courants existent, ils ont toujours existé. Il y a vingt ans, cette droite était incarnée par un Charles PASQUA d'un côté, et vous aviez des équilibres avec toujours des Alain JUPPÉ d'ailleurs, ou des Philippe SÉGUIN de l'autre. Donc, on trouvait cet équilibre-là. On a besoin de ce même équilibre et sans opposer les uns aux autres.
GUILLAUME DURAND Dernière question, Michaël.
MICHAËL DARMON On dit qu'en cas de remplacement de Christine LAGARDE et si jamais c'est François BAROIN qui allait donc au Ministère des Finances, vous seriez intéressé par le poste de porte-parole du gouvernement.
BENOIST APPARU Moi, j'ai lu ça dans la presse, comme vous.
MICHAËL DARMON Ah oui ?
BENOIST APPARU Je l'ai lu dans la presse comme vous.
MICHAËL DARMON C'est une information que vous avez recueillie !
BENOIST APPARU C'est une information que j'ai lue effectivement dans un article
GUILLAUME DURAND mais peut-être que vous pouvez lire ça dans votre miroir le matin.
MICHAËL DARMON Quand vous vous rasez.
BENOIST APPARU Ben écoutez, je ne l'ai pas lu dans ma main, je ne l'ai pas lu dans mon miroir, ce matin.
MICHAËL DARMON Quand vous vous rasez ?
BENOIST APPARU Quand je me rase, effectivement, je suis déjà très content d'être membre du gouvernement.
MICHAËL DARMON Merci beaucoup.
GUILLAUME DURAND Merci Benoist APPARU d'??tre venu nous voir ce matin, donc pour parler de logement et de la situation politique. Bonne journée à vous.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 27 mai 2011