Déclaration de M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, sur la croissance de l'économie européenne et française malgré l'évolution incertaine de l'économie mondiale, sur la situation économique du Japon et la nécessité de développer le partenariat franco-japonais, notamment grâce à la campagne d'information "France-Japon, l'esprit partenaire" , Nagoya, le 27 mars 2001.

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Circonstance : Rencontre avec le président de Toyota à Nagoya (Japon) le 27 mars 2001

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi, avant toute chose, de vous remercier de votre invitation et de l'accueil que vous avez réservé à la délégation que je conduis.
On dit de Nagoya qu'elle occupe un emplacement stratégique dans la géographie japonaise. Le Chubu est certainement une étape stratégique pour la délégation que je conduis car c'est la troisième zone économique du Japon. C'est aussi une étape stratégique et symbolique pour des Français car l'entreprise Toyota, dont toutes les usines japonaises se trouvent dans la région, est, au même titre que Renault et Nissan, emblématique du nouveau partenariat qui unit nos deux pays. En effet, la décision de Toyota de s'implanter en France, à Valenciennes, a marqué une étape importante et a donné un nouvel élan à la relation entre nos deux pays.
Je suis donc très heureux de rencontrer aujourd'hui le président honoraire de Toyota, Monsieur TOYODA. Toyota a d'ailleurs renouvelé sa confiance à la France puisque je crois que son nouveau centre de design pour l'Europe a été installé à Sophia Antipolis sur la Côte d'Azur.
Au delà de Toyota, je sais que les autres grands constructeurs automobiles japonais (Honda, Mitsubishi et Suzuki) et les grands groupes industriels ((Mitsubishi Heavy Industry et Kawasaki Heavy Industry) sont installés dans le Chubu.
Je suis accompagné pour ce voyage du président de la région Alsace, où doit s'ouvrir une maison universitaire France-Japon, ainsi que du président de la région Centre. La région Ile de France est représentée par son vice-président et le président du directoire de l'Agence pour le développement économique. La région PACA est également représentée par son vice-président. De nombreuses entreprises de ces régions ont tenu à participer à ce voyage pour vous rencontrer, nouer des contacts et travailler avec vous.
J'aimerais tout d'abord vous présenter la situation des économies européenne et française.
Les évolutions boursières de la semaine dernière peuvent laisser penser que nous entrons dans une zone de turbulence. Le monde connaîtra en 2001 de nouvelles perturbations comme chaque année depuis 1997. Nous devons nous habituer à vivre dans un environnement international incertain. Je crois que pour percevoir l'essentiel, il faut, au-delà des mouvements de surface, se concentrer sur les évolutions de fond.
Comparée, en ce début d'année, à l'économie américaine qui fléchit, la zone euro apparaît sur un chemin d'expansion régulière: elle ne devrait connaître qu'un léger ralentissement et sa croissance économique ne devrait être que légèrement inférieure à 3 % en 2001, après 3,4% en 2000.

1) La zone euro est un exemple de réussite de la coopération régionale. La meilleure preuve en est qu'elle a résisté aux crises financières de 1997-1998, à la forte hausse du dollar, et au choc pétrolier l'année dernière. La zone euro a non seulement gagné en autonomie par rapport à l'économie mondiale, mais elle est devenue une zone de stabilité et de solidité. Elle est prête à jouer cette année le rôle de moteur de la croissance mondiale. La France, qui a enregistré une croissance supérieure à 3% chacune de ces trois dernières années, sera sûrement une des locomotives de la zone.

2) La politique économique de la zone euro se caractérise principalement par la coordination et la subsidiarité. Alors qu'il y a désormais une politique monétaire unique, la plupart des autres politiques, notamment budgétaire et fiscale, sont décidées au niveau national avec une coordination européenne.
La politique commerciale est de compétence communautaire pour l'essentiel et permet à l'Union européenne de mener une politique ambitieuse, soit à l'OMC, soit, en ce qui concerne les accords régionaux, avec le Mexique, l'Afrique du Sud, demain le Mercosur et le Chili. Je me félicite d'ailleurs de la grande convergence de vues entre l'Union européenne ou le Japon dans le domaine des négociations à l'OMC.

Trois institutions sont essentielles pour assurer une coordination efficace :

  • le conseil ECOFIN, composé des quinze ministres des finances, adopte la législation communautaire dans les domaines économique et financier. et coordonne les politiques économiques.
  • l'Eurogroupe, composé de 12 ministres des finances de la zone, a été créé afin de renforcer la coordination de la politique économique dans la zone euro.
  • l'Eurosystème, chargé de la politique monétaire unique, est composé de la Banque Centrale Européenne et des 12 banques centrales nationales de la zone euro.

Je voudrais également dire quelques mots sur les aspects institutionnels du traité de Nice. Le Conseil européen de décembre dernier a été le plus long jamais observé dans l'histoire de l'Union européenne. Les négociations ont été complexes et les questions à traiter fondamentales, à savoir la réforme des institutions dans une Union élargie. Les résultats sont satisfaisants.
Il y a un accord sur la réforme des institutions: un résultat positif était la condition préalable pour envisager positivement l'adhésion prochaine des candidats d'Europe de l'Est. Beaucoup de pays candidats à l'Union considèrent le traité de Nice comme leur Traité de Rome, celui qui avait fondé l'Europe à 6 en 1957. Cet accord est une bonne nouvelle pour l'économie de l'Union européenne à laquelle un marché élargi apporte un supplément de croissance.

3) Bien que le ralentissement de l'économie américaine se fasse sentir sur la croissance des pays asiatiques, il ne devrait avoir que des effets limités sur la croissance européenne. Les cycles d'activité américain et européen sont de fait largement déconnectés l'un de l'autre. De plus, la modération de la demande étrangère adressée à la zone devrait être compensée par une demande intérieure plus robuste. Les importants allégements fiscaux prenant effet cette année dans les principaux pays de la zone euro devraient contribuer à soutenir la croissance de la consommation des ménages.
Le gouvernement français s'est engagé à alléger la fiscalité à travers un plan ambitieux sur la période 2001-2003, plan s'intégrant dans un effort d'harmonisation des fiscalités européennes. Les impôts sont utiles pour financer les services publics et l'amélioration de la cohésion sociale. Mais nous savons que des taxes trop élevées découragent la recherche d'emploi, l'effort et l'innovation: c'est pourquoi la réduction de la fiscalité constitue une réforme structurelle clé et alimentera un régime de croissance non inflationniste et soutenable.
La réduction des taux d'imposition des tranches supérieures en trois ans doit constituer un signal clair pour les cadres et les entrepreneurs, comme le nouveau régime de stock options spécialement favorable aux innovateurs.
Je sais que l'image de la France reste peu claire pour certains: alors que sa position géographique au sein de l'Union Européenne est reconnue comme un atout de taille, ainsi que les qualifications de la main d'oeuvre, la complexité de notre régulation est souvent critiquée. L'expansion de l'investissement direct étranger en France (la France a retrouvé en 2000 sa place de 4ème pays d'accueil au sein des pays industrialisés, juste derrière l'Allemagne qui a bénéficié de l'acquisition de Mannesmann par Vodafone) montre bien que les investisseurs étrangers reconnaissent les qualités de notre main-d'oeuvre et de nos infrastructures. Nous avons voulu cependant corriger certaines de nos faiblesses et accroître l'attractivité de notre pays. Réduit à 33 1/3 % en 2003, le taux d'imposition des sociétés en France revient dans la moyenne de l'Union européenne, alors même que notre régime et nos pratiques en cas de fusions-acquisitions sont compétitifs.

4) Ce qui est crucial pour soutenir la consommation privée et la croissance européenne, c'est la poursuite de la croissance de l'emploi et d'une diminution substantielle du chômage. Avec les allègements fiscaux, celle-ci renforcera la confiance des consommateurs et donc leur consommation, ce qui soutiendra la confiance des entreprises et la croissance de l'investissement, et au total la croissance économique. C'est le cercle vertueux que nous anticipons pour la zone euro.

5) L'emploi dans la zone euro devrait effectivement rester dynamique, cette année et l'année prochaine. L'accroissement de l'emploi et la diminution du chômage ces dernières années ne sont pas uniquement le résultat de l'évolution cyclique favorable de l'activité économique, mais sont aussi à attribuer largement aux réformes structurelles sur le marché du travail.
Permettez moi d'insister sur l'excellente performance française en matière de créations d'emplois: plus d'1,5 millions d'emplois ont été crées en trois ans, dont 600 000 en 2000, la meilleure année du siècle pour notre pays ; le taux de chômage est passé de 12,6% à la mi 97 à 9% récemment. Ces résultats témoignent des changements structurels sur le marché du travail: l'allégement du coût du travail au niveau des bas salaires a permis de réintégrer dans l'emploi les catégories les moins qualifiées, le développement du temps partiel et de l'intérim a favorisé la souplesse du fonctionnement du marché du travail, la modération salariale a permis d'éviter les enchaînements inflationnistes malheureux.
La réduction de la durée légale du travail a contribué aux créations d'emploi en 2000 et, contrairement à certaines craintes, n'a pas entamé la compétitivité des entreprises. Au contraire, elle a généralement été accompagnée d'une réorganisation et d'une rationalisation du temps de travail au sein des entreprises et assortie d'accords de modération salariale.

6) L'approfondissement des réformes sur les marchés des biens et des services est en cours : il est essentiel pour une croissance plus forte, un emploi plus élevé, des prix plus bas et des bénéfices accrus pour les consommateurs.
De concert avec ses partenaires européens, la France poursuit l'ouverture à la concurrence de ses industries de réseaux. Les premières avancées avaient concerné le secteur des télécommunications, avec l'entrée sur le marché de la téléphonie fixe des exploitants privés dès le 1er janvier 1996. Depuis le 1er janvier 2001, la boucle locale, dernier tronçon sur lequel France Télécom exerçait un monopole, est accessible aux exploitants privés, ouvrant la voie à une diffusion plus large de l'Internet à haut débit. L'attribution en juin 2001 des licences UMTS devrait élargir encore davantage le choix du support pour accéder à ces hauts débits. Cette modernisation du marché s'étend aux secteurs de l'électricité et du gaz. La loi de transposition de la directive européenne, adoptée en février 2000, ouvre la concurrence à plus de 30% du marché français. De même, les dispositions de la directive communautaire relative au gaz s'appliquent depuis août 2000, de sorte que 150 entreprises représentant 20 % du marché peuvent désormais faire appel au fournisseur de leur choix.
L'ouverture à la concurrence de secteurs pour lesquels la dimension de service public est forte n'est cependant pas à elle seule garante de l'intérêt économique général, et notamment de l'égalité d'accès et de la sûreté des réseaux. La libéralisation doit être maîtrisée, afin d'éviter certaines mésaventures récentes intervenues aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en Suède, et doit être régulée par des autorités de la concurrence indépendantes. C'est là une position française.
Pour des raisons analogues, nous plaidons au niveau européen pour une ouverture commerciale maîtrisée et rappelons notre engagement pour un nouveau cycle commercial à l'OMC.

7) Entrées dans la nouvelle économie avec une décennie de retard, l'Europe et la France sont dans une phase de rattrapage accélérée qui devrait conforter la croissance au cours des années à venir.
Dans la course à l'innovation, la France a de sérieux avantages et fait partie des leaders, même si elle accuse certains retards dans certains domaines. Nos dépenses de recherche et développement sont supérieures à 2% du PIB. Le savoir-faire et la qualité de nos équipes sont reconnus et leur succès dans de nombreuses industries, telles l'aéronautique, l'espace et les télécommunications n'ont pas besoin d'être rappelés. Depuis 1997, nous avons placé l'innovation et les innovateurs au coeur de notre politique. En créant des fonds publics de capital risque, en mettant en place un régime fiscal avantageux pour soutenir les initiatives, en instituant des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise, nous avons stimulé l'essor de ces secteurs. Nous renforçons notre effort de recherche, par exemple en facilitant pour les chercheurs l'exercice d'une activité d'entreprise et en faisant des technologies de l'information l'une des priorités de la recherche publique.
Ces efforts nationaux devraient contribuer à renforcer L'Europe de l'innovation. L'Europe, en effet, produit à elle seule un tiers des innovations mondiales et nous essayons continûment d'améliorer la cohérence et l'efficacité des initiatives régionales, nationales et européennes.

8) Il n'y a pas de prospérité sans institutions financières solides et marchés financiers larges. Le renouveau de Paris comme place financière témoigne de la vitalité de la communauté financière française. Le secteur financier français a été consolidé, le financement par capital risque a été encouragé de façon répétée, le développement des transactions en ligne est spectaculaire. La fusion totale des bourses française, néerlandaise, et belge, au sein d'Euronext, la plus grande place boursière de la zone euro, ouvre la voie à d'autres restructurations du secteur financier en Europe. Enfin, les autorités de régulation des marchés financiers en France, la Commission des opérations de bourse et le Conseil des marchés financiers, sont en train d'être réorganisées, fusionnées et renforcées afin d'améliorer la sécurité et la simplicité.
Au niveau européen, un comité des sages vient de faire des propositions pour harmoniser et unifier la supervision des marchés financiers européens. Il reste beaucoup à faire pour aboutir à la mise en oeuvre d'un marché unique des actions et des obligations, mais je suis convaincu que la zone euro deviendra la destination principale des flux internationaux de capitaux.

9) Les chefs d'Etat et de gouvernement, lors du sommet européen de Stockholm de vendredi et samedi derniers, viennent de faire le point sur la stratégie ambitieuse qu'ils s'étaient fixés l'an dernier à Lisbonne, à savoir "transformer l'Union européenne d'ici 2010 en l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d'une croissance économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale". Ils ont réaffirmé leurs objectifs de long terme, la prospérité économique et le plein-emploi.

10) Mesdames et Messieurs, alors que les incertitudes sur l'évolution de l'économie mondiale sont grandes, je veux vous adresser aujourd'hui un message de confiance: confiance dans la croissance de la zone euro et dans l'avancée des réformes structurelles, confiance dans son entrée dans la nouvelle économie tout en préservant la solidarité et la cohésion sociale ; satisfaction aussi sur la performance française, signe que les réformes accomplies en France portent leurs fruits. Cette confiance n'est pas incompatible avec une vigilance accrue face aux évolutions mondiales et à la baisse des marchés.
Je voudrais aussi vous adresser un message de confiance dans la relation Union européenne-Japon, et notamment France-Japon. L'Union européenne représente 15% des échanges extérieurs du Japon. Le Japon est le 9ème client de la France, et son 8ème fournisseur et place maintenant la France au 2ème rang de ses investissements en Europe.
Le Japon connaît depuis quelques années une période de mutation. Il est en train d'évoluer, de se chercher un nouveau modèle. Les entreprises notamment sont en train de repenser leurs stratégies, de redéfinir leurs activités, de renouveler leurs méthodes, elles font appel à de nouveaux partenaires. Je suis heureux que cela les conduisent souvent à se tourner vers des partenaires français.
Nagoya et la région du Chubu sont tournées vers l'avenir et portent des projets ambitieux, à commencer par l'exposition universelle de 2005 (EXPO 2005 AICHI) dont le thème apparaît aujourd'hui prophétique : " la sagesse de la nature ". Je tiens aujourd'hui à renouveler la confiance et le soutien de la France à cette exposition. L'autre grand projet du Chubu pour 2005 est la construction du nouvel aéroport international, qui sera construit dans la baie d'Isé.
Pour ces deux projets, ainsi que pour les nombreux autres projets d'infrastructures en cours de développement, je peux vous garantir que les entreprises françaises ont la capacité et le désir d'être associées à vos projets et de travailler à vos côtés.
Mesdames et Messieurs, la relation France-Japon est maintenant forte et décomplexée. Elle s'appuie non seulement sur les échanges de marchandises, mais aussi sur les échanges de services et les relations culturelles, les investissements et les partenariats technologiques croisés. A l'occasion de ce voyage, je viens lancer une nouvelle campagne "France-Japon, l'esprit partenaire". Elle doit donner une nouvelle impulsion à un partenariat déjà riche.

(source http://www.commerce-exterieur.gouv.fr, le 4 avril 2001)