Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur la restauration de la compétitivité de l'économie, la réduction des déficits publics et les mesures en faveur des PME, à Clisson le 14 novembre 2011.

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Circonstance : Visite l'entreprise Girard Hervouet, spécialisée dans les secteurs de la charpente métallique, à Clisson (Loire-Atlantique) le 14 novembre 2011

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
C’est d’abord pour moi un très grand plaisir de me retrouver ici à Clisson, cette région des Pays de la Loire à laquelle je suis depuis toujours attaché. Je voudrais saluer tous les élus, tous les responsables, tous les salariés de l’entreprise qui nous accueillent aujourd’hui.
Et puis vous dire le plaisir de retrouver Serge POIGNANT, pour lui rendre hommage ici en Loire-Atlantique et à l’Assemblée nationale où il est Président de la commission des Affaires économiques. Serge fait, aux côtés du Gouvernement, un travail formidable. Sa mission n’est pas toujours facile puisqu’il s’agit, dans une période où les réformes se succèdent, où il s’agit de prendre des décisions parfois difficiles sur le plan financier, sur le plan fiscal, sur le plan économique, de faire converger les idées des uns et des autres et faire converger l’imagination des parlementaires et la rigueur du Gouvernement. En tout cas je voudrais vous dire que j’ai pu mesurer, tout au long de ces derniers mois, l’efficacité de son engagement en faveur de nos artisans et de nos entrepreneurs et ce déplacement, c’est d’abord pour moi l’occasion de dire à Serge la profonde estime que j’ai pour lui et pour tout ce qu’il a accompli.
Je veux saluer l’entreprise GIRARD HERVOUET, une PME qui est montée en puissance au fil des décennies et qui est désormais intégrée au sein d’un groupe, la SOPREMA, et qui inaugure de nouveaux locaux. Dans cette période particulièrement difficile, votre entreprise est un exemple. C’est un exemple de ces PME qui se battent, qui ne baissent pas les bras et qui cherchent en permanence à se dépasser dans leur secteur. Bien sûr, la crise a eu un impact sur vos carnets de commandes. Mais vous avez misé sur l’innovation, vous avez misé sur l’augmentation de vos capacités de production pour préserver vos parts de marché et pour en gagner de nouvelles. Vous avez d’autant plus raison de le faire que votre secteur d’activité est appelé à se développer, avec la nécessité à la suite des mesures que nous avons prises dans le cadre du Grenelle de l’environnement, de construire des bâtiments qui consomment moins d’énergie. Ce tournant, vous avez déjà largement commencé à le négocier, de même que celui des énergies renouvelables. C’est ce type de démarches que nous devons soutenir si nous voulons réussir à surmonter les années de crise que nous traversons.
La crise financière de 2008, puis la crise des dettes souveraines, et puis aujourd’hui ce qu’on pourrait appeler au fond la crise de l’Europe et de sa crédibilité en termes de prises de décisions, ces trois crises se sont succédées de façon implacable et elles ont profondément touché les économies occidentales.
On a l’habitude de dire que le monde change. En réalité, ce n’est pas tout à fait exact : il a changé. Et il a changé de façon radicale, j’ai envie de dire sans que nous le voyions vraiment, ou en tout cas, sans que nous voulions le voir. Les années 2008-2012, qui auront été des années marquées par une des crises les plus graves depuis l’Après-guerre, seront surtout des années qui resteront dans l’histoire comme les années du basculement de l’économie mondiale, comme les années de la fin de la suprématie occidentale et en particulier européenne.
Par rapport à ce que nous avons connu, le monde va donc être plus concurrentiel en tout cas pour nous. On a l’habitude de dire que la mondialisation, la compétition, tout ça c’est injuste. Il faut peut-être se garder de ces jugements un peu rapides et péremptoires. Est-ce que c’était juste quand nous exploitions les richesses naturelles des pays qui sont aujourd’hui les pays qui se développent et que nous leur revendions ensuite les biens que nous fabriquions chez nous ? Ce n’était pas juste non plus…
Et donc bien sûr, la mondialisation a besoin de règles mais la vérité, c’est que le moteur principal de la mondialisation qui est vieille comme le monde, c’est l’émergence, c’est la naissance, c’est la renaissance de puissances économiques nouvelles et c’est le déclin d’autres. Et toute la difficulté pour nos vieilles nations européennes, pour nos vieilles nations industrialisées, c’est de nous réformer, c’est de modifier notre organisation, c’est d’être plus efficaces pour essayer d’enrayer une mécanique de déclin qui est une mécanique historique et qui est liée à la compétition internationale, à l’envie que d’immenses pays ont de partager d’une autre façon les richesses du monde.
Ça veut dire que nous ne pouvons plus nous reposer sur nos lauriers, sur notre réputation, sur notre savoir-faire. C’est quelque chose qui peut être salutaire parce que notre nation a les moyens de se réinventer. La SOPREMA a des usines en Allemagne et en France et je crois que son directeur sait de quoi je veux parler. Nous avons le devoir d’être plus compétitifs. Nous avons le devoir de produire plus et de produire mieux. Nous avons le devoir d’être plus créatifs.
Nous savions bien en 2007, lorsque j’ai eu l’honneur de prendre les commandes du Gouvernement de la République française, que nos deux grands objectifs seraient de restaurer notre compétitivité et de réduire notre endettement. Nous avons engagé des réformes, des réformes pour redynamiser le modèle français, en revalorisant le travail avec la défiscalisation des heures supplémentaires, en accordant l’autonomie à nos universités, en lançant la révision générale des politiques publiques pour avoir des administrations plus performantes et pour faire baisser les coûts de l’administration d’Etat, en décidant de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ; parce qu’il n’y a pas d’autres solutions, pour baisser la dépense publique dans un pays comme le nôtre, que de réduire les effectifs de fonctionnaires et de réformer nos retraites pour garantir leur financement.
La crise ne nous a pas fait dévier de cette trajectoire. Elle l’a rendue j’ai envie de dire, même plus urgente, plus légitime encore. Aujourd’hui, la question de l’endettement des Etats, c’est un enjeu historique, c’est un enjeu historique pour la France, c’est un enjeu historique pour l’Europe. Pendant trop longtemps, notre pays comme beaucoup d’autres Etats européens, beaucoup d’autres Etats occidentaux ont emprunté sur les marchés, sans vraiment se poser la question du remboursement futur, en se disant qu’ils étaient des grandes puissances et que de toutes façons on ferait toujours crédit à une grande puissance. C’était confortable, ça permettait de financer des politiques publiques généreuses, de réduire la durée du travail, de prodiguer un degré élevé d’assistanat.
Mais pendant ce temps-là, la productivité et la création de richesses n’ont pas augmenté assez vite pour nous donner les moyens de rembourser cet endettement. Et maintenant toutes les grandes nations occidentales sont au pied du mur. Il faut réduire nos déficits. Il faut le faire sans faiblesse. Nous devons faire nous-mêmes des choix courageux pour ne pas avoir un jour à prendre des décisions qui nous seraient dictées de l’extérieur. C’est ce que nous avons décidé de faire, avec un degré d’exigence qui est inédit dans notre histoire.
Nous avons défini une trajectoire qui est celle du retour à l’équilibre de notre budget en 2016. Je veux rappeler que cet équilibre n’a jamais été atteint depuis 1975 ! Nous avons pour 2012 un budget dont j’ai eu l’occasion de dire à plusieurs reprises qu’il était le plus rigoureux depuis 1945. J’ai vu que cela en surprenait certains. Certains se sont dit : mais qu’est-ce qui lui prend ? La tête est en train d’enfler ! C’est la vérité : c’est la première fois depuis 1945 que les dépenses de l’Etat baissent. Il y a eu des budgets rigoureux dans notre histoire, c'est-à-dire des budgets qui ont comporté des augmentations de fiscalité très importantes. Mais c’est la première fois depuis 1945 que les dépenses de l’Etat baissent. Elles baisseront d’un milliard et demi en 2012 et elles devront continuer à baisser les années suivantes.
Alors j’entends bien les critiques qui nous sont faites. Certains disent qu’on n’en fait pas assez - ils oublient d’ailleurs que douze milliards d’économie en août, sept en novembre, ça fait dix-neuf, dix-neuf milliards d’ajustement sur un budget, ce n’est pas rien.
Et l’obsession que nous avons avec le Président de la République, c’est de trouver le bon équilibre, c'est-à-dire de satisfaire les engagements que nous avons pris de réduction de nos déficits. Ce sont des engagements intangibles. Nous devons être au rendez-vous en 2011, en 2012, en 2013. C’est la crédibilité de la France qui est en cause et pas seulement la crédibilité financière de la France mais aussi sa parole au fond et sa place dans le concert des nations. Et pour y parvenir, il faut à la fois réduire les déficits mais il ne faut pas le faire de façon trop brutale. Parce que le faire de façon trop brutale, c'est stopper les travaux, c’est stopper les investissements, c’est bloquer la consommation et c’est prendre le risque d’engager un cycle de récession qui serait extrêmement dommageable pour notre pays.
J’ai vu d’ailleurs à ce sujet les commentaires faits par la Commission européenne, il y a quelques jours, sur nos prévisions budgétaires. Je veux rassurer la Commission européenne : nous avons dans le budget 2012 et je l’avais indiqué en présentant le plan d’économie il y a quelques jours, nous avons anticipé la possibilité d’une croissance plus faible, compte tenu de la situation en Europe et dans le monde et j’ai indiqué déjà il y a plusieurs jours que six milliards d’euros seraient gelés sur le budget de 2012. Et naturellement si les prévisions de croissance n’étaient pas au rendez-vous, ces six milliards d’euros gelés se transformeraient en annulation de crédits, nous permettant d’être parfaitement au rendez-vous des 4,5% de déficit en 2012.
J’ai vu aussi qu’on s’interrogeait sur nos prévisions 2013. Franchement, même avec le télescope HUBBLE, je pense que les prévisions pour 2013 sont difficiles à réaliser dans un monde aussi incertain que celui dans lequel nous vivons et où l’essentiel de la crise que nous traversons est une crise de confiance. Ce n’est pas une crise technique, ce n’est pas une crise structurelle au sens où il y aurait un problème de demande, où il y aurait un problème de croissance de l’économie mondiale. Il n’y a pas de problème de demande ; il n’y a pas de problème de croissance de l’économie mondiale. Il y a un doute, qui s’est aggravé au fur et à mesure des mois, qui pèse sur la zone euro et sur la capacité des Européens à prendre des décisions pour faire face aux difficultés qu’ils rencontrent.
C’est ça le cœur du sujet ; il suffit que nous réglions cette question, notamment par des réformes que nous devons mener, s’agissant des institutions européennes, s’agissant de la zone euro et la confiance reviendra. Et les doutes qui pèsent sur l’Union européenne, sur l’Europe, seront balayés. C’est dire si les prévisions de croissance au-delà de 2012 constituent un exercice hasardeux.
Le cap qui est le nôtre, c’est celui d’un pilotage pragmatique, d’un pilotage équilibré, qui tient compte de la nécessité de réduire les déficits et de l’autre, de nourrir la reprise économique. Dans le plan que j’ai présenté la semaine dernière, nous avons décidé de mettre à contribution les grands groupes, qui font plus de 250 millions d’euros de chiffre d’affaires, en augmentant leur impôt sur les sociétés pendant deux ans, pour contribuer au retour à l’équilibre.
Mais nous avons veillé à ne pas fragiliser les PME. Nous avons décidé de ne pas revenir sur les aménagements que nous avons déjà apportés à la fiscalité en faveur des PME. Je pense à la réforme de la taxe professionnelle ; je pense au triplement du crédit impôt-recherche qui a donné un coup d’accélérateur considérable à la recherche et à l’innovation dans notre pays ; je pense à la suppression de l’impôt forfaitaire annuel pour les PME.
Enfin nous sommes extrêmement vigilants sur le maintien de l’accès au crédit pour les entreprises. Ce maintien de l’accès au crédit passe d’abord par la sécurisation de nos banques. C’est la raison notamment pour laquelle d’une manière conjointe en Europe, nous avons demandé aux banques d’augmenter leurs fonds propres et de le faire à partir de leurs résultats, de le faire en faisant appel à des concours privés et non pas à l’aide publique. Des banques plus solides, ce sont des banques qui pourront continuer à prêter aux PME. J’ai mis en place un observatoire qui sous l’autorité de la BANQUE DE FRANCE, publiera tous les trois mois les chiffres précis des financements bancaires aux PME pour qu’on puisse vérifier s’il y a des difficultés dans ce domaine.
Pour encourager l’activité des entrepreneurs, nous sommes en train de mettre en place une série de mesures de simplification. Il y avait aussi des progrès à faire concernant la commande publique : je vais signer dans les prochains jours un décret qui portera à 15.000 euros le seuil de dispense de formalités dans le cadre des marchés publics, qui est aujourd’hui de 4.000 euros. Pour les collectivités territoriales, cela signifie moins de formalités administratives et pour les entreprises - je pense notamment aux petites entreprises du bâtiment – ça leur évitera de devoir réaliser, comme c’est trop souvent le cas, des devis concernant des travaux de faible montant et qui ne se traduisent pas, la plupart du temps, en tout cas pas toujours, par l’obtention du marché.
Afin d’améliorer les relations entre l’administration et ses fournisseurs, avant la fin de l’année, une circulaire sera diffusée invitant les acheteurs publics à ne plus exiger des entreprises la fourniture d’informations qui ont déjà été transmises dans le cadre d’une précédente consultation. Il ne sert en effet à rien que les entreprises qui répondent à des marchés publics transmettent de multiples fois, au cours de la même année, leur dossier de présentation, comme si les acheteurs publics ne les connaissaient pas. Cette circulaire incitera aussi les acheteurs publics à désigner un interlocuteur unique, jouant un rôle de médiation dans la résolution des difficultés qui pourraient apparaître lors de l’exécution du marché. Les entreprises sauront donc à qui s’adresser en cas de problème.
Au fond, pour aller chercher la croissance, il faut agir à tous les niveaux. Ca passe par ces mesures qui sont destinées à faciliter la vie des entreprises au quotidien. Ca passe aussi par une politique ambitieuse en faveur de la recherche et de l’innovation. Je l’ai déjà indiqué, depuis 2009 la France est devenue le premier pays européen pour le nombre d’emplois créés par l’implantation de centres de recherche et de développement étrangers. Parce que nous avons des ingénieurs et des chercheurs très compétents, mais aussi parce que nous avons pris des décisions importantes, en triplant le crédit impôt-recherche, en relançant les pôles de compétitivité, en renforçant les moyens de la recherche publique, en lançant le programme d’investissements d’avenir que nous n’avons pas touché malgré les difficultés financières que nous rencontrons – 35 milliards d’euros au service des filières d’avenir de notre économie – qui vont nous permettre de passer à la vitesse supérieure avec des projets d’excellence de niveau mondial qui rassemblent des universités, des organismes de recherche, des entreprises, et en particulier des PME, parce que nous sommes très attentifs au fait que les porteurs de projets qui viennent solliciter les crédits du programme d’investissements d’avenir, associent des PME à leurs ambitions.
Ce programme d’investissements d’avenir est en train de créer des dynamiques et des synergies sur l’ensemble de nos territoires. Ici, en Loire-Atlantique, a été sélectionné notamment l’Institut de recherche technologique Jules Verne, qui figure parmi les six instituts sélectionnés à ce stade au niveau national. Le thème central du projet - les matériaux composites - est au cœur d’une bataille mondiale avec le Japon, avec la Chine, avec les Etats-Unis pour maîtriser leur conception et pour maîtriser leur intégration. En investissant 115 millions d’euros d’ici 2020 sur cet Institut de Recherche technologique, l’Etat s’engage pour qu’à l’échelle internationale Nantes soit reconnu comme le site de référence dans la maîtrise des matériaux composites.
Il y a d’autres appels à projets en cours et les entreprises et les laboratoires des Pays de la Loire y ont toutes leurs chances. Je veux redire devant vous, à quel point je tiens à ce que ces crédits d’investissements d’avenir soient attribués de la manière la plus transparente qui soit, sur les décisions de jurys et en particulier s’agissant des programmes de recherches, sur des décisions de jurys internationaux.
Nous ne sommes pas dans une situation où nous pouvons nous permettre de saupoudrer les crédits sur tous les territoires pour faire une politique qui soit une politique d’aménagement du territoire. Cette politique d’aménagement du territoire, il y a d’autres outils pour la conduire. Mais s’agissant de la recherche, s’agissant de l’innovation, il y a une seule chose qui compte, c’est l’excellence. On est dans une bataille mondiale et un seul euro qui n’est pas investi dans le meilleur projet, c'est un euro qui est gâché. C’est la raison pour laquelle, malgré toutes les pressions, – et elles sont parfois très fortes – je me tiens à la règle que nous nous sommes fixée et qui je crois est une petite révolution dans notre pays. Le politique n’a pas à choisir les projets de recherche. Il a naturellement à impulser des projets, il a à apporter son financement s’il le souhaite, il a à mettre en place un environnement mais s’agissant de l’excellence des projets, il y a des gens qui sont compétents pour en juger et ce n’est pas notre cas.
Voilà, je disais que dans tous nos territoires, chacun ressent aujourd’hui les effets de la mondialisation. Mais dans tous nos territoires, nous avons aussi des atouts pour relever les défis de cette compétition mondiale. Le chemin que nous avons choisi, c’est celui du réalisme. C’est le chemin de l’effort, l’effort de chacun parce que nous devons tous accepter quelques sacrifices, l’effort évidemment de l’Etat qui doit mettre, le premier, fin à des années et des années de déficit. C’est un chemin qui n’est pas facile. Je mesure parfaitement les critiques qu’il peut provoquer. Mais je veux dire que je ne connais pas d’autre chemin pour nous redresser financièrement et pour nous relancer économiquement.
Voilà, Mesdames et Messieurs, je voulais pour finir vous dire que j’ai confiance dans l’inventivité, j’ai confiance dans le courage de notre pays et c’est cette volonté d’aller toujours de l’avant que j’ai une nouvelle fois ressentie avec vous en visitant cette entreprise.
Source http://www.gouvernement.fr, le 15 novembre 2011