Interview de M. Benoist Apparu, secrétaire d'Etat chargé du logement, à Canal Plus le 31 janvier 2012, sur l'hébergement d'urgence par grand froid et l'annonce de l'augmentation de 30% des capacités de construction de logements.

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Média : Canal Plus

Texte intégral

CAROLINE ROUX Alors, c'est un paradoxe, le froid c'est la garantie de déblocage de places d’urgence pour les SDF. Zéro demande non pourvue par manque de place, c'est ce que vous avez demandé aux préfets, dans une lettre que vous leur avez adressée hier. Est-ce que l’objectif sera tenu jusqu’à la fin de la semaine ?
 
BENOIST APPARU Alors, j’ai effectivement alerté hier tous les préfets, sur la vague de froid qui arrivait, pour leur dire : pour l’instant on applique ce que l’on appelle le zéro demande non pourvue, c'est-à-dire que tout le monde doit être pris en charge, pour les familles. Ce que je vous demande maintenant, c'est de prendre en charge tout le monde, pendant cette période de grand froid, familles comme personnes isolées, pour que 100 % des demandes soient remplies.
 
CAROLINE ROUX Ça veut dire que vous débloquez combien de places supplémentaires ?
 
BENOIST APPARU Alors, ça veut dire que par exemple, sur l’Ile-de-France, nous avons ouvert 80 places la semaine dernière, on va ouvrir 150 places cette semaine. Ça peut paraitre des petits chiffres, il faut juste avoir en tête que le nombre de places ouvertes toute l’année, toute l’année, 365 jours sur 365, c'est 117 000 places, 25 % de plus qu’en 2007. Donc, pendant cette période hivernale, on a ouvert 10 000 place de plus et qu’on peut monter jusqu’à 19 000 places. Donc on a encore des marges de manoeuvre, pour ouvrir dès cette semaine, toutes les places indispensables, pour nous permettre de résoudre cette question et d’avoir ce zéro demande non pourvue.
 
CAROLINE ROUX Quelle sont les zones, les situations que vous avez le plus de mal à gérer ?
 
BENOIST APPARU La plus grande difficulté, c'est les personnes qui ne souhaitent pas un hébergement. Malheureusement, aussi paradoxal que cela puisse paraitre, dans les maraudes la nuit, vous avez des personnes qui ne voudront pas être prises en charge et aller en centres d’hébergement, et bien évidemment, on ne les oblige pas à aller en centres d’hébergement. Il y a des personnes qui malheureusement sont tellement éloignées de tout, qui ont passé dix ans, quinze ans dans la rue, qu’elles ne souhaitent pas aller en centres d’hébergement. C'est ça la plus grosse difficulté.
 
CAROLINE ROUX Alors, nous avons reçu tout à l'heure, Xavier EMMANUELLI, l’ancien patron du Samu Social, l’inventeur du Samu Social, qui nous a dit : « Le problème c'est qu’on ne s’en sortira pas, tant qu’on n’appréhendera pas le problème du logement des SDF, comme on le fait pour l’urgence médicale ». L’urgence sociale versus l’urgence médicale, est-ce que c'est une approche qui vous semble la plus cohérente ?
 
BENOIST APPARU Xavier EMMANUELLI a raison, pour une petite partie du public, c'est-à-dire pour les personnes, les hommes ou les femmes, qui sont très éloignés du logement, très éloignés de l’insertion professionnelle, et qui sont, souvent avec des conduites additives, psychiatriquement parlant très faibles. Pour ces publics-là, qui représentent 20 à 25 % du public, il a raison. Malheureusement, depuis une quinzaine d’années, on a des nouveaux publics à la rue, des travailleurs pauvres, des femmes isolées, et ceux-là, il faut les prendre en charge le plus rapidement possible, et les sortir de cette situation-là, pour ne pas qu’ils s’enfoncent. D’où une nouvelle stratégie que l’on a mise en place cette année, avec l’association, que l’on a appelée « Logement d’abord », qui consiste à dire : sautons la case hébergement, accompagnons ces personnes le plus rapidement possible vers les logements, pour les sortir définitivement de la rue.
 
CAROLINE ROUX On annonce - 18, - 20, en températures ressenties, est-ce qu’il faut contraindre les publics qui ne souhaitent pas aller dans les foyers d’hébergement, à aller se mettre au chaud ?
 
BENOIST APPARU Non. On ne contraint pas les personnes qui sont à aller au chaud, sauf, bien évidemment, s’il y a le risque de vie ou de mort, pour eux. A ce moment-là, on peut les contraindre.
 
AROLINE ROUX C'est bien le sujet. C'est bien le sujet.
 
BENOIST APPARU S’il y a un risque de vie et de mort, oui. Là encore, chaque situation est particulière, les équipes de professionnels ont été multipliées cette semaine, et qui font les maraudes, savent quoi faire, je leur fais totalement confiance.
 
MAÏTENA BIRABEN Oui, mais ils vous disent tous, là, sur CANAL... pardon, sur Facebook, ils vous disent tous : « Il n’y a pas assez de logements d’urgence », des gens qui travaillent, qui font des maraudes, qui accompagnent, ils vous le disent.
 
BENOIST APPARU C'est bien la raison pour laquelle on va ouvrir des places complémentaires cette semaine, de mise à l’abri, pour que tout le monde puisse être accueilli cette semaine.
 
CAROLINE ROUX Alors, on parle d’une des dispositions évoquées par le président de la République, qui a proposé de relever de 30 % le droit à construire. Alors, il y a eu un mot d’humour de la part d’Aurélie FILIPPETTI, porte-parole du candidat HOLLANDE, qui a dit : « Ah ben c'est super, on va permettre à tous les Français de se construire une véranda ».
 
MAÏTENA BIRABEN C'est drôle.
 
CAROLINE ROUX J’imagine que ce mot ne vous fait pas sourire. Je le vois, ça ne vous fait pas sourire.
 
BENOIST APPARU Si si. Si si. Si si, ça me fait sourire.
 
CAROLINE ROUX On a le sentiment que c'est un cadeau qui est fait à ceux qui sont déjà propriétaires.
 
BENOIST APPARU Peut-être que cette mesure a été mal comprise. Bien évidemment...
 
CAROLINE ROUX Mal expliquée peut-être.
 
BENOIST APPARU Je vais... ou mal expliquée, j’ai peut-être mal fait mon boulot et je vais essayer de...
 
CAROLINE ROUX C’était le président de la République qui l’a expliquée.
 
BENOIST APPARU ... et je vais bien le faire ce matin, c'est promis. On a le sentiment, en écoutant Aurélie FILIPPETTI, que l’on va juste pouvoir agrandir sa maison. Ce n'est pas le but du jeu. Quel est le but du jeu ? Aujourd'hui, dans une ville, vous allez avoir un plan local d’urbanisme, qui va vous dire : « Vous pouvez construire, maximum, un immeuble de 6 étages avec 4 appartements par étage ». Ça fait 24 appartements. Eh bien nous on veut, c'est quoi, 30 % de plus. Et donc c'est construire un immeuble de 8 étages, fois 4 logements par étage, ça fait 32 logements, ça fait 8 logements de plus. Notre idée c'est quoi ? Ce n'est pas simplement d’agrandir les maisons, c'est de se dire comment on utilise mieux un terrain, pour construire plus sur le même terrain, ça fait beaucoup plus de logements.
 
CAROLINE ROUX Ça existe déjà, a expliqué hier Laurent FABIUS, ça existe déjà pour les logements qui sont à vertu sociale ou environnementale.
 
BENOIST APPARU Eh bien il faudrait qu’il révise ses dossiers, Laurent FABIUS, parce que non, ça n’existe pas déjà. Qu’est-ce qui existe aujourd'hui ? Les maires on la possibilité de le faire, la possibilité. Eh bien nous, ce que l’on veut, c'est que ce soit automatique, partout, dans toutes les villes en France, ça change tout.
 
CAROLINE ROUX Alors-là, ça énerve les maires, hein, ça énerve les maires, alors...
 
BENOIST APPARU C'est bien pour ça que c'est difficile à faire, mais l’objectif c'est de le faire pour trois ans.
 
CAROLINE ROUX Justement, ils sont convoqués, pardonnez-moi, députés et sénateurs sont réunis en urgence ce matin, à l’Elysée, justement pour faire un peu de pédagogie autour, notamment de cette disposition. Qu’est-ce que vous dites aux collectivités locales, qui disent : « Ça va être très compliqué de le gérer sur le terrain, pour des querelles de voisinage, notamment ». Est-ce qu’en dernier ressort, ce sont eux qui auront la main ?
 
BENOIST APPARU Il y a un moment où il faut qu’on arrête d’avoir des injonctions contradictoires. On nous dit en permanence qu’il n’y a pas assez de logements, c'est vrai. On nous dit qu’il n’y a plus d’argent dans les caisses, c'est vrai. On prend la seule mesure possible, qui ne coûte pas 1 € et qui fait plus de logements, et bien évidemment, on va nous dire comme toujours « ce n'est pas possible, c'est difficile ». Eh bien oui c'est difficile, oui c'est possible et on le fera. Les maires auront-ils le dernier mot en dernier ressort ? Oui. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu’on va donner la possibilité aux maires de refuser l’application de la mesure. Elle s’applique directement, sauf si le maire prend une délibération contraire. Ce que l’on souhaite, c'est aller vite, pour pouvoir faire plus de logements, vite.
 
CAROLINE ROUX Juste, une toute dernière question, rapidement. Vous trouvez ça normal qu’on lance des mesures qui ne seront pas appliquées avant la présidentielle, par exemple la TVA sociale, par exemple les accords de compétitivité, par exemple, tiens, les mesures que vous prenez pour le logement. C’est votre manière de faire de la politique ?
 
BENOIST APPARU Les mesures, là, seront appliquées, la mienne en tout cas, celle pour les 30 %, tout de suite. Concernant la baisse des charges qui pèsent sur les entreprises, 13 milliards quand même de baisses de charges pour les entreprises, ça sera applicable effectivement après la présidentielle. Vous imaginez que ce type de mesures-là, ça ne se fait pas en deux jours. Il faut des textes, il faut les mettre en application. Donc, si on ne prenait pas la décision cette année, eh bien ça veut dire qu’on perdait encore un an. Eh bien non...
 
CAROLINE ROUX Il fallait la prendre l’année dernière !
 
BENOIST APPARU ... on ne veut pas perdre un an.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 31 janvier 2012