Déclaration de Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement, sur la préparation d'un accord cadre entre l'Etat et le mouvement HLM destiné à relancer l'accession sociale à la propriété et sur "les groupes d'appui pour des programmes prioritaires" créés pour améliorer la gestion des HLM, Paris, le 3 mai 2001.

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Circonstance : Assemblée générale de la Fédération nationale des sociétés coopératives d'HLM à Paris, le 3 mai 2001

Texte intégral

Monsieur le Président, cher Jean-Louis,
Madame la Directrice, chère Michèle,
Mesdames et Messieurs les Présidents et les Directeurs,
Monsieur le représentant,
Monsieur le Directeur Général de l'Union,
Monsieur le représentant des Crédits Immobiliers,
Monsieur le Président des Crédits Immobiliers,
J'ai beaucoup d'émotion à être parmi vous, de l'autre côté de la barrière, puisque vous savez bien que pendant de nombreuses années, je participais à cette réunion en étant comme vous attentive au discours de Louis BESSON et des ministres qui se sont succédés.
Je voudrais tout d'abord vous rassurer, je n'ai pas changé en changeant de situation, mes convictions restent les mêmes : d'abord, l'absolue conviction que l'accession sociale à la propriété constitue un élément majeur du progrès, en premier lieu parce qu'il s'appuie sur l'aspiration des Français et de la grande masse de nos concitoyens.
Dans la démocratie, le principe même du suffrage universel est de considérer que la voix du peuple, son aspiration est en soi fondée, d'autant plus quand elle n'exclut pas les droits des autres ; c'est pourquoi je fais partie de celles et de ceux qui ne pensent pas qu'il y a opposition entre l'accession sociale à la propriété et le locatif social. Ce qui compte, c'est le libre choix, la possibilité pour chacun d'assumer le droit au logement et d'en avoir la possibilité.
Je suis d'autant plus convaincue de l'accession sociale à la propriété que lorsqu'on regarde après guerre (et je ne sais pas si ce n'est pas un des membres de votre conseil qui me le rappelait), depuis la deuxième guerre mondiale, l'idée de la promotion sociale était pour beaucoup des ouvriers, des gens de milieu modeste et souvent des couches les plus populaires de la population, le signe : c'était l'accession, pouvoir à la fin de sa vie ou au milieu de sa vie, avoir son chez soi.
Pourquoi était-ce vécu comme un progrès ? Pas par la mythologie de la propriété libératrice, c'est un vieux débat qui paraît par ailleurs largement dépassé au regard des événements actuels. C'est à cause de la sécurité que cela représentait, et aussi parce que cela représentait une sorte d'appropriation de son chez soi, d'autonomie assumée, de capacité d'avoir modelé là où l'on vit à l'image de ce que l'on souhaite, à son image, à l'image de ses désirs et de ses besoins.
Il est vrai que depuis quelques années, notamment depuis l'approfondissement de la crise et d'une certaine financiarisation du monde, ce progrès s'est interrompu.
Les raisons en sont nombreuses : il y a eu les phénomènes de taux d'intérêt, les phénomènes économiques objectifs. Il y a parfois aussi des choix idéologiques, de tous bords, qui ont considéré que la propriété pour les plus pauvres était un risque qu'une société développée ne pouvait plus se payer ; et on nous a, à longueur de journée, rappelé les catastrophes de l'accession sociale à la propriété qu'il faut bien relativiser ; car s'il n'y avait pas eu une chute brutale, une déflation, (et tous les systèmes publics, qu'on le veuille ou non, avaient été quand même construits dans un système d'inflation), si l'on avait pris la mesure de ce changement à temps, nous aurions probablement évité bien des catastrophes financières, et pour les accédants, et pour la Nation.
Donc, personnellement, je reste éminemment convaincue que c'est vécu par nos concitoyens comme un des grands progrès de société et qu'il n'y a aucune raison qu'un pays développé, en croissance économique, ne soit pas en situation de renouer avec ce progrès.
Tu as eu raison, Jean-Louis, d'insister sur le fait qu'au moment où l'on débat sur les retraites, sur la nécessité de penser à son avenir, (là aussi, il y aurait beaucoup à dire idéologiquement : depuis que le monde est monde, les puissants considèrent que les pauvres ne pensent pas assez à leur avenir, rappelez-vous : s'ils épargnaient pour leurs vieux jours, on n'aurait pas besoin de faire des caisses de retraite et une sécurité sociale, finalement le monde n'est pas toujours aussi nouveau qu'on le croit), il est clair que l'accession à la propriété et l'accession sociale à la propriété concourent à une sécurité de nos concitoyens, pour leur retraite, à une forme d'épargne retraite.
Je ne vois pas pourquoi la société se mobiliserait avec tant d'enthousiasme pour les placements financiers, pour favoriser la retraite, et dédaignerait l'épargne à travers l'accession à la propriété. Donc, personnellement, je suis totalement convaincue.
Quand je dis " personnellement, je suis convaincue ", ce n'est pas pour dire " si les autres ne le font pas, c'est parce que victimes innocentes, dans un Gouvernement qui serait plein de gens qui ne comprendraient pas ce que dit le ministre du logement " ; non, c'est pour vous dire ma détermination à obtenir la reconnaissance de cette accession sociale à la propriété.
Nous nous sommes trouvés de toute façon devant une situation où, comme tu l'as très bien dit, il y a eu de la part des pouvoirs publics, probablement dans certains cas des résistances, dans d'autres cas des hésitations, de sorte que nous sommes aujourd'hui dans une phase où l'Etat n'a pas clairement dit ce qu'il pouvait attendre de l'accession sociale à la propriété et en particulier au monde HLM, ce qu'il attendait dans le mouvement HLM de la partie d'accession sociale à la propriété tout particulièrement coopératives HLM.
Car il me paraît nécessaire qu'un Etat moderne passe plus d'énergie à expliquer les objectifs qu'il veut atteindre, définisse clairement les missions qu'il confie à un certain nombre d'opérateurs de la société, s'attache à contractualiser en vérifiant que les objectifs sont bien atteints, plutôt que de trouver d'autres formes, croyant à travers la réglementation, les différentes segmentations de produits, régler les problèmes.
Donc, pour ma part, je souhaite que nous travaillions ensemble et si possible que nous concluions avant l'été un accord cadre sur les missions d'accession sociale à la propriété que l'Etat souhaiterait confier aux coopératives HLM et au mouvement HLM, car il me semble que c'est l'ensemble du mouvement qui doit se sentir comptable de cette dynamique, et un des piliers de la maison HLM.
Dans cet accord cadre, il me semble que plusieurs pistes, que les coopératives ont toujours porté, y trouveraient pleinement leur place.
Au fond, au delà de l'affirmation de l'accession sociale à la propriété et donc d'en donner les moyens aux accédants et aux opérateurs, deux grandes missions devraient de mon point de vue être confiées à l'accession sociale à la propriété : l'accompagnement du renouvellement urbain qui est un des grands enjeux (et je ne vais pas répéter ici ce que vous savez parfaitement, et tu as bien voulu dire que j'avais repris la formule de " casser les ghettos ") je crois que nous sommes devant un enjeu de civilisation majeur ; je pense que les risques d'un basculement de la société française vers des sociétés à l'américaine à travers son tissu urbain, c'est-à-dire des tissus ségrégatifs, ne sont pas négligeable, que c'est à haut risque social et que par ailleurs, c'est l'antinomie de ce qu'a été toujours la République française, au delà de nos divergences politiques.
Donc, nous devons réussir la ville de la mixité sociale, et pour réussir cela, il est fondamental que nous cassions tout ce qui non seulement donne l'image, mais qui dans la réalité est déjà aujourd'hui l'amorce de ghettos ; donc, il faut non seulement démolir, mais il faut retisser le lien, soit sur le même site, presque toujours dans le même site, parfois complètement ailleurs, et pour réussir cela, il faut à la fois démolir d'un côté, réintroduire dans ces quartiers des formes diversifiées d'habitat qui soient de nature à remonter le lourd handicap de cette ségrégation, qui a concentré les plus pauvres, et souvent ceux qui ont le plus de problèmes, et parfois parmi eux des gens qui n'ont pas un comportement très civique.
Car on n'est pas obligé non plus d'être pauvre et incivique, comme il y a d'ailleurs aussi des riches inciviques, mais néanmoins, dans l'ensemble, on a ces mécanismes. Pour les remonter, cela va être un travail de longue haleine, il ne faut pas se raconter d'histoire ; on ne va pas du jour au lendemain amener dans une cité dégradée brutalement une population de cadres moyens, de " beaux-beaux " qui vont venir s'installer avec plaisir dans ces quartiers. Travail de dentelle, mais impératif pour l'Etat !
Et je suis convaincue que l'accession sociale à la propriété et le savoir-faire des coopératives dans ces quartiers seraient un des éléments importants du maillon de la reconstitution d'un lien social, et de regagner le terrain républicain sur ces territoires.
Car souvent, leur cadre de vie n'est pas non plus catastrophique. Il y a possibilité de faire des opérations d'accession qui apporteront, par la nature du produit, la maison de ville, des formes de vie et une appropriation collective, des solutions tout à fait harmonieuses dans ces quartiers.
Et puis il y a aussi la nécessité, pour une partie des habitants de ces quartiers, de trouver les moyens de vivre dans d'autres quartiers de nos villes ; et cela a été un des enjeux de la loi SRU, les fameux 20 % de logements sociaux qui était le signe locatif de ce domaine ; il en faut du locatif en centre ville ; il en faut ; je vous reparlerai un peu du locatif ensuite.
Il me semble impératif que nous trouvions pour une partie des populations qui sont dans ces quartiers des solutions en locatif et parfois en accession, car il y a des formes d'accession très sociale ou sociale, qui répondent parfaitement aux possibilités d'un certain nombre de ces familles de se retrouver un espace, une dignité, une capacité de s'intégrer dans nos villes.
Je souhaite, cher Jean-Louis, que le premier volet du travail que nous menions ensemble, pour une sorte d'accord cadre sur cette accession sociale à la propriété entre l'Etat et le monde HLM soit comme premier pilier le renouvellement urbain.
Le deuxième, c'est l'accession très sociale à la propriété ; je sais que c'est un des sujets qui est toujours un peu plus difficile à plaider auprès des financiers, en particulier auprès de nos amis du ministère des finances, mais plus je rencontre d'opérateurs divers qui travaillent dans le social (et je ne parle pas du monde HLM lui-même), plus l'idée d'une accession très sociale à la propriété fait son chemin.
J'étais en rendez-vous tout à l'heure ; par hasard, un opérateur dont je ne m'imaginais pas qu'il me parlerait de cela, m'en a parlé ; donc, je crois qu'il y a moyen de trouver les formes d'une accession très sociale, qui évidemment ne va pas se développer à une échelle de masse, brutale et générale, et il y aura certainement moyen, pour quelques innovations (et les propositions que les coopératives ont faites vont être étudiées entre mon Cabinet et la direction générale de la DGUHC), nous allons travailler à cette idée que vous avez un peu amorcée, de se dire : au fond, si on regroupait toute l'allocation logement qu'il y a sur une famille en locatif pour abonder un fonds d'aide à la pierre au démarrage pour l'accession très sociale, peut-être est-il possible d'arriver à des formes d'accession très sociale qui ne coûteraient pas plus à l'Etat et sans doute permettraient mieux d'assumer cette capacité pour des familles en difficulté ; au démarrage en tout cas, pas forcément en difficulté, mais en tout cas en situation de revenu faible.
La contrepartie est que le rêve, c'est bien, faut-il encore que la réalité soit au rendez-vous et que ce ne soit pas complètement utopique ; je veux saluer ici le travail que vous avez fait sur la sécurisation des accédants. D'ailleurs, les mots n'ont pas toujours la même valeur selon les endroits où l'on en parle, tu as eu raison de dire que " sécurisation ", c'est un mot que l'on entend à longueur de journée, en oubliant parfois qui on veut sécuriser !
Premièrement, on sécurise l'accédant, en second lieu, la puissance publique a investi des fonds publics, qui ne vont pas servir de tonneau des Danaïdes à n'importe quel errement personnel.
Cette sécurisation que vous avez mise en place, comme tu l'as dit, son dernier étage a besoin d'être affiné et je réponds favorablement à la proposition de travailler ensemble à ce dernier étage sur le retour en bonne situation de l'accédant, je ne sais plus le titre exact que l'on donne à cela
(Salle - A meilleure fortune)
A meilleure fortune : moi, c'est à meilleure situation, c'est plus global ! Bref. Je n'ai rien contre la fortune
(Rires)
Si tout le monde pouvait l'avoir, ce serait bien !
Il n'en demeure pas moins que je suis convaincue que cet étage est utile, et qu'il n'est pas insurmontable de pouvoir trouver une réponse de ce côté.
Je vous propose donc que d'ici l'été, nous définissions déjà tout ce qui est programmable en quantité, et qui ne nécessite pas des chamboulements législatifs ou réglementaires lourds, et que nous ouvrions dans cet accord cadre les pistes d'innovation qui seront un peu plus compliquées à mettre en uvre, et surtout les arbitrages ne seront pas atteints pour le 14 juillet.
Ma conviction en tout cas est que ces deux missions, l'accession très sociale et la contribution des coopératives HLM et de l'accession sociale à la propriété au renouvellement urbain font partie des missions que la puissance publique et que l'Etat, peut contractualiser, et doit contractualiser avec vous.
Pour faire tout cela, il faut des moyens ; je voudrais tout de même souligner les efforts que Louis BESSON avait faits, en particulier l'importance de la loi SRU qui, au delà du strict intérêt des coopératives, est je crois un outil extrêmement important pour une politique de mixité sociale dans ce pays et pour une relance du monde HLM.
Dans cette loi SRU, il m'avait semblé que les coopératives n'avaient pas été si mal traitées que cela dans l'ensemble puisque notamment, le champ de leurs compétences, avait été relativement élargi.
Reste qu'il y a bien sûr la question bien connue du fonds de garantie de l'accession sociale à la propriété ; quand je vous ai dit que je n'avais pas changé d'avis, sur ce sujet non plus ; reste que des arbitrages lourds avaient été réalisés entre les services du ministère des finances, du ministère du logement, avec la bénédiction des services du Premier ministre, ce qui est quand même un arbitrage toujours un peu plus délicat à redénouer. Même s'il y a du changement, il y a du changement dans la continuité !
Donc, j'ai souhaité que nous reprenions ce débat ; il y aura de toute façon quelques petites niches législatives qui pourront être utilisées, je pense en particulier à un projet de diverses mesures d'ordre financier ; de toute façon, il faudra trouver une solution à ces histoires de délais, donc, pour ma part, je reprends mon bâton de pèlerin pour réexpliquer, et au ministère des finances, et à Matignon, tout l'intérêt qu'il y aurait à adosser la garantie de l'accession sociale à la propriété plutôt à la Caisse de Garantie du logement social.
Je ne veux pas vous garantir non plus, pour le coup, que l'arbitrage sera complètement revu ; mais je le ferai avec la détermination que vous me connaissez et je me sens forte d'un certain nombre d'arguments techniques et politiques pour le faire.
Un deuxième sujet sur lequel je mettrai toute mon énergie, et pour être franche, peut-être encore plus, c'est la question du prêteur secondaire, car je crois que pour l'accession très sociale, ce serait un appui très fondamental, et en même temps, d'une certaine façon, une certaine garantie pour l'Etat.
Nous avons en commun de bien connaître le ministre des finances, et nous ne serons pas trop de deux et voire plusieurs, pour convaincre les pouvoirs publics de redonner aux coopératives HLM ce droit qu'elles avaient, cet outil dont elles bénéficiaient, et qu'elles n'avaient jamais mal utilisé, fondamentalement.
Voilà cher Jean-Louis les premiers points de réponses que je voulais faire à ton intervention qui, comme tu pouvais l'imaginer, sont de toute façon des réponses de dialogue, mais après avoir entendu la fin du débat sur la relance, je voudrais insister sur cette relance du logement social.
Et je réinsiste sur le locatif, tout d'abord pour vous dire : nous n'avons pas à plaider pour l'accession sociale à la propriété en dévalorisant le locatif ; ce serait une erreur stratégique de notre part, car nous ne devons pas nous-mêmes, dans cette famille HLM (quand je dis " nous-mêmes ", vous devez comprendre que parfois, j'ai du mal à me considérer comme un peu en dehors de ma famille historique du monde HLM) mais collectivement, nous-mêmes, toutes celles et tous ceux qui sommes convaincus que le logement social a une place majeure dans notre pays, nous ne devons pas opposer l'accession au locatif, et nous ne devons pas dévaloriser le locatif social, sous prétexte qu'il y a eu des errements dans les années 70 et des mécanismes de ségrégation que la crise économique n'a fait qu'accroître.
Car il ne faut pas non plus faire porter la charge des problèmes des ghettos et des cités difficiles sur les seules épaules du monde HLM ; c'était bien un problème de société.
(Applaudissements)
Même s'il a sa part de responsabilité dans un certain nombre de choses ; d'abord, qui a décidé de construire comme cela ? Qui a signé le permis de construire ? Je rappelle que cela s'est fait dans les années 60, 70, que c'était l'Etat ; les collectivités, qui ont par ailleurs bien des défauts parfois, subissaient souvent, aussi ! Donc, nous sommes collectivement responsables de cette part, et ne dévalorisons pas l'image du monde HLM et du locatif comme de l'accession sociale ; c'est justement parce qu'il y a tous ces piliers que l'ensemble HLM et mouvement du logement social peut répondre à l'ensemble des besoins de nos concitoyens, en tout cas de la grande masse de ceux qui en ont le plus besoin.
Donc, cette relance du social, du HLM et du locatif social, il faut à tout prix la réussir !
Bien sûr, je suis sensible aux arguments, qui sont d'abord ceux des opérateurs, qui me disent, qui l'ont dit avant, " on n'arrive plus à boucler " ; " on fait nos comptes et on n'y arrive plus " ; j'ai toujours été, avant d'être ministre, un peu étonnée de ce que je considérais être une sorte de dialogue de sourds ; j'avais d'un côté des Maires, dont j'étais, qui disaient : " je n'arrive pas à boucler les opérations ", j'avais des opérateurs qui disaient à nos réunions, de l'Union, de différentes familles, " on n'arrive pas à boucler " et j'avais de l'autre côté les services de l'Etat qui me disaient " non, non, c'est un faux problème, il y a des moyens, on va juste ajuster " ; alors, on a ajusté et on a amélioré. Il faut quand même reconnaître que les mesures prises par Louis BESSON sont extrêmement intéressantes et améliorent la situation.
J'entends bien ceux qui me disent " elles n'améliorent pas encore assez " ; et de l'autre côté, on me disait aussi " il n'y a pas toujours le professionnalisme, le privé arrive à faire moins cher, etc. " ; pourquoi pas ? Regardons.
Pour essayer de sortir de ce face à face qui me paraît être bloquant, j'ai proposé une méthode, que j'ai appelée " les groupes d'appui pour des programmes prioritaires ", en particulier sur la relance ; on fait cela sur la démolition, car j'ai le même type d'argument : " cela coûte trop cher, on n'a pas pris suffisamment en compte tous les coûts réels, c'est pour les organismes très difficile quand on fait le bilan, tout cela est ruineux, etc. ".
Pourquoi ai-je mis cette méthode ? Pour d'abord que l'on organise une mobilisation collective et générale pour réussir l'objectif, et qu'on arrête le face à face ; on est autour de la même table, Caisse des Dépôts et Consignations, mouvement HLM, DGUHC, le 1 % (dans le cadre de la relance il y a quand même un milliard qu'il faut arriver à utiliser rapidement et positivement et on ne sait pas toujours comment le mobiliser) pour que tout le monde soit d'accord pour dire " on est ensemble pour réussir ce pari ".
Deuxièmement, pour remonter ce qui ne marche pas : car lorsque vous m'avez décrit une des directions (une, il ne faut pas non plus généraliser) on me décrit souvent beaucoup d'incompréhension des partenaires que sont les collectivités locales ou les acteurs devant ce que l'on peut considérer un esprit tatillon ou une interprétation un peu restrictive, ou des blocages administratifs, technocratiques divers et variés.
Pour lever cela, il y aura le recours à ce groupe d'appui ; évidemment, tout ne va pas remonter ; mais s'il y a des faits signifiants où manifestement cela bloque, pour des raisons administratives ou parce que les bouclages sont réellement impossibles à faire, là, vous me remonterez à moi (je vous parlerai après de la décentralisation de cette démarche) pour que l'on regarde, plutôt que de rester dans le " mais non, il y a tout ce qu'il faut ".
Cela m'a toujours fait rire, dans le logement, c'est comme d'ailleurs dans beaucoup de services de l'Etat, vous dites " je ne comprends pas, je n'arrive pas à faire cela " ; " non, mais tu ne sais pas, il existe le sous-amendement du PLUS, mélangé avec un peu de ceci et de cela, tu arrives à faire cela " ; " oui ", et je dis " mais pourquoi les gens ne le font pas ? "
Il y a quand même une complexité aussi, une connaissance mutuelle des dispositifs, voire parfois une inadaptation qui touche les fonctionnaires eux-mêmes ; à la décharge des DDE, il faut quand même dire qu'il faut qu'ils s'adaptent vite à des textes assez pointus et très diversifiés.
Mon souci : cela remonte ; il y a des problèmes de blocages financiers, on regarde ; quelle est la vérité de ces blocages ? Il y a des problèmes de blocages administratifs, on regarde. Pourquoi ? Un, pour aller vite, et ne pas s'enliser dans ces blocages. Deux, parce que j'ai l'intime conviction que notre Nation est devant deux grandes réformes majeures, qu'il faudra faire d'une manière ou d'une autre, premièrement la réforme de l'Etat pour qu'il soit mieux garant des objectifs sociaux collectifs, et probablement plus souple dans les façons de faire, et deuxièmement, la question de la décentralisation qui, dans le secteur du logement est un sujet extrêmement complexe au regard de l'exigence de solidarité nationale qui doit fonctionner, de péréquation et des masses financières qui sont en cause.
C'est à partir de ces expériences, de ces groupes d'appui, non seulement faits pour agir vite, mais aussi pour dénouer tous les nuds, les blocages qui peuvent s'accumuler, avec le temps, qui s'est empilé, les structures qui se sont mélangées, les agglomérations qui émergent avec la décentralisation où l'on voit quand même les collectivités locales ; je me réjouis quand je vois le Maire de Paris dire " pour moi, dans mes priorités, en numéro 2 ou 3, il y a le logement " ; c'est quand même un grand changement au delà de la Mairie de Paris dans les collectivités locales ; quand je vois les régions mettre des sommes de plus en plus importantes, on ne peut pas parler à ses partenaires qui sont maintenant très mobilisés en réponse administrative classique !
Il va donc falloir réformer assez lourdement notre pensée sur l'intervention publique de l'Etat, regarder l'avenir de la décentralisation, les nouvelles agglomérations, et au regard aussi d'une attente de nos concitoyens qui sont plus attentifs aux objectifs atteints qu'aux procédures mises en uvre.
Dans ce cadre, avec Michel DELEBARRE, le Président de l'Union, et bien sûr avec à la fois la Fédération des associations régionales et l'ensemble des fédérations du monde HLM, nous souhaitons aller sur le terrain, dans toutes les régions.
Le Ministre et Michel DELEBARRE n'iront pas dans toutes les régions, personnellement, in tuitu personae ; mais nous irons dans pas mal d'entre elles, et en particulier, nous enverrons nos représentants de Cabinet, Monsieur le délégué général, d'autres services de l'Union et bien sûr, les DDE et DRE, le 1 %, la Caisse des Dépôts et Consignations ; dans des réunions régionales, nous allons à la fois mobiliser les acteurs pour la relance, mais aussi écouter ; qu'ils nous montrent leurs blocages ; que nous essayions de lever les blocages qui existent et que l'on fasse la vérité des prix et des coûts.
Car une société qui s'aveugle devant ces difficultés, qui patine à mettre en uvre ses objectifs crédite l'action publique, la politique au sens noble du terme : le service de l'Etat au service des citoyens.
J'ai l'intime conviction que par cette méthode, nous pourrons réussir la relance. S'il faut ici ou là se donner quelques souplesses, j'ai obtenu du Premier Ministre la possibilité d'expérimenter des méthodes nouvelles, à titre expérimental, pour justement voir si on ne s'est pas trompé de diagnostic, et que l'on se donne peut-être des marges de manuvre qui permettent de régler des situations difficiles.
Je plaide non seulement, Monsieur le Président, pour l'accession sociale à la propriété, non seulement pour les coopératives HLM, mais plus fondamentalement pour la vitalité de ce monde du logement social et ce monde HLM.
Je finis mes propos sur les termes du démarrage : je ne peux pas imaginer qu'au moment où la croissance reprend, qu'il faut bien sûr consolider, qui ne tombe du ciel, qui suppose des politiques qui la soutiennent, qu'une France au début du 21ème siècle, issue de la République française, mais aussi en croissance, ne renoue pas avec un grand progrès social qui est d'une part le droit au logement pour tous et deuxièmement la possibilité d'accéder à la propriété, quand on y met son énergie, son coeur, sa volonté, et finalement, beaucoup de ses espérances.
(source http://www.union-hlm.org, le 25 juin 2001)