Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie de votre accueil. Merci, aussi pour le caractère constructif de vos propos et pour la qualité de vos interrogations sur l'avenir de l'agriculture.
Je voudrais d'abord vous répondre sur les missions des chambres d'agriculture notamment pour préciser les partenariats que je souhaite continuer à construire avec vos établissements publics.
Je répondrai ensuite aux questions sur la conjoncture agricole avant d'aborder celles concernant la politique agricole commune et les perspectives des négociations à l'OMC.
1 - Les missions des chambres d'agriculture
Elections des membres
Parmi les nombreux établissements publics de l'Etat, les chambres d'agriculture partagent avec les autres chambres consulaires (chambres de métiers et chambres de commerce et d'industrie) une originalité, c'est l'élection de leurs membres par leurs ressortissants.
Tout le monde s'accorde sur le déroulement satisfaisant des opérations électorales de janvier 2001. Je relève en premier lieu l'excellent taux de participation qui témoigne du bon fonctionnement de la démocratie professionnelle et de la confiance des votants dans la qualité de votre travail.
Le taux de participation (42 % en moyenne) a été plus élevé que celui de 1995. Dans le collège des chefs d'exploitation, 61,5 % des électeurs ont voté, soit 4 % de plus. Le vote par correspondance s'est développé : il a été choisi par 43 % des électeurs, moins par les exploitants (30 %) que par les Anciens (61 %) et les salariés.
Nous allons à présent réaliser ensemble le bilan du déroulement des élections de janvier, en faisant notamment le point sur le vote par correspondance et le regroupement des bureaux de vote organisé par les préfets en concertation avec les chambres. J'ai pour cela confié une mission à un inspecteur général, monsieur Bernard VIAL, à qui j'ai demandé également de me faire des propositions sur la simplification éventuelle du dispositif et sur les moyens d'assurer une meilleure représentation du pluralisme dans les chambres régionales et à l'APCA.
Les élections aux chambres régionales se sont déroulées dans les délais prévus, grâce à la diligence des préfets, et votre assemblée a pu tenir comme prévu sa session d'installation le 29 mars dernier. Vous voilà donc à pied d'uvre.
Il vous revient maintenant de diriger ces établissements publics, en veillant à les mettre au service de l'ensemble de l'agriculture française
Missions de service public
Votre première mission, vous le savez, est de représenter auprès des pouvoirs publics l'ensemble des intérêts agricoles et de leur donner, comme le dit le Code rural " les renseignements et avis sur les questions agricoles ". C'est d'ailleurs pour que cette mission s'exerce pleinement, que le corps électoral des chambres associe toutes les composantes de la profession, non seulement les exploitants et les salariés, mais aussi tous les groupements professionnels.
En cela, les chambres d'agriculture sont fondamentalement différentes des autres organisations agricoles. L'autorité des chambres d'agriculture repose sur l'objectivité de leurs analyses et sur leur capacité à représenter l'ensemble de leurs mandants en faisant place à la diversité des opinions.
Vous avez aussi de très nombreuses responsabilités dans le cadre de vos missions de service public ; notamment dans le secteur de l'élevage, puisque les E.D.E. (Etablissements départementaux de l'élevage) sont fréquemment des services des chambres. Votre rôle est donc essentiel pour l'application de l'IPG (Identification permanente généralisée) du cheptel, qui contribue à la maîtrise et à la sécurité de notre élevage.
En matière de développement agricole, il vous incombe d'élaborer les programmes régionaux de développement agricole et de les mettre en uvre. Dans ce cadre, l'expertise et la compétence incontestable des personnels des chambres sont au service de tous.
Une attention particulière doit être désormais apportée aux missions que les chambres d'agriculture assurent auprès des collectivités territoriales, notamment de conseil en aménagement foncier et paysager des communautés de communes et des pays.
Pour remplir l'ensemble de ces missions, j'ai veillé à ce que vous disposiez de moyens consolidés. Vous le savez, la taxe qui alimente les chambres souffrait d'une mauvaise assise juridique et de ce fait était très fragile, comme nous l'avait fait observer la Cour des Comptes. Le Gouvernement a donc présenté, en loi de finances rectificative pour 2000, un article confortant la taxe perçue au profit des chambres d'agriculture.
J'appelle votre attention sur l'importance du travail que vous effectuez avec les préfets et leurs services, chargés de la tutelle sur vos établissements. Il est essentiel que vous entreteniez des relations de confiance mutuelle pour accompagner la réorientation de la politique agricole.
Je suis personnellement très attentif à la consolidation de cette concertation avec mon ministère. Ma récente rencontre avec le bureau de l'APCA en témoigne.
Agriculture et développement durable
Dans le projet stratégique CAP 2010, les chambres d'agriculture se sont engagées en faveur d'une agriculture durable plus respectueuse de l'environnement. L'enjeu est considérable pour réconcilier l'agriculture et la société.
Par convention, un rôle particulier a été dévolu aux chambres pour la mise en uvre des contrats territoriaux d'exploitation. Vous avez à ce titre non seulement une mission d'information générale, mais aussi un rôle d'appui au montage des projets.
Je constate avec satisfaction l'intérêt croissant des agriculteurs pour le dispositif des CTE, puisqu'au delà des 10 000 CTE ayant reçu un avis favorable, les dépôts de demandes semblent s'accélérer. C'est un des éléments qui a été évoqué lors des journées organisées par l'APCA et le CNASEA, les 28 et 29 mai dernier. Je sais qu'elles ont été très appréciées par les participants et je tiens à remercier ici les organisateurs pour le climat constructif de cette rencontre.
Dans le domaine des CTE, je suis très attaché à ce qu'une place soit faite aux porteurs de projets collectifs, c'est la condition d'une simplification des dispositifs et d'une plus grande efficacité dans le traitement des dossiers sous la responsabilité des DDAF.
Concernant l'agriculture raisonnée, l'adoption de la loi sur les nouvelles régulations économiques a donné la base légale nécessaire à son encadrement.
Mon intention n'est pas que le ministère se substitue aux acteurs économiques que sont les producteurs, les transformateurs et les distributeurs pour définir ce que doivent être les pratiques raisonnées en agriculture et la façon de communiquer. Mon intention est de favoriser un compromis consensuel entre ces acteurs et les consommateurs pour que cette démarche soit au service d'un nouveau rapport de confiance entre l'agriculture et la société. Fondée sur l'identification et la crédibilité de pratiques plus respectueuses de l'environnement l'agriculture raisonnée doit participer à la reconnaissance et à la valorisation du métier d'agriculteur.
La réforme du développement
Il y a un an, j'annonçais dans cette même salle ma décision d'engager une réforme du développement agricole pour préserver l'ANDA et adopter notre dispositif de diffusion du progrès en agriculture aux nouvelles orientations de la politique agricole.
Comme vous, je suis attaché à cette mission de service public, confiée en 1966 à la profession agricole, qui s'appuie sur la responsabilisation des agriculteurs. Elle a montré son efficacité et son souci du plus grand nombre. Cette action doit être conduite en concertation avec l'administration et le respect du paritarisme dans la définition des orientations et dans les structures de gestion tant au niveau départemental et régional que national.
La négociation a été longue, parfois tendue. Cette réforme est maintenant en cours. Elle a été présentée au CSO avec un premier bilan des actions de l'ANDA en 1999-2000.
Le décret en phase d'examen au Conseil d'État pourra être très prochainement publié. Les orientations, en harmonie avec celles de la loi d'orientation de juillet 1999 ont été adoptées pour les nouveaux programmes de développement qui sont déjà en préparation pour la période 2002-2006.
Je compte sur les chambres d'agriculture pour qu'elles contribuent à la réussite de cette réforme, notamment pour le bon fonctionnement des SUAD (services d'utilité agricole de développement) et dans chaque région des COREDA (Conférences régionales du développement agricole.
Parallèlement à la réforme du développement agricole, je sais qu'une réforme du FAFEA (Fonds d'action de formation des exploitants agricoles) est engagée par sa présidente Marie-Annick MEHAIGNERIE.
Je veux saluer sa détermination et celle des administrateurs qui l'entourent pour mettre en place une nouvelle organisation plus transparente et donner au FAFEA sa véritable dimension de fonds d'assurance formation, au service de tous les actifs non salariés de l'agriculture.
Il me paraît essentiel, dans tous les domaines qui contribuent au développement durable de l'agriculture, de renforcer la relation entre recherche, développement et formation.
2 - La conjoncture agricole
Vous appelez mon attention sur plusieurs dossiers d'actualité, j'en retiendrai trois qui me paraissent aujourd'hui plus sensibles: l'environnement, avec la loi sur l'eau et le PMPOA, la crise bovine et le plan de régionalisation des aides aux grandes cultures.
Loi sur l'eau
Vous demandez " un infléchissement indispensable du projet de loi sur l'eau ". Pour aller vite, je vous répondrais que cet indispensable infléchissement a déjà eu lieu car entre les premiers projets et celui qui sera prochainement présenté en conseil des ministres, chacun pourra relever une évolution sensible du dispositif des redevances concernant l'agriculture, tant dans leur logique que dans leur montant.
Pour l'irrigation, la redevance prévue par le projet de loi reposera fondamentalement sur le principe de responsabilité des redevables.
Le projet de loi devrait ainsi aboutir, pour les irriguants engagés dans une pratique de gestion responsable, à une quasi stabilité des redevances par rapport au niveau actuel. Pour les autres, le nouveau système de redevance est conçu pour les y inciter progressivement.
Cette conception fondée sur le comportement des acteurs, davantage que sur la situation de la ressource dans les bassins hydrographiques s'écarte, vous l'avez compris, d'une approche fondée sur la régulation par le prix. Une telle logique frapperait l'irrigation en tant que telle et non pas les comportements d'irrigation non maîtrisés.
Pour ce qui concerne la redevance azote, l'idée initiale d'une taxation au 1er kilo a été abandonnée au profit d'une redevance sur les excédents azotés. L'ordre de grandeur des taux envisagés ainsi que les éléments d'abattement prévus doivent inciter à l'amélioration des performances environnementales, sans pour autant peser excessivement sur les revenus des exploitations.
Pour répondre enfin aux différentes demandes d'ajustements que vous avez présentées, je pense qu'elles devront être évoquées dans le cadre des travaux parlementaires. Je ne doute pas que ceux-ci permettront d'apporter à ce texte de nouvelles améliorations dans un sens que j'espère conforme aux grands équilibres qui ont présidé à la préparation du texte.
PMPOA
La réforme du PMPOA s'imposait. Après un long processus interministériel au cours duquel j'ai cherché à ce que le dispositif réformé demeure le plus favorable possible, nous avons transmis nos projets de textes à la commission en décembre dernier. A cette occasion, il a été décidé que les dossiers arrivés en DDAF après cette date seraient instruits et financés sur la base du nouveau dispositif.
Six mois plus tard, où en sommes-nous ?
D'abord nos craintes sur l'ancien dispositif se sont confirmées puisque la commission avait engagé à l'encontre de la France une procédure contentieuse probablement assez longue, et qui potentiellement pourrait aboutir à ce que la Commission exige le reversement des subventions trop-perçues, en dépassement des plafonds communautaires.
Sur notre nouveau dispositif, la quasi totalité des points est aujourd'hui levée. Il en reste un sur lequel j'ai pris personnellement l'attache du commissaire FISCHLER. Paradoxalement, la Commission est prête à accorder une majoration de 20 % hors zones vulnérables, dans la mesure où ces aides permettent d'aller au-delà des exigences de la directive nitrates, mais pas dans les zones vulnérables où le niveau plus élevé d'exigences réglementaire, fixé par la directive nitrate de 1991, ne le permettrait pas.
Ce résultat ô combien paradoxal d'un PMPOA moins incitatif dans les zones prioritaires que dans les zones qui le sont moins, ne peut nous satisfaire.
Il nous faut maintenant convaincre la Commission d'accorder aux zones directives nitrates un taux de financement de 60 % en considérant que cette directive constitue une réglementation récente. J'espère en sortir avant les vacances d'été.
Si nous parvenons à obtenir l'accord de la commission sur notre projet, je crois honnêtement que la suspension de l'instruction des dossiers arrivés au cours des six derniers mois sera vite oubliée. Si nous devions subir un contretemps plus long, nous serions amenés à trouver une solution provisoire permettant de prendre en compte ces nouveaux dossiers.
Filière bovine
Sur la filière bovine, j'ai constaté avec satisfaction une amélioration de la situation du marché, même si je ne considère pas que nous sommes sortis de la crise. La reprise (partielle) de la consommation, le raffermissement des prix et le versement des aides. Pour les aides directes, plus de 81% étaient versés au 18 juin 2001, elles devraient cependant être de nature à redonner un peu le moral aux éleveur bovins.
Il y a encore à faire pour assurer l'adéquation entre l'offre et la demande dans le secteur bovin, que ce soit à court terme ou moyen terme. Toutes les contributions seront utiles pour trouver des solutions. J'appelle votre attention sur deux points :
- concernant la gestion de marché, il faut prendre en compte le blocage de principe que nous rencontrons au niveau de la Commission et d'autres Etats membres pour toute mesure qui viserait à l'abattage précoce des petits veaux ;
- concernant les orientations à prendre pour mieux répondre aux attentes des consommateurs, la réflexion doit associer l'ensemble des partenaires ; c'est d'ailleurs dans cet esprit que François Patriat et moi-même avons réuni la table ronde sur les produits carnés du 29 mai et que nous avons invité le Conseil national de l'alimentation à engager une réflexion sur l'information du consommateur concernant le mode d'élevage et la segmentation du marché. Je me réjouis de voir que le CNA s'est d'ores et déjà mobilisé pour répondre à cette demande.
Le plan de régionalisation et les aides aux grandes cultures
En France, les régions ayant des rendements céréaliers modestes se sont spécialisées dans la culture d'oléagineux en raison d'aides attractives. Pour tirer parti de cette spécificité, la France a maximisé les retours communautaires en ayant deux plans de régionalisation, l'un pour les céréales, l'autre pour les oléagineux. Le premier est à maille départementale et permet de respecter le niveau de rendement historique de chaque département. Le second permet aux oléagineux de bénéficier des rendements des grandes régions céréalières voisines.
Les accords de Berlin vont se traduire par une baisse des aides aux oléagineux liée à l'alignement sur les aides aux céréales et à la suppression du double plan.
J'avais proposé dès juillet 1999 aux organisations agricoles de procéder à une révision du plan de régionalisation dans le sens d'une plus grande solidarité.
À ce jour, aucune proposition conjointe n'a été envisagée par les associations spécialisées " grandes cultures ". Faute d'accord professionnel, le seul plan de régionalisation " céréales " s'appliquera à toutes les grandes cultures.
Je poursuivrais avec détermination la réouverture du dossier " oléagineux " dans le cadre de la révision des accords de Berlin prévue pour 2002/2003. Au-delà, des efforts spécifiques seront faits dans le cadre des mesures de développement rural visant à encourager des assolements diversifiés. Enfin, la poursuite du développement de la production de biocarburants permettra de soutenir la production d'oléagineux.
3 - Quelle politique agricole voulons-nous pour l'Europe ?
Nous avons, les uns et les autres fait un constat simple au cours des derniers mois : les crises de sécurité sanitaire des aliments rendent incontournable un débat sur l'évolution de la PAC. Mais ce débat s'inscrit dans un mouvement à la fois plus lent et plus profond, que nous avons engagé au travers d'au moins deux réformes, celle de 1992 et celle des accords de Berlin et que nous allons poursuivre dans les années à venir.
C'est dans cette double perspective, celle de l'urgence que nous dictent les crises, et celle du long terme, que nous devons nous situer, pour répondre aux attentes de nos concitoyens, satisfaire à nos responsabilités à l'égard des agriculteurs, et préparer en même temps les évolutions auxquelles nous devrons faire face dans les années qui viennent, élargissement de l'Europe et reprise de la négociation à l'OMC.
D'abord, un constat : les crises de sécurité des aliments doivent conduire l'Europe à prendre toutes les mesures nécessaires pour harmoniser vers le haut les règles sanitaires, de façon à répondre à l'exigence prioritaire de protection de la santé de nos consommateurs.
C'est ce que nous avons obtenu de nos partenaires, pour répondre à la crise de l'ESB, à la fin de la présidence française. Ces décisions n'ont pas été faciles à prendre, largement parce que les Etats membres qui pensaient encore être indemnes refusaient que la crise soit traitée à l'échelle de l'Europe, et nous reprochaient dans le même temps nos mesures de protection supplémentaires.
Il reste que nous avons aujourd'hui un dispositif à peu près satisfaisant. On peut encore l'améliorer - j'ai demandé notamment à la commission de prévoir d'abaisser de 30 à 24 mois l'âge auquel les animaux doivent être testés. Mais l'Union Européenne, à cette occasion, a marqué un tournant important dans son approche des crises de sécurité des aliments. C'est une évolution qui se fait sentir au delà de la crise ESB.
Mais au-delà, ces crises ont remis au premier plan les attentes des consommateurs et des citoyens pour une agriculture plus respectueuse de l'environnement.
Changer en profondeur le contrat, c'est passer du "produire plus" au "produire mieux". Notre agriculture est compétitive. Elle doit le rester. Je ne confonds pas, moi, la productivité nécessaire et le productivisme. Mais cette compétitivité ne peut plus être construite ici et là sur des coûts sociaux, sanitaires, environnementaux sur lesquels la société est devenue très réactive.
Dès lors que l'objectif est clair, la question est celle du rythme de l'évolution.
Nous aurions pu aller plus vite. C'est d'ailleurs ce que la France avait souhaité à Berlin. Mais, d'une part, nous ne pouvons pas changer la donne tous les deux ans : les agriculteurs sont des agents économiques qui ont aussi besoin de visibilité pour travailler, emprunter, investir. Et d'autre part ces évolutions se négocient à 15 : il ne serait pas raisonnable de laisser croire que nous pouvons convaincre sans mal tous nos partenaires du bien fondé de notre approche. Pour une partie des Etats membres, les bénéfices de la PAC comptent moins que le coût qui en résulte. C'est une réalité avec laquelle il faut composer. Si je défends aujourd'hui le compromis de Berlin, même s'il ne va pas assez loin, c'est qu'il nous conduit dans la bonne direction. Mais si nous remettons tout sur la table aujourd'hui, nous ouvrons aussi une fenêtre aux Etats membres dont l'objectif affiché est de démanteler la PAC. Pour les grands équilibres et notamment pour le cadrage budgétaire et financier, tenons-nous en au calendrier qui a été convenu en 1999.
Il est cependant possible d'avancer. La Commission fera des propositions pour la revue à mi-parcours de 2003. A ce stade, il n'est prévu qu'une série de rendez-vous techniques, sur le lait, les oléagineux ou l'examen des perspectives financières à la lumière du calendrier de l'élargissement. Nous pouvons compléter ces discussions pour préparer les discussions de 2006 et décider, d'ores et déjà, de quelques inflexions importantes.
Trois directions sont complémentaires : renforcer la sécurité des consommateurs, rééquilibrer les soutiens, conforter le développement rural, le 2e pilier de la PAC.
La sécurité et la transparence : qu'il s'agisse des crises de sécurité des aliments ou du débat sur les OGM il est clair, désormais, que nous devons repenser les relations entre agriculteurs et consommateurs. Ce n'est pas un sujet que nous découvrons aujourd'hui : en témoignent les efforts engagés depuis quelques temps, sur l'étiquetage, le livre blanc sur la sécurité des aliments, le projet de création d'une autorité européenne des aliments - c'était d'ailleurs l'une des priorités de la présidence française. Mais il faut aller plus loin, pour faire de la transparence, de la qualité et de la sécurité alimentaire, le troisième pilier de notre politique agricole commune. Et sur ces sujets, nous ne sommes pas contraints, autrement que sur le plan budgétaire, par les accords de Berlin.
Il faut relancer le débat sur la réorientation des soutiens de la PAC vers le développement rural.
Sans attendre, une mesure pourrait être prise par l'Europe pour donner un signal clair de sa volonté de donner plus de poids au développement rural. La France a adopté un mécanisme de modulation dont je sais qu'il fait débat entre nous, conforme à ce que permettent les accords de Berlin, qui nous permet d'amorcer le redéploiement d'un système d'aide vers l'autre. Le Royaume-Uni et le Portugal ont fait de même. L'Allemagne prévoit de suivre dans la même direction. Généralisons le dispositif à l'échelle de l'Europe, ce sera un pas important dans la bonne direction et les agriculteurs français ont tout à y gagner : d'abord parce qu'une telle généralisation supprimerait ce que certains appellent une distorsion de concurrence, ensuite parce qu'elle entraînera la recherche d'une formule de compromis sans doute plus proche d'une dégressivité.
Pour répondre à vos inquiétudes, Monsieur le Président, la détermination de la France est totale pour empêcher que la PAC serve de marge de manuvre pour le financement des autres politiques communes ou soit mise en cause par le processus d'élargissement aux PECOs.
L'élargissement est un défi majeur pour l'Europe. Si la discussion du volet agricole des accords d'adhésion butte ici et là sur des difficultés, nous devrons trouver des solutions. La discussion budgétaire est encore devant nous, elle ne sera pas facile. Et surtout, il est clair qu'il faudra être particulièrement vigilant sur certains thèmes, en particulier les sujets sanitaires, parce que personne n'acceptera que l'élargissement se traduise par une baisse du niveau de protection des consommateurs.
Enfin, nous avons devant nous une autre échéance importance à l'OMC, que nous lancions ou non un nouveau cycle à Doha, nous avons d'ores et déjà commencé à préparer la négociation agricole et ce travail va se poursuivre.
Je voudrais pour finir rappeler que les organisations professionnelles et plus particulièrement les chambres d'agriculture sont un des atouts de l'agriculture française dans sa nécessaire adaptation aux nouvelles attentes de la société.
Je souhaite aux nouvelles équipes dirigeantes de l'APCA et de toutes les chambres départementales et régionales d'agriculture mes meilleurs vux de réussite dans leurs tâches. Je sais que vous continuerez à uvrer en faveur de l'agriculture et des agriculteurs de notre pays. Produire mieux, favoriser l'emploi, la qualité des produits dans le respect de l'environnement et la valorisation des territoires, tels sont les objectifs que nous partageons et que nous nous efforçons de promouvoir.
Je vous remercie
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 25 juin 2001)
Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie de votre accueil. Merci, aussi pour le caractère constructif de vos propos et pour la qualité de vos interrogations sur l'avenir de l'agriculture.
Je voudrais d'abord vous répondre sur les missions des chambres d'agriculture notamment pour préciser les partenariats que je souhaite continuer à construire avec vos établissements publics.
Je répondrai ensuite aux questions sur la conjoncture agricole avant d'aborder celles concernant la politique agricole commune et les perspectives des négociations à l'OMC.
1 - Les missions des chambres d'agriculture
Elections des membres
Parmi les nombreux établissements publics de l'Etat, les chambres d'agriculture partagent avec les autres chambres consulaires (chambres de métiers et chambres de commerce et d'industrie) une originalité, c'est l'élection de leurs membres par leurs ressortissants.
Tout le monde s'accorde sur le déroulement satisfaisant des opérations électorales de janvier 2001. Je relève en premier lieu l'excellent taux de participation qui témoigne du bon fonctionnement de la démocratie professionnelle et de la confiance des votants dans la qualité de votre travail.
Le taux de participation (42 % en moyenne) a été plus élevé que celui de 1995. Dans le collège des chefs d'exploitation, 61,5 % des électeurs ont voté, soit 4 % de plus. Le vote par correspondance s'est développé : il a été choisi par 43 % des électeurs, moins par les exploitants (30 %) que par les Anciens (61 %) et les salariés.
Nous allons à présent réaliser ensemble le bilan du déroulement des élections de janvier, en faisant notamment le point sur le vote par correspondance et le regroupement des bureaux de vote organisé par les préfets en concertation avec les chambres. J'ai pour cela confié une mission à un inspecteur général, monsieur Bernard VIAL, à qui j'ai demandé également de me faire des propositions sur la simplification éventuelle du dispositif et sur les moyens d'assurer une meilleure représentation du pluralisme dans les chambres régionales et à l'APCA.
Les élections aux chambres régionales se sont déroulées dans les délais prévus, grâce à la diligence des préfets, et votre assemblée a pu tenir comme prévu sa session d'installation le 29 mars dernier. Vous voilà donc à pied d'uvre.
Il vous revient maintenant de diriger ces établissements publics, en veillant à les mettre au service de l'ensemble de l'agriculture française
Missions de service public
Votre première mission, vous le savez, est de représenter auprès des pouvoirs publics l'ensemble des intérêts agricoles et de leur donner, comme le dit le Code rural " les renseignements et avis sur les questions agricoles ". C'est d'ailleurs pour que cette mission s'exerce pleinement, que le corps électoral des chambres associe toutes les composantes de la profession, non seulement les exploitants et les salariés, mais aussi tous les groupements professionnels.
En cela, les chambres d'agriculture sont fondamentalement différentes des autres organisations agricoles. L'autorité des chambres d'agriculture repose sur l'objectivité de leurs analyses et sur leur capacité à représenter l'ensemble de leurs mandants en faisant place à la diversité des opinions.
Vous avez aussi de très nombreuses responsabilités dans le cadre de vos missions de service public ; notamment dans le secteur de l'élevage, puisque les E.D.E. (Etablissements départementaux de l'élevage) sont fréquemment des services des chambres. Votre rôle est donc essentiel pour l'application de l'IPG (Identification permanente généralisée) du cheptel, qui contribue à la maîtrise et à la sécurité de notre élevage.
En matière de développement agricole, il vous incombe d'élaborer les programmes régionaux de développement agricole et de les mettre en uvre. Dans ce cadre, l'expertise et la compétence incontestable des personnels des chambres sont au service de tous.
Une attention particulière doit être désormais apportée aux missions que les chambres d'agriculture assurent auprès des collectivités territoriales, notamment de conseil en aménagement foncier et paysager des communautés de communes et des pays.
Pour remplir l'ensemble de ces missions, j'ai veillé à ce que vous disposiez de moyens consolidés. Vous le savez, la taxe qui alimente les chambres souffrait d'une mauvaise assise juridique et de ce fait était très fragile, comme nous l'avait fait observer la Cour des Comptes. Le Gouvernement a donc présenté, en loi de finances rectificative pour 2000, un article confortant la taxe perçue au profit des chambres d'agriculture.
J'appelle votre attention sur l'importance du travail que vous effectuez avec les préfets et leurs services, chargés de la tutelle sur vos établissements. Il est essentiel que vous entreteniez des relations de confiance mutuelle pour accompagner la réorientation de la politique agricole.
Je suis personnellement très attentif à la consolidation de cette concertation avec mon ministère. Ma récente rencontre avec le bureau de l'APCA en témoigne.
Agriculture et développement durable
Dans le projet stratégique CAP 2010, les chambres d'agriculture se sont engagées en faveur d'une agriculture durable plus respectueuse de l'environnement. L'enjeu est considérable pour réconcilier l'agriculture et la société.
Par convention, un rôle particulier a été dévolu aux chambres pour la mise en uvre des contrats territoriaux d'exploitation. Vous avez à ce titre non seulement une mission d'information générale, mais aussi un rôle d'appui au montage des projets.
Je constate avec satisfaction l'intérêt croissant des agriculteurs pour le dispositif des CTE, puisqu'au delà des 10 000 CTE ayant reçu un avis favorable, les dépôts de demandes semblent s'accélérer. C'est un des éléments qui a été évoqué lors des journées organisées par l'APCA et le CNASEA, les 28 et 29 mai dernier. Je sais qu'elles ont été très appréciées par les participants et je tiens à remercier ici les organisateurs pour le climat constructif de cette rencontre.
Dans le domaine des CTE, je suis très attaché à ce qu'une place soit faite aux porteurs de projets collectifs, c'est la condition d'une simplification des dispositifs et d'une plus grande efficacité dans le traitement des dossiers sous la responsabilité des DDAF.
Concernant l'agriculture raisonnée, l'adoption de la loi sur les nouvelles régulations économiques a donné la base légale nécessaire à son encadrement.
Mon intention n'est pas que le ministère se substitue aux acteurs économiques que sont les producteurs, les transformateurs et les distributeurs pour définir ce que doivent être les pratiques raisonnées en agriculture et la façon de communiquer. Mon intention est de favoriser un compromis consensuel entre ces acteurs et les consommateurs pour que cette démarche soit au service d'un nouveau rapport de confiance entre l'agriculture et la société. Fondée sur l'identification et la crédibilité de pratiques plus respectueuses de l'environnement l'agriculture raisonnée doit participer à la reconnaissance et à la valorisation du métier d'agriculteur.
La réforme du développement
Il y a un an, j'annonçais dans cette même salle ma décision d'engager une réforme du développement agricole pour préserver l'ANDA et adopter notre dispositif de diffusion du progrès en agriculture aux nouvelles orientations de la politique agricole.
Comme vous, je suis attaché à cette mission de service public, confiée en 1966 à la profession agricole, qui s'appuie sur la responsabilisation des agriculteurs. Elle a montré son efficacité et son souci du plus grand nombre. Cette action doit être conduite en concertation avec l'administration et le respect du paritarisme dans la définition des orientations et dans les structures de gestion tant au niveau départemental et régional que national.
La négociation a été longue, parfois tendue. Cette réforme est maintenant en cours. Elle a été présentée au CSO avec un premier bilan des actions de l'ANDA en 1999-2000.
Le décret en phase d'examen au Conseil d'État pourra être très prochainement publié. Les orientations, en harmonie avec celles de la loi d'orientation de juillet 1999 ont été adoptées pour les nouveaux programmes de développement qui sont déjà en préparation pour la période 2002-2006.
Je compte sur les chambres d'agriculture pour qu'elles contribuent à la réussite de cette réforme, notamment pour le bon fonctionnement des SUAD (services d'utilité agricole de développement) et dans chaque région des COREDA (Conférences régionales du développement agricole.
Parallèlement à la réforme du développement agricole, je sais qu'une réforme du FAFEA (Fonds d'action de formation des exploitants agricoles) est engagée par sa présidente Marie-Annick MEHAIGNERIE.
Je veux saluer sa détermination et celle des administrateurs qui l'entourent pour mettre en place une nouvelle organisation plus transparente et donner au FAFEA sa véritable dimension de fonds d'assurance formation, au service de tous les actifs non salariés de l'agriculture.
Il me paraît essentiel, dans tous les domaines qui contribuent au développement durable de l'agriculture, de renforcer la relation entre recherche, développement et formation.
2 - La conjoncture agricole
Vous appelez mon attention sur plusieurs dossiers d'actualité, j'en retiendrai trois qui me paraissent aujourd'hui plus sensibles: l'environnement, avec la loi sur l'eau et le PMPOA, la crise bovine et le plan de régionalisation des aides aux grandes cultures.
Loi sur l'eau
Vous demandez " un infléchissement indispensable du projet de loi sur l'eau ". Pour aller vite, je vous répondrais que cet indispensable infléchissement a déjà eu lieu car entre les premiers projets et celui qui sera prochainement présenté en conseil des ministres, chacun pourra relever une évolution sensible du dispositif des redevances concernant l'agriculture, tant dans leur logique que dans leur montant.
Pour l'irrigation, la redevance prévue par le projet de loi reposera fondamentalement sur le principe de responsabilité des redevables.
Le projet de loi devrait ainsi aboutir, pour les irriguants engagés dans une pratique de gestion responsable, à une quasi stabilité des redevances par rapport au niveau actuel. Pour les autres, le nouveau système de redevance est conçu pour les y inciter progressivement.
Cette conception fondée sur le comportement des acteurs, davantage que sur la situation de la ressource dans les bassins hydrographiques s'écarte, vous l'avez compris, d'une approche fondée sur la régulation par le prix. Une telle logique frapperait l'irrigation en tant que telle et non pas les comportements d'irrigation non maîtrisés.
Pour ce qui concerne la redevance azote, l'idée initiale d'une taxation au 1er kilo a été abandonnée au profit d'une redevance sur les excédents azotés. L'ordre de grandeur des taux envisagés ainsi que les éléments d'abattement prévus doivent inciter à l'amélioration des performances environnementales, sans pour autant peser excessivement sur les revenus des exploitations.
Pour répondre enfin aux différentes demandes d'ajustements que vous avez présentées, je pense qu'elles devront être évoquées dans le cadre des travaux parlementaires. Je ne doute pas que ceux-ci permettront d'apporter à ce texte de nouvelles améliorations dans un sens que j'espère conforme aux grands équilibres qui ont présidé à la préparation du texte.
PMPOA
La réforme du PMPOA s'imposait. Après un long processus interministériel au cours duquel j'ai cherché à ce que le dispositif réformé demeure le plus favorable possible, nous avons transmis nos projets de textes à la commission en décembre dernier. A cette occasion, il a été décidé que les dossiers arrivés en DDAF après cette date seraient instruits et financés sur la base du nouveau dispositif.
Six mois plus tard, où en sommes-nous ?
D'abord nos craintes sur l'ancien dispositif se sont confirmées puisque la commission avait engagé à l'encontre de la France une procédure contentieuse probablement assez longue, et qui potentiellement pourrait aboutir à ce que la Commission exige le reversement des subventions trop-perçues, en dépassement des plafonds communautaires.
Sur notre nouveau dispositif, la quasi totalité des points est aujourd'hui levée. Il en reste un sur lequel j'ai pris personnellement l'attache du commissaire FISCHLER. Paradoxalement, la Commission est prête à accorder une majoration de 20 % hors zones vulnérables, dans la mesure où ces aides permettent d'aller au-delà des exigences de la directive nitrates, mais pas dans les zones vulnérables où le niveau plus élevé d'exigences réglementaire, fixé par la directive nitrate de 1991, ne le permettrait pas.
Ce résultat ô combien paradoxal d'un PMPOA moins incitatif dans les zones prioritaires que dans les zones qui le sont moins, ne peut nous satisfaire.
Il nous faut maintenant convaincre la Commission d'accorder aux zones directives nitrates un taux de financement de 60 % en considérant que cette directive constitue une réglementation récente. J'espère en sortir avant les vacances d'été.
Si nous parvenons à obtenir l'accord de la commission sur notre projet, je crois honnêtement que la suspension de l'instruction des dossiers arrivés au cours des six derniers mois sera vite oubliée. Si nous devions subir un contretemps plus long, nous serions amenés à trouver une solution provisoire permettant de prendre en compte ces nouveaux dossiers.
Filière bovine
Sur la filière bovine, j'ai constaté avec satisfaction une amélioration de la situation du marché, même si je ne considère pas que nous sommes sortis de la crise. La reprise (partielle) de la consommation, le raffermissement des prix et le versement des aides. Pour les aides directes, plus de 81% étaient versés au 18 juin 2001, elles devraient cependant être de nature à redonner un peu le moral aux éleveur bovins.
Il y a encore à faire pour assurer l'adéquation entre l'offre et la demande dans le secteur bovin, que ce soit à court terme ou moyen terme. Toutes les contributions seront utiles pour trouver des solutions. J'appelle votre attention sur deux points :
- concernant la gestion de marché, il faut prendre en compte le blocage de principe que nous rencontrons au niveau de la Commission et d'autres Etats membres pour toute mesure qui viserait à l'abattage précoce des petits veaux ;
- concernant les orientations à prendre pour mieux répondre aux attentes des consommateurs, la réflexion doit associer l'ensemble des partenaires ; c'est d'ailleurs dans cet esprit que François Patriat et moi-même avons réuni la table ronde sur les produits carnés du 29 mai et que nous avons invité le Conseil national de l'alimentation à engager une réflexion sur l'information du consommateur concernant le mode d'élevage et la segmentation du marché. Je me réjouis de voir que le CNA s'est d'ores et déjà mobilisé pour répondre à cette demande.
Le plan de régionalisation et les aides aux grandes cultures
En France, les régions ayant des rendements céréaliers modestes se sont spécialisées dans la culture d'oléagineux en raison d'aides attractives. Pour tirer parti de cette spécificité, la France a maximisé les retours communautaires en ayant deux plans de régionalisation, l'un pour les céréales, l'autre pour les oléagineux. Le premier est à maille départementale et permet de respecter le niveau de rendement historique de chaque département. Le second permet aux oléagineux de bénéficier des rendements des grandes régions céréalières voisines.
Les accords de Berlin vont se traduire par une baisse des aides aux oléagineux liée à l'alignement sur les aides aux céréales et à la suppression du double plan.
J'avais proposé dès juillet 1999 aux organisations agricoles de procéder à une révision du plan de régionalisation dans le sens d'une plus grande solidarité.
À ce jour, aucune proposition conjointe n'a été envisagée par les associations spécialisées " grandes cultures ". Faute d'accord professionnel, le seul plan de régionalisation " céréales " s'appliquera à toutes les grandes cultures.
Je poursuivrais avec détermination la réouverture du dossier " oléagineux " dans le cadre de la révision des accords de Berlin prévue pour 2002/2003. Au-delà, des efforts spécifiques seront faits dans le cadre des mesures de développement rural visant à encourager des assolements diversifiés. Enfin, la poursuite du développement de la production de biocarburants permettra de soutenir la production d'oléagineux.
3 - Quelle politique agricole voulons-nous pour l'Europe ?
Nous avons, les uns et les autres fait un constat simple au cours des derniers mois : les crises de sécurité sanitaire des aliments rendent incontournable un débat sur l'évolution de la PAC. Mais ce débat s'inscrit dans un mouvement à la fois plus lent et plus profond, que nous avons engagé au travers d'au moins deux réformes, celle de 1992 et celle des accords de Berlin et que nous allons poursuivre dans les années à venir.
C'est dans cette double perspective, celle de l'urgence que nous dictent les crises, et celle du long terme, que nous devons nous situer, pour répondre aux attentes de nos concitoyens, satisfaire à nos responsabilités à l'égard des agriculteurs, et préparer en même temps les évolutions auxquelles nous devrons faire face dans les années qui viennent, élargissement de l'Europe et reprise de la négociation à l'OMC.
D'abord, un constat : les crises de sécurité des aliments doivent conduire l'Europe à prendre toutes les mesures nécessaires pour harmoniser vers le haut les règles sanitaires, de façon à répondre à l'exigence prioritaire de protection de la santé de nos consommateurs.
C'est ce que nous avons obtenu de nos partenaires, pour répondre à la crise de l'ESB, à la fin de la présidence française. Ces décisions n'ont pas été faciles à prendre, largement parce que les Etats membres qui pensaient encore être indemnes refusaient que la crise soit traitée à l'échelle de l'Europe, et nous reprochaient dans le même temps nos mesures de protection supplémentaires.
Il reste que nous avons aujourd'hui un dispositif à peu près satisfaisant. On peut encore l'améliorer - j'ai demandé notamment à la commission de prévoir d'abaisser de 30 à 24 mois l'âge auquel les animaux doivent être testés. Mais l'Union Européenne, à cette occasion, a marqué un tournant important dans son approche des crises de sécurité des aliments. C'est une évolution qui se fait sentir au delà de la crise ESB.
Mais au-delà, ces crises ont remis au premier plan les attentes des consommateurs et des citoyens pour une agriculture plus respectueuse de l'environnement.
Changer en profondeur le contrat, c'est passer du "produire plus" au "produire mieux". Notre agriculture est compétitive. Elle doit le rester. Je ne confonds pas, moi, la productivité nécessaire et le productivisme. Mais cette compétitivité ne peut plus être construite ici et là sur des coûts sociaux, sanitaires, environnementaux sur lesquels la société est devenue très réactive.
Dès lors que l'objectif est clair, la question est celle du rythme de l'évolution.
Nous aurions pu aller plus vite. C'est d'ailleurs ce que la France avait souhaité à Berlin. Mais, d'une part, nous ne pouvons pas changer la donne tous les deux ans : les agriculteurs sont des agents économiques qui ont aussi besoin de visibilité pour travailler, emprunter, investir. Et d'autre part ces évolutions se négocient à 15 : il ne serait pas raisonnable de laisser croire que nous pouvons convaincre sans mal tous nos partenaires du bien fondé de notre approche. Pour une partie des Etats membres, les bénéfices de la PAC comptent moins que le coût qui en résulte. C'est une réalité avec laquelle il faut composer. Si je défends aujourd'hui le compromis de Berlin, même s'il ne va pas assez loin, c'est qu'il nous conduit dans la bonne direction. Mais si nous remettons tout sur la table aujourd'hui, nous ouvrons aussi une fenêtre aux Etats membres dont l'objectif affiché est de démanteler la PAC. Pour les grands équilibres et notamment pour le cadrage budgétaire et financier, tenons-nous en au calendrier qui a été convenu en 1999.
Il est cependant possible d'avancer. La Commission fera des propositions pour la revue à mi-parcours de 2003. A ce stade, il n'est prévu qu'une série de rendez-vous techniques, sur le lait, les oléagineux ou l'examen des perspectives financières à la lumière du calendrier de l'élargissement. Nous pouvons compléter ces discussions pour préparer les discussions de 2006 et décider, d'ores et déjà, de quelques inflexions importantes.
Trois directions sont complémentaires : renforcer la sécurité des consommateurs, rééquilibrer les soutiens, conforter le développement rural, le 2e pilier de la PAC.
La sécurité et la transparence : qu'il s'agisse des crises de sécurité des aliments ou du débat sur les OGM il est clair, désormais, que nous devons repenser les relations entre agriculteurs et consommateurs. Ce n'est pas un sujet que nous découvrons aujourd'hui : en témoignent les efforts engagés depuis quelques temps, sur l'étiquetage, le livre blanc sur la sécurité des aliments, le projet de création d'une autorité européenne des aliments - c'était d'ailleurs l'une des priorités de la présidence française. Mais il faut aller plus loin, pour faire de la transparence, de la qualité et de la sécurité alimentaire, le troisième pilier de notre politique agricole commune. Et sur ces sujets, nous ne sommes pas contraints, autrement que sur le plan budgétaire, par les accords de Berlin.
Il faut relancer le débat sur la réorientation des soutiens de la PAC vers le développement rural.
Sans attendre, une mesure pourrait être prise par l'Europe pour donner un signal clair de sa volonté de donner plus de poids au développement rural. La France a adopté un mécanisme de modulation dont je sais qu'il fait débat entre nous, conforme à ce que permettent les accords de Berlin, qui nous permet d'amorcer le redéploiement d'un système d'aide vers l'autre. Le Royaume-Uni et le Portugal ont fait de même. L'Allemagne prévoit de suivre dans la même direction. Généralisons le dispositif à l'échelle de l'Europe, ce sera un pas important dans la bonne direction et les agriculteurs français ont tout à y gagner : d'abord parce qu'une telle généralisation supprimerait ce que certains appellent une distorsion de concurrence, ensuite parce qu'elle entraînera la recherche d'une formule de compromis sans doute plus proche d'une dégressivité.
Pour répondre à vos inquiétudes, Monsieur le Président, la détermination de la France est totale pour empêcher que la PAC serve de marge de manuvre pour le financement des autres politiques communes ou soit mise en cause par le processus d'élargissement aux PECOs.
L'élargissement est un défi majeur pour l'Europe. Si la discussion du volet agricole des accords d'adhésion butte ici et là sur des difficultés, nous devrons trouver des solutions. La discussion budgétaire est encore devant nous, elle ne sera pas facile. Et surtout, il est clair qu'il faudra être particulièrement vigilant sur certains thèmes, en particulier les sujets sanitaires, parce que personne n'acceptera que l'élargissement se traduise par une baisse du niveau de protection des consommateurs.
Enfin, nous avons devant nous une autre échéance importance à l'OMC, que nous lancions ou non un nouveau cycle à Doha, nous avons d'ores et déjà commencé à préparer la négociation agricole et ce travail va se poursuivre.
Je voudrais pour finir rappeler que les organisations professionnelles et plus particulièrement les chambres d'agriculture sont un des atouts de l'agriculture française dans sa nécessaire adaptation aux nouvelles attentes de la société.
Je souhaite aux nouvelles équipes dirigeantes de l'APCA et de toutes les chambres départementales et régionales d'agriculture mes meilleurs vux de réussite dans leurs tâches. Je sais que vous continuerez à uvrer en faveur de l'agriculture et des agriculteurs de notre pays. Produire mieux, favoriser l'emploi, la qualité des produits dans le respect de l'environnement et la valorisation des territoires, tels sont les objectifs que nous partageons et que nous nous efforçons de promouvoir.
Je vous remercie
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 25 juin 2001)