Interview de M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, à RMC le 1er juin 2012, sur le financement des engagements du président de la République, la hiérarchie des salaires au sein des entreprises publiques, la politique fiscale, la préparation de la conférence sociale, l'épargne réglementée, les entreprises en difficulté, le SMIC et le retour de l'âge de la retraite à 60 ans après 41 ans de cotisations.

Prononcé le 1er juin 2012

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN Jean-Marc AYRAULT, j’ai une question toute simple, première question : est-ce que toutes les promesses de François HOLLANDE seront tenues ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Oui, le cap sera tenu. Le président de la République l’a dit, moi j’ai comme Premier ministre une feuille de route, et c’est celle de tout le gouvernement. C’est le redressement de la France mais dans la justice, et de travailler avec le Président de la République à la réorientation de l’Europe dans le sens de la croissance et dans le sens du progrès social. Donc ça c’est notre feuille de route. Et donc les premières mesures que nous prenons sont les mesures de justice. C’est la retraite à 60 ans pour ceux qui ont travaillé 41 années et qui ont commencé très tôt. Ca sera à l’ordre du jour du prochain Conseil des Ministres, la semaine prochaine…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN La semaine prochaine !
 
JEAN-MARC AYRAULT Le coup de pouce au SMIC qui sera décidé en juillet, qui tiendra compte à la fois des contraintes économiques des entreprises, mais il y a quand même besoin d’un coup de pouce, c’est une mesure de justice. Vous avez vu que pour les familles le pouvoir d’achat et surtout les familles avec des enfants, avec un revenu très modeste, il y a aussi une aide qui est apportée c’est l’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire. Je peux vous dire que pour beaucoup de familles ça concerne 5 millions d’enfants, c’est beaucoup de monde. C’est une aide très importante. Ca ne règle pas tous les problèmes, mais je crois que les mesures de justice donnent l’orientation dans laquelle nous voulons travailler.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui mais Jean-Marc AYRAULT, les mesures de justice coutent chères. Or, or, Jean-Marc AYRAULT, pardonnez-moi mais la COUR DES COMPTES, Bruxelles, font des remarques sur les finances publiques de la France, en disant « attention, vous avez un 3 % à respecter pour 2013 ». Donc vous dépensez de l’argent, très bien, mais comment allez-vous faire ? Comment allez-vous faire ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Toutes les mesures que j’annonce là sont financées. C’est vrai pour la mesure concernant la retraite, elle sera financée. Elle ne va pas dégrader les comptes publics. C’est très clair. L’objectif du président de la République, pendant toute la campagne présidentielle, il l’a dit, et le gouvernement va le tenir, c’est de faire reculer la dette, de faire reculer les déficits, parce qu’aujourd’hui le premier budget c’est le remboursement des emprunts et donc on ne peut pas continuer comme ça, parce que tout ce qu’on met là on ne le met pas dans l’éducation, on ne le met pas dans l’investissement pour les entreprises, on ne le met pas dans la recherche, on ne le met pas dans la préparation de l’avenir ; donc l’objectif c’est l’équilibre des comptes à la fin du quinquennat, ce qui veut dire que l’objectif doit démarrer dès le budget 2013 pour entrer dans les 3 %. Donc ça demande effectivement un effort, mais cet effort sera toujours basé sur la justice. Je vais prendre un exemple pour vous faire comprendre.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui.
 
JEAN-MARC AYRAULT Quand nous demandons que les patrons des entreprises publiques ou les entreprises dont l’Etat est actionnaire, n’aient pas de salaire au-delà de vingt fois ce que gagne le salarié le moins bien payé, eh bien c’est l’exemplarité. Exemplarité des ministres qui ont baissé leur salaire de 30 %, le Premier ministre et le président aussi. Et puis c’est la même chose pour les patrons des entreprises dans lequel l’Etat est actionnaire. Alors ça va peut-être grogner un peu, mais vous savez le patriotisme, l’exemplarité, c'est ça qui doit être à l’ordre du jour et ce sera à l’ordre du jour.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais enfin, ça reste à l’état …. Ce sont des symboles bienvenus peut-être, mais ce sont des symboles. Des symboles, en ce qui concerne les ministres, Jean-Marc AYRAULT, parce que les conseillers….Est-ce que les conseillers sont moins nombreux dans les ministères qu’auparavant ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Oui, il y a 10 % de diminution des crédits pour chaque cabinet ; les ministres en plein exercice n’ont que 15 conseillers au lieu de 20 avant, et les ministres…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Enfin il y a autant de ministres que dans le dernier gouvernement FILLON…
 
JEAN-MARC AYRAULT Oui à peu près, mais on a diminué les moyens de fonctionnement. Vous savez le fait de se déplacer en train, moi-même je me déplace en TGV ça coute moins cher.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Ce n’est pas un peu anecdotique et démagogique, vraiment, franchement ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Je vais être honnête avec vous, ce n’est pas ça qui va régler le problème que vous avez évoqué, qui est celui du déficit et de la dette. Mais on ne s’en sortira pas si l’exemple ne vient pas d’en haut. Et donc nous devons donner l’exemple qui est celui de la justice, on ne s’en sortira pas sans justice. On sait qu’il va falloir faire des efforts. Estce que quand vous regardez… Ecoutez les Français sur RMC est-ce qu’ils sont inconscients de la situation dans laquelle nous sommes ? Bien entendu que non. Les Français que je rencontre à Nantes ou ailleurs ils savent que la situation est difficile, mais ils nous disent « on veut que vous agissiez à la fois pour faire reculer la dette, on veut que vous prépariez le retour de la croissance, on veut que vous agissiez pour l’emploi, mais il y a une chose qu’on vous demande, c’est la justice, la justice, monsieur BOURDIN ».
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Ca veut dire que les impôts vont augmenter.
 
JEAN-MARC AYRAULT Ils augmenteront pour certains et moins pour d’autres.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Ils vont augmenter donc ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Globalement oui parce qu’il y a besoin d’un effort et d’une contribution.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN La question c'est pour qui ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Ils augmenteront pour les plus riches. Vous voyez les niches fiscales, il y a des gens qui payent très peu d’impôt parce qu’ils bénéficient des niches fiscales. Eh bien dans les engagements qui ont été pris pendant la campagne présidentielle, ils seront tenus, donc on va commencer à l’appliquer dès que nous aurons une majorité parlementaire. Parce que pour agir il nous faut une majorité parlementaire. Eh bien on plafonnera les niches fiscales à 10 000 euros par an. Et ça c’est la moindre des choses. Il faut le faire. Ca c’est une mesure….
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Augmentation des impôts.
 
JEAN-MARC AYRAULT Augmentation des impôts pour les plus riches, pour ceux qui peuvent contribuer.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Et les classes moyennes ne seront pas touchées ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Alors justement les classes moyennes…. Il y a les classes populaires, et les classes moyennes. Et les classes moyennes ont souvent été taxées beaucoup ces derniers temps.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN C’est pour ça que je vous pose la question.
 
JEAN-MARC AYRAULT Donc moi je suis très attentif que à la fois les classes populaires soient aidées, et il y a des mesures qui seront prises dans ce sens, mais il y a aussi les classes moyennes, et les classes moyennes parfois ce n’est pas beaucoup d’argent, c’est 2000, 2500 euros.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Exactement.
 
JEAN-MARC AYRAULT On dit les classes moyennes on a l’impression que ce sont des gens riches.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Qui n’ont plus d’aide.
 
JEAN-MARC AYRAULT Qui n’ont pas beaucoup d’aide.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Aucune aide.
 
JEAN-MARC AYRAULT Qui sont souvent au-dessus par les effets de seuil. Donc nous serons extrêmement attentifs.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Extrêmement attentifs.
 
JEAN-MARC AYRAULT Absolument.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Est-il vrai que vous êtes en train de préparer une grande réforme fiscale pour l’été…
 
JEAN-MARC AYRAULT Non, mais attendez, non …Vous avez parlé de « Big bang »…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN C’est vrai on en a parlé ce matin.
 
JEAN-MARC AYRAULT Il n’y a pas de « Big bang » fiscal, je vous le dis tout de suite.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Ca veut dire quoi ? Ca veut dire fusionner l’impôt sur le revenu et la CSG, non ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Non, non, ce que nous allons faire c’est ce que je viens de vous dire il y a quelques minutes, c'est la progressivité de l’impôt…Non, on va s’attaquer à ce chantier…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Vous êtes favorable…
 
JEAN-MARC AYRAULT C’est très compliqué ce que vous êtes en train de me dire, donc ça je ne veux pas m’engager dans un débat technique. Ca ce n’est pas l’ordre du jour aujourd’hui monsieur Jean-Jacques BOURDIN…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Fusion CSG-impôt sur le revenu.
 
JEAN-MARC AYRAULT Ecoutez, les auditeurs ou les téléspectateurs, s’ils écoutent ça, ils vont se dire « ça veut dire quoi ? ». Ca veut dire quoi ?
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Ca veut dire par exemple les impôts à la source, prélevés à la source.
 
JEAN-MARC AYRAULT Oui, alors c’est un chantier qui est très lourd, qui est très long…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Vous y êtes favorable vous ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Je ne veux pas m’engager sur ce terrain aujourd’hui. Sur ce quoi ne m’engage c’est la progressivité de l’impôt sur le revenu, c'est la justice fiscale. Après le ministre de l’Economie, des Finances et du Budget, Pierre MOSCOVICI, je lui ai demandé de travailler sur plusieurs scénarios et lorsque ces scénarios m’auront été présentés, alors après il y aura un débat, et il y aura un arbitrage et je prendrai mes responsabilités.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Quand, quand ?
 
JEAN-MARC AYRAULT D’ici la loi de finances 2013, on a plusieurs mois devant nous.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Donc à l’automne.
 
JEAN-MARC AYRAULT Absolument. Et je vous rappelle que pour agir, pour que la France se redresse, pour qu’elle se redresse dans la justice, pour que la croissance reparte, pour que notre système éducatif soit rénové, pour que nos entreprises soient plus compétitives, il nous faut une majorité parlementaire. Et dans quelques jours les Français vont voter, une nouvelle fois, donc je les appelle à se mobiliser pour que leur vote soit utile. Le vote utile c’est quoi ? C'est que leur vote du 6 mai, c’est à dire de l’élection de François HOLLANDE, ne soit pas déçu. Car si on ne donne pas au président une majorité on fait quoi ? On va faire revenir ceux qui nous avaient mis le bouclier fiscal il y a cinq ans ! Ceux qui nous ont envoyés dans le mur, ceux qui ont creusé les déficits, augmenter les injustices ? Non, je pense qu’il faut vraiment donner au gouvernement les moyens d’agir.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN On va entrer dans les détails. Le quotient familial sera-t-il plafonné ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Oui, nous l’avons dit pendant la campagne électorale, mais à six fois le SMIC, parce que cette mesure justement permet de plafonner … Vous savez il y a des gens qui gagnent beaucoup d’argent, et qui bénéficient au fond proportionnellement plus que ceux qui sont dans les classes populaires, dans les classes moyennes. J’en reviens à mon propos de tout à l’heure. Le plafonnement à plus six fois le SMIC, vous voyez ça fait un revenu très, très élevé, eh bien permettra à cette somme qui sera gagnée de redistribuer aux autres familles. Ce n’est pas pour mettre dans les caisses de l’Etat. C'est que pour que ce soit utile à la politique familiale et que ce soit juste, toujours la justice.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Parlons du chômage. Première préoccupation des Français Jean-Marc AYRAULT. Les heures supplémentaires défiscalisées, coût pour l’Etat : 4 milliards d’euros à peu près par an.
 
JEAN-MARC AYRAULT Nous avons dit très clairement qu’il y avait comme un effet d’aubaine, à la fois pour les entreprises – parce qu’il n’y a pas seulement la défiscalisation, il y a aussi les entreprises qui sont exonérées – par contre nous voulons maintenir cette mesure pour les très petites entreprises….
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Vous allez la maintenir pour les très petites entreprises ? Jusqu’à dix salariés ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Le nombre des salariés n’est pas encore fixé, nous allons en débattre avec les partenaires sociaux. C’est très important d’écouter à la fois le point de vue des salariés ; j’ai reçu toutes les organisations syndicales, mais aussi d’écouter le point de vue des entreprises. Ce qui est sur c’est que les très petites entreprises n’ont pas les mêmes problèmes qu’une grosse entreprise. C’est évident. Et qu’elles ont besoin d’être davantage soutenues parce que souvent ce sont elles qui embauchent. Et donc il faut être extrêmement attentif à leur situation. Donc on fera une différence y compris sur le plan fiscal, sur l’impôt sur les sociétés par exemple les très grandes entreprises verront leur impôt augmenter ; les moyennes entreprises verront leur impôt également diminuer ; et les petites entreprises le verront davantage diminué parce qu’il faut donner de l’aide, parce que là c'est la croissance et ça c’est l’emploi…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN C’était une promesse du candidat HOLLANDE.
 
JEAN-MARC AYRAULT Absolument. Vous me parliez des promesses, elles sont tenues les promesses.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Alors les heures supplémentaires défiscalisées, vous aller dégager de l’argent sur les grandes entreprises, cet argent il va servir à quoi ? Je ne sais pas moi, à financer des mesures massives en faveur du chômage partiel par exemple ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Absolument. Vous avez tout à fait raison, parce que j’ai reçu chaque organisation syndicale, patronale et de salariés. Et nous allons tenir sous la présidence de François HOLLANDE début juillet, et nous avons une réunion préparatoire la semaine prochaine pour bien préparer une grande conférence sociale, où à l’ordre du jour – ça durera deux jours, on ne va pas se contenter d’une grand messe - et puis ça sera une méthode pour toute la durée du quinquennat, on a le premier sujet à l’ordre du jour ce sera l’emploi. Et l’emploi c’est le chômage, c’est le chômage des jeunes, c’est le chômage des seniors, c’est le contrat de génération, c’est le chômage partiel, c’est la formation, formation permanente, c’est la formation des chômeurs. Ca c’est le premier sujet. Le deuxième sujet, c'est le pouvoir d’achat, et ce n’est pas que le SMIC c’est toute la chaine des salaires, l’égalité salariale homme-femme en fait partie. Et puis c'est aussi l’avenir de notre système de protection sociale : retraite, la dépendance et puis bien sur aussi la question de la santé.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Vous allez lancer parait-il un plan d’épargne populaire.
 
JEAN-MARC AYRAULT Nous allons doubler le livret A et le Livret de Développement durable, qui d’ailleurs s’appellera « livret de développement pour l’industrie » et qui une épargne garantie qui sera même au dessus de l’inflation, donc pour être très incitatif. Quel est l’objectif ? C’est de mobiliser l’épargne à la fois pour l’investissement en direction des PME, parce qu’elles ont besoin, aujourd’hui il y a un problème de crédit très important, il y a des entreprises qui n’arrivent plus à accéder au crédit dans les petites entreprises ; et puis également pour financer la construction de logements nouveaux et aussi le programme massif d’isolation thermique, donc des économies aussi sur les charges pour les locataires.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Est-ce que vous craignez que les plans sociaux se multiplient dans les semaines et les mois qui viennent, franchement ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Nous avons avec le ministre du Redressement productif, Arnaud MONTEBOURG, établi la liste des entreprises les plus en danger. C’est environ 36 entreprises aujourd’hui, de taille différente et des situations différentes. Et nous avons organisé…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Sans compter les sous traitants qui risquent d’être touchés par …
 
JEAN-MARC AYRAULT Si vous avez une entreprise importante qui est en difficulté, les sous traitants sont touchés. Nous avons mis en place un outil, le ministère d’Arnaud MONTEBOURG, en liaison avec celui de Pierre MOSCOVICI, pour suivre chaque situation. Parce que les situations ne sont pas les mêmes. Vous avez évoqué des dossiers ce matin, vous avez évoqué le dossier de l’entreprise DOUX, vous savez les abattoirs de poulets et transformation. Chaque situation est examinée ; et avec une cellule qui ne fait que ça au ministère du Redressement productif et de l’industrie. Et dans chaque territoire, chaque préfet va désigner une personne, très compétente, ce ne sera pas forcément le même cadre partout, on cherchera la bionne personne qui sera chargée sur le terrain – parce qu’il y a beaucoup de solutions qui peuvent se trouver sur le terrain – d’aider à trouver des solutions, en mettant autour de la table, pas seulement l’administration, mais aussi les collectivités territoriales, principalement les régions qui souvent interviennent pour aider les entreprises, mais aussi les représentants de la banque, les représentants des entreprises, des Chambres de Commerce, les salariés et tous ceux qui peuvent nous aider à redresser. Alors là c'est la position défensive, mais la position offensive c’est de retrouver de l’air, du tonus pour notre industrie, pour nos entreprises. C’est ça le redressement.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Et les chefs d’entreprise en difficulté pourront demander des mesures de soutien au gouvernement ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Mais chaque situation sera examinée. Mais il ne s’agit pas de tout faire remonter à Paris. C'est pour ça que moi qui a l’expérience de maire d’une grande ville, je sais que beaucoup de choses peuvent se traiter sur les territoires. Et pour qu’on y arrive pour l’avenir on va mettre en place la Banque publique d’investissement, je vous en ai déjà parlé ici. Parce qu’il faut regrouper toutes les capacités, je parlais de l’épargne populaire tout à l’heure, pour soutenir notre économie, pour soutenir notre industrie. D’un côté il y a la maitrise des dettes, de la dette et des comptes publics, et de l’autre côté il y a le retour de la croissance. Alors une partie du retour de la croissance ça viendra de l’Europe, c'est pour ça que je vous ai parlé de la nécessaire réorientation de l’Europe.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN On va parler des efforts à faire dans tous les sens avec vous Jean-Marc AYRAULT. [08h50]
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Jean-Marc AYRAULT, les poulets DOUX, les volailles, DOUX, qu’allez-vous faire ? C’est une entreprise qui manque de trésorerie ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Oui, c’est une entreprise qui a des problèmes de financement.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN De financement, sérieux.
 
JEAN-MARC AYRAULT Donc le gouvernement, comme je vous le disais tout à l’heure, est à l’action, pour mobiliser les banques, pour éviter le dépôt de bilan. C’est très important, il y a plusieurs milliers de personnes.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN C'est-à-dire que vous dites aux banques, ce matin…
 
JEAN-MARC AYRAULT C’est déjà commencé.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN C’est commencé ?
 
JEAN-MARC AYRAULT C’est commencé. Je vous ai dit tout à l’heure qu’on était sur chaque dossier, et donc…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN DOUX sera sauvé ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Je fais tout, avec le gouvernement, pour que ce soit le cas, pour qu’il n’y ait pas de dépôt de bilan. Je rappelle que c’est plusieurs milliers de salariés d’un côté, ce sont des producteurs de poulets de l’autre, qui aujourd’hui ne sont pas payés, donc c’est une situation très préoccupante. Donc, je ne suis pas là pour vous dire qu’on va raser gratis et qu’on va régler tout par un coup de baguette magique, mais on ne veut renoncer à rien, il n’y a pas de fatalité.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Est-ce le moment d’augmenter le SMIC ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Oui.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Vu les conditions…
 
JEAN-MARC AYRAULT Oui, parce que vous savez…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Et les finances publiques.
 
JEAN-MARC AYRAULT C’est moins de 1100 euros par mois, donc…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, 1093.
 
JEAN-MARC AYRAULT Mais, en même temps, il faut le faire de façon mesurée…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Nets.
 
JEAN-MARC AYRAULT … A la fois pour ne pas…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Alors mesurée ça veut dire quoi ? Ça veut dire 1% ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Nous n’avons pas encore fixé le montant.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais mesurée c’est quoi, c’est moins de 2% ?
 
JEAN-MARC AYRAULT C’est quelque chose, c’est une mesure qui doit permettre un rattrapage parce qu’il y a quand même eu beaucoup de retard, et c’est attendu, et puis en même temps il faut faire attention à la situation de nos entreprises, surtout les petites entreprises et les entreprises moyennes, qui aujourd’hui ne sont pas en bonne santé pour beaucoup d’entre elles. Deuxièmement, il y a un autre…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Donc c’est quoi, moins de 2% ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Je ne sais pas encore puisque le ministre…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Autour de 2% ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Le ministre du Travail, Michel SAPIN, je respecte son travail, a engagé les concertations pour qu’on puisse prendre une décision…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais ça ne peut pas être 5% d’augmentation du SMIC ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Non, ça ne sera pas 5%, tout le monde le sait, et donc on prendra une mesure qui sera une mesure juste et raisonnée. Mais je rappelle aussi que le SMIC ce n’est pas tous les salaires, et que les organisations syndicales de salariés, il n’y a pas que le point de vue des entreprises qu’il faut écouter, c’est aussi les organisations syndicales des salariés qui disent attention, il ne faut pas que, en augmentant trop fort le SMIC, vous empêchiez l’augmentation des autres salaires. Donc, il y aura une négociation, qui sera engagée avec les partenaires sociaux, sur la question du pouvoir d’achat, et je l’ai dit tout à l’heure, à la Conférence sociale.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Le taux de TVA à 21,2, non ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Non, mais nous avons pris l’engagement, le président de la République a dit « je reviendrai au taux précédent. »
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Quand ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Aussitôt que nous aurons la majorité parlementaire, c'est-à-dire au mois de juillet.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Au mois de juillet.
 
JEAN-MARC AYRAULT Si nous avons la majorité parlementaire il y aura une loi de Finances rectificative, parce que si on ne fait rien, et surtout…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Donc, effaçons la TVA sociale.
 
JEAN-MARC AYRAULT Si la droite revient au pouvoir, eh bien l’augmentation de TVA ça sera pour le 1er octobre, puisqu’elle a déjà été décidée, donc il faut revenir sur cette disposition qui est à la fois inefficace sur le plan économique, mais qui est très injuste socialement.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Monsieur GOURGEON, l’ancien directeur général d’AIR-FRANCE, qui a touché ses 400 000 euros de prime de non-concurrence pour ne pas aller à la concurrence pendant 3 ans, vous lui demandez de rendre cet argent ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Où qu’il soit, il est face à ses responsabilités personnelles, c’est une question d’éthique là, parce que là ça a été décidé avant. Les représentants de l’Etat à l’assemblée générale des actionnaires d’AIR-FRANCE ont demandé, ont dénoncé cette disposition, et d’ailleurs vous avez vu que l’écrasante majorité des actionnaires, dont beaucoup de petits actionnaires, partagent ce point de vue. Mais, Monsieur GOURGEON a bénéficié de cela, et donc il peut très bien dire « non » juridiquement, mais je pense que moralement il devrait accepter de le faire parce que, Monsieur GOURGEON était responsable d’AIR-FRANCE, jusqu’à présent, et vous savez que cette entreprise est en difficulté, elle va peut-être avoir à supprimer un certain nombre d’emplois, je ne sais pas sous quelle forme, mais en tout cas c’est grave, et donc, je dirai il y a l’éthique de responsabilité, je pense qu’elle doit s’appliquer. Pour le reste, j’ai demandé à Pierre MOSCOVICI de proposer, très vite, ce sera au Conseil des ministres du 13 juin, des dispositions pour qu’il y ait une échelle des salaires pour les dirigeants…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN De 1 à 20.
 
JEAN-MARC AYRAULT De 1 à 20, et ça, ce sera décidé.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, mais pour toutes les entreprises, attendez, les entreprises où l’Etat est majoritaire, actionnaire majoritaire…
 
JEAN-MARC AYRAULT Ou actionnaire.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Ou actionnaire ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Mais oui, parce que…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Et les clients ? Vous êtes Etat, gros client d’une entreprise privée, est-ce que vous allez inciter cette entreprise à appliquer les mêmes règles ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Oui, je pense qu’il faut que les entreprises privées se rendent compte qu’on a besoin d’exemplarité. J’ai parlé d’exemplarité des dirigeants politiques…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN 1 à 20 aussi dans le privé ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Ça sera à eux d’en décider, parce que nous n’avons pas là le pouvoir de le faire….
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, bien sûr.
 
JEAN-MARC AYRAULT Mais je pense que cette question, je vais vous dire, elle va être posée de plus en plus. Elle va être posée, d’abord par l’opinion publique, par les Français, qui regardent quand même ceux qui font… qui vivent dans une bulle, qui vivent dans un autre monde, et qui peuvent très bien vivre avec un peu moins. Et puis il y a aussi les actionnaires, parmi les actionnaires il y a des actionnaires modestes, et qui regardent aussi, et quand ils vont voter dans les assemblées générales, je suis sûr que l’Etat qui aura donné l’exemple, ce sera suivi aussi dans les assemblées générales des entreprises privées.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Retraite à 60 ans si on a cotisé 41 ans, un décret, quand ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Un décret parce que ça relève effectivement de la compétence du gouvernement, il n’y a pas besoin de loi.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Quand ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Ce sera présenté la semaine prochaine au Conseil des ministres, Marisol TOURAINE, la ministre, a fait toutes les consultations, elle est en train de les terminer, et nous aurons une décision qui sera présentée au Conseil des ministres le 6 juin prochain.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Le 6 juin prochain, et le décret sera pris dans les jours qui suivent.
 
JEAN-MARC AYRAULT Oui, c’est pour des personnes qui ont commencé très tôt, et donc souvent avec des métiers pénibles, et qui ont leurs années de cotisation.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Et si j’ai bénéficié d’un congé parental, par exemple ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Ça, ça ne sera pas pris en compte.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Ça ne sera pas pris en compte.
 
JEAN-MARC AYRAULT Ça c’est des décisions volontaires, par contre on va regarder les situations, de personnes, notamment je pense aux femmes, et les congés maternité, il y a le service militaire, bien sûr, qui devra être pris en compte, vous avez les arrêts maladie, il y a même peut-être des périodes de chômage, on verra sur quel plan elles peuvent être prises en compte. En tout état de cause nous avons fixé un plafond, parce qu’il ne s’agit pas de dégrader les comptes publics, je l’ai dit tout à l’heure, ça a été dit pendant la campagne. D’autre part, c’est une mesure qui est financée, par une augmentation de la cotisation.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais vous tiendrez les 3% en 2013 ? Vous les tiendrez, vous vous engagez ?
 
JEAN-MARC AYRAULT C’est l’engagement, bien sûr il faut, il le faut. C’est la crédibilité de la France. Et puis c’est les marges de manoeuvre qu’on va retrouver, je vous l’ai dit tout à l’heure. Si… le plus gros budget de l’Etat c’est le remboursement de nos emprunts, eh bien cet argent vous ne mettez pas là où il faut le mettre, j’ai dit tout à l’heure, au système éducatif, qui a besoin d’être plus efficace, plus juste, et je rappelle qu’il y a quand même 150 000 jeunes…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN On en parlera avec nos auditeurs de RMC.
 
JEAN-MARC AYRAULT Qui sortent chaque année du système scolaire sans rien, il y a aussi l’investissement dans les entreprises, il y a à faire fonctionner la France, la rendre plus performante, plus dynamique, créatrice d’emplois, c’est la priorité.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN J’ai une dernière question avant de passer avec les auditeurs de RMC Jean- Marc AYRAULT. Le contrôle au faciès, vous voulez en finir avec le contrôle au faciès ? Est-ce que les policiers vont devoir donner à toute personne contrôlée un reçu sur lequel figure son numéro de matricule ?
 
JEAN-MARC AYRAULT C’est important de ne pas contrôler 3 fois la même personne…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Vous êtes favorable à cette mesure ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Oui, c’est une mesure qu’on va faire, mais qui n’a rien d’extraordinaire.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Vous allez la faire ?
 
JEAN-MARC AYRAULT C’est simplement que…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Comme en Angleterre.
 
JEAN-MARC AYRAULT Ça se fait, ailleurs, quelqu’un, on contrôle son identité, il ne s’agit pas d’arrêter les contrôles d’identité, les policiers font leur travail !
 
JEAN-JACQUES BOURDIN C'est-à-dire le policier contrôle quelqu’un et donne, est obligé de donner un reçu.
 
JEAN-MARC AYRAULT Donne un reçu pour éviter de refaire…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN La mesure sera prise ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Elle est en préparation, le ministre de l’Intérieur y travaille.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Et elle sera prise ?
 
JEAN-MARC AYRAULT Bien sûr.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Vous y êtes favorable.
 
JEAN-MARC AYRAULT Bien sûr. Mais c’est aussi un engagement qui a été pris. Vous savez, vous m’avez parlé des engagements…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui.
 
JEAN-MARC AYRAULT Il y a des engagements qui sont forts, qui sont lourds, il y a des engagements aussi qui sont symboliques, et je pense que ça sera utile à tous, aux personnes contrôlées, qui doivent être contrôlées, par pas 3, 4 fois, et puis aux policiers aussi, parce que les policiers ont besoin de retrouver la confiance et le respect. Moi j’ai confiance aussi dans la mission qu’ils exercent au service de la sécurité des Français, et moi je pense qu’aujourd’hui, c’est vrai de tous les fonctionnaires, ils ont besoin qu’on les respecte, ils ont besoin qu’on leur fasse confiance, et une mesure de ce type n’a rien de vexatoire pour eux, c’est simplement pour remettre de la sérénité. Et je crois qu’on a besoin dans notre pays de plus de sérénité pour être plus fort, pour affronter les problèmes.
 
Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 1er juin 2012