Texte intégral
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de me trouver à nouveau devant vous. Aujourdhui, je viens vous rendre compte de la réunion du dernier Conseil européen des 28 et 29 juin, le premier du nouveau président de la République, François Hollande, et du nouveau gouvernement. Je le fais bien évidemment au nom du président de la République, qui a représenté la France à ce Conseil.
Vous le savez, les enjeux étaient particulièrement lourds pour la zone euro. Un échec aurait pu déclencher une nouvelle vague dinstabilité et de spéculation, voire pire. Mais je crois que les résultats ont été à la hauteur des enjeux et quils peuvent être qualifiés de positifs.
Les décisions prises sont ambitieuses non seulement pour la croissance, mais aussi pour la stabilité. Elles étaient indispensables pour répondre à laggravation de la crise. En effet, depuis 2008, la crise a connu plusieurs phases et a profondément changé de nature. En 2010, elle est ainsi devenue une crise des dettes souveraines. Elle sest successivement attaquée aux États de la zone euro parmi les plus fragiles, qui ont été touchés les uns après les autres.
Certains pays ont eu le sentiment, à tort, quils étaient à labri de tout risque de contagion. Pourtant, la contagion sest produite : la Grèce, lEspagne, puis lItalie ont été successivement confrontées à des difficultés de financement, les marchés leur imposant des taux très élevés, voire insupportables. La confiance des investisseurs dans la zone euro a été considérablement affaiblie. On peut donc dire que la crise des dettes souveraines est devenue systémique.
Pour la stopper, le Conseil européen navait pas dautre choix que de prendre non seulement des mesures structurelles ambitieuses, mais également des mesures de court terme.
Cela mamène au deuxième point que je souhaite aborder.
Après dix-huit sommets de crise, léchec nétait pas permis. Lenjeu était dautant plus important que la succession de sommets européens, souvent présentés comme des "sommets de la dernière chance", des sommets où lon avait trouvé la solution, où tout était réglé, a malheureusement débouché sur des réponses inadaptées ou insuffisantes. Celles-ci ont, au contraire, aggravé la crise. Il en a ainsi été dans le déroulement de la crise grecque et des autres crises nationales.
Il fallait donc changer de méthode, et le président de la République nest pas pour rien dans cette évolution, même sil ne sest pas trouvé seul.
Nous navons pas cédé à la tentation, qui aurait été celle de la facilité, de nous en remettre au principe dun directoire franco-allemand. Nous avons bien sûr travaillé étroitement avec lAllemagne, et nous devons continuer à le faire pour rechercher avec elle le maximum de convergences en effet, si nous arrivons à un Conseil avec des divergences et que nous en sortons au même point, cela sera évidemment un échec ,
M. Jean-Pierre Raffarin.
Très bien !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.
mais, dans le même temps, il était important de dialoguer avec nos autres partenaires. Cest ce que le président de la République a fait dès son élection, dans un esprit découte et douverture, tourné vers la recherche de solutions communes.
Dans cet esprit nouveau, la relation franco-allemande a bien fonctionné et la dynamique européenne sest remise en marche. Nous en avons vu les résultats et nous savons désormais quil sagit de la bonne méthode.
Nous avons aussi retrouvé le sens du temps. Au cours des années passées, victime dune course éperdue derrière les marchés, lEurope a pratiqué une politique du "trop peu" ou du "trop tard".
Lors du dernier sommet, nous avons proposé non seulement de traiter à la fois le court et le moyen terme, mais aussi danticiper lavenir en proposant une vision globale de la réponse à la crise, une vision ne se limitant pas à la stabilité budgétaire.
Aussi, le troisième point que je voudrais développer devant vous concerne le pacte de croissance et demploi, indispensable pour réorienter lEurope. Cétait lun des engagements du président de la République, qui a confié au Gouvernement la tâche de rediriger lEurope dans le sens de la croissance.
Le pacte de croissance et demploi adopté par le Conseil européen doit beaucoup à linitiative et aux propositions françaises. Il constitue le pendant du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG, quon appelle généralement le "pacte budgétaire". Pour le Président de la République et le Gouvernement, ce dernier nest que le respect des engagements pris devant les électeurs pendant la campagne électorale : parvenir à léquilibre des comptes publics de la France à lhorizon de 2017 en procédant par étapes, comme nous le ferons dès cette année au travers de la loi de finances rectificative pour 2012 et de la loi de finances pour 2013.
Ce nouveau cadre permet de réorienter les politiques économiques européennes.
Pour la France, il sagissait non pas de remettre nos engagements budgétaires en cause, mais dagir pour adopter un pacte de croissance et demploi qui nous permettra effectivement de sortir de la panne politique dans laquelle nous nous trouvons. Ces résultats ayant été obtenus, je demanderai rapidement au Parlement, comme je vous lai déjà dit hier, de se prononcer sur lensemble de ces décisions.
Quel est le contenu de ce pacte ?
Cest dabord une réorientation de la stratégie européenne vers la croissance et non plus seulement une approche bloquée sur ce que lon peut qualifier daustérité imposée à chacun des États.
Un ensemble cohérent de mesures favoriseront la croissance et lemploi au sein de toute lUnion européenne. Cette stratégie articule dispositions nationales et dispositions européennes. Elle comporte notamment des mesures sur lapprofondissement du marché unique, linnovation, la politique de cohésion, le soutien aux petites et moyennes entreprises.
Ainsi que je lai évoqué dans ma déclaration de politique générale, la politique commerciale de lUnion sera conduite dans un esprit de réciprocité et de bénéfice mutuel, pour faire échec à la concurrence déloyale. Pour arriver à ce résultat, le président de la République a dû beaucoup batailler, tant les conceptions ultralibérales des échanges ont cours au sein même de lUnion européenne. Là aussi, le combat que nous avons mené na pas été sans résultats.
Sagissant des politiques de lUnion en matière de compétitivité je pense au développement du numérique, au marché de lénergie, à la recherche et à linnovation , elles devront être orientées pour renforcer lEurope comme lieu de production et dinvestissement dans les secteurs davenir. Tout cela nétait pas acquis : cest le résultat de la négociation !
Ce sont aussi de nouvelles mesures de financement de léconomie pour un montant total de 120 milliards deuros cette somme est maintenant bien connue , ce qui représente 1 % du PIB de la zone euro.
Tout dabord, il a été décidé une augmentation du capital de la Banque européenne dinvestissement, la BEI, de 10 milliards deuros, laquelle permettra 60 milliards deuros de nouveaux prêts, soit environ 180 milliards deuros dinvestissements supplémentaires grâce à des cofinancements.
Il ne faut pas non plus considérer que ce résultat était acquis. Jai en effet entendu ou lu que tout le monde était daccord sur cette mesure. Non, les Vingt-sept nétaient pas tous daccord pour augmenter le capital de la Banque européenne dinvestissement ! Seule une minorité dÉtats létaient. Cest la négociation qui a permis daboutir à cette décision du Conseil, qui maintenant simpose à tous.
Ensuite, il a été prévu la réallocation de 55 milliards deuros de crédits de fonds structurels en faveur de la croissance. Il va revenir aux États de décider, avec la Commission, des modalités de redirection de certains fonds vers la formation, le financement dinfrastructures stratégiques et le financement des PME.
Enfin, il a été acté le lancement des "obligations de projet", pour un montant de 5 milliards deuros. Certains trouveront que cest faible. Certes, mais nous nen sommes quau démarrage de cet instrument, qui connaîtra une montée en puissance après une phase de test.
Chaque État, en tout cas la France, a maintenant lobligation dagir pour sélectionner des projets concrets. Nous les présenterons très rapidement, car il y a urgence. Les secteurs ciblés doivent contribuer au développement durable des territoires. Le Fonds européen dinvestissement sera développé, notamment en ce qui concerne le capital-risque, ce qui permettra de soutenir la création de start-up innovantes.
En outre, le pacte comprend un accord pour la mise en place dune taxe sur les transactions financières.
Là aussi, rien nétait acquis. Tout le monde y était favorable, mais, dès lors quil sagissait de franchir lobstacle et de prendre une décision, il y avait toujours de bonnes raisons pour retarder et reporter sans cesse léchéance. Les discussions préalables avec nos partenaires, souvent dans un cadre bilatéral, ont permis de débloquer la situation.
Les États membres nont pas tous accepté de se lancer. Cest la volonté de neuf dentre eux France, Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Italie, Grèce, Portugal et Slovénie qui, au travers dune coopération renforcée, va permettre de mettre en uvre cette taxe sur les transactions financières.
Si certains pays étaient moins décidés que dautres, je tiens à souligner que le Chancelier autrichien ainsi que le Premier ministre belge se sont toujours portés à la pointe de ce combat ; puis la France. En tout cas, partout, il y a eu débat : en Italie, la décision est venue vite ; lAllemagne sest prononcée par la suite.
Il nous a été reproché davoir reçu récemment une délégation parlementaire du parti social-démocrate allemand. Nous aurions fait là un affront ; ce nen était pas un ! Cétait simplement une façon de reconnaître que, dans chaque démocratie, surtout dans les régimes purement parlementaires, le débat devait avoir lieu, notamment avec les groupes représentés au Parlement. On sait bien que la ratification du traité en Allemagne sest faite par une négociation entre majorité et opposition. Parmi les conditions quavait posées le parti social-démocrate figurait ladoption de la taxe sur les transactions financières. Mme Merkel et son parti ont été convaincus. Je men félicite !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.
Très bien !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances.
Il faudra convaincre M. Cameron ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Alain Richard.
Ce ne sera pas nécessaire !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.
Nous ne lattendrons pas pour agir. Sil le fallait, cela compliquerait tout, sur bien des sujets dailleurs !
M. Jean-Pierre Michel.
La Grande-Bretagne nest même pas dans leuro !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.
Nous respectons évidemment les décisions du gouvernement britannique. Au reste, monsieur le sénateur, jespère que vous-même voterez en faveur de la mise en uvre de cette taxe.
Jen viens maintenant au quatrième point de mon intervention : louverture de perspectives dévolution pour lUnion économique et monétaire. Voilà un point qui était particulièrement attendu et, sans doute, le plus difficile.
LUnion économique et monétaire avait plus que jamais besoin de nouvelles perspectives pour retrouver la confiance. Avec le mandat confié au président du Conseil européen pour élaborer, en liaison avec les présidents de la Commission, de la Banque centrale européenne et de lEurogroupe, une "feuille de route" assortie dun calendrier, en vue dune "véritable Union économique et monétaire", un pas a été franchi.
Nous attendons beaucoup dun tel rapport, de cette commande politique du Conseil européen, en particulier des propositions concrètes pour nous permettre davancer vers une plus forte intégration solidaire, comme le président de la République la appelé de ses vux, autrement dit vers une union bancaire, avec une supervision intégrée, et un gouvernement économique. La France réclame depuis très longtemps cette forme de gouvernance, qui soit davantage encore au service de la croissance et de lemploi.
Le rapport sera présenté au Conseil européen du mois doctobre. M. Van Rompuy va travailler vite. Il appartiendra ensuite au Conseil dadopter, sil est daccord avec les propositions, un échéancier précis.
Cinquième point à noter : laccord des membres de la zone euro sur lassouplissement des conditions dutilisation des mécanismes financiers, qui était également indispensable à la stabilisation à court terme.
Obtenu à dix-sept et faisant lobjet dun texte spécifique, cet accord ne fait pas partie des conclusions du Conseil européen au sens strict, mais il sest traduit par une déclaration des chefs dÉtat et de gouvernement. Cest ce qui était certainement le plus attendu, tant la capacité des membres de la zone euro à trouver un accord sur le court terme était la condition indispensable à la restauration de la confiance.
Cette déclaration introduit trois innovations. Elles vont toutes dans le sens de lassouplissement à court terme des conditions dutilisation des mécanismes financiers mis en place pour répondre à la crise.
La première, cest la mise en place avant la fin de cette année dun mécanisme de supervision unique pour toutes les banques de la zone euro. Il pourrait, cest le souhait de la France, que lEurogroupe devrait confirmer, du moins je lespère, être confié à la Banque centrale européenne.
Voilà une étape extrêmement importante quand on connaît tous les grands débats qui ont eu lieu autour du rôle de la BCE. Les choses avancent. Il serait souhaitable quelle joue ce rôle : telle est sa vocation, finalement, et point nest besoin de changer les traités pour cela, seule compte la volonté politique.
Dès lors que ce superviseur renforcé sera créé, le Mécanisme européen de stabilité pourra procéder directement à la recapitalisation des banques, sans devoir en passer par lintermédiaire des États. Cest donc un moyen de couper le lien entre lendettement des banques et lendettement des États, den finir avec un cercle vicieux dont nous narrivions plus à sortir. Cette avancée nest peut-être pas celle qui a été le plus mise en avant. Je voulais la souligner devant vous.
La deuxième innovation concerne lEspagne. Il sagit de labandon du statut de créancier privilégié pour les interventions du Mécanisme européen de stabilité issues du Fonds européen de stabilité financière auquel le premier doit succéder. Cette décision devrait rassurer les investisseurs dans la solidité de la dette de lÉtat espagnol.
La troisième concerne lassouplissement de lutilisation des instruments daide existants pour les États qui respectent leurs engagements. À légard des États fournissant des efforts pour redresser leurs finances publiques et respectant les règles et les recommandations européennes, cest-à-dire décidées en commun, la zone euro a rappelé sa détermination à agir en utilisant tous ses instruments pour stabiliser les marchés obligataires.
La Banque centrale européenne, encore elle, agira comme agent du Fonds européen de stabilité financière, et bientôt du Mécanisme européen de stabilité, pour les opérations dachat dobligations.
Quant à la sortie de crise des dettes souveraines dans la zone euro, que jévoque au travers de mon propos, soyons toujours vigilants et exigeants, car elle prendra du temps, mais nous avons stoppé son aggravation et inversé la tendance. Je le répète, la France, grâce au vote des Français, a contribué à ce résultat. Nous devons donc continuer à jouer notre rôle et être dune grande vigilance, parce que la situation, notamment en Grèce, reste très fragile.
À plus long terme, mesdames, messieurs les sénateurs, cest une réflexion globale que nous devons engager sur lapprofondissement du projet européen.
Le succès du dernier sommet nous permet despérer une évolution vers des réponses structurelles et pérennes à la crise de la zone euro et surtout de redonner une nouvelle perspective et une nouvelle ambition à la reconstruction européenne.
Dans ce monde nouveau qui est le nôtre, lavenir des peuples européens passe par une Europe plus forte, plus solidaire, porteuse dun grand projet économique, social, culturel et environnemental, qui fait encore défaut aujourdhui et décourage les meilleures volontés. Chaque État-nation demeurera, avec son identité et sa souveraineté, mais lambition que nous aurons su mettre en commun nous rendra plus forts ensemble. Cest en tout cas notre responsabilité aujourdhui ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. Mme Brigitte Gonthier-Maurin applaudit également.).
Source http://www.gouvernement.fr, le 12 juillet 2012
Vous le savez, les enjeux étaient particulièrement lourds pour la zone euro. Un échec aurait pu déclencher une nouvelle vague dinstabilité et de spéculation, voire pire. Mais je crois que les résultats ont été à la hauteur des enjeux et quils peuvent être qualifiés de positifs.
Les décisions prises sont ambitieuses non seulement pour la croissance, mais aussi pour la stabilité. Elles étaient indispensables pour répondre à laggravation de la crise. En effet, depuis 2008, la crise a connu plusieurs phases et a profondément changé de nature. En 2010, elle est ainsi devenue une crise des dettes souveraines. Elle sest successivement attaquée aux États de la zone euro parmi les plus fragiles, qui ont été touchés les uns après les autres.
Certains pays ont eu le sentiment, à tort, quils étaient à labri de tout risque de contagion. Pourtant, la contagion sest produite : la Grèce, lEspagne, puis lItalie ont été successivement confrontées à des difficultés de financement, les marchés leur imposant des taux très élevés, voire insupportables. La confiance des investisseurs dans la zone euro a été considérablement affaiblie. On peut donc dire que la crise des dettes souveraines est devenue systémique.
Pour la stopper, le Conseil européen navait pas dautre choix que de prendre non seulement des mesures structurelles ambitieuses, mais également des mesures de court terme.
Cela mamène au deuxième point que je souhaite aborder.
Après dix-huit sommets de crise, léchec nétait pas permis. Lenjeu était dautant plus important que la succession de sommets européens, souvent présentés comme des "sommets de la dernière chance", des sommets où lon avait trouvé la solution, où tout était réglé, a malheureusement débouché sur des réponses inadaptées ou insuffisantes. Celles-ci ont, au contraire, aggravé la crise. Il en a ainsi été dans le déroulement de la crise grecque et des autres crises nationales.
Il fallait donc changer de méthode, et le président de la République nest pas pour rien dans cette évolution, même sil ne sest pas trouvé seul.
Nous navons pas cédé à la tentation, qui aurait été celle de la facilité, de nous en remettre au principe dun directoire franco-allemand. Nous avons bien sûr travaillé étroitement avec lAllemagne, et nous devons continuer à le faire pour rechercher avec elle le maximum de convergences en effet, si nous arrivons à un Conseil avec des divergences et que nous en sortons au même point, cela sera évidemment un échec ,
M. Jean-Pierre Raffarin.
Très bien !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.
mais, dans le même temps, il était important de dialoguer avec nos autres partenaires. Cest ce que le président de la République a fait dès son élection, dans un esprit découte et douverture, tourné vers la recherche de solutions communes.
Dans cet esprit nouveau, la relation franco-allemande a bien fonctionné et la dynamique européenne sest remise en marche. Nous en avons vu les résultats et nous savons désormais quil sagit de la bonne méthode.
Nous avons aussi retrouvé le sens du temps. Au cours des années passées, victime dune course éperdue derrière les marchés, lEurope a pratiqué une politique du "trop peu" ou du "trop tard".
Lors du dernier sommet, nous avons proposé non seulement de traiter à la fois le court et le moyen terme, mais aussi danticiper lavenir en proposant une vision globale de la réponse à la crise, une vision ne se limitant pas à la stabilité budgétaire.
Aussi, le troisième point que je voudrais développer devant vous concerne le pacte de croissance et demploi, indispensable pour réorienter lEurope. Cétait lun des engagements du président de la République, qui a confié au Gouvernement la tâche de rediriger lEurope dans le sens de la croissance.
Le pacte de croissance et demploi adopté par le Conseil européen doit beaucoup à linitiative et aux propositions françaises. Il constitue le pendant du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG, quon appelle généralement le "pacte budgétaire". Pour le Président de la République et le Gouvernement, ce dernier nest que le respect des engagements pris devant les électeurs pendant la campagne électorale : parvenir à léquilibre des comptes publics de la France à lhorizon de 2017 en procédant par étapes, comme nous le ferons dès cette année au travers de la loi de finances rectificative pour 2012 et de la loi de finances pour 2013.
Ce nouveau cadre permet de réorienter les politiques économiques européennes.
Pour la France, il sagissait non pas de remettre nos engagements budgétaires en cause, mais dagir pour adopter un pacte de croissance et demploi qui nous permettra effectivement de sortir de la panne politique dans laquelle nous nous trouvons. Ces résultats ayant été obtenus, je demanderai rapidement au Parlement, comme je vous lai déjà dit hier, de se prononcer sur lensemble de ces décisions.
Quel est le contenu de ce pacte ?
Cest dabord une réorientation de la stratégie européenne vers la croissance et non plus seulement une approche bloquée sur ce que lon peut qualifier daustérité imposée à chacun des États.
Un ensemble cohérent de mesures favoriseront la croissance et lemploi au sein de toute lUnion européenne. Cette stratégie articule dispositions nationales et dispositions européennes. Elle comporte notamment des mesures sur lapprofondissement du marché unique, linnovation, la politique de cohésion, le soutien aux petites et moyennes entreprises.
Ainsi que je lai évoqué dans ma déclaration de politique générale, la politique commerciale de lUnion sera conduite dans un esprit de réciprocité et de bénéfice mutuel, pour faire échec à la concurrence déloyale. Pour arriver à ce résultat, le président de la République a dû beaucoup batailler, tant les conceptions ultralibérales des échanges ont cours au sein même de lUnion européenne. Là aussi, le combat que nous avons mené na pas été sans résultats.
Sagissant des politiques de lUnion en matière de compétitivité je pense au développement du numérique, au marché de lénergie, à la recherche et à linnovation , elles devront être orientées pour renforcer lEurope comme lieu de production et dinvestissement dans les secteurs davenir. Tout cela nétait pas acquis : cest le résultat de la négociation !
Ce sont aussi de nouvelles mesures de financement de léconomie pour un montant total de 120 milliards deuros cette somme est maintenant bien connue , ce qui représente 1 % du PIB de la zone euro.
Tout dabord, il a été décidé une augmentation du capital de la Banque européenne dinvestissement, la BEI, de 10 milliards deuros, laquelle permettra 60 milliards deuros de nouveaux prêts, soit environ 180 milliards deuros dinvestissements supplémentaires grâce à des cofinancements.
Il ne faut pas non plus considérer que ce résultat était acquis. Jai en effet entendu ou lu que tout le monde était daccord sur cette mesure. Non, les Vingt-sept nétaient pas tous daccord pour augmenter le capital de la Banque européenne dinvestissement ! Seule une minorité dÉtats létaient. Cest la négociation qui a permis daboutir à cette décision du Conseil, qui maintenant simpose à tous.
Ensuite, il a été prévu la réallocation de 55 milliards deuros de crédits de fonds structurels en faveur de la croissance. Il va revenir aux États de décider, avec la Commission, des modalités de redirection de certains fonds vers la formation, le financement dinfrastructures stratégiques et le financement des PME.
Enfin, il a été acté le lancement des "obligations de projet", pour un montant de 5 milliards deuros. Certains trouveront que cest faible. Certes, mais nous nen sommes quau démarrage de cet instrument, qui connaîtra une montée en puissance après une phase de test.
Chaque État, en tout cas la France, a maintenant lobligation dagir pour sélectionner des projets concrets. Nous les présenterons très rapidement, car il y a urgence. Les secteurs ciblés doivent contribuer au développement durable des territoires. Le Fonds européen dinvestissement sera développé, notamment en ce qui concerne le capital-risque, ce qui permettra de soutenir la création de start-up innovantes.
En outre, le pacte comprend un accord pour la mise en place dune taxe sur les transactions financières.
Là aussi, rien nétait acquis. Tout le monde y était favorable, mais, dès lors quil sagissait de franchir lobstacle et de prendre une décision, il y avait toujours de bonnes raisons pour retarder et reporter sans cesse léchéance. Les discussions préalables avec nos partenaires, souvent dans un cadre bilatéral, ont permis de débloquer la situation.
Les États membres nont pas tous accepté de se lancer. Cest la volonté de neuf dentre eux France, Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Italie, Grèce, Portugal et Slovénie qui, au travers dune coopération renforcée, va permettre de mettre en uvre cette taxe sur les transactions financières.
Si certains pays étaient moins décidés que dautres, je tiens à souligner que le Chancelier autrichien ainsi que le Premier ministre belge se sont toujours portés à la pointe de ce combat ; puis la France. En tout cas, partout, il y a eu débat : en Italie, la décision est venue vite ; lAllemagne sest prononcée par la suite.
Il nous a été reproché davoir reçu récemment une délégation parlementaire du parti social-démocrate allemand. Nous aurions fait là un affront ; ce nen était pas un ! Cétait simplement une façon de reconnaître que, dans chaque démocratie, surtout dans les régimes purement parlementaires, le débat devait avoir lieu, notamment avec les groupes représentés au Parlement. On sait bien que la ratification du traité en Allemagne sest faite par une négociation entre majorité et opposition. Parmi les conditions quavait posées le parti social-démocrate figurait ladoption de la taxe sur les transactions financières. Mme Merkel et son parti ont été convaincus. Je men félicite !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.
Très bien !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances.
Il faudra convaincre M. Cameron ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Alain Richard.
Ce ne sera pas nécessaire !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.
Nous ne lattendrons pas pour agir. Sil le fallait, cela compliquerait tout, sur bien des sujets dailleurs !
M. Jean-Pierre Michel.
La Grande-Bretagne nest même pas dans leuro !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.
Nous respectons évidemment les décisions du gouvernement britannique. Au reste, monsieur le sénateur, jespère que vous-même voterez en faveur de la mise en uvre de cette taxe.
Jen viens maintenant au quatrième point de mon intervention : louverture de perspectives dévolution pour lUnion économique et monétaire. Voilà un point qui était particulièrement attendu et, sans doute, le plus difficile.
LUnion économique et monétaire avait plus que jamais besoin de nouvelles perspectives pour retrouver la confiance. Avec le mandat confié au président du Conseil européen pour élaborer, en liaison avec les présidents de la Commission, de la Banque centrale européenne et de lEurogroupe, une "feuille de route" assortie dun calendrier, en vue dune "véritable Union économique et monétaire", un pas a été franchi.
Nous attendons beaucoup dun tel rapport, de cette commande politique du Conseil européen, en particulier des propositions concrètes pour nous permettre davancer vers une plus forte intégration solidaire, comme le président de la République la appelé de ses vux, autrement dit vers une union bancaire, avec une supervision intégrée, et un gouvernement économique. La France réclame depuis très longtemps cette forme de gouvernance, qui soit davantage encore au service de la croissance et de lemploi.
Le rapport sera présenté au Conseil européen du mois doctobre. M. Van Rompuy va travailler vite. Il appartiendra ensuite au Conseil dadopter, sil est daccord avec les propositions, un échéancier précis.
Cinquième point à noter : laccord des membres de la zone euro sur lassouplissement des conditions dutilisation des mécanismes financiers, qui était également indispensable à la stabilisation à court terme.
Obtenu à dix-sept et faisant lobjet dun texte spécifique, cet accord ne fait pas partie des conclusions du Conseil européen au sens strict, mais il sest traduit par une déclaration des chefs dÉtat et de gouvernement. Cest ce qui était certainement le plus attendu, tant la capacité des membres de la zone euro à trouver un accord sur le court terme était la condition indispensable à la restauration de la confiance.
Cette déclaration introduit trois innovations. Elles vont toutes dans le sens de lassouplissement à court terme des conditions dutilisation des mécanismes financiers mis en place pour répondre à la crise.
La première, cest la mise en place avant la fin de cette année dun mécanisme de supervision unique pour toutes les banques de la zone euro. Il pourrait, cest le souhait de la France, que lEurogroupe devrait confirmer, du moins je lespère, être confié à la Banque centrale européenne.
Voilà une étape extrêmement importante quand on connaît tous les grands débats qui ont eu lieu autour du rôle de la BCE. Les choses avancent. Il serait souhaitable quelle joue ce rôle : telle est sa vocation, finalement, et point nest besoin de changer les traités pour cela, seule compte la volonté politique.
Dès lors que ce superviseur renforcé sera créé, le Mécanisme européen de stabilité pourra procéder directement à la recapitalisation des banques, sans devoir en passer par lintermédiaire des États. Cest donc un moyen de couper le lien entre lendettement des banques et lendettement des États, den finir avec un cercle vicieux dont nous narrivions plus à sortir. Cette avancée nest peut-être pas celle qui a été le plus mise en avant. Je voulais la souligner devant vous.
La deuxième innovation concerne lEspagne. Il sagit de labandon du statut de créancier privilégié pour les interventions du Mécanisme européen de stabilité issues du Fonds européen de stabilité financière auquel le premier doit succéder. Cette décision devrait rassurer les investisseurs dans la solidité de la dette de lÉtat espagnol.
La troisième concerne lassouplissement de lutilisation des instruments daide existants pour les États qui respectent leurs engagements. À légard des États fournissant des efforts pour redresser leurs finances publiques et respectant les règles et les recommandations européennes, cest-à-dire décidées en commun, la zone euro a rappelé sa détermination à agir en utilisant tous ses instruments pour stabiliser les marchés obligataires.
La Banque centrale européenne, encore elle, agira comme agent du Fonds européen de stabilité financière, et bientôt du Mécanisme européen de stabilité, pour les opérations dachat dobligations.
Quant à la sortie de crise des dettes souveraines dans la zone euro, que jévoque au travers de mon propos, soyons toujours vigilants et exigeants, car elle prendra du temps, mais nous avons stoppé son aggravation et inversé la tendance. Je le répète, la France, grâce au vote des Français, a contribué à ce résultat. Nous devons donc continuer à jouer notre rôle et être dune grande vigilance, parce que la situation, notamment en Grèce, reste très fragile.
À plus long terme, mesdames, messieurs les sénateurs, cest une réflexion globale que nous devons engager sur lapprofondissement du projet européen.
Le succès du dernier sommet nous permet despérer une évolution vers des réponses structurelles et pérennes à la crise de la zone euro et surtout de redonner une nouvelle perspective et une nouvelle ambition à la reconstruction européenne.
Dans ce monde nouveau qui est le nôtre, lavenir des peuples européens passe par une Europe plus forte, plus solidaire, porteuse dun grand projet économique, social, culturel et environnemental, qui fait encore défaut aujourdhui et décourage les meilleures volontés. Chaque État-nation demeurera, avec son identité et sa souveraineté, mais lambition que nous aurons su mettre en commun nous rendra plus forts ensemble. Cest en tout cas notre responsabilité aujourdhui ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. Mme Brigitte Gonthier-Maurin applaudit également.).
Source http://www.gouvernement.fr, le 12 juillet 2012