Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur,
Monsieur le Rapporteur de la Commission des Lois,
Mesdames les Sénatrices,
Messieurs les Sénateurs,
Permettez-moi tout dabord de vous dire combien je suis heureuse de porter la voix du gouvernement dans cette haute assemblée pour lexamen de ce tout premier texte de la mandature.
Cest ainsi un honneur pour le gouvernement de venir apporter son soutien à une initiative parlementaire qui correspond à laction du gouvernement dans lesprit comme dans la lettre. Cest également un honneur pour moi. Sachez que je saurais apprécier la qualité de vos travaux et votre liberté de ton comme, je lespère, vous apprécierez la mienne.
La loi du 20 mars 2012 a été le fruit dune initiative très largement improvisée, qui na donné lieu quà un simulacre de concertation avec les acteurs du logement, les associations d'élus locaux et les acteurs économiques. Annoncée le 30 janvier 2012, elle était déposée sur le bureau de lAssemblée nationale le 8 février 2012 : ce nest ni sérieux ni concevable pour légiférer.
Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation, détermination et agitation. Ne serait-ce quen termes de méthode, ce gouvernement, tout en prenant les sujets à bras le corps, ne travaillera pas de cette manière.
Je suis la première à dire devant vous quil faudra mettre en place des dispositifs intelligents et efficaces pour à la fois concrétiser lengagement présidentiel de construire 500 000 logements par an, tout en luttant contre létalement urbain et pour la régulation des prix. Cet objectif est particulièrement ambitieux : cela n'a pas été fait depuis trente ans. Pour y parvenir, de nombreux leviers devront être actionnés.
- En premier lieu, il faut des terrains. Pour cela, un programme de mobilisation du foncier sans précédent sera lancé par le gouvernement. Il sagira bien sûr du foncier public, dont la mise à disposition sera facilitée et simplifiée, avec une forte décote pour la réalisation de logements sociaux. Ce travail est déjà en cours et je peux vous assurer de la volonté du Premier ministre, qui la rappelé devant vous la semaine dernière, et de sa détermination pour faire aboutir ce dispositif le plus rapidement possible. Il sagira aussi du foncier privé, et nous travaillons à linstauration dune fiscalité spécifique sur les terrains constructibles qui permettra de lutter contre la rétention foncière ;
- Ensuite, il faut des droits à construire sur ces terrains, et pour cela des élus volontaires qui doivent être soutenus. Et doit être posée la question essentielle de léchelle pertinente pour élaborer et mettre en oeuvre des projets qui répondent tant aux besoins dune consommation limitée de lespace quà ceux du logement accessible ;
- Enfin, il faut des investisseurs intéressés par la pierre. Les bailleurs sociaux joueront évidemment dans cette période un rôle de premier plan. Ils devront réaliser 150 000 logements par an. Linvestissement des particuliers est et sera aussi nécessaire. Tant pour accéder à la propriété que pour se constituer un patrimoine locatif. Mais le logement ne doit pas être réduit à une niche fiscale : on ne devient pas, et on ne doit pas devenir, propriétaire bailleur uniquement pour payer moins d'impôts. Des contreparties sociales et des contrôles devront être adossés aux mesures dincitation fiscale à linvestissement locatif. Je crois véritablement que lenjeu est de permettre le retour des investisseurs institutionnels sur le segment du logement intermédiaire. C'est la condition essentielle de la constitution d'un parc locatif privé pérenne et de qualité.
Faire croire que la loi de majoration des droits à construire allait permettre la relance de loffre de logement, en facilitant lagrandissement des logements existants ou la production de logements nouveaux était un leurre, on a pu sen rendre compte.
Ainsi, ce gouvernement ne peut souscrire ni à la réponse apportée par la loi dite 30 %, ni à la méthode employée pour lélaborer.
En premier lieu, et vous lavez pointé les uns et les autres, conçu à la va-vite, ce dispositif présente de graves manques et insuffisances qui limitent sa portée et fragilisent, sur le plan juridique, les décisions prises pour son application.
Tout dabord, l'objectif de lutte contre l'étalement urbain, que je juge majeur, nest pas rempli par cette loi. En effet, telle quelle était prévue, la majoration automatique des droits à construire se serait appliquée dans les zones à urbaniser non encore équipées de réseaux publics, par exemple.
Je doute aussi de la solidité de cette loi au regard des modalités dassociation des citoyens à lélaboration des documents traduisant localement la décision de majorer les droits à construire. Le gouvernement ne peut faire porter sur les collectivités territoriales le risque que le juge vienne leur dire que leurs décisions sont contraires aux prescriptions de la Charte de lenvironnement.
On peut enfin avoir les plus grands doutes sur la disposition de cette loi selon laquelle dans le cas d'un plan local d'urbanisme intercommunal, une commune membre dun EPCI compétent en matière de PLU pourrait prendre une décision contraire à celle prise par l'organe délibérant de l'établissement public compétent.
Non contente de semer le désordre juridique et politique, cette disposition remet en effet frontalement en cause tout lédifice des PLU intercommunaux quil faut, au contraire, solidifier et développer, conformément aux orientations définies lors de la campagne présidentielle.
Vous lavez souligné, monsieur le Rapporteur, cette loi traduit, en second lieu, une vraie défiance à légard des collectivités territoriales. Je veux devant vous réaffirmer au contraire la confiance que ce gouvernement accorde aux élus pour remplir leur objectif en matière de développement de loffre de logements, sans méconnaître pour autant les enjeux environnementaux.
Fragile, inopportune, mal préparée, cette loi ne peut être maintenue. Le gouvernement souhaite donc son abrogation le plus rapidement possible, afin que les collectivités ne soient pas enfermées dans des délais mécaniques impossibles à maîtriser. Limportante question des règles durbanisme modernisé et de la compacité urbaine mérite bien mieux quune épée de Damoclès.
Je salue donc linitiative de Thierry Repentin, qui est depuis devenu mon collègue au sein du gouvernement de Jean-Marc Ayrault, et remercie Daniel Raoul davoir rapporté, avec le talent que chacun lui connaît, cette proposition de loi visant à abroger une loi qui naurait pas dû voir le jour au crépuscule de la mandature précédente.
Comme je lai déjà indiqué, le gouvernement ne remet pas en cause certains objectifs poursuivis, mais la méthode et les dispositions envisagées. L'adéquation entre les besoins en logements, quels qu'ils soient, et les règles du plan local d'urbanisme est essentielle à mes yeux. Nous y travaillerons ensemble le moment venu.
Je pense en effet, simplement, que dautres voies plus pertinentes et plus efficaces peuvent être explorées. Le gouvernement soumettra ainsi à la concertation, dans les mois qui viennent, des propositions que jespère déposer au printemps prochain, dans un projet de loi qui abordera les questions de logement, daménagement et durbanisme. Nous prendrons le temps de préciser et de discuter ces propositions, sur la base des travaux qui existent dans nombre dinstances, et en particulier au sein des commissions parlementaires, propositions que je souhaite consensuelles, justes et efficaces.
Il faudra quon y aborde la meilleure manière de transformer nos vieux plans doccupation des sols en PLU, le contrôle des divisions foncières, les questions de taille minimale des parcelles ou de coefficients doccupation des sols. Bien évidemment, je souhaite quon aille au bout du débat sur les questions de densité urbaine et doptimisation de lutilisation des surfaces. Mais pas seulement : on y abordera aussi la meilleure manière de lutter efficacement contre les recours manifestement abusifs, tout en préservant le droit au recours quand il y a intérêt à agir et en permettant laccélération du traitement des contentieux. Plus largement, nous travaillerons à la meilleure adéquation des enjeux de développement durable à léchelle régionale, et à leur articulation aux prescriptions des documents durbanisme. Les Scot, bien sûr, qui revêtent une importance toute particulière pour la planification stratégique de nos territoires et les PLU.
Autant de sujets sur lesquels je souhaite que tous les partenaires aient loccasion déchanger, afin que le gouvernement puisse soumettre au Parlement un projet de loi en faveur du développement de loffre de logement et dun urbanisme au service des territoires.
Pour lheure, je vous remercie Monsieur le Rapporteur, de nos échanges destinés à permettre labrogation rapide de ce dispositif et cest pourquoi je vous inviterais, Mesdames les Sénatrices et Messieurs les Sénateurs, à vous concentrer sur ce premier objectif.
Certains des amendements déposés présentent un réel intérêt mais il apparaît plus utile que ces propositions soient étudiées dans un cadre plus global car nous sommes au début dun immense chantier, qui nous donnera loccasion dun travail législatif, dont je ne doute pas quil sera fructueux et par avance, je vous en remercie.
Source http://territoires.gouv.fr, le 12 juillet 2012