Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Le projet de loi que Pierre Moscovici et moi-même vous présentons aujourd'hui a pour objet d'autoriser la ratification du Traité de Nice modifiant le Traité sur l'Union européenne, les Traités instituant les communautés européennes et certains actes connexes.
Comme vous le savez, ce Traité trouve son origine dans le protocole sur les institutions dans la perspective de l'élargissement, annexé au Traité d'Amsterdam. Ce protocole prévoyait qu'"à la date d'entrée en vigueur du premier élargissement de l'Union, la Commission se compose d'un représentant national de chacun des Etats membres, à condition que la pondération des voix au sein du Conseil ait été modifiée". Il prévoyait également qu'"un an au moins avant que l'Union européenne ne compte plus de vingt Etats membres, une conférence des représentants des gouvernements des Etats membres serait convoquée pour procéder à un réexamen complet des dispositions des Traités relatives à la composition et au fonctionnement des institutions".
A Amsterdam, face à l'impossibilité d'obtenir plus, nous n'avions été que trois Etats membres, la France, la Belgique et l'Italie, pour considérer qu'une réforme des institutions était un préalable à l'élargissement et pour faire acter cette exigence dans une déclaration des trois pays annexés au Traité d'Amsterdam.
Votre Assemblée se souvient que nous avions, au moment de la ratification de ce Traité, pris l'engagement de rechercher une solution avant l'élargissement aux trois questions institutionnelles que la précédente CIG, à Amsterdam, n'avait pu résoudre : la composition de la Commission, la pondération des voix, l'extension de la majorité qualifiée.
Nous avons réussi à rallier les Quinze à cet objectif ; c'est ainsi que le principe, le calendrier et le mandat de la nouvelle Conférence intergouvernementale ont été décidés lors du Conseil européen de Cologne en juin 1999. Nous avons ensuite accepté d'assumer la difficile responsabilité de cette négociation compliquée, sous notre propre Présidence de l'Union, au second semestre de l'année dernière, en ajoutant sous présidence portugaise à ces trois questions celle de l'assouplissement du mécanisme des coopérations renforcées, qui nous paraissait être une précaution et une souplesse indispensables pour l'avenir de l'Union élargie.
Les travaux de cette CIG ont débuté le 14 février 2000 et se sont achevés au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement le 11 décembre à l'aube. J'ai signé pour la France le 26 février 2001 à Nice le Traité qui en est résulté.
Pierre Moscovici vous rappellera et vous présentera tout à l'heure les dispositions de ce nouveau Traité. Je voudrais pour ce qui me concerne faire les remarques suivantes :
1) l'accord de Nice, et parfois la Présidence française en général, ont été critiqués, injustement selon nous, en particulier par certains commentateurs en France, par la Commission européenne, et surtout par le Parlement européen. En revanche, les gouvernements européens et ceux des pays candidats à l'adhésion ont tous marqué leur soulagement ou leur satisfaction.
Le Traité ne peut être apprécié dans l'abstrait, indépendamment de son contexte, difficile. Au total, l'accord de Nice est le meilleur possible étant donné les positions des pays européens aujourd'hui. Il suffit de penser à la situation dans laquelle nous aurions été en l'absence d'accord. Nous étions convaincus que ce résultat serait progressivement reconnu à sa juste valeur étant donné qu'il permettait à l'Union de dépasser des blocages vieux de 10 ans, sur lesquels le Conseil européen avait buté à Amsterdam, et ouvrait la voie à un élargissement maîtrisé et réussi.
Je crois pouvoir dire, quelques mois après Nice, que les appréciations se sont rééquilibrées et les critiques nettement atténuées. Chacun admet que l'accord de Nice permet de franchir une étape importante dans la construction européenne. L'excellent rapport de la Délégation pour l'Union européenne de votre Assemblée a montré de façon très claire la réalité des résultats obtenus. Celui de Michel Vauzelle en dégage aujourd'hui, je crois, les éléments positifs essentiels, avec bien sûr certaines réserves sur lesquelles nous pourrons ensuite revenir. A mes yeux, le Traité de Nice sur lequel vous êtes appelés à vous prononcer, doit être apprécié pour ce qu'il est, à savoir l'accord qui a permis de répondre enfin aux questions laissées en suspens depuis Amsterdam. Il vaut aussi par ce qu'il permet pour l'avenir de l'Union européenne.
2) Avant notre Présidence de l'Union, le Premier ministre était venu présenter devant l'Assemblée les priorités de notre Présidence de l'Union. Il avait rappelé la nécessité de régler les trois questions d'Amsterdam et nos objectifs pour chacune d'entre elles, ainsi que notre souhait d'améliorer le dispositif des coopérations renforcées pour le rendre plus souple et plus facile d'emploi.
En tenant compte des inévitables compromis inhérents à ce type de négociations, le gouvernement, mais aussi le président de la République, considèrent que ces objectifs ont été atteints pour l'essentiel.
Le principe d'un plafonnement de la Commission a pour la première fois été introduit dans le Traité. Nous l'avons défendu avec beaucoup de détermination car il sera à terme l'une des clés qui permettent à la Commission de préserver son rôle original d'impulsion. Nous nous sommes heurtés à l'intransigeance de la quasi-totalité des pays, qui veulent conserver "leur" commissaire. Nous avons dû accepter que la décision sur le niveau de ce plafond soit différée, la discussion devra être reprise le moment venu.
Mais sans attendre, dès l'entrée en vigueur du Traité, les pouvoirs du président de la commission sur son collège seront accrus, et sa nomination, comme celle de tous les Commissaires, sera décidée à la majorité qualifiée. Ce sont des facteurs de renforcement et d'efficacité.
La pondération des voix des Etats membres au Conseil sera modifiée dans le sens d'un moindre déséquilibre entre les Etats les plus peuplés et les moins peuplés. C'était indispensable pour la légitimité future des décisions dans l'Union élargie, mais ce fut particulièrement difficile à obtenir, personne ne l'a oublié, même si cela ne pouvait surprendre. Nous sommes parvenus à une amélioration réelle de cette pondération, comme le souligne votre rapporteur, sans perdre de vue que chaque Etat a sa place au Conseil, quelle que soit sa taille, ni abandonner la parité entre les grands Etats membres, en particulier la France et l'Allemagne, mais aussi la Grande-Bretagne et l'Italie.
La majorité qualifiée, quant à elle, a été étendue à 27 nouveaux domaines, dans lesquels les décisions seront plus faciles, tout en protégeant ce qui est pour nous essentiel : la culture, la santé ou l'éducation. Idéalement, nous aurions voulu aller plus loin, mais, en tant que Présidence, nous ne pouvions que prendre acte du refus inflexible de certains Etats. Je pense par exemple à certains aspects de la fiscalité, à une partie des questions sociales, à la libre circulation. Cela dit le maintien de l'unanimité ne nous empêchera pas de poursuivre le travail engagé en 1997 dans ces domaines, comme l'ont montré les nombreuses décisions importantes qui ont été prises sous notre Présidence.
Enfin, le mécanisme des coopérations renforcées sera assoupli dans ses dispositions les plus restrictives : le veto d'un Etat membre n'est maintenu que pour la politique étrangère, et le nombre minimal d'Etats membres est ramené à 8.
Par ailleurs, le Traité apporte des réformes significatives aux autres organes de l'Union en prévision de l'élargissement, en particulier le Parlement européen et la Cour de Justice.
Nous avons également profité de cette CIG pour apporter des perfectionnements sur d'autres questions importantes. Nous avons créé un mécanisme d'alerte en cas de menace de violation des droits fondamentaux, qui complète l'article 7 du Traité, et forme un tout cohérent avec la Charte des droits fondamentaux, proclamée à Nice également et que j'ai eu l'honneur de signer. Nous avons aussi inscrit dans le Traité les adaptations qui reflètent le développement de l'Europe de la défense, avec la mise en place d'un Comité politique et de sécurité capable d'assurer la gestion d'une crise.
Comme vous le constatez, cet ensemble de dispositions constitue une véritable avancée dans la réforme des institutions, qui, sans être ni parfaite ni définitive, prépare l'Union à aborder les nouvelles étapes qui se présentent maintenant. Les retombées politiques de ce Traité, avant même son entrée en vigueur, sont déjà sensibles.
3) Je pense en premier lieu à l'élargissement. Un déclic s'est produit dans les négociations d'adhésion. Grâce au travail accompli depuis le Conseil européen d'Helsinki en décembre 1999 sous Présidence portugaise et sous Présidence française, nous sommes maintenant entrés dans le vif des négociations, en traitant les difficultés, qui ne sont plus masquées, et en recherchant des solutions au fur et à mesure. Tous les Etats membres et tous les pays candidats s'en réjouissent et s'attellent désormais à résoudre les problèmes les plus importants. Ils nous sont reconnaissants d'avoir dégagé la voie et d'avoir contribué à fixer un cadre rigoureux aux négociations. Les reproches infondés qui ont été faits pendant des années à la France se sont ainsi brisés sur la réalité de la position française, juste, cohérente et constante. Nous voyons également combien cet élargissement, à condition de le réussir, sera également une chance pour l'Union et pour nous-mêmes.
4) Ensuite, grâce à la déclaration adoptée à Nice, le débat sur l'avenir de l'Union est maintenant lancé. Mais pour cela, il fallait d'abord que les questions d'Amsterdam soient réglées, que l'agenda soit ainsi dégagé, pour que les imaginations et les énergies puissent se projeter dans le futur. C'est une période exaltante qui s'est ouverte, où la réalité de l'Union et de ses succès spectaculaires, mais aussi l'ampleur des défis à surmonter encore, apparaissent plus clairement. C'est pourquoi il a semblé nécessaire de susciter le débat le plus large, d'y faire participer le plus grand nombre, et d'abord ceux qui ne s'expriment jamais, ou bien trop rarement, sur l'Europe. Le président de la République et le Premier ministre ont arrêté le dispositif qui permettra à ce débat de se développer dans notre pays et de toucher le plus de Français possible. Nous sommes certains que l'Assemblée nationale y jouera un rôle important.
Ce débat large et démocratique devra se poursuivre au moins jusqu'à la fin de l'année. Au Conseil européen de Laeken, sous Présidence belge en décembre prochain, nous arrêterons en principe la méthode qui permettra de structurer la réflexion jusqu'à la CIG de 2004. Vous savez que le Premier ministre s'est prononcé en faveur d'une Convention inspirée du modèle de celle qui avait préparé la Charte des droits fondamentaux, et qui serait chargé de préparer les décisions finales des Etats, elles-mêmes soumises à ratification.
Déjà, plusieurs contributions importantes ont été apportées à ce débat. Le président de la République avait donné sa vision dans un discours devant vos homologues allemands du Bundestag en juin dernier. Le Premier ministre a présenté il y a quelques jours le projet qu'il forme pour l'Europe. Plusieurs autres responsables européens se sont exprimés ; d'autres le feront.
Mesdames et Messieurs les Députés,
La France continue d'être au cur de cette construction européenne, qui est l'objet de notre travail quotidien dans les dizaines de négociations simultanées qu'elle implique, et que nous voulons également enrichir de nos idées et de nos propositions. Comme le Premier ministre l'a marqué avec force, nous sommes fiers d'avoir contribué aux principales évolutions de l'Union européenne. Les mois et les années qui viennent seront cruciales pour l'avenir, et le gouvernement est mobilisé pour répondre aux défis annoncés : la réussite de l'élargissement, j'en ai dit un mot, l'introduction concrète de l'euro et l'accroissement de la coordination des politiques économiques qu'elle entraînera, le développement de la dimension sociale que nous soutenons depuis quatre ans, la mise en place de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, l'accélération de l'échange des idées, des cultures, des langues, des connaissances en Europe, l'aboutissement de notre projet d'Europe de la défense, le renforcement de la politique étrangère européenne, qui s'affirme visiblement, l'influence de l'Europe dans la régulation mondiale. Enfin, l'architecture institutionnelle et l'espace politique qui pourront, dans l'Union élargie, assurer la conduite efficace et démocratique de ces projets et de ces politiques. Vous savez que sur ce sujet le Premier ministre a proposé un renforcement de chacune des composantes du triangle institutionnel qui a fait les succès de l'Europe (Conseil, Parlement, Commission) et du Conseil européen qui en est la clef de voûte !
Chaque négociation sera importante, chaque négociation sera difficile. Il ne tient qu'à nous de les nourrir de nos réflexions et de nos projets. Nous ne sommes jamais aussi écoutés que lorsque nous sommes imaginatifs et ambitieux pour l'Europe, confiants en nous-mêmes mais aussi respectueux des autres, déterminés à avancer et toujours prêts à dialoguer. La promotion de nos intérêts et de nos valeurs en dépend. C'est ainsi que nous pourrons continuer à construire cette Fédération d'Etats nations que le Premier ministre a appelée de ses vux et à laquelle le président de la République a souscrit. Nous le ferons avec tous nos partenaires européens, et d'abord, comme toujours, avec l'Allemagne.
Le Traité de Nice est une étape de cette construction. En présentant le plus rapidement possible devant vous ce projet de loi de ratification, le gouvernement souhaite répondre à l'engagement pris par le Conseil européen d'Helsinki de mettre l'Union "en mesure d'accueillir de nouveaux Etats membres à partir de la fin de 2002". La plupart des autres pays européens ont engagé les procédures de ratification, qui devront s'achever selon les cas, soit avant la fin de l'année, soit dans le courant de l'année prochaine. Seule l'Irlande a choisi de procéder par un référendum, qui aura lieu dans deux jours.
Si le calendrier que nous envisageons est tenu et si le vote du Parlement est celui que le gouvernement espère, notre pays sera ainsi parmi les premiers à ratifier le nouveau Traité. Ce sera un signal éloquent pour l'Europe.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 juin 2001)
Mesdames et Messieurs les Députés,
Le projet de loi que Pierre Moscovici et moi-même vous présentons aujourd'hui a pour objet d'autoriser la ratification du Traité de Nice modifiant le Traité sur l'Union européenne, les Traités instituant les communautés européennes et certains actes connexes.
Comme vous le savez, ce Traité trouve son origine dans le protocole sur les institutions dans la perspective de l'élargissement, annexé au Traité d'Amsterdam. Ce protocole prévoyait qu'"à la date d'entrée en vigueur du premier élargissement de l'Union, la Commission se compose d'un représentant national de chacun des Etats membres, à condition que la pondération des voix au sein du Conseil ait été modifiée". Il prévoyait également qu'"un an au moins avant que l'Union européenne ne compte plus de vingt Etats membres, une conférence des représentants des gouvernements des Etats membres serait convoquée pour procéder à un réexamen complet des dispositions des Traités relatives à la composition et au fonctionnement des institutions".
A Amsterdam, face à l'impossibilité d'obtenir plus, nous n'avions été que trois Etats membres, la France, la Belgique et l'Italie, pour considérer qu'une réforme des institutions était un préalable à l'élargissement et pour faire acter cette exigence dans une déclaration des trois pays annexés au Traité d'Amsterdam.
Votre Assemblée se souvient que nous avions, au moment de la ratification de ce Traité, pris l'engagement de rechercher une solution avant l'élargissement aux trois questions institutionnelles que la précédente CIG, à Amsterdam, n'avait pu résoudre : la composition de la Commission, la pondération des voix, l'extension de la majorité qualifiée.
Nous avons réussi à rallier les Quinze à cet objectif ; c'est ainsi que le principe, le calendrier et le mandat de la nouvelle Conférence intergouvernementale ont été décidés lors du Conseil européen de Cologne en juin 1999. Nous avons ensuite accepté d'assumer la difficile responsabilité de cette négociation compliquée, sous notre propre Présidence de l'Union, au second semestre de l'année dernière, en ajoutant sous présidence portugaise à ces trois questions celle de l'assouplissement du mécanisme des coopérations renforcées, qui nous paraissait être une précaution et une souplesse indispensables pour l'avenir de l'Union élargie.
Les travaux de cette CIG ont débuté le 14 février 2000 et se sont achevés au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement le 11 décembre à l'aube. J'ai signé pour la France le 26 février 2001 à Nice le Traité qui en est résulté.
Pierre Moscovici vous rappellera et vous présentera tout à l'heure les dispositions de ce nouveau Traité. Je voudrais pour ce qui me concerne faire les remarques suivantes :
1) l'accord de Nice, et parfois la Présidence française en général, ont été critiqués, injustement selon nous, en particulier par certains commentateurs en France, par la Commission européenne, et surtout par le Parlement européen. En revanche, les gouvernements européens et ceux des pays candidats à l'adhésion ont tous marqué leur soulagement ou leur satisfaction.
Le Traité ne peut être apprécié dans l'abstrait, indépendamment de son contexte, difficile. Au total, l'accord de Nice est le meilleur possible étant donné les positions des pays européens aujourd'hui. Il suffit de penser à la situation dans laquelle nous aurions été en l'absence d'accord. Nous étions convaincus que ce résultat serait progressivement reconnu à sa juste valeur étant donné qu'il permettait à l'Union de dépasser des blocages vieux de 10 ans, sur lesquels le Conseil européen avait buté à Amsterdam, et ouvrait la voie à un élargissement maîtrisé et réussi.
Je crois pouvoir dire, quelques mois après Nice, que les appréciations se sont rééquilibrées et les critiques nettement atténuées. Chacun admet que l'accord de Nice permet de franchir une étape importante dans la construction européenne. L'excellent rapport de la Délégation pour l'Union européenne de votre Assemblée a montré de façon très claire la réalité des résultats obtenus. Celui de Michel Vauzelle en dégage aujourd'hui, je crois, les éléments positifs essentiels, avec bien sûr certaines réserves sur lesquelles nous pourrons ensuite revenir. A mes yeux, le Traité de Nice sur lequel vous êtes appelés à vous prononcer, doit être apprécié pour ce qu'il est, à savoir l'accord qui a permis de répondre enfin aux questions laissées en suspens depuis Amsterdam. Il vaut aussi par ce qu'il permet pour l'avenir de l'Union européenne.
2) Avant notre Présidence de l'Union, le Premier ministre était venu présenter devant l'Assemblée les priorités de notre Présidence de l'Union. Il avait rappelé la nécessité de régler les trois questions d'Amsterdam et nos objectifs pour chacune d'entre elles, ainsi que notre souhait d'améliorer le dispositif des coopérations renforcées pour le rendre plus souple et plus facile d'emploi.
En tenant compte des inévitables compromis inhérents à ce type de négociations, le gouvernement, mais aussi le président de la République, considèrent que ces objectifs ont été atteints pour l'essentiel.
Le principe d'un plafonnement de la Commission a pour la première fois été introduit dans le Traité. Nous l'avons défendu avec beaucoup de détermination car il sera à terme l'une des clés qui permettent à la Commission de préserver son rôle original d'impulsion. Nous nous sommes heurtés à l'intransigeance de la quasi-totalité des pays, qui veulent conserver "leur" commissaire. Nous avons dû accepter que la décision sur le niveau de ce plafond soit différée, la discussion devra être reprise le moment venu.
Mais sans attendre, dès l'entrée en vigueur du Traité, les pouvoirs du président de la commission sur son collège seront accrus, et sa nomination, comme celle de tous les Commissaires, sera décidée à la majorité qualifiée. Ce sont des facteurs de renforcement et d'efficacité.
La pondération des voix des Etats membres au Conseil sera modifiée dans le sens d'un moindre déséquilibre entre les Etats les plus peuplés et les moins peuplés. C'était indispensable pour la légitimité future des décisions dans l'Union élargie, mais ce fut particulièrement difficile à obtenir, personne ne l'a oublié, même si cela ne pouvait surprendre. Nous sommes parvenus à une amélioration réelle de cette pondération, comme le souligne votre rapporteur, sans perdre de vue que chaque Etat a sa place au Conseil, quelle que soit sa taille, ni abandonner la parité entre les grands Etats membres, en particulier la France et l'Allemagne, mais aussi la Grande-Bretagne et l'Italie.
La majorité qualifiée, quant à elle, a été étendue à 27 nouveaux domaines, dans lesquels les décisions seront plus faciles, tout en protégeant ce qui est pour nous essentiel : la culture, la santé ou l'éducation. Idéalement, nous aurions voulu aller plus loin, mais, en tant que Présidence, nous ne pouvions que prendre acte du refus inflexible de certains Etats. Je pense par exemple à certains aspects de la fiscalité, à une partie des questions sociales, à la libre circulation. Cela dit le maintien de l'unanimité ne nous empêchera pas de poursuivre le travail engagé en 1997 dans ces domaines, comme l'ont montré les nombreuses décisions importantes qui ont été prises sous notre Présidence.
Enfin, le mécanisme des coopérations renforcées sera assoupli dans ses dispositions les plus restrictives : le veto d'un Etat membre n'est maintenu que pour la politique étrangère, et le nombre minimal d'Etats membres est ramené à 8.
Par ailleurs, le Traité apporte des réformes significatives aux autres organes de l'Union en prévision de l'élargissement, en particulier le Parlement européen et la Cour de Justice.
Nous avons également profité de cette CIG pour apporter des perfectionnements sur d'autres questions importantes. Nous avons créé un mécanisme d'alerte en cas de menace de violation des droits fondamentaux, qui complète l'article 7 du Traité, et forme un tout cohérent avec la Charte des droits fondamentaux, proclamée à Nice également et que j'ai eu l'honneur de signer. Nous avons aussi inscrit dans le Traité les adaptations qui reflètent le développement de l'Europe de la défense, avec la mise en place d'un Comité politique et de sécurité capable d'assurer la gestion d'une crise.
Comme vous le constatez, cet ensemble de dispositions constitue une véritable avancée dans la réforme des institutions, qui, sans être ni parfaite ni définitive, prépare l'Union à aborder les nouvelles étapes qui se présentent maintenant. Les retombées politiques de ce Traité, avant même son entrée en vigueur, sont déjà sensibles.
3) Je pense en premier lieu à l'élargissement. Un déclic s'est produit dans les négociations d'adhésion. Grâce au travail accompli depuis le Conseil européen d'Helsinki en décembre 1999 sous Présidence portugaise et sous Présidence française, nous sommes maintenant entrés dans le vif des négociations, en traitant les difficultés, qui ne sont plus masquées, et en recherchant des solutions au fur et à mesure. Tous les Etats membres et tous les pays candidats s'en réjouissent et s'attellent désormais à résoudre les problèmes les plus importants. Ils nous sont reconnaissants d'avoir dégagé la voie et d'avoir contribué à fixer un cadre rigoureux aux négociations. Les reproches infondés qui ont été faits pendant des années à la France se sont ainsi brisés sur la réalité de la position française, juste, cohérente et constante. Nous voyons également combien cet élargissement, à condition de le réussir, sera également une chance pour l'Union et pour nous-mêmes.
4) Ensuite, grâce à la déclaration adoptée à Nice, le débat sur l'avenir de l'Union est maintenant lancé. Mais pour cela, il fallait d'abord que les questions d'Amsterdam soient réglées, que l'agenda soit ainsi dégagé, pour que les imaginations et les énergies puissent se projeter dans le futur. C'est une période exaltante qui s'est ouverte, où la réalité de l'Union et de ses succès spectaculaires, mais aussi l'ampleur des défis à surmonter encore, apparaissent plus clairement. C'est pourquoi il a semblé nécessaire de susciter le débat le plus large, d'y faire participer le plus grand nombre, et d'abord ceux qui ne s'expriment jamais, ou bien trop rarement, sur l'Europe. Le président de la République et le Premier ministre ont arrêté le dispositif qui permettra à ce débat de se développer dans notre pays et de toucher le plus de Français possible. Nous sommes certains que l'Assemblée nationale y jouera un rôle important.
Ce débat large et démocratique devra se poursuivre au moins jusqu'à la fin de l'année. Au Conseil européen de Laeken, sous Présidence belge en décembre prochain, nous arrêterons en principe la méthode qui permettra de structurer la réflexion jusqu'à la CIG de 2004. Vous savez que le Premier ministre s'est prononcé en faveur d'une Convention inspirée du modèle de celle qui avait préparé la Charte des droits fondamentaux, et qui serait chargé de préparer les décisions finales des Etats, elles-mêmes soumises à ratification.
Déjà, plusieurs contributions importantes ont été apportées à ce débat. Le président de la République avait donné sa vision dans un discours devant vos homologues allemands du Bundestag en juin dernier. Le Premier ministre a présenté il y a quelques jours le projet qu'il forme pour l'Europe. Plusieurs autres responsables européens se sont exprimés ; d'autres le feront.
Mesdames et Messieurs les Députés,
La France continue d'être au cur de cette construction européenne, qui est l'objet de notre travail quotidien dans les dizaines de négociations simultanées qu'elle implique, et que nous voulons également enrichir de nos idées et de nos propositions. Comme le Premier ministre l'a marqué avec force, nous sommes fiers d'avoir contribué aux principales évolutions de l'Union européenne. Les mois et les années qui viennent seront cruciales pour l'avenir, et le gouvernement est mobilisé pour répondre aux défis annoncés : la réussite de l'élargissement, j'en ai dit un mot, l'introduction concrète de l'euro et l'accroissement de la coordination des politiques économiques qu'elle entraînera, le développement de la dimension sociale que nous soutenons depuis quatre ans, la mise en place de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, l'accélération de l'échange des idées, des cultures, des langues, des connaissances en Europe, l'aboutissement de notre projet d'Europe de la défense, le renforcement de la politique étrangère européenne, qui s'affirme visiblement, l'influence de l'Europe dans la régulation mondiale. Enfin, l'architecture institutionnelle et l'espace politique qui pourront, dans l'Union élargie, assurer la conduite efficace et démocratique de ces projets et de ces politiques. Vous savez que sur ce sujet le Premier ministre a proposé un renforcement de chacune des composantes du triangle institutionnel qui a fait les succès de l'Europe (Conseil, Parlement, Commission) et du Conseil européen qui en est la clef de voûte !
Chaque négociation sera importante, chaque négociation sera difficile. Il ne tient qu'à nous de les nourrir de nos réflexions et de nos projets. Nous ne sommes jamais aussi écoutés que lorsque nous sommes imaginatifs et ambitieux pour l'Europe, confiants en nous-mêmes mais aussi respectueux des autres, déterminés à avancer et toujours prêts à dialoguer. La promotion de nos intérêts et de nos valeurs en dépend. C'est ainsi que nous pourrons continuer à construire cette Fédération d'Etats nations que le Premier ministre a appelée de ses vux et à laquelle le président de la République a souscrit. Nous le ferons avec tous nos partenaires européens, et d'abord, comme toujours, avec l'Allemagne.
Le Traité de Nice est une étape de cette construction. En présentant le plus rapidement possible devant vous ce projet de loi de ratification, le gouvernement souhaite répondre à l'engagement pris par le Conseil européen d'Helsinki de mettre l'Union "en mesure d'accueillir de nouveaux Etats membres à partir de la fin de 2002". La plupart des autres pays européens ont engagé les procédures de ratification, qui devront s'achever selon les cas, soit avant la fin de l'année, soit dans le courant de l'année prochaine. Seule l'Irlande a choisi de procéder par un référendum, qui aura lieu dans deux jours.
Si le calendrier que nous envisageons est tenu et si le vote du Parlement est celui que le gouvernement espère, notre pays sera ainsi parmi les premiers à ratifier le nouveau Traité. Ce sera un signal éloquent pour l'Europe.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 juin 2001)