Texte intégral
Interview à RTL le 5 juillet 2001 :
R. Elkrief - L. Jospin demande un rapport sur les fonds spéciaux. Vous supervisez les services secrets, la DGSE, avec le Premier ministre ; accepterez-vous qu'ils soient très contrôlés, voire supprimés ?
- " Il y aura toujours besoin de financements, d'ailleurs limités, pour des opérations des services de sécurité dans la discrétion. Mais les modalités de contrôle peuvent tout à fait être modifiées. Elles sont assurées pour l'instant par une délégation de la Cour des comptes. Elles pourront l'être demain par une autre instance pour assurer plus de transparence dès l'instant où les contrôleurs sont eux-mêmes astreints à une règle de protection de l'information comme cela existe dans d'autres démocraties. C'est autour de cette idée que le Premier ministre a demandé au Président de la Cour des comptes de faire des propositions. Mais honnêtement, je crois que le débat sur le contrôle des fonds secrets ne porte pas principalement sur cette partie de leur utilisation."
Il porte en effet sur les primes et leur utilisation, éventuellement politique ou privée. Vous avez entendu parler comme tout le monde de cette affaire des voyages du Président Chirac. Vous croyez qu'il doit s'expliquer à ce sujet ?
-" Je n'ai pas à formuler d'opinion là-dessus. Vous recevez des quantités d'hommes politiques brillants et auteurs de formules pétillantes, je ne suis pas dans cette catégorie."
Quelle modestie, quelle fausse modestie peut-être ? Est-ce parce que votre rôle de cohabitationniste...
-.".. Je n'aime pas disperser trop la parole politique sur des sujets secondaires."
Vous considérez que c'est une affaire secondaire ?
- "En tout cas, je n'ai rien à dire."
Vous lancez la semaine prochaine une campagne d'information à propos des nouvelles missions de l'armée de métier. Est-ce que c'est une manière de répondre au Président Chirac qui, la semaine dernière à Colmar, disait qu'il y a un sentiment de lassitude dans les armées, que les gendarmes et militaires ont besoin de reconnaissance et considération ?
- "Je vous arrête tout de suite. C'est une campagne qui résulte d'un appel d'offres dont la cahier des charges a été fixé il y a neuf mois. Cette campagne vise simplement à rappeler à nos concitoyens que la paix est un combat permanent. Il faut prendre les moyens pour la paix dans la durée et ne pas attendre qu'on soit face à des dangers. Pour consolider notre sécurité, il faut anticiper les évolutions du monde. C'est le message de base du ministère de la Défense aujourd'hui."
Vous avez l'impression que l'Armée est mal aimée, mal connue et qu'on ne comprend pas sa transformation ?
-"Non, je fais comme vous, j'informe les gens. Quand j'informe les gens, je ne pars d'un préjugé négatif ou pessimiste disant qu'ils ne savent rien. On entretient l'information et on l'actualise."
Cette transformation, c'est le Président qui l'a initiée en 1996. Quand l'année prochaine, il y aura la campagne électorale ...
-.".. Le Premier ministre en a parlée dans sa déclaration de politique générale en juin 1997 en disant que le Gouvernement ferait cette réforme. C'est moi qui l'ai faite."
Donc, ce sera une des batailles ?
-"Non, parce que cette réforme est faite. Elle a été faite par un gros travail de ce Gouvernement qui y a mis chaque année les moyens nécessaires. Quand le Président de la République a évoqué ce point à Colmar l'autre jour, j'y ai entendu un hommage au travail du Gouvernement - c'est une phrase qu'il n'a pas prononcée parce qu'il n'était pas dans cet état d'esprit ce jour-là. Tout le monde peut voir que ce travail a été fait par l'engagement du Gouvernement et, bien entendu, par la mobilisation de la communauté de défense. C'est ce qui nous a permis, la semaine dernière, d'anticiper de quelques mois la fin des incorporations au service national. C'est un train qui est arrivé à l'heure, c'est une grande réforme de l'Etat qui a été accomplie."
Par le Gouvernement ?
-"En tout cas, si vous le dites, je ne vous contredirais pas parce que c'est un fait."
Comment avez-vous vécu le fait que le Président ait décrit cette armée par dégradation continue de la condition militaire, les décalages avec la société civile. Ce sont des critiques ?
-" Ce ne sont pas les termes qu'il a employés..."
...Textuellement.
-."..Vous n'employez qu'une partie de la phrase. Le Président n'a pas expliqué que l'Armée se portait mal parce qu'il ne le pense pas. D'ailleurs, la preuve est que nous allons dans les prochains jours nous trouver d'accord avec le Président de la République sur un acte et pas sur des paroles pour adopter un projet de loi de programmation militaire donc pour assurer la suite de ces évolutions dont je parlais tout à l'heure pour les six années qui viennent. Il y a les phrases du quotidien, il y a les phrases qui naturellement intéressent plus les médias parce qu'elles montrent un petit démarquage. Mais quand vous regardez ce qui s'est passé en matière de politique de défense, de sécurité et de politique internationale depuis quatre ans et un peu plus entre le Président et le Premier ministre, l'Etat a fonctionné et les affaires ont avancé. C'est ce qui est important. Le reste, c'est la petite phrase du jour."
On parle du budget des armées, c'est presque un bataille interne au Gouvernement parce que...
-."..Ce n'est pas une bataille, c'est un effort de synthèse entre des dimensions différentes de l'intérêt national."
J. Chirac, lui aussi, demande une forte augmentation du budget et L. Fabius dit qu'il n'était pas question d'augmenter la dépense militaire
-" Je parle des décisions budgétaires une fois qu'elles sont prises."
Et elles ne sont pas encore prises ?
-" Non. Cela s'est bien passé tous les ans, donc je ne vois pas pourquoi cela se passerait mal cette année. Nous aurons réalisé cette réforme qui était très compliquée, qui supposait de remplacer 200 000 appelés par les professionnels correspondant avec une réorganisation complète des armées. C'est fait et les gens voient que cela marche. La capacité de déploiement et de projection de ces armées a considérablement progressé, on l'a vu avec les innombrables engagements qu'elles ont eu. D'autre part, le niveau de réalisation des équipements techniques des armements qui avait été programmée aura été réalisée fin 2002 à un pourcentage qui n'aura jamais été atteint sous la Vème république. Par conséquent, si le Gouvernement a fait preuve d'esprit de responsabilité à la fois pour orienter l'ensemble des crédits de l'Etat et pour financer la défense au cours des dernières années, je ne vois pourquoi il ne le ferait pas cette année. Je n'ai jamais fait de déclaration pendant la période des discussions budgétaires du Gouvernement au cours des années précédentes et je n'en ferai pas plus cette année."
Le représentant du collectif des anciens salariés d'UTA cite un voyage que vous auriez fait il y a quelques années comme élu du Val-d'Oise. Vous auriez reçu un billet d'UTA émis....
-" C'est une question sur laquelle je ferai une déclaration un peu plus tard. C'est une opération de pression comme il s'en produit parfois de la part de certains avocats. Donc, je répondrai sur ce sujet tout à fait circonstancié. Par contre, je voudrais souligner qu'il reste du travail pour le Gouvernement et il reste des projets à faire. Si on peut parler d'idées pendant 30 secondes, je voudrais souligner que nous avons aussi un chantier de négociations sociales et de participations des salariés aux responsabilités. J'en ai fait un peu ma part dans la réorganisation des industries de défense qui s'est réalisée au cours des dernières années et qui va s'accomplir complètement au cours de cette années. Je pense que parmi les choix entre la gauche et la droite au cours des mois qui viennent ...."
Vous êtes pour le chantier de la démocratie sociale ?
-"Parfaitement. J'ai demandé au Parti socialiste, encore samedi, que nous avancions sur la question de la participation directe des salariés aux instances de décision des entreprises parce qu'on va bien que dans le champ global, avec les décisions qui sont à prendre aujourd'hui par les directions d'entreprises, évidemment avec le poids des actionnaires, c'est là qu'il faut que les salariés soient représentés. C'est une vraie réforme sur laquelle la gauche pourra dire des choses originales qui parlent au salariés. On attendra la droite."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 5 juillet 2001)
Interview de M. Alain Richard au Journal du Dimanche le 8 juillet 2001 :
Le 14 juillet représente-t-il encore quelque chose aujourd'hui ?
Jusqu'à huit millions de personnes de tous âges regardent chaque année à la télévision ce défilé avec une certaine fierté. Cette journée est un moment de rencontre entre les citoyens et la défense qui permet de réaffirmer le soutien des Français aux armées et à l'évolution de leurs missions. Les enquêtes d'opinions prouvent que ce lien de confiance et de solidarité n'a jamais été aussi fort.
Pourquoi avoir anticipé sur la fin de la conscription ?
La réforme des armées, adoptée en 1996, prévoyait qu'en six ans les 190.000 appelés seraient remplacés par des professionnels moins nombreux, avec une proportion plus élevée de cadres, de sous-officiers et de techniciens civils. Dès juin 1997, le gouvernement de Lionel Jospin a confirmé cette réforme et nous l'avons réalisée. A la mi-2001, nous avons constaté que les recrutements s'étaient effectués bien mieux que ce que nous espérions. Il nous a paru possible de mettre fin à la conscription avant la prochaine incorporation du 1er août. C'est une très profonde réorganisation de l'Etat qui s'est déroulée sans heurts, grâce aux efforts des professionnels et des appelés qui ont continué à servir loyalement, dans un contexte d'engagement de nos forces soutenu (Bosnie, Kosovo, Timor, tempêtes, dépollution maritime, inondations). Dans un an, les forces armées et la gendarmerie compteront 440 000 professionnels, hommes et femmes.
Slobodan Milosevic est à présent devant le TPI, quelle est votre réaction ?
Ma conviction est que si nous n'avions pas fait preuve de retenue dans l'emploi de la force au moment des frappes de l'OTAN en 1999 et si nous avions pilonné Belgrade sans discernement, il n'aurait pas été écarté du pouvoir, puis remis à la justice par des choix démocratiques. Il y aurait eu une réaction de durcissement des Yougoslaves contre les Européens et les Américains, qui l'aurait protégé. Nos choix d'action dans le conflit, qui ont été d'inspiration européenne, ont ouvert la voie à ce succès.
L'arrestation de Milosevic annoncent-elle celles de Karadzic et Mladic ?
On a toutes les chances de les arrêter et il faut le faire de manière sûre, c'est ce qui prend du temps. Il y a pour atteindre ce but une répartition des responsabilités entre nous, alliés, qui n'est pas publique.
Hubert Védrine propose la tenue d'une conférence internationale pour régler la crise en Macédoine. Est-il envisageable que l'Armée française intervienne ?
Cette conférence sera nécessaire à un moment ou un autre pour consacrer les engagements de renonciation à la violence des parties concernées. Elle aurait un autre objet en l'absence d'accord entre les partenaires macédoniens. Dans le cadre d'un accord, la France est disposée à participer avec d'autres partenaires européens à une force alliée de soutien au désarmement composée de trois ou quatre bataillons (entre 1800 et 3200 hommes, ndlr).
Les travaux de la mission parlementaire sur le syndrome du Golfe et des Balkans ont repris. Où en est-on ?
En ce qui concerne le Golfe, nous le savons, il n'y a pas eu de situation de combat ou d'emploi d'armes exposant nos forces à un risque spécifique. Il n'y a aucune raison que ce soit différent dans les Balkans. En revanche, nous avons décidé, pour mieux détecter à l'avenir d'éventuelles maladies à apparition très retardée, de créer un observatoire de santé des anciens militaires ayant participé aux conflits passés.
Depuis plus de quatre ans, quel bilan dressez-vous de votre passage à la Défense ?
Les armées se sont modernisées : elle se sont professionnalisées, féminisées et dotées d'un système de concertation fondé sur l'élection de représentants dans les unités. La formation des officiers s'est adaptée dans le sens d'une plus grande ouverture. L'Europe de la défense est devenue une réalité politique et bientôt opérationnelle. Nos industries de Défense se sont restructurées au niveau européen et sont aujourd'hui des acteurs compétitifs au niveau mondial. Nous sommes en train d'accomplir une réforme industrielle de la Direction des constructions navales (DCN). Et le travail continue.
Quel rôle politique allez-vous jouer pour les prochaines échéances électorales ?
Celui d'un militant politique qui a un peu d'expérience ! Avec mes amis jospino-rocardiens, nous apportons notre pierre à la confrontation, amicale, d'idées au sein du PS. En cohérence avec le projet de rénovation sociale évoqué par Lionel Jospin, je m'intéresse plus précisément à la place des salariés dans la vie de l'entreprise. Nous devons développer les droits effectifs des salariés à s'informer, négocier et les impliquer dans les mécanismes de décisions stratégiques des entreprises. C'est indispensable pour qu'ils puissent peser, avec les syndicats, dans les évolutions techniques et économiques, et pas seulement dans les grands groupes. En 2002, ce sera un vrai sujet de partage entre la gauche et la droite.
La victoire de la gauche en 2002 réside-t-elle dans sa capacité à séduire l'électorat d'extrême gauche ?
Cela fait une bonne trentaine d'années que j'analyse les comportements électoraux et je vois qu'il y a de moins en moins d'électeurs dont le choix est permanent, arrimé à une formation politique. Je ne m'intéresse pas à l'addition tactique de forces qui prétendraient être propriétaires de leurs électeurs. L'habileté de l'extrême gauche, déclenchant un succès à éclipse est de ne jamais expliquer quel est leur projet de société et cela finit par se voir ! Si on demande à Alain Krivine ou Arlette Laguiller comment ils voient le développement d'une économie complexe en France, la recherche du plein emploi ou l'organisation des rapports entre salariés et employeurs, leur réponse suscite la curiosité. Mais pour l'instant une curiosité durablement insatisfaite.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 12 juillet 2001)
Entretien avec "France Amérique" le 8 juillet 2001 :
Q - Où en est-on de la professionnalisation de l'armée française ?
R - La réforme de nos armées décidée en 1996 a pour but de moderniser l'outil de défense en l'adaptant à son nouvel environnement international. Malgré l'ampleur et la rapidité de ce processus engagé simultanément à une participation importante et durable de nos forces dans les opérations extérieures, la réforme a été mise en uvre : la réorganisation des armées est réalisée, les principales restructurations sont désormais derrière nous, les effectifs dont nous avons besoin pour satisfaire les besoins de la défense sont en voie d'être réalisés à plus de 85 % et le rythme des recrutements devrait nous permettre d'atteindre prochainement les 100 %.
La bonne réalisation des effectifs nous a permis d'annoncer avec plus d'un an d'avance la suspension des appels sous les drapeaux et les derniers appelés termineront leur service à la fin du mois de novembre. Il faut toutefois rester vigilant car la professionnalisation reste un défi permanent. Le ministère de la défense devra notamment, à partir de 2003, satisfaire des besoins de recrutement à hauteur de 30 000 jeunes par an.
Q - Quelles sont, pour vous Monsieur le Ministre, les fonctions et les missions prioritaires d'une armée aujourd'hui : défense du territoire, soutiens et protections des populations comme dans le cas des inondations de la Somme, participation aux forces multinationales, etc.?
R - En ce qui concerne les missions de nos forces armées, les cadres d'engagement définis à l'occasion de l'élaboration de la loi de programmation 1997-2002 ont été confirmés par l'expérience et confortés par les progrès de la construction européenne dans le domaine de la défense. Il s'agit de permettre simultanément le maintien de la dissuasion, la participation à la protection et la sécurité du territoire national et de ses approches, la mise en uvre de nos accords de défense, la contribution à des opérations de maintien ou de rétablissement de la paix sur mandat des Nations unies, dans le cadre de l'Union européenne, de l'Alliance atlantique ou d'une coalition spécifique.
Par ailleurs, compte tenu de leurs moyens et de leur aptitude à réagir en temps de crise, la participation des armées et de la gendarmerie à la protection du territoire et à la sécurité intérieure s'accompagne ponctuellement d'interventions rapides en cas de catastrophe de grande ampleur ou de risque majeurs, pour accomplir des missions de service public. Leur action s'exerce alors aussi bien pour le secours aux populations que pour la participation au dispositif de santé publique, la protection de l'environnement, la lutte contre les pollutions, voir la participation à des activités d'assistance économique, comme cela a été le cas à l'occasion des intempéries de la fin de l'année 1999, des pollutions maritimes en 2000 ou des inondations dans le département de la Somme, il y a quelques mois.
Q - A propos des forces multinationales engagées dans l'opération Tempête du désert, les soldats français ont-ils été exposés aux risques chimiques des gaz neurotoxiques et peut-on parler d'un syndrome de la guerre du Golfe ?
R - Malgré la réalité de la menace, les soldats français n'ont eu à subir aucune attaque iraquienne au moyen d'agents chimiques tels que les neurotoxiques. Des détections de contrôle ont certes donné des résultats positifs, mais celles-ci traduisaient la présence d'agents chimiques à des niveaux de concentrations très faibles, voire infinitésimaux, ce qui explique qu'aucun symptôme de contamination humaine et aucun indice de mortalité animale (oiseaux, rongeurs, etc.) ne sont venus étayer la possibilité d'une contamination significative et prolongée de l'air ambiant. Ces faibles détections relevées sur une journée correspondent très certainement à la destruction de dépôts iraquiens à plusieurs centaines de kilomètres des troupes françaises.
Concernant les risques sanitaires liés à l'engagement des militaires français lors de la guerre du Golfe, un groupe d'experts sous la conduite du professeur Salamon, que nous avons questionné avec mon collègue Bernard Kouchner, est parvenu à la conclusion qu'il n'existait pas de signes groupés permettant de parler d'un syndrome. En revanche, il existe des plaintes (des fatigues, des troubles articulaires, des difficultés respiratoires, etc.) plus fréquents chez les militaires ayant séjourné dans le Golfe que dans le reste de la population. Afin d'améliorer les connaissances scientifiques sur la question, une étude épidémiologique exhaustive par questionnaire va être réalisée sur l'ensemble des vétérans français ayant participé au conflit avec une possibilité d'examen clinique et biologique. Nous lancerons également une étude de morbidité.
Q - Où en est la création d'une force d'intervention européenne ?
R - Nous avançons conformément au mandat adopté par les Quinze à Nice. La présidence suédoise a fait du bon travail, et les Belges prennent le relais le 1er juillet. Tous les organes de décision politiques et militaires sont en place. Après une phase de validation des procédures de travail, le système sera opérationnel a la fin de cette année comme prévu. S'agissant de nos capacités, une conférence permettra de faire le point au mois de novembre sur les progrès enregistrés depuis un an. C'est un aspect très important de la crédibilité de notre démarche. Je suis optimiste sur notre aptitude a réaliser les objectifs fixés pour 2003.
Q - Quels seront les effectifs fournis par la France ?
R - De l'ordre de 20 % du total, soit 12.000 hommes, 75 avions de combat, et douze bâtiments de guerre, dont le porte-avions Charles de Gaulle. Bien entendu, comme tous nos partenaires européens, nous déterminerons, en fonction de chaque mission, quelle force nous souhaitons mettre à disposition de l'UE.
Q - Quels seront les rapports de cette force avec l'OTAN ?
R - Cette force a vocation a être engagée sous commandement européen. Elle sera engagée "là où l'Alliance en tant que telle n'est pas engagée". On imagine mal, en effet, un pays envoyer des forces sur un même théâtre dans deux cadres différents. Dans certains cas, elle devra pouvoir faire appel à certains moyens de l'OTAN si les pays membres de l'Alliance l'acceptent. Mais toutes ces questions restent très théoriques : dans la réalité, l'UE et l'OTAN comptent 11 membres communs. Les nations concernées décideront ensemble si, face à une situation donnée, la meilleure réponse est l'OTAN ou la force de l'UE.
Q - Quelle sera la dépendance éventuelle des Européens vis à vis des Etats-Unis ?
R - Le Kosovo nous a montré que cette dépendance était très large. Mais si nous voulons nous comporter en alliés responsables vis-à-vis des Américains, nous ne devons pas les contraindre à agir pour pallier nos carences. En bâtissant la force, nous avons relevé dès le départ des lacunes importantes dans des domaines stratégiques comme le renseignement, les communications, ou le transport stratégique. Nous travaillons à combler ces lacunes, avec, par exemple, le programme européen d'avion de transport A400M.
Q - Qu'impliquera le projet US de bouclier antimissiles pour l'évolution de la stratégie militaire française et européenne ?
R - Nous n'en sommes pas là. Le projet américain de bouclier antimissiles est une réalité, mais le Président Bush a indiqué qu'il souhaitait le développer dans un cadre de dialogue et d'échanges avec les alliés et les pays concernés. Ce dialogue a commencé et nous nous en réjouissons. Mais trop d'inconnues subsistent à ce stade pour que nous puissions estimer les effets de ce projet sur nos politiques nationales ou européennes.
Q - Enfin, une dernière question vous concernant plus personnellement Monsieur le Ministre : êtes-vous un ministre de la Défense heureux ?
R - J'éprouve en tout cas énormément de satisfactions à la tête de ce ministère. Je crois avoir avec la collectivité militaire une relation positive et un rapport confiant. C'est un ministère où le travail à long terme et la préparation de l'avenir sont importants. J'ai la chance de pouvoir mener au sein du gouvernement de Lionel Jospin une action dans la continuité. Depuis quatre ans, nous avons profondément transformé notre outil de défense. La refonte des armées est un exemple de modernisation réussie de l'Etat. L'Europe de la défense, par la volonté des 15 pays de l'UE, est aujourd'hui une réalité politique. La restructuration des industries de défense est pleinement engagée tout comme la féminisation, la réforme de la formation des officiers, du service national et celle de la concertation dans les armées. Je peux vous assurer que ce travail de modernisation dans la durée se poursuivra jusqu'à la fin de la législature.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 juillet 2001)
Interview à RFI le 11 juillet 2001 :
PIERRE GANZ
Alain RICHARD, bonjour.
ALAIN RICHARD
Bonjour.
PIERRE GANZ
Le débat politique conduit en ce moment à parler tout à fait indirectement de la Défense à travers l'expression et le dossier " fonds secrets ". Monsieur le ministre de la Défense, est-ce que les fonds secrets sont indispensables à la défense de la France ?
ALAIN RICHARD
Il y en a besoin pour un certain nombre d'activités liées au renseignement. Ces fonds sont donc mis à la disposition de la DGSE, qui fait son travail de collecte d'informations dans des conditions protégées, secrètes. L'usage des fonds donne lieu à un contrôle par une délégation de la Cour des Comptes, qui est spécialement habilitée à cela et qui rend un avis au Premier ministre sur la conformité de l'emploi des fonds. Il est tout à fait possible qu'une réforme soit faite et que ces modalités de contrôle soient élargies ; cela ne me dérangerait pas. Je pense que cela n'empêchera pas le service de mener les activités pour lesquelles il est mandaté.
PIERRE GANZ
La DGSE pourrait-elle poursuivre les missions qui sont financées sur fonds secrets, si elles étaient financées sur des fonds transparents votés par le Parlement ?
ALAIN RICHARD
Ils sont votés par le Parlement, ils sont affectés. La seule chose qui est indispensable, c'est que la règle de protection de l'information sur les activités de renseignement s'étende à ceux qui sont chargés du contrôle, ce qui existe dans beaucoup de pays.
PIERRE GANZ
Est-ce que des parlementaires pourraient être chargés de ce contrôle ?
ALAIN RICHARD
C'est ce à quoi je faisais allusion. Dans d'autres pays, des parlementaires veillent, exercent une information en tout cas, au nom du Parlement, sur les activités de renseignement de leur pays. Mais ils partagent l'engagement de protection de l'information.
PIERRE GANZ
Cela pourrait donc être la réforme que vous suggéreriez avec le Premier ministre ?
ALAIN RICHARD
Des parlementaires l'ont évoqué et le gouvernement n'y a pas marqué d'hostilité.
PIERRE GANZ
Alain RICHARD, vous rentrez des Etats-Unis, où vous avez rencontré notamment votre homologue Donald RUMSFELD, chargé de la Défense. Est-ce que l'idée d'une force de réaction rapide européenne est maintenant un peu mieux acceptée par les Américains ?
ALAIN RICHARD
Oui, je crois. Nous avons passé du temps, comme c'est normal, car c'est une nouveauté. Cela changeait le paysage, donc il y avait forcément des hésitations, voire des réticences. Nous avons passé - la plupart des gouvernements européens - du temps à expliquer à nos partenaires américains que cela constituait un plus pour l'ensemble euro-atlantique. Et que la demande qui avait été souvent faite par les Etats-Unis, que les Européens assument plus leur part de responsabilité face aux crises, et bien nous la satisfaisions d'une certaine façon. Donc cette idée est maintenant retenue et dans les dialogues que j'ai eus cette fois-ci, ce n'était plus un sujet important. La seule chose à mon avis légitime que nous objectent les Américains, c'est de dire : " vous avez pris un engagement de créer une force de 60 000 hommes, avec l'ensemble de ses capacités d'action et de son autonomie sur le terrain, montrez-nous que vous en prenez les moyens". C'est assez logique.
PIERRE GANZ
Et c'est un renvoi aux budgets. Les Américains disent souvent que les Européens ne dépensent pas assez pour la Défense.
ALAIN RICHARD
Aux budgets, au pluriel, des Quinze. Et la France n'est pas le pays qui a le problème le plus préoccupant là-dessus.
PIERRE GANZ
A propos de la défense antimissiles envisagée par les Américains, les Russes suggèrent que l'on puisse discuter globalement de stabilité stratégique à l'ONU. Est-ce que vous pensez que c'est une bonne idée ?
ALAIN RICHARD
Oui, s'il y a du fond, parce que nos amis russes font parfois aussi des propositions simplement pour créer un nouvel espace de discussions. Mais ensuite il faut regarder de quoi on parle. Nous, nous avons pris un grand nombre de dispositions pour limiter la puissance de notre force de dissuasion à ce qu'on appelle la stricte suffisance. Et nous sommes favorables, pour maintenir la légitimité de ces forces de dissuasion, à ce qu'il y ait le maximum de règles internationales qui s'y appliquent. Donc de ce point de vue là, nous sommes toujours ouverts, et nos partenaires britanniques sont dans le même état d'esprit. Ensuite, les autres partenaires doivent accepter que des règles internationales s'appliquent à leurs forces de dissuasion. Et ce qui est plus complexe dans le cas de nos partenaires russes ou chinois, ils doivent accepter que ces règles soient vérifiables sur place.
PIERRE GANZ
J'en viens concrètement à des illustrations de l'utilisation de forces européennes, dans le cadre de l'OTAN ou pas. En Macédoine, les discussions pour un accord de cessez-le-feu et aussi pour un accord politique progressent. Il n'est pas signé, mais on peut espérer qu'il le sera prochainement. Est-ce que la France participera à une force de l'OTAN au sol en Macédoine ?
ALAIN RICHARD
Oui, cette force ayant pour mission - c'est ce qui a été décidé au sein de l'alliance - d'opérer la collecte des armes après le cessez-le-feu ; le mandat d'une telle force a été adopté au sein de l'alliance à l'unanimité comme toujours. Il a été entendu qu'il reviendrait aux Européens d'armer cette force, nos amis américains estimant qu'ils ont déjà de multiples engagements et ne souhaitant donc pas s'engager au sein de cette force. C'est une distribution des rôles que j'accepte tout à fait, puisque les Européens déclarent vouloir prendre leurs responsabilités. Nous sommes dans un de ces cas.
PIERRE GANZ
Combien d'hommes la France mettrait-elle à disposition de cette force ?
ALAIN RICHARD
Probablement un peu plus de 500. Nous représenterions, comme c'est souvent le cas, entre 15 et 20 % de la force.
PIERRE GANZ
Et le commandement serait européen ?
ALAIN RICHARD
Oui, ce sera certainement un officier général d'un des pays européens.
PIERRE GANZ
C'est une mission fort difficile de désarmer les gens de l'UCK. N'est-ce pas une des missions les plus dangereuses ?
ALAIN RICHARD
L'idée est de mener cette mission une fois que les principaux partenaires engagés ont pris une promesse de ne plus agir par les armes. Et nous sommes très près de cette situation. Il y a déjà, depuis plusieurs jours, une très forte retenue des différents partenaires. Nous nous approchons donc de la situation que nous souhaitons ; ensuite - c'est la partie la plus délicate en responsabilité politique - il faudra apprécier si on considère que les partenaires ont pris suffisamment d'engagements de retenue d'emploi de la force pour y aller.
PIERRE GANZ
A propos du Proche-Orient, le ministre ses Affaires étrangères, Hubert VEDRINE, s'est dit hier convaincu qu'un mécanisme de surveillance d'un cessez-le-feu entre Palestiniens et Israéliens était maintenant nécessaire. Est-ce que cela veut dire que si cette force d'interposition existait, des Français y participeraient ?
ALAIN RICHARD
Oui. Et quand Hubert VEDRINE disait cela, il le disait en étroite coordination avec ses collègues ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne. C'est l'illustration du fait qu'en groupant nos forces et en coordonnant mieux nos politiques, l'Europe devient un partenaire indispensable. C'est aussi ce que j'ai essayé de montrer à nos amis américains, lors de mon voyage, en leur disant : "vous êtes une très grande puissance ; nous les Européens, nous n'avons pas la prétention d'être une super puissance mondiale, mais nous sommes un partenaire qui compte ; et il y a bien des endroits où l'on a besoin de nous".
PIERRE GANZ
L'interposition au Proche-Orient, la France en a un mauvais souvenir ; on peut penser à Drakkar au Liban, c'est une zone très dangereuse. Faut-il vraiment l'accord complet des Israéliens, des Palestiniens ?
ALAIN RICHARD
Ce qui est sûr, c'est qu'il faut que le cadre politique soit clair. Et dans la mesure où ce serait très certainement une action des Nations Unies, il faut que ce qu'on appelle les règles d'engagement soient claires dès le départ, que le commandant de la force sache quoi faire si l'un des protagonistes ne joue plus le jeu.
PIERRE GANZ
Alain RICHARD, nous sommes à 48 heures du 11 juillet ; quel sens prendra le défilé cette année, alors qu'il y a quelques semaines on annonçait la fin de la conscription ?
ALAIN RICHARD
Celui d'une nouvelle proximité entre les forces armées et les citoyens. Je crois que nos compatriotes ont une vision positive des armées, comprennent assez bien dans les principes ce qu'elles ont à faire, apprécient leur professionnalisme et leur maîtrise des situations.
PIERRE GANZ
Ne craignez-vous pas un peu un éloignement entre les Français et l'armée ?
ALAIN RICHARD
Nous y travaillons, c'est tout à fait naturel. Mais je crois que la base est bonne et que toutes les enquêtes d'opinion et les comportements des Français montrent que ceux-ci croient à leur défense et la soutiennent. Moyennant quoi, il faut évidemment renforcer l'information, clarifier les rôles de la nouvelle défense, car nos concitoyens ont compris qu'il y avait une réforme.
PIERRE GANZ
D'où une campagne de photos qui commence
ALAIN RICHARD
Voilà, elle fait apparaître quels sont aujourd'hui les principes de fonctionnement de la nouvelle défense. Bien entendu, avec la fin de la conscription, on se dit qu'il y a moins de proximité entre la défense et les Français. Honnêtement, la conscription dans les dernières années, alors que le rôle proprement militaire des appelés était de plus en plus imprécis, n'était par forcément un très bon moyen de liaison. Je crois que la relation directe d'information et de participation des citoyens est aujourd'hui meilleure.
PIERRE GANZ
Merci, bonne journée à vous, Alain RICHARD.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 30 juillet 2001)
R. Elkrief - L. Jospin demande un rapport sur les fonds spéciaux. Vous supervisez les services secrets, la DGSE, avec le Premier ministre ; accepterez-vous qu'ils soient très contrôlés, voire supprimés ?
- " Il y aura toujours besoin de financements, d'ailleurs limités, pour des opérations des services de sécurité dans la discrétion. Mais les modalités de contrôle peuvent tout à fait être modifiées. Elles sont assurées pour l'instant par une délégation de la Cour des comptes. Elles pourront l'être demain par une autre instance pour assurer plus de transparence dès l'instant où les contrôleurs sont eux-mêmes astreints à une règle de protection de l'information comme cela existe dans d'autres démocraties. C'est autour de cette idée que le Premier ministre a demandé au Président de la Cour des comptes de faire des propositions. Mais honnêtement, je crois que le débat sur le contrôle des fonds secrets ne porte pas principalement sur cette partie de leur utilisation."
Il porte en effet sur les primes et leur utilisation, éventuellement politique ou privée. Vous avez entendu parler comme tout le monde de cette affaire des voyages du Président Chirac. Vous croyez qu'il doit s'expliquer à ce sujet ?
-" Je n'ai pas à formuler d'opinion là-dessus. Vous recevez des quantités d'hommes politiques brillants et auteurs de formules pétillantes, je ne suis pas dans cette catégorie."
Quelle modestie, quelle fausse modestie peut-être ? Est-ce parce que votre rôle de cohabitationniste...
-.".. Je n'aime pas disperser trop la parole politique sur des sujets secondaires."
Vous considérez que c'est une affaire secondaire ?
- "En tout cas, je n'ai rien à dire."
Vous lancez la semaine prochaine une campagne d'information à propos des nouvelles missions de l'armée de métier. Est-ce que c'est une manière de répondre au Président Chirac qui, la semaine dernière à Colmar, disait qu'il y a un sentiment de lassitude dans les armées, que les gendarmes et militaires ont besoin de reconnaissance et considération ?
- "Je vous arrête tout de suite. C'est une campagne qui résulte d'un appel d'offres dont la cahier des charges a été fixé il y a neuf mois. Cette campagne vise simplement à rappeler à nos concitoyens que la paix est un combat permanent. Il faut prendre les moyens pour la paix dans la durée et ne pas attendre qu'on soit face à des dangers. Pour consolider notre sécurité, il faut anticiper les évolutions du monde. C'est le message de base du ministère de la Défense aujourd'hui."
Vous avez l'impression que l'Armée est mal aimée, mal connue et qu'on ne comprend pas sa transformation ?
-"Non, je fais comme vous, j'informe les gens. Quand j'informe les gens, je ne pars d'un préjugé négatif ou pessimiste disant qu'ils ne savent rien. On entretient l'information et on l'actualise."
Cette transformation, c'est le Président qui l'a initiée en 1996. Quand l'année prochaine, il y aura la campagne électorale ...
-.".. Le Premier ministre en a parlée dans sa déclaration de politique générale en juin 1997 en disant que le Gouvernement ferait cette réforme. C'est moi qui l'ai faite."
Donc, ce sera une des batailles ?
-"Non, parce que cette réforme est faite. Elle a été faite par un gros travail de ce Gouvernement qui y a mis chaque année les moyens nécessaires. Quand le Président de la République a évoqué ce point à Colmar l'autre jour, j'y ai entendu un hommage au travail du Gouvernement - c'est une phrase qu'il n'a pas prononcée parce qu'il n'était pas dans cet état d'esprit ce jour-là. Tout le monde peut voir que ce travail a été fait par l'engagement du Gouvernement et, bien entendu, par la mobilisation de la communauté de défense. C'est ce qui nous a permis, la semaine dernière, d'anticiper de quelques mois la fin des incorporations au service national. C'est un train qui est arrivé à l'heure, c'est une grande réforme de l'Etat qui a été accomplie."
Par le Gouvernement ?
-"En tout cas, si vous le dites, je ne vous contredirais pas parce que c'est un fait."
Comment avez-vous vécu le fait que le Président ait décrit cette armée par dégradation continue de la condition militaire, les décalages avec la société civile. Ce sont des critiques ?
-" Ce ne sont pas les termes qu'il a employés..."
...Textuellement.
-."..Vous n'employez qu'une partie de la phrase. Le Président n'a pas expliqué que l'Armée se portait mal parce qu'il ne le pense pas. D'ailleurs, la preuve est que nous allons dans les prochains jours nous trouver d'accord avec le Président de la République sur un acte et pas sur des paroles pour adopter un projet de loi de programmation militaire donc pour assurer la suite de ces évolutions dont je parlais tout à l'heure pour les six années qui viennent. Il y a les phrases du quotidien, il y a les phrases qui naturellement intéressent plus les médias parce qu'elles montrent un petit démarquage. Mais quand vous regardez ce qui s'est passé en matière de politique de défense, de sécurité et de politique internationale depuis quatre ans et un peu plus entre le Président et le Premier ministre, l'Etat a fonctionné et les affaires ont avancé. C'est ce qui est important. Le reste, c'est la petite phrase du jour."
On parle du budget des armées, c'est presque un bataille interne au Gouvernement parce que...
-."..Ce n'est pas une bataille, c'est un effort de synthèse entre des dimensions différentes de l'intérêt national."
J. Chirac, lui aussi, demande une forte augmentation du budget et L. Fabius dit qu'il n'était pas question d'augmenter la dépense militaire
-" Je parle des décisions budgétaires une fois qu'elles sont prises."
Et elles ne sont pas encore prises ?
-" Non. Cela s'est bien passé tous les ans, donc je ne vois pas pourquoi cela se passerait mal cette année. Nous aurons réalisé cette réforme qui était très compliquée, qui supposait de remplacer 200 000 appelés par les professionnels correspondant avec une réorganisation complète des armées. C'est fait et les gens voient que cela marche. La capacité de déploiement et de projection de ces armées a considérablement progressé, on l'a vu avec les innombrables engagements qu'elles ont eu. D'autre part, le niveau de réalisation des équipements techniques des armements qui avait été programmée aura été réalisée fin 2002 à un pourcentage qui n'aura jamais été atteint sous la Vème république. Par conséquent, si le Gouvernement a fait preuve d'esprit de responsabilité à la fois pour orienter l'ensemble des crédits de l'Etat et pour financer la défense au cours des dernières années, je ne vois pourquoi il ne le ferait pas cette année. Je n'ai jamais fait de déclaration pendant la période des discussions budgétaires du Gouvernement au cours des années précédentes et je n'en ferai pas plus cette année."
Le représentant du collectif des anciens salariés d'UTA cite un voyage que vous auriez fait il y a quelques années comme élu du Val-d'Oise. Vous auriez reçu un billet d'UTA émis....
-" C'est une question sur laquelle je ferai une déclaration un peu plus tard. C'est une opération de pression comme il s'en produit parfois de la part de certains avocats. Donc, je répondrai sur ce sujet tout à fait circonstancié. Par contre, je voudrais souligner qu'il reste du travail pour le Gouvernement et il reste des projets à faire. Si on peut parler d'idées pendant 30 secondes, je voudrais souligner que nous avons aussi un chantier de négociations sociales et de participations des salariés aux responsabilités. J'en ai fait un peu ma part dans la réorganisation des industries de défense qui s'est réalisée au cours des dernières années et qui va s'accomplir complètement au cours de cette années. Je pense que parmi les choix entre la gauche et la droite au cours des mois qui viennent ...."
Vous êtes pour le chantier de la démocratie sociale ?
-"Parfaitement. J'ai demandé au Parti socialiste, encore samedi, que nous avancions sur la question de la participation directe des salariés aux instances de décision des entreprises parce qu'on va bien que dans le champ global, avec les décisions qui sont à prendre aujourd'hui par les directions d'entreprises, évidemment avec le poids des actionnaires, c'est là qu'il faut que les salariés soient représentés. C'est une vraie réforme sur laquelle la gauche pourra dire des choses originales qui parlent au salariés. On attendra la droite."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 5 juillet 2001)
Interview de M. Alain Richard au Journal du Dimanche le 8 juillet 2001 :
Le 14 juillet représente-t-il encore quelque chose aujourd'hui ?
Jusqu'à huit millions de personnes de tous âges regardent chaque année à la télévision ce défilé avec une certaine fierté. Cette journée est un moment de rencontre entre les citoyens et la défense qui permet de réaffirmer le soutien des Français aux armées et à l'évolution de leurs missions. Les enquêtes d'opinions prouvent que ce lien de confiance et de solidarité n'a jamais été aussi fort.
Pourquoi avoir anticipé sur la fin de la conscription ?
La réforme des armées, adoptée en 1996, prévoyait qu'en six ans les 190.000 appelés seraient remplacés par des professionnels moins nombreux, avec une proportion plus élevée de cadres, de sous-officiers et de techniciens civils. Dès juin 1997, le gouvernement de Lionel Jospin a confirmé cette réforme et nous l'avons réalisée. A la mi-2001, nous avons constaté que les recrutements s'étaient effectués bien mieux que ce que nous espérions. Il nous a paru possible de mettre fin à la conscription avant la prochaine incorporation du 1er août. C'est une très profonde réorganisation de l'Etat qui s'est déroulée sans heurts, grâce aux efforts des professionnels et des appelés qui ont continué à servir loyalement, dans un contexte d'engagement de nos forces soutenu (Bosnie, Kosovo, Timor, tempêtes, dépollution maritime, inondations). Dans un an, les forces armées et la gendarmerie compteront 440 000 professionnels, hommes et femmes.
Slobodan Milosevic est à présent devant le TPI, quelle est votre réaction ?
Ma conviction est que si nous n'avions pas fait preuve de retenue dans l'emploi de la force au moment des frappes de l'OTAN en 1999 et si nous avions pilonné Belgrade sans discernement, il n'aurait pas été écarté du pouvoir, puis remis à la justice par des choix démocratiques. Il y aurait eu une réaction de durcissement des Yougoslaves contre les Européens et les Américains, qui l'aurait protégé. Nos choix d'action dans le conflit, qui ont été d'inspiration européenne, ont ouvert la voie à ce succès.
L'arrestation de Milosevic annoncent-elle celles de Karadzic et Mladic ?
On a toutes les chances de les arrêter et il faut le faire de manière sûre, c'est ce qui prend du temps. Il y a pour atteindre ce but une répartition des responsabilités entre nous, alliés, qui n'est pas publique.
Hubert Védrine propose la tenue d'une conférence internationale pour régler la crise en Macédoine. Est-il envisageable que l'Armée française intervienne ?
Cette conférence sera nécessaire à un moment ou un autre pour consacrer les engagements de renonciation à la violence des parties concernées. Elle aurait un autre objet en l'absence d'accord entre les partenaires macédoniens. Dans le cadre d'un accord, la France est disposée à participer avec d'autres partenaires européens à une force alliée de soutien au désarmement composée de trois ou quatre bataillons (entre 1800 et 3200 hommes, ndlr).
Les travaux de la mission parlementaire sur le syndrome du Golfe et des Balkans ont repris. Où en est-on ?
En ce qui concerne le Golfe, nous le savons, il n'y a pas eu de situation de combat ou d'emploi d'armes exposant nos forces à un risque spécifique. Il n'y a aucune raison que ce soit différent dans les Balkans. En revanche, nous avons décidé, pour mieux détecter à l'avenir d'éventuelles maladies à apparition très retardée, de créer un observatoire de santé des anciens militaires ayant participé aux conflits passés.
Depuis plus de quatre ans, quel bilan dressez-vous de votre passage à la Défense ?
Les armées se sont modernisées : elle se sont professionnalisées, féminisées et dotées d'un système de concertation fondé sur l'élection de représentants dans les unités. La formation des officiers s'est adaptée dans le sens d'une plus grande ouverture. L'Europe de la défense est devenue une réalité politique et bientôt opérationnelle. Nos industries de Défense se sont restructurées au niveau européen et sont aujourd'hui des acteurs compétitifs au niveau mondial. Nous sommes en train d'accomplir une réforme industrielle de la Direction des constructions navales (DCN). Et le travail continue.
Quel rôle politique allez-vous jouer pour les prochaines échéances électorales ?
Celui d'un militant politique qui a un peu d'expérience ! Avec mes amis jospino-rocardiens, nous apportons notre pierre à la confrontation, amicale, d'idées au sein du PS. En cohérence avec le projet de rénovation sociale évoqué par Lionel Jospin, je m'intéresse plus précisément à la place des salariés dans la vie de l'entreprise. Nous devons développer les droits effectifs des salariés à s'informer, négocier et les impliquer dans les mécanismes de décisions stratégiques des entreprises. C'est indispensable pour qu'ils puissent peser, avec les syndicats, dans les évolutions techniques et économiques, et pas seulement dans les grands groupes. En 2002, ce sera un vrai sujet de partage entre la gauche et la droite.
La victoire de la gauche en 2002 réside-t-elle dans sa capacité à séduire l'électorat d'extrême gauche ?
Cela fait une bonne trentaine d'années que j'analyse les comportements électoraux et je vois qu'il y a de moins en moins d'électeurs dont le choix est permanent, arrimé à une formation politique. Je ne m'intéresse pas à l'addition tactique de forces qui prétendraient être propriétaires de leurs électeurs. L'habileté de l'extrême gauche, déclenchant un succès à éclipse est de ne jamais expliquer quel est leur projet de société et cela finit par se voir ! Si on demande à Alain Krivine ou Arlette Laguiller comment ils voient le développement d'une économie complexe en France, la recherche du plein emploi ou l'organisation des rapports entre salariés et employeurs, leur réponse suscite la curiosité. Mais pour l'instant une curiosité durablement insatisfaite.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 12 juillet 2001)
Entretien avec "France Amérique" le 8 juillet 2001 :
Q - Où en est-on de la professionnalisation de l'armée française ?
R - La réforme de nos armées décidée en 1996 a pour but de moderniser l'outil de défense en l'adaptant à son nouvel environnement international. Malgré l'ampleur et la rapidité de ce processus engagé simultanément à une participation importante et durable de nos forces dans les opérations extérieures, la réforme a été mise en uvre : la réorganisation des armées est réalisée, les principales restructurations sont désormais derrière nous, les effectifs dont nous avons besoin pour satisfaire les besoins de la défense sont en voie d'être réalisés à plus de 85 % et le rythme des recrutements devrait nous permettre d'atteindre prochainement les 100 %.
La bonne réalisation des effectifs nous a permis d'annoncer avec plus d'un an d'avance la suspension des appels sous les drapeaux et les derniers appelés termineront leur service à la fin du mois de novembre. Il faut toutefois rester vigilant car la professionnalisation reste un défi permanent. Le ministère de la défense devra notamment, à partir de 2003, satisfaire des besoins de recrutement à hauteur de 30 000 jeunes par an.
Q - Quelles sont, pour vous Monsieur le Ministre, les fonctions et les missions prioritaires d'une armée aujourd'hui : défense du territoire, soutiens et protections des populations comme dans le cas des inondations de la Somme, participation aux forces multinationales, etc.?
R - En ce qui concerne les missions de nos forces armées, les cadres d'engagement définis à l'occasion de l'élaboration de la loi de programmation 1997-2002 ont été confirmés par l'expérience et confortés par les progrès de la construction européenne dans le domaine de la défense. Il s'agit de permettre simultanément le maintien de la dissuasion, la participation à la protection et la sécurité du territoire national et de ses approches, la mise en uvre de nos accords de défense, la contribution à des opérations de maintien ou de rétablissement de la paix sur mandat des Nations unies, dans le cadre de l'Union européenne, de l'Alliance atlantique ou d'une coalition spécifique.
Par ailleurs, compte tenu de leurs moyens et de leur aptitude à réagir en temps de crise, la participation des armées et de la gendarmerie à la protection du territoire et à la sécurité intérieure s'accompagne ponctuellement d'interventions rapides en cas de catastrophe de grande ampleur ou de risque majeurs, pour accomplir des missions de service public. Leur action s'exerce alors aussi bien pour le secours aux populations que pour la participation au dispositif de santé publique, la protection de l'environnement, la lutte contre les pollutions, voir la participation à des activités d'assistance économique, comme cela a été le cas à l'occasion des intempéries de la fin de l'année 1999, des pollutions maritimes en 2000 ou des inondations dans le département de la Somme, il y a quelques mois.
Q - A propos des forces multinationales engagées dans l'opération Tempête du désert, les soldats français ont-ils été exposés aux risques chimiques des gaz neurotoxiques et peut-on parler d'un syndrome de la guerre du Golfe ?
R - Malgré la réalité de la menace, les soldats français n'ont eu à subir aucune attaque iraquienne au moyen d'agents chimiques tels que les neurotoxiques. Des détections de contrôle ont certes donné des résultats positifs, mais celles-ci traduisaient la présence d'agents chimiques à des niveaux de concentrations très faibles, voire infinitésimaux, ce qui explique qu'aucun symptôme de contamination humaine et aucun indice de mortalité animale (oiseaux, rongeurs, etc.) ne sont venus étayer la possibilité d'une contamination significative et prolongée de l'air ambiant. Ces faibles détections relevées sur une journée correspondent très certainement à la destruction de dépôts iraquiens à plusieurs centaines de kilomètres des troupes françaises.
Concernant les risques sanitaires liés à l'engagement des militaires français lors de la guerre du Golfe, un groupe d'experts sous la conduite du professeur Salamon, que nous avons questionné avec mon collègue Bernard Kouchner, est parvenu à la conclusion qu'il n'existait pas de signes groupés permettant de parler d'un syndrome. En revanche, il existe des plaintes (des fatigues, des troubles articulaires, des difficultés respiratoires, etc.) plus fréquents chez les militaires ayant séjourné dans le Golfe que dans le reste de la population. Afin d'améliorer les connaissances scientifiques sur la question, une étude épidémiologique exhaustive par questionnaire va être réalisée sur l'ensemble des vétérans français ayant participé au conflit avec une possibilité d'examen clinique et biologique. Nous lancerons également une étude de morbidité.
Q - Où en est la création d'une force d'intervention européenne ?
R - Nous avançons conformément au mandat adopté par les Quinze à Nice. La présidence suédoise a fait du bon travail, et les Belges prennent le relais le 1er juillet. Tous les organes de décision politiques et militaires sont en place. Après une phase de validation des procédures de travail, le système sera opérationnel a la fin de cette année comme prévu. S'agissant de nos capacités, une conférence permettra de faire le point au mois de novembre sur les progrès enregistrés depuis un an. C'est un aspect très important de la crédibilité de notre démarche. Je suis optimiste sur notre aptitude a réaliser les objectifs fixés pour 2003.
Q - Quels seront les effectifs fournis par la France ?
R - De l'ordre de 20 % du total, soit 12.000 hommes, 75 avions de combat, et douze bâtiments de guerre, dont le porte-avions Charles de Gaulle. Bien entendu, comme tous nos partenaires européens, nous déterminerons, en fonction de chaque mission, quelle force nous souhaitons mettre à disposition de l'UE.
Q - Quels seront les rapports de cette force avec l'OTAN ?
R - Cette force a vocation a être engagée sous commandement européen. Elle sera engagée "là où l'Alliance en tant que telle n'est pas engagée". On imagine mal, en effet, un pays envoyer des forces sur un même théâtre dans deux cadres différents. Dans certains cas, elle devra pouvoir faire appel à certains moyens de l'OTAN si les pays membres de l'Alliance l'acceptent. Mais toutes ces questions restent très théoriques : dans la réalité, l'UE et l'OTAN comptent 11 membres communs. Les nations concernées décideront ensemble si, face à une situation donnée, la meilleure réponse est l'OTAN ou la force de l'UE.
Q - Quelle sera la dépendance éventuelle des Européens vis à vis des Etats-Unis ?
R - Le Kosovo nous a montré que cette dépendance était très large. Mais si nous voulons nous comporter en alliés responsables vis-à-vis des Américains, nous ne devons pas les contraindre à agir pour pallier nos carences. En bâtissant la force, nous avons relevé dès le départ des lacunes importantes dans des domaines stratégiques comme le renseignement, les communications, ou le transport stratégique. Nous travaillons à combler ces lacunes, avec, par exemple, le programme européen d'avion de transport A400M.
Q - Qu'impliquera le projet US de bouclier antimissiles pour l'évolution de la stratégie militaire française et européenne ?
R - Nous n'en sommes pas là. Le projet américain de bouclier antimissiles est une réalité, mais le Président Bush a indiqué qu'il souhaitait le développer dans un cadre de dialogue et d'échanges avec les alliés et les pays concernés. Ce dialogue a commencé et nous nous en réjouissons. Mais trop d'inconnues subsistent à ce stade pour que nous puissions estimer les effets de ce projet sur nos politiques nationales ou européennes.
Q - Enfin, une dernière question vous concernant plus personnellement Monsieur le Ministre : êtes-vous un ministre de la Défense heureux ?
R - J'éprouve en tout cas énormément de satisfactions à la tête de ce ministère. Je crois avoir avec la collectivité militaire une relation positive et un rapport confiant. C'est un ministère où le travail à long terme et la préparation de l'avenir sont importants. J'ai la chance de pouvoir mener au sein du gouvernement de Lionel Jospin une action dans la continuité. Depuis quatre ans, nous avons profondément transformé notre outil de défense. La refonte des armées est un exemple de modernisation réussie de l'Etat. L'Europe de la défense, par la volonté des 15 pays de l'UE, est aujourd'hui une réalité politique. La restructuration des industries de défense est pleinement engagée tout comme la féminisation, la réforme de la formation des officiers, du service national et celle de la concertation dans les armées. Je peux vous assurer que ce travail de modernisation dans la durée se poursuivra jusqu'à la fin de la législature.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 juillet 2001)
Interview à RFI le 11 juillet 2001 :
PIERRE GANZ
Alain RICHARD, bonjour.
ALAIN RICHARD
Bonjour.
PIERRE GANZ
Le débat politique conduit en ce moment à parler tout à fait indirectement de la Défense à travers l'expression et le dossier " fonds secrets ". Monsieur le ministre de la Défense, est-ce que les fonds secrets sont indispensables à la défense de la France ?
ALAIN RICHARD
Il y en a besoin pour un certain nombre d'activités liées au renseignement. Ces fonds sont donc mis à la disposition de la DGSE, qui fait son travail de collecte d'informations dans des conditions protégées, secrètes. L'usage des fonds donne lieu à un contrôle par une délégation de la Cour des Comptes, qui est spécialement habilitée à cela et qui rend un avis au Premier ministre sur la conformité de l'emploi des fonds. Il est tout à fait possible qu'une réforme soit faite et que ces modalités de contrôle soient élargies ; cela ne me dérangerait pas. Je pense que cela n'empêchera pas le service de mener les activités pour lesquelles il est mandaté.
PIERRE GANZ
La DGSE pourrait-elle poursuivre les missions qui sont financées sur fonds secrets, si elles étaient financées sur des fonds transparents votés par le Parlement ?
ALAIN RICHARD
Ils sont votés par le Parlement, ils sont affectés. La seule chose qui est indispensable, c'est que la règle de protection de l'information sur les activités de renseignement s'étende à ceux qui sont chargés du contrôle, ce qui existe dans beaucoup de pays.
PIERRE GANZ
Est-ce que des parlementaires pourraient être chargés de ce contrôle ?
ALAIN RICHARD
C'est ce à quoi je faisais allusion. Dans d'autres pays, des parlementaires veillent, exercent une information en tout cas, au nom du Parlement, sur les activités de renseignement de leur pays. Mais ils partagent l'engagement de protection de l'information.
PIERRE GANZ
Cela pourrait donc être la réforme que vous suggéreriez avec le Premier ministre ?
ALAIN RICHARD
Des parlementaires l'ont évoqué et le gouvernement n'y a pas marqué d'hostilité.
PIERRE GANZ
Alain RICHARD, vous rentrez des Etats-Unis, où vous avez rencontré notamment votre homologue Donald RUMSFELD, chargé de la Défense. Est-ce que l'idée d'une force de réaction rapide européenne est maintenant un peu mieux acceptée par les Américains ?
ALAIN RICHARD
Oui, je crois. Nous avons passé du temps, comme c'est normal, car c'est une nouveauté. Cela changeait le paysage, donc il y avait forcément des hésitations, voire des réticences. Nous avons passé - la plupart des gouvernements européens - du temps à expliquer à nos partenaires américains que cela constituait un plus pour l'ensemble euro-atlantique. Et que la demande qui avait été souvent faite par les Etats-Unis, que les Européens assument plus leur part de responsabilité face aux crises, et bien nous la satisfaisions d'une certaine façon. Donc cette idée est maintenant retenue et dans les dialogues que j'ai eus cette fois-ci, ce n'était plus un sujet important. La seule chose à mon avis légitime que nous objectent les Américains, c'est de dire : " vous avez pris un engagement de créer une force de 60 000 hommes, avec l'ensemble de ses capacités d'action et de son autonomie sur le terrain, montrez-nous que vous en prenez les moyens". C'est assez logique.
PIERRE GANZ
Et c'est un renvoi aux budgets. Les Américains disent souvent que les Européens ne dépensent pas assez pour la Défense.
ALAIN RICHARD
Aux budgets, au pluriel, des Quinze. Et la France n'est pas le pays qui a le problème le plus préoccupant là-dessus.
PIERRE GANZ
A propos de la défense antimissiles envisagée par les Américains, les Russes suggèrent que l'on puisse discuter globalement de stabilité stratégique à l'ONU. Est-ce que vous pensez que c'est une bonne idée ?
ALAIN RICHARD
Oui, s'il y a du fond, parce que nos amis russes font parfois aussi des propositions simplement pour créer un nouvel espace de discussions. Mais ensuite il faut regarder de quoi on parle. Nous, nous avons pris un grand nombre de dispositions pour limiter la puissance de notre force de dissuasion à ce qu'on appelle la stricte suffisance. Et nous sommes favorables, pour maintenir la légitimité de ces forces de dissuasion, à ce qu'il y ait le maximum de règles internationales qui s'y appliquent. Donc de ce point de vue là, nous sommes toujours ouverts, et nos partenaires britanniques sont dans le même état d'esprit. Ensuite, les autres partenaires doivent accepter que des règles internationales s'appliquent à leurs forces de dissuasion. Et ce qui est plus complexe dans le cas de nos partenaires russes ou chinois, ils doivent accepter que ces règles soient vérifiables sur place.
PIERRE GANZ
J'en viens concrètement à des illustrations de l'utilisation de forces européennes, dans le cadre de l'OTAN ou pas. En Macédoine, les discussions pour un accord de cessez-le-feu et aussi pour un accord politique progressent. Il n'est pas signé, mais on peut espérer qu'il le sera prochainement. Est-ce que la France participera à une force de l'OTAN au sol en Macédoine ?
ALAIN RICHARD
Oui, cette force ayant pour mission - c'est ce qui a été décidé au sein de l'alliance - d'opérer la collecte des armes après le cessez-le-feu ; le mandat d'une telle force a été adopté au sein de l'alliance à l'unanimité comme toujours. Il a été entendu qu'il reviendrait aux Européens d'armer cette force, nos amis américains estimant qu'ils ont déjà de multiples engagements et ne souhaitant donc pas s'engager au sein de cette force. C'est une distribution des rôles que j'accepte tout à fait, puisque les Européens déclarent vouloir prendre leurs responsabilités. Nous sommes dans un de ces cas.
PIERRE GANZ
Combien d'hommes la France mettrait-elle à disposition de cette force ?
ALAIN RICHARD
Probablement un peu plus de 500. Nous représenterions, comme c'est souvent le cas, entre 15 et 20 % de la force.
PIERRE GANZ
Et le commandement serait européen ?
ALAIN RICHARD
Oui, ce sera certainement un officier général d'un des pays européens.
PIERRE GANZ
C'est une mission fort difficile de désarmer les gens de l'UCK. N'est-ce pas une des missions les plus dangereuses ?
ALAIN RICHARD
L'idée est de mener cette mission une fois que les principaux partenaires engagés ont pris une promesse de ne plus agir par les armes. Et nous sommes très près de cette situation. Il y a déjà, depuis plusieurs jours, une très forte retenue des différents partenaires. Nous nous approchons donc de la situation que nous souhaitons ; ensuite - c'est la partie la plus délicate en responsabilité politique - il faudra apprécier si on considère que les partenaires ont pris suffisamment d'engagements de retenue d'emploi de la force pour y aller.
PIERRE GANZ
A propos du Proche-Orient, le ministre ses Affaires étrangères, Hubert VEDRINE, s'est dit hier convaincu qu'un mécanisme de surveillance d'un cessez-le-feu entre Palestiniens et Israéliens était maintenant nécessaire. Est-ce que cela veut dire que si cette force d'interposition existait, des Français y participeraient ?
ALAIN RICHARD
Oui. Et quand Hubert VEDRINE disait cela, il le disait en étroite coordination avec ses collègues ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne. C'est l'illustration du fait qu'en groupant nos forces et en coordonnant mieux nos politiques, l'Europe devient un partenaire indispensable. C'est aussi ce que j'ai essayé de montrer à nos amis américains, lors de mon voyage, en leur disant : "vous êtes une très grande puissance ; nous les Européens, nous n'avons pas la prétention d'être une super puissance mondiale, mais nous sommes un partenaire qui compte ; et il y a bien des endroits où l'on a besoin de nous".
PIERRE GANZ
L'interposition au Proche-Orient, la France en a un mauvais souvenir ; on peut penser à Drakkar au Liban, c'est une zone très dangereuse. Faut-il vraiment l'accord complet des Israéliens, des Palestiniens ?
ALAIN RICHARD
Ce qui est sûr, c'est qu'il faut que le cadre politique soit clair. Et dans la mesure où ce serait très certainement une action des Nations Unies, il faut que ce qu'on appelle les règles d'engagement soient claires dès le départ, que le commandant de la force sache quoi faire si l'un des protagonistes ne joue plus le jeu.
PIERRE GANZ
Alain RICHARD, nous sommes à 48 heures du 11 juillet ; quel sens prendra le défilé cette année, alors qu'il y a quelques semaines on annonçait la fin de la conscription ?
ALAIN RICHARD
Celui d'une nouvelle proximité entre les forces armées et les citoyens. Je crois que nos compatriotes ont une vision positive des armées, comprennent assez bien dans les principes ce qu'elles ont à faire, apprécient leur professionnalisme et leur maîtrise des situations.
PIERRE GANZ
Ne craignez-vous pas un peu un éloignement entre les Français et l'armée ?
ALAIN RICHARD
Nous y travaillons, c'est tout à fait naturel. Mais je crois que la base est bonne et que toutes les enquêtes d'opinion et les comportements des Français montrent que ceux-ci croient à leur défense et la soutiennent. Moyennant quoi, il faut évidemment renforcer l'information, clarifier les rôles de la nouvelle défense, car nos concitoyens ont compris qu'il y avait une réforme.
PIERRE GANZ
D'où une campagne de photos qui commence
ALAIN RICHARD
Voilà, elle fait apparaître quels sont aujourd'hui les principes de fonctionnement de la nouvelle défense. Bien entendu, avec la fin de la conscription, on se dit qu'il y a moins de proximité entre la défense et les Français. Honnêtement, la conscription dans les dernières années, alors que le rôle proprement militaire des appelés était de plus en plus imprécis, n'était par forcément un très bon moyen de liaison. Je crois que la relation directe d'information et de participation des citoyens est aujourd'hui meilleure.
PIERRE GANZ
Merci, bonne journée à vous, Alain RICHARD.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 30 juillet 2001)