Conférence de presse de M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, sur le projet de loi de ratification du traité de stabilité, de coordination et de gouvernance budgétaire (TSCG) et la maîtrise des comptes publics, à Paris le 19 septembre 2012.

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Circonstance : Point-presse à l'hôtel de Marigny, à Paris le 19 septembre 2012

Texte intégral

Mesdames, messieurs les ministres, mesdames, messieurs, comme vous le savez le Conseil Constitutionnel, saisi par le président de la République, a rendu sa décision au mois d’août, et a considéré que concernant le Traité de stabilité, de coordination et de gouvernance budgétaire en Europe, il n’y avait pas lieu de réformer la Constitution. Cela signifie qu’il n’y aura pas d’inscription dans la Constitution, de règle d’or, et que le Parlement garde sa souveraineté budgétaire. Il n’y a donc pas de transfert de souveraineté. C’est un point essentiel, très important, qui a conduit le Conseil des ministres, ce matin, à adopter le projet de loi de ratification de ce Traité, ainsi que le projet de loi organique qui traduit concrètement l’engagement que prévoit ce Traité, de maîtrise de nos comptes publics. Et ceci en conformité avec ce que le texte indique.
Il faut resituer cette décision dans son contexte. Il s’agit d’un moment extrêmement important de l’avenir de la construction européenne. Pendant la campagne des présidentielles, le président de la République, François Hollande, s’est engagé à tout faire pour la réorientation de l’Europe dans le sens de la croissance. J’interviendrai donc devant le Parlement, dès le 2 octobre à l’Assemblée nationale, et ensuite au Sénat, pour préciser le paquet global qui est proposé au vote des parlementaires. Les lignes ont bougé en Europe, elles ont beaucoup bougé, et il sera important de rappeler d’où nous venons et quelle aurait été la situation si rien n’avait changé.
C’est le vote des Français a fait bouger les lignes en Europe. J’étais hier à Bruxelles, j’ai rencontré le président Barroso, à l’évidence un nouveau climat existe, et qui s’est traduit dans les faits. Le Conseil européen des 28 et 29 juin a adopté un pacte de croissance, que nous allons mettre en oeuvre, concrètement, sur l’ensemble de nos territoires. Il a également adopté aussi le lancement de l’Union bancaire et de la supervision bancaire qui fera l’objet d’une décision de mise en oeuvre concrète au Conseil européen des 16 et 17 octobre prochain. Nous sommes au coeur des questions qui se posent notamment celle de la liberté des banques d’agir sans contrôle. La Banque Centrale Européenne aura donc un rôle de supervision, élément fondamental, car on sait dans quelles conditions la crise financière s’est déclenchée. Il faut mettre un terme à cette dérive qui porte préjudice à nos économies et à l’emploi. Autre décision extrêmement importante qui a été adoptée par le Conseil européen, c’est la mise en place d’une taxe sur les transactions financières. Certes, tous les pays ne l’adopteront pas, mais un nombre minimum de pays le fera. Cette taxe est avant tout le fruit d’une longue revendication, en tout cas de ceux qui sont ici à cette tribune, qui ont mené le combat depuis tant d’années. Nous avons obtenu satisfaction. Et puis vous avez noté que dans la dernière période, et ce n’est pas sans rapport avec ce nouveau contexte politique, la Banque Centrale Européenne intervient dans des conditions tout à fait nouvelles et dans la bonne direction, pour appuyer les efforts faits par un certain nombre d’Etats, je pense à l’Italie, je pense à l’Espagne. Ces pays sont pénalisés par des taux d’intérêts élevés, qui portent préjudice à l’ensemble de la zone euro, pénalisant ainsi le redémarrage de la croissance. Donc ce qui s’est passé, ce qui est en cours, va dans la bonne direction. Par ailleurs, vous avez aussi observé que la manière d’aborder la question de la Grèce a évolué, avec un objectif qui est très clair, qui a toujours été celui de la France, de tout faire pour la Grèce reste dans la zone euro.
Le Parlement français est donc amené à se prononcer, sur ce paquet global, sur la ratification d’un Traité qui prend tout son sens dans le contexte que je viens d’indiquer, avec le pacte de croissance, la taxe sur les transactions financières. Vous voyez bien dans quelle perspective nous sommes désormais engagés pour l’avenir de l’Europe.
Est-ce que tout le chemin est fait ? A l’évidence non. Nous avons encore devant nous d’autres étapes. Le Conseil des 28 et 29 juin n’est pas la fin de l’histoire, mais plutôt le début d’une réorientation de l’Europe. La France fera donc, prochainement, des propositions par la voix du président de la République. Le gouvernement y travaille avec lui, pour que nous puissions franchir une nouvelle étape de la construction européenne, dans le sens de la croissance, dans le sens de la création d’emplois, dans le sens d’une Europe qui maîtrise son destin, qui traite les grandes questions. Je pense en particulier à la grande question de la transition énergétique. Nous avons donc devant nous des projets, encore beaucoup de travail, mais c’est dans ce cadre que le Parlement est amené à se prononcer.
Je dirais par ailleurs, avant de conclure, sur ce point, que la France s’est engagée dans la voie de la maîtrise de ses comptes publics, certains veulent faire croire que c’est le Traité qui nous l’impose. Non. Ce sont les engagements du président de la République pendant la campagne des élections présidentielles, que le gouvernement met en oeuvre. Vendredi de la semaine prochaine, nous continuerons, avec l’adoption d’un projet de loi de finances qui mettra la France dans la situation de maîtriser ses comptes publics en restant dans les 3 % de déficit. Ce n’est pas le Traité qui nous l’impose, c’est une décision que nous prenons pour défendre nos propres intérêts. Nos propres intérêts consistent à garder notre souveraineté et notre indépendance, et ça ne peut pas être le cas si nous laissons dériver nos comptes publics, augmenter notre dette. Celle-ci qui n’a cessé d’augmenter, au moins depuis cinq ans, de 900 milliards, et qui a creusé les déficits dont nous devons maintenant payer la facture. Le redressement de nos comptes publics a pour but de redonner à la France des marges de manoeuvre pour relancer la croissance, investir dans les investissements d’avenir, dans l’éducation, dans la compétitivité de notre économie. C’est donc l’enjeu même de l’action du Gouvernement.
Mais s’agissant de l’Europe et de la nécessaire réorientation que j’ai évoquée il y a quelques instants, il est important de pouvoir poursuivre l’action que nous avons menée. Le vote du Parlement, que je souhaite massif, sera un vote qui donnera encore plus de force à la voix du président de la République dans les prochains rendez-vous européens. Je crois que chacun peut comprendre que si le 28 et 29 juin, la voix de la France a été davantage écoutée, et entendue, c’est parce que les Français s’étaient prononcés très clairement par leur vote en élisant un nouveau président de la République et, un mois après, une large majorité parlementaire qui le soutient. Plus le message parlementaire, à travers le vote, sera fort, plus la voix de la France sera forte, et plus nous pourrons continuer à travailler à la réorientation de l’Europe. Voilà le sens de la proposition que fait le gouvernement devant le Parlement. Mesdames, messieurs, nous sommes avec les ministres, à votre disposition pour répondre à vos questions.
Florent Guignard, RFI
Monsieur le Premier ministre, bonjour, Florent Guignard de RFI. Je voulais savoir si votre déclaration devant le Parlement sera suivie d’un vote ?
Jean-Marc Ayrault
La décision n’est pas encore prise, ce qui est sûr c’est que les parlementaires auront à prendre leurs responsabilités, sur le Traité lui-même, et sur la loi organique.
Jérémy Brossard, BFM TV
Monsieur le Premier ministre, Jérémy Brossard, BFM TV. Est-ce que ça ne pose pas un problème politique si vous avez besoin des voix de l’opposition, notamment au Sénat, pour faire adopter ce Traité budgétaire ?
Jean-Marc Ayrault
Je crois que mon message est très clair. Ce que nous demandons au Parlement, et aux parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat, c’est de prendre leurs responsabilités. Est-ce que oui ou non la France a obtenu des résultats ? Est-ce que oui ou non des pas significatifs ont été faits dans le sens de la réorientation de l’Europe, et est-ce que nous voulons poursuivre cette réorientation ? Et donc l’appel que je lance à tous les parlementaires, c’est de prendre des responsabilités de choix, de défendre les intérêts de la France, c’est ça le sens du vote. Ce n’est pas un jeu tactique. Là nous sommes face à des enjeux très importants. Il y a deux ans et demi s’est déclenchée la crise grecque, il a fallu tant de temps pour en sortir, et nous n’en sommes pas encore sortis, le rapport de la troïka sera présenté, il y aura des solutions à trouver, mais les choses avancent, et Pierre Moscovici y travaille, pour le gouvernement français. Mais je crois qu’il faut que la France continue d’apparaître comme un acteur extrêmement déterminant de l’avenir de l’Europe, d’ailleurs, on le sait, l’Europe ne peut pas se faire sans la France, donc notre voix pèse, et quand elle est unie, quand elle est forte, elle pèse davantage.
Jean-Jérôme Bertolus, i>télé
Monsieur le Premier ministre, Jean-Jérôme Bertolus, i>télé, Canal+. Donc, vous appelez à la responsabilité des parlementaires, il y a des voix qui se font entendre au sein du groupe socialiste, mais y compris, et surtout peut-être aussi, avec vos alliés écologistes et Front de gauche, ceux-là vous les appelez à la solidarité de la majorité ?
Jean-Marc Ayrault
Ceux qui croient à l’Europe, ceux qui sont sincèrement européens, sauront prendre leurs responsabilités. comme toujours, dans ce genre de circonstance, et pour des votes aussi importants, il est parfaitement légitime qu’il y ait débat, et donc il y a un travail qui se fait, d’explications, de pédagogie, je remercie d’ailleurs les différents ministres ici présents, et particulièrement le ministre délégué chargé des Affaires européennes, de prendre tout le temps nécessaire pour convaincre de ce qui est en train de se passer et de ce qu’est l’enjeu de ce vote. Je peux vous dire que son travail est particulièrement apprécié et écouté. Donc, il y a encore des hésitants, il y a encore des positions évidemment d’hostilité, vous avez cité plusieurs formations politiques, on connaît les points de vue de certains, mais ce ne sont pas des points de vue nouveaux. Mon objectif, et celui du gouvernement, c’est de convaincre le plus grand nombre de parlementaires, et notamment parmi les hésitants, à prendre leurs responsabilités à la fois, pour ceux de la gauche, en cohérence avec les engagements présidentiels, apportant au président un soutien clair, ce qui est la logique même de leur élection, je pense en particulier aux députés, mais au-delà, de renforcer la position de la France pour qu’elle soit encore davantage entendue.
Clémentine Forissier, euractiv.fr
Bonjour, Clémentine Forissier, euractiv.fr. Vous avez parlé de nouvelles propositions, que la France ferait pour réorienter l’Europe, vous avez évoqué la transition énergétique, est-ce que vous pouvez nous en dire un tout petit peu plus, et est-ce qu’il y a une idée du calendrier.
Jean-Marc Ayrault
Je pense que c’est encore prématuré. Nous aurons bientôt une réunion autour du président de la République pour définir précisément les propositions de la France, qui seront faites dans les prochaines semaines. Je voudrais ajouter aussi, pour compléter ma réponse aux questions précédentes, que le mécanisme européen de stabilité, on pourrait dire de solidarité, pour être activé, pour être mis en oeuvre au service d’un pays, nécessite la ratification du Traité. Les pays qui ne ratifient pas le Traité ne pourront pas bénéficier de ce soutien en cas de difficulté. Donc je crois qu’on ne peut pas à la fois demander plus de solidarité, le MES est maintenant ratifié par l’Allemagne qui était le dernier à ne pas l’avoir fait, la Cour constitutionnelle a donné son feu vert, il faut maintenant pouvoir l’utiliser en cas de besoin. Donc la ratification du Traité est le complément nécessaire pour que cet outil très important dans l’étape de la construction européenne dans la zone euro puisse être effectif.
Hervé Nathan, Marianne
Monsieur le Premier ministre, est-ce que votre difficulté ponctuelle ce n’est pas que les Français voient arriver un texte qui ratifie le Traité, alors qu’ils ne voient pratiquement aucun élément du pacte pour la croissance du 28 et 29 juin derniers…
Jean-Marc Ayrault
Pardon, je vous propose d’écouter monsieur Cazeneuve qui devant le Conseil des ministres a rappelé précisément la méthode que le gouvernement utilise pour mettre concrètement en oeuvre, pour que les Français voient les résultats, notamment dans les territoires, de cette décision importante contenue dans la décision du 28 et 29 juin.
Journaliste italien, 24 Ore
Vous avez évoqué l’union bancaire. Justement sur ce point là il y a apparemment des désaccords entre vous et l’Allemagne pour ce qui concerne en particulier la recapitalisation directe des banques. Je voulais savoir si vous pouvez nous expliquer un peu mieux en quoi consiste ce désaccord, et si c’est un désaccord qui peut avoir un impact sur le calendrier de l’union bancaire ? Merci.
Jean-Marc Ayrault
Je vais laisser Pierre Moscovici compléter mais notre objectif c’est bien d’aller vite. Les décisions ont été prises le 28 et 29 juin et il y a toujours parfois des résistances ou des réticences dans tel ou tel pays, mais il faut regarder aussi les situations en fonction de leur réalité. Donc chaque pays a ses spécificités. Donc la discussion est en cours ; Nous souhaitons un accord évidemment, si possible donc le 16 et 17 octobre, mais j’ai évoqué ce point avec le président Barroso hier, les choses avancent pour rapprocher les points de vue entre l’Allemagne et la France. Vous savez que la France souhaite la supervision de toutes les banques, mais peut-être que Pierre Moscovici peut donner et faire état des dernières discussions qu’il a pu avoir avec son collègue monsieur Schäuble.
Journaliste
Monsieur le Premier ministre une question … Vous avez ce matin sur RTL défendu la liberté d’expression sur cette histoire de Charlie Hebdo, est-ce que vous êtes inquiet sur ce qui pourrait se passer samedi et quelle disposition vous avez prise avec d’autres membres du Gouvernement pour éviter que les choses puissent mal se passer ?
Jean-Marc Ayrault
J’ai rappelé la fermeté du Gouvernement. Nous sommes dans un État de droit, il y a la liberté d’expression, de la presse y compris jusqu’à la caricature, et en même temps il y a la responsabilité. Et en ce qui concerne l’ordre public, toutes les précautions sont prises avec le ministère de l’Intérieur pour qu’il soit totalement assuré. Mais je pense qu’il serait utile que nous entendions Laurent Fabius, qui était au Caire il y a quelques heures et qui peut faire état aussi de cette opinion sur cette délicate question.
Jean-Marc Ayrault
Merci mesdames, messieurs.
Source http://www.gouvernement.fr, le 20 septembre 2012