Déclaration de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'Etat, de la décentralisation et de la fonction publique, sur la participation des collectivités territoriales, notamment des villes moyennes, à la modernisation de l'action publique et à la réforme de la décentralisation, au Sénat le 26 septembre 2012.

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Circonstance : Journée d’étude de la Fédération des villes moyennes (FVM), organisée au Sénat le 26 septembre 2012

Texte intégral

Monsieur le Président, Cher Christian,
Mesdames et messieurs les Maires,
Je vous remercie très chaleureusement de m’avoir invitée à venir clôturer les travaux de votre assemblée générale de la fédération des villes moyennes de France. Je veux saluer l’action de son Président Christian Pierret qui défend avec énergie le rôle des villes moyennes. Dès ma nomination, j’ai échangé avec une délégation de votre association peu de temps après ma prise de fonction. J’ai pris connaissance avec attention des quinze propositions de votre fédération pour renforcer la décentralisation. C’est une contribution précieuse.
Mesdames et messieurs, vous êtes d’abord des maires.
Le maire de la ville est de loin l’élu le plus connu, le mieux identifié par nos concitoyens. C’est ainsi bien souvent l’interlocuteur naturel des populations, le premier ou le dernier recours. C’est d’abord vers le maire que se tournent nos concitoyens et notamment les plus en difficulté, comme ceux qui cherchent un soutien pour leurs projets.
Si vous êtes en première ligne, sur le terrain, c’est aussi parce que l’action municipale est le premier niveau de service public local rendu dans notre pays, dont l’importance prend tout son sens surtout en cette période de crise. Cette accessibilité, cette simplicité, cette visibilité de l’institution communale est non seulement un repère, une force mais aujourd’hui un atout dans la démocratie et la gouvernance locale, dans l’action publique locale.
Aujourd’hui, un effort important doit justement être entrepris avec courage et détermination pour restaurer l’action publique locale, restaurer sa légitimité, restaurer sa valeur ajoutée. C’est le sens de la réforme de l’action publique que m’ont confiée le Président de la République et le Premier ministre.
C’est toute l’ambition du ministère dont j’ai la charge : moderniser l’action publique pour refonder la puissance publique du conseiller général au Président de Région, du maire au Ministre. Conjuguer réforme de l’Etat et la décentralisation avec le concours de toutes les fonctions publiques.
Moderniser l’action publique c’est le fruit de tous les niveaux de l’action publique :
Restaurer la puissance publique en temps de crise, c’est réhabiliter la République, la promesse républicaine à travers ses grandes missions tant stratégique que de proximité.
Restaurer la puissance publique, c’est restaurer l’Etat républicain, dans toutes ses dimensions régaliennes, sur tous les territoires : le canton rural, la commune périurbaines, comme les quartiers et les centres-villes.
Parce la puissance publique est la propriété de chaque citoyen, alors nous devons avoir le souci de l’efficacité au service de chacun sur le territoire.
Etat, collectivités locales nous avons le devoir de réarmer la collectivité publique, injustement dénigrée, inopportunément démantelée, au point de faire douter nos concitoyens de son efficacité et de son utilité sociale.
L’objectif est clair : redéfinir les missions de l’Etat et les missions des collectivités.
Nous n’y parviendrons qu’avec le concours des collectivités locales, avec votre concours.
Dans quelques jours, le 1er octobre prochain, le Premier ministre organisera un séminaire gouvernemental sur la modernisation de l’action publique. Il lancera ainsi le chantier de la redéfinition des missions de services publics, partie intégrante du modèle républicain.
Nous aurons bien des débats, qui suivront ceux que le Sénat organise avec les Etats généraux de la démocratie territoriale. On écoute les élus et on s’appuie sur ce qu’ils disent. Après une rupture du dialogue et de la confiance, nous engageons aujourd’hui la réparation, comme le Président de la République s’y est engagé.
Il nous faudra d’abord nous doter des bons outils pour passer d’une consultation de forme, par le passé, à une réelle concertation. Ce sera au Haut conseil des territoires d’y veiller, en associant au delà de la réunion permanente des grandes catégories de collectivités, les fédérations comme la vôtres. Le Haut-Conseil des territoires, appuyé sur le Sénat, sera l’instance au sein de laquelle s’instaurera un dialogue permanent entre l’Etat et les collectivités locales. Le poids des normes croissantes pénalise la réactivité des réponses locales. Le HCT réunira également les comités sectoriels existant entre l’Etat et les collectivités : des commissions qui prolongent les travaux des comités : finances locale, évaluation des charges transférées et d’évaluation des normes car tous ces sujets sont liés. La limitation sinon la simplification des normes constituera un impératif : alléger les contraintes législatives et règlementaires, c’est justement faire davantage confiance au local.
Cette rénovation de l’action publique, que je conduis à la demande du Premier ministre ne se fera par ailleurs pas dans une logique verticale imposant depuis Paris un modèle standardisé de compétence pour l’Etat ou pour les collectivités.
Les conférences territoriales des compétences que je veux voir organisées avec tous les acteurs locaux seront là pour y veiller.
Ces conférences territoriales concrétisent notre souhait de ne pas enfermer les collectivités locales dans un modèle unique, qu’il s’agisse des compétences transférées ou des formes de leur exercice. Etat et collectivités, les villes, discuteront compétence par compétence des modalités concrètes d’exercice, dans le respect du principe de non tutelle d’une collectivité sur l’autre. Ces conférences doivent nous permettre de mieux prendre en compte la diversité des territoires, ruraux, urbains, péri urbains ou métropolitain. Ce que le Président du Sénat appelle le pacte de Gouvernance.
Pour conduire cette réforme de la décentralisation, nous sommes prêts. Prêts parce que nous concertons toutes les associations d'élus. Elles ont toutes été reçues par le Premier ministre et moi-même avec une méthode claire et annoncée à tous : tous les scénarios de décentralisation ont été travaillés pour le projet de loi. Projet de loi que nous serons ainsi en mesure de présenter en conseil des ministres, comme nous nous y sommes engagés, avant la fin de cette année.
Ce projet de loi va ainsi bénéficier spécifiquement des travaux des élus dans les Etats Généraux organisés par le Sénat la semaine prochain. C'est bien à l'issue de ce processus d'écoute et de prise en considération des attentes des élus locaux que nous pourrons peaufiner la réforme et rédiger l'avant projet de loi. Les parlementaires ont écrit de nombreux rapports, les sénateurs émettent régulièrement des propositions de loi qui doivent nous inspirer, les associations travaillent également sans relâche.
Le projet ne sera pas un projet de ministère mais un projet conçu collectivement. C’est un changement radical de méthode avec le gouvernement précédent. On concerte avec les agents et leurs représentants ; on écoute, on échange comme avec les acteurs territoriaux.
Car c’est seulement à cette condition que les missions respectives de l’Etat et des collectivités pourront être clarifiées. C’est seulement à cette condition que les politiques publiques y gagneront en légitimité, en responsabilité et en efficacité.
J’en veux pour preuve - justement – le bénéfice pour les villes moyennes de notre pays.
Vous vous êtes interrogés cette après-midi sur la place des villes moyennes dans la réorganisation territoriale .Je veux vous dire que la présence de l’Etat doit conforter la place de vos villes l’organisation territoriale de demain.
Les villes moyennes occupent une place à part dans notre organisation territoriale : entre les grandes villes régionales et les petites villes, les villes moyennes assurent le maillage de l’ensemble du territoire français.
Les villes moyennes de France constituent l’armature urbaine de notre pays, le réseau de villes centres des bassins de vie au sein desquels s’organise le quotidien de nos concitoyens : travail, école, santé, services, loisirs.
Les villes moyennes sont des « pôles d’équilibre » indispensables à l’équilibre territorial
Pas un seul département, pas un seul arrondissement qui compte une ou plusieurs villes moyennes.
Je profite d’avoir devant moi la plupart de ces villes centres des bassins de vie de notre pays pour évoquer l’intercommunalité.
Les villes moyennes jouent un rôle essentiel d’animation, d’impulsion et de solidarité non seulement pour leurs habitants mais aussi pour les habitants des espaces périurbains. Les résultats des dernières élections présidentielles ont traduit un certain mal être des habitants de ces nouveaux espaces, venant pour certains des villes centres, ainsi fragilisées lorsqu’elles perdent de la population.
L’intercommunalité équilibrée, durable, acceptée par les communes est la réponse à la prise en charge d’une plus grande cohésion sociale à l’échelle des bassins de vie. Une intercommunalité acceptée, désirée, équilibrée est la condition d’une intercommunalité réussie, et donc d’un bénéfice pour les communes « racines », pour reprendre vos termes, autant les villes centres que leurs voisines. C’est la raison pour laquelle, j’ai demandé que soit menée dans la concertation et avec une certaine souplesse autant que faire se peut, d’ici le 31 décembre 2012, l’achèvement de la carte intercommunale là où elle n’est pas encore réalisée.
L’achèvement de la couverture intercommunale est d’autant plus nécessaire que l’intercommunalité constitue le bon véhicule de la mutualisation : au sein du bloc communal, les coopérations sont justement nécessaires pour mieux exercer des compétences et des services de proximité. Les villes moyennes sont bien souvent les pivots de cette mutualisation de services, qui doit se développer sur la base du contrat.
Les villes moyennes ont donc un rôle central dans notre organisation territoriale comme « pôle d’équilibre » qui accueille sur son territoire activités économiques, populations et services publics. Au nom et de l’aménagement du territoire, nous voulons conforter ces pôles d’équilibre que constituent les villes moyennes.
Comment ? En réponse à vos préoccupations légitimes, comme premiers édiles de ces villes « armatures », je veux vous affirmer que notre priorité sera de conforter les capacités opérationnelles de l’Etat sur le terrain.
Le Premier ministre a demandé aux ministres de veiller à ce que les services opérationnels, les échelons de proximité, soient protégés. Cette priorité concerne en premier lieu le niveau départemental des services de l’Etat, qui a été systématiquement sacrifié alors que c’est bien souvent l’interlocuteur privilégié des maires et des collectivités. C’est à cet échelon que nous porterons une attention particulière dans toutes les décisions que nous serons amenés à prendre.
Nous voulons un Etat présent et efficace, un service public accessible, qui passe nécessairement par des villes « têtes de pont » dans l’animation des territoires plus vastes que constituent les bassins de vie quotidiens, vécus par les habitants. Un Etat fort est un Etat proche.
La réflexion sur les missions de l’Etat et la réforme de l’Etat comporte obligatoirement une vision territoriale. C’est pour cela qu’elle sera menée parallèlement au chantier de la décentralisation.
L’approfondissement de la décentralisation s’appuiera bien sûr sur de nouveaux transferts de compétences mais pas seulement.
On peut d’ailleurs d’ores et déjà distinguer deux types de compétences « transférables ».
Le premier correspond aux compétences pour lesquelles le transfert est mûr dans les esprits et sera donc général. Nous savons ainsi que le retour à l’emploi des demandeurs d’emploi, grâce à la formation professionnelle, gagnera à une clarification rapide des rôles respectifs de l’Etat, des collectivités et de leurs opérateurs. Nous avons déjà reconnu à travers la création de la Banque Publique d’investissement le rôle important des régions dans le développement économique de notre pays.
Le second type de compétences sera expérimenté de façon optionnelle par les collectivités territoriales dès lors qu’elles se seront portées candidates à leur expérimentation, dans le cadre des conférences régionales de 2013.
Mais la nouvelle décentralisation ne s’appuiera pas seulement sur de nouveau transferts de compétences comme le précédent acte de décentralisation.
Notre ambition est bien de renouer avec l’esprit et le souffle de la première réforme de 1982.
C’est dans le cadre d’une rénovation de l’action publique, au sens large, que nous trouverons bien des réponses aux enjeux économiques et sociaux de notre siècle. C’est bien vers le citoyen que la rénovation de l’action publique doit être tournée.
La reconquête de l’autonomie financière des collectivités reste pour ce gouvernement un enjeu.
Pour cela et nous avons engagé une réflexion sur l’évolution de la fiscalité locale, en lien avec les services de Bercy, afin de donner plus d’autonomie fiscale aux collectivités, qui n’en ont plus.
Dans ce cadre, les collectivités territoriales seront associées à l’effort de redressement des comptes publics pour les années 2014 et 2015. Les dotations ont été stabilisées en valeur en 2013. Le gel des dotations en valeur représente déjà un effort des collectivités en 2013, cet effort est mesuré par rapport à celui que fournit l’Etat. Il s’est agi pour le Gouvernement de laisser avant la réforme suffisamment de ressources aux Collectivités pour qu’elles continuent même si c’est difficile à investir et, par conséquent, à participer au maintien de la meilleure croissance possible.
Notre engagement général de « redressement dans la justice » a conduit le Gouvernement à être attentif à la solidarité entre les territoires afin que les collectivités les plus pauvres ne soient pas fragilisées : la péréquation est inscrite à notre agenda territorial.
Nous avons d’ores et déjà répondu aux risques pesant sur le crédit bancaire. Le besoin annuel de financement bancaire des collectivités est de 18 milliards d’euro. Jusqu’en 2011, la banque DEXIA apportait 7 Md€ de crédits. Sa cessation d’activité de la banque DEXIA met les projets d’investissement sous tension. Plusieurs pistes de réflexion sont sur les rails : de la banque publique des territoires aux émissions obligataires en passant par l'agence de financement des collectivités. Pour la banque publique, les négociations avec la Communauté Européenne ralentissent sa mise en place. Le problème de l'agence est lui plus directement lié à la garantie de l'Etat. Nous étudions le modèle avec holding à statut mutualiste en lieu et place de l’EPIC.
Sans attendre, plusieurs solutions d’urgence ont été mises en place par le Gouvernement. La Banque Postale qui a mis sur le marché plus de 4 milliards d’euros de financement et vient d’obtenir son agrément pour apporter des crédits bancaires de plus longue maturité. La Caisse des dépôts et Consignation a proposé une enveloppe exceptionnelle de crédits de 3 milliards d’euros.
Mesdames, messieurs les maires des villes, sachez qu’à travers cette réforme de l’action publique en général et de la décentralisation en particulier, nous accorderons la plus grande attention au bloc communal, aux élus municipaux, avec le souci de la simplification, de la fluidification de l’action publique. Parce qu’elles exercent un rôle structurant au-delà de leurs seules frontières, les villes moyennes constituent un échelon efficace du service public rendu à nos concitoyens. Vous pouvez compter sur moi pour associer pleinement les villes de France à la réussite de ce nouvel acte de décentralisation.
Source http://www.villesmoyennes.asso.fr, le 4 octobre 2012