Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, sur les "nouvelles perspectives européennes" et les enjeux liés à l'adoption du traité budgétaire européen, au Sénat le 10 octobre 2012.

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Circonstance : Débat sur le projet de loi de ratification du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l'Union économique et monétaire, au Sénat le 10 octobre 2012

Texte intégral

Merci Monsieur le président du Sénat. Mesdames, Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, il y a des votes qui marquent plus que d’autres notre histoire commune et en particulier l’histoire parlementaire parce que ce vote auquel je vous invite cet après-midi engage l’avenir de notre pays. Ce n’est pas simplement un traité européen de plus que le gouvernement soumet à votre approbation, c’est un choix d’avenir que je vous invite à faire, celui de garantir la zone euro, de maintenir la France dans la zone euro, plutôt que, comme certains le préconisent ou ne l’assument - pas tout en agissant dans cette direction, - de prendre le chemin inverse. Le choix de la confiance aussi dans la capacité de l’Union européenne à repartir de l’avant plutôt que celui de la défiance.
Je sais que dans votre immense majorité, vous êtes attachés à notre destin européen et vous avez conscience de la responsabilité particulière de la France dont la voix porte haut et fort en Europe parce qu’il n’y a pas d’Europe sans la France.
Mais la réalité, c’est que l’Union européenne est la première puissance économique mondiale et la première puissance commerciale du monde. C’est grâce à elle que nous avons les moyens de peser dans les instances internationales pour défendre notre économie, promouvoir nos standards sociaux et environnementaux. C’est grâce à l’euro que nous n’avons plus à subir des dévaluations dévastatrices pour le pouvoir d’achat des plus modestes.
Ma conviction – et c’est celle, je crois, aussi, sans préjuger de votre vote, de la majorité de votre assemblée –, c’est que la France ne se relèvera pas durablement et efficacement sans l’Europe. Mais en même temps elle ne le fera et ne pourra le faire que si l’Europe change car l’Europe est en crise et l’urgence est là. Il n’y a pas de précipitation à voter, y compris cet après-midi. L’urgence est là et donc reporter les décisions serait une faute et une lourde responsabilité parce que la croissance est au plus bas dans la zone euro, le chômage et la pauvreté progressent. Même nos partenaires de l’Europe du Nord ne sont plus à l’abri du ralentissement. Et malgré les efforts accomplis, nos partenaires du sud continuent de subir les effets de la récession.
Partout au sein de l’Union, la crise économique frappe durement tous les peuples qui perdent peu à peu confiance dans la construction de l’Europe. Et cette Europe n’est plus perçue, par beaucoup de nos concitoyens en France et dans l’Europe, comme le projet partagé et mobilisateur que nous avons connu il y a quelques années. Sur l’ensemble du continent, le populisme prospère, les égoïsmes nationaux, le refus de la solidarité gagnent peu à peu du terrain. Si nous refusons toute avancée au motif que nous la trouvons insuffisante, ce sont ces forces-là, celles du repli, celles du renoncement, qui finiraient par l’emporter.
Mesdames et Messieurs les sénateurs, ma volonté, la volonté du Gouvernement, c’est de réorienter le cours de la construction européenne, conformément aux engagements que le président de la République a pris devant le pays en mai dernier.
Nous sommes des Européens convaincus, mais nous sommes aussi en désaccord avec le chemin qui a été suivi depuis dix ans. Pour faire face à la crise et à ses conséquences désastreuses, les sommets, que l’on appelait les uns après les autres les sommets de la dernière chance, se sont succédés, sans apporter de réponses de fond satisfaisantes. Les gouvernements européens se sont contentés d’appliquer des politiques de rigueur budgétaire. Mais sans le soutien de la croissance, et l’actualité nous le rappelle, la réduction des déficits, seule, ne peut que conduire à la récession.
Voilà pourquoi il est indispensable, il est nécessaire de bouger les lignes en Europe. C’est le mandat que les Français ont confié au président de la République. Et ce mandat – je le dis devant vous –, à cette étape, ce mandat a été respecté.
Oui, Mesdames et Messieurs les sénateurs, la réorientation de l’Europe est en cours et c’est cette réorientation décisive pour l’avenir de notre maison commune que je suis venu vous demander de soutenir aujourd'hui pour la consolider et surtout pour l’amplifier. Alors vous allez voter pour ou contre la ratification du Traité. Mais à travers votre vote, c'est sur la réorientation de l’Europe que vous vous prononcerez.
Et la première des exigences démocratiques, c’est de se prononcer sur le Traité en toute connaissance de cause. Il m’appartient donc d’écarter certaines interprétations volontairement erronées.
Certains parlementaires cependant parmi les mieux disposés ont pu s'inquiéter à un moment de l'introduction d'un carcan constitutionnel bridant nos finances publiques. Mais le Conseil constitutionnel – et j’entendais hier un député qui a voté contre, qui disait que cette décision était politique... Quand une décision du Conseil constitutionnel arrange, on le félicite ; quand elle ne convient pas, on le dénonce politiquement. Mais le Conseil constitutionnel s’est prononcé et il s’est prononcé justement sur ce sujet et nulle règle d’or ne sera inscrite dans notre loi fondamentale. Au point que le Conseil constitutionnel n’a pas jugé nécessaire de modifier la Constitution et que de ce point de vue, il n’y a pas de transfert de souveraineté. Et c’est très important pour une Assemblée parlementaire, que ce soit l’Assemblée nationale ou le Sénat.
J’ai dit l’autre jour devant l’Assemblée nationale que le traité lui-même ne comporte aucune contrainte sur le niveau de la dépense publique, qu’il n’impose pas davantage de contrainte sur sa répartition, qu’il ne dicte pas la méthode à employer pour rééquilibrer les comptes. Alors un ancien Premier ministre – mon prédécesseur –, quelques heures après, à la radio, m’a qualifié "d’irresponsable". Mais je ne faisais qu’affirmer que la souveraineté du Parlement sur le vote du budget était préservée. Et il s’est trouvé qu’au même moment, j’ai rencontré le ministre des Affaires étrangères de la République fédérale d’Allemagne à l’occasion de la fête de l’unité allemande et qu’il m’a félicité. Je n’attendais pas de félicitation pour mes discours mais il m’a félicité d’avoir dit ça : "C’est-à-dire que vous avez, en effet, affirmé devant l’Assemblée nationale que la souveraineté parlementaire sur le budget était préservée. Eh bien nous, Allemands, nous revendiquons aussi la souveraineté budgétaire."
Ce n’est pas parce que nous avançons dans la direction d’une discipline collective assumée sur les déficits et les grands équilibres, ce n’est pas parce que nous avançons vers une plus grande coordination de nos politiques économiques, de nos politiques budgétaires et fiscales que pour autant, nous abandonnons notre souveraineté. Non, le Conseil constitutionnel l’a dit, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, c’est vous qui continuerez à voter le budget de la France.
D’ailleurs, pour être complet, le traité qui vous est soumis est même plus souple que le traité de Maastricht que beaucoup avaient voté, mais que d’autres avaient contesté, puisque, au fond, on connaît la contestation de la construction européenne depuis le début de la création d’une monnaie unique et que donc certains points de vue qui perdurent ne sont pas en contradiction avec l’opposition à Maastricht.
Mais concernant Maastricht justement et ce nouveau traité, le principe de l’équilibre du solde structurel des dépenses publiques, je dis bien structurel, autorise les États à prendre des mesures adaptées pour faire face aux situations de crise économique. Donc il y a, en effet, une différence.
Mais je voudrais ajouter aussi quelque chose, c’est qu’il est un peu facile, face aux difficultés particulièrement graves que connaît notre pays, de se défausser pour l’Europe, sur l’Europe et de dire que ce que le Gouvernement entreprend pour redresser les finances publiques, pour améliorer la compétitivité de notre pays, pour redonner à la France des marges de manœuvre, de revendiquer sa pleine souveraineté, ne serait qu’une exigence de l’Union européenne, voire même du traité que vous allez ratifier. Eh bien non, ce n’est pas cela. C’est notre libre-arbitre, notre décision souveraine de dire : "Stop ! Ça suffit ! On ne peut pas continuer avec de telles situations de déficit, de dette qui plombent notre pays, qui l’affaiblissent et qui conduisent à son déclin. Ce que nous refusons."
Donc je revendique ici, au nom du Gouvernement, la loi de finances 2013 qui n’est que la reconquête de nos marges de manœuvre et de notre autonomie parce que le premier budget de la France ne peut plus être le budget du remboursement des intérêts de la dette. Le premier budget de la France doit être l’investissement dans l’industrie et dans les priorités du redressement du pays.
Nos priorités, vous les connaissez : l’éducation – le président de la République l’a rappelé encore hier –, l’emploi, la sécurité, la justice, le logement et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale qui vous sera soumis dans quelques jours, le financement de notre protection sociale. À ceux qui nous disent que rien n’a changé depuis le mois de juin parce que la lettre du traité est identique, je réponds que l’esprit avec lequel il sera mis en œuvre a profondément changé. Oui, Mesdames et Messieurs les sénateurs, grâce au paquet européen que nous avons obtenu, nous aurons désormais les moyens d’affronter la crise avec plus d’efficacité. Le vote auquel je vous invite est donc aussi un vote de confiance dans la politique européenne engagée depuis quatre mois. Cette politique a réussi à atteindre un certain nombre d’objectifs.
Mais parce que, Mesdames et Messieurs les sénateurs, il y a eu négociation. Dès le lendemain de sa prise de fonction, le président de la République a demandé un rééquilibrage à nos partenaires avec l’appui de plusieurs pays européens, y compris des gouvernements conservateurs. Mesdames et Messieurs les sénateurs de l’UMP, je reviens du sommet franco-espagnol. Que je sache, le président Rajoy n’est pas socialiste et pourtant, les 28 et 29 juin, il a soutenu les efforts de la France pour la réorientation de l’Europe en faveur de la croissance. Et il n’était pas le seul parce qu’en effet, au mois de juin, a été obtenu le pacte pour la croissance et l’emploi et qui donne une nouvelle chance à l’Europe.
Je rappelle que la Banque européenne d'investissement a reçu l’accord pour une recapitalisation dès le premier trimestre 2013. On me dit : "Mais c’était déjà acquis." Mais c’est bien faire preuve de légèreté que de dire ça. Il faut l’accord des vingt-sept et avant les élections présidentielles, lorsque nous proposions cette augmentation de capital de la BEI, qui doit pouvoir intervenir pour financer les projets structurants, c’était non. La plupart des pays disaient non. Et c’est bien parce qu’il s’est passé quelque chose le 6 mai que les Français, par leur vote, ont dit : "Il faut un tournant", que les choses ont bougé. Et au total, ce sont cent vingt milliards d’euros qui seront financés, soit l’équivalent – pour ceux qui disent : "C’est peu" –, l’équivalent d’une année du budget communautaire européen.
Et quant à l’union bancaire, l’union bancaire, elle est en marche. D’ici la fin de l’année 2012, il est indispensable que soit mis en place ce qui a été décidé, c’est-à-dire la supervision intégrée des systèmes bancaires pour toutes les banques de la zone euro adossée à la Banque centrale européenne qui sera le superviseur. D’ailleurs, à propos de la Banque centrale européenne, que n’a-t-on entendu ces dernières années sur le rôle qu’elle devrait jouer et qu’elle ne jouait pas ! Je fais partie de ceux, d’ailleurs – et je n’étais pas le seul –, qui disaient : "Banque centrale européenne doit pouvoir intervenir pour faire en sorte que les marchés ne pénalisent pas les États et en particulier ceux qui font des efforts pour leur redressement économique. Et quand ils sont obligés d’emprunter à 5-6 %, ce sont leurs politiques qui sont mises en cause, ce sont les efforts qui sont pénalisés et c’est le peuple qui souffre davantage."
Nous avons demandé que la Banque centrale européenne intervienne. Croyez-vous que s’il n’y avait pas eu ces décisions politiques, que le contexte n’avait pas changé, qu’elle aurait pu intervenir comme elle le fait ? Ça aussi c’est un changement dont il faut se féliciter !
Et quant à la taxe sur les transactions financières, alors, bon, on nous dit que c’était déjà acquis mais vous savez bien que ce n’est pas vrai ! Ça fait des années que nous nous battons pour. Ça fait des années et des années ! Eh bien même les pays les plus réticents – et j’évoquais l’Espagne –, le président Rajoy l’a confirmé il y a quelques instants au président de la République, l’Espagne rejoint les dix autres pays qui ont décidé une coopération renforcée qui permettra la mise en place de la taxe sur les transactions financières. Voilà aussi le résultat de ce qui s’est passé !
Alors, oui, nous avons fait la preuve que la France n’est pas isolée en Europe, qu’elle a même réussi à créer un mouvement et qu’il faut persévérer et renforcer ce mouvement. Et de ce point de vue, la ratification du traité n’est pas le but, la fin ultime, ce n’est qu’un moyen, ce n’est qu’une étape mais une étape nécessaire pour que des solutions durables, plus volontaires encore, puissent permettre à la zone euro et toute l’Europe de redémarrer dans le sens de la croissance. Et je pense qu’il y a urgence, en effet, à persévérer et à amplifier le mouvement.
Les programmes de stabilité financière n’ont pas suffi. Et tant que l’hypothèse d’une sortie de certains pays de la zone euro – et en particulier de la Grèce – n’est pas définitivement écartée, les marchés continueront d’imposer à certains pays parmi les plus vulnérables des primes de risque qui asphyxient leur économie et qui ruinent leurs efforts. C’est pour cela que nous avons aussi confirmé ce midi que nous étions, Espagne et France, d’accord mais nous ne sommes pas les seuls.
L’Allemagne l’a confirmé aussi. Madame Merkel s’est rendue à Athènes pour dire que nous ne voulons pas laisser tomber la Grèce. Il nous faut l’aider et consolider ainsi non seulement la situation de la Grèce, mais de la zone euro tout entière.
Mesdames et Messieurs les sénateurs, notre réponse, ce sera aussi l’approfondissement de l’union économique et monétaire qui sera une nouvelle étape de notre histoire commune. C’est ce que le président de la République a appelé l’intégration solidaire. C’est le fonctionnement même de l’union économique et monétaire qui doit être réformé et qui doit répondre à trois exigences. La première, c’est de mettre en place une coordination des politiques économiques – ce que nous avons appelé depuis des années le gouvernement économique de la zone euro.
La deuxième, c’est l’équilibre qui doit être trouvé entre le développement de mécanismes financiers de solidarité, mais aussi la vigilance budgétaire. La zone euro doit disposer d’instruments budgétaires et financiers communs pour permettre aux pays qui rencontrent des difficultés de les surmonter et de retrouver la croissance. Il ne peut pas y avoir d’Europe sans solidarité et les pays qui en ont besoin doivent pouvoir désormais bénéficier – puisqu’il est mis en place désormais officiellement – du mécanisme européen de stabilité. Agissons sans attendre ! Ne cherchons pas toujours un prétexte pour retarder les décisions.
La France, en tout cas, est favorable à aller même plus loin à travers la perspective d’une mutualisation d’une partie de la dette par l’émission d’eurobonds. Elle est favorable aussi à une nouvelle législation bancaire qui sépare la gestion des dépôts des activités à risque parce que notre exigence, c’est que la finance, en France comme en Europe, doit être exclusivement mise au service de l’économie et non de la spéculation. Et cette réforme bancaire – à la suite du rapport Liikanen – en Europe, nous la ferons. Mais nous souhaitons qu’elle soit également réalisée à l’échelle de l’Europe tout entière.
La troisième exigence, c’est la légitimité démocratique. Il n’y aura pas d’étape supplémentaire de la construction et de l’approfondissement de l’Europe et d’intégration solidaire sans adhésion des peuples. Et dans le processus de décision, l’articulation entre le niveau européen et le niveau national doit faire l’objet d’une attention particulière, c’est-à-dire non seulement le Parlement européen qui doit être davantage reconnu, mais aussi la place des Parlements nationaux.
Et puis aller plus loin, c’est aussi relever le défi de l’Europe sociale parce que l’Europe sociale n’a jamais bénéficié du même niveau de priorité que la mise en œuvre du marché unique et de l’intégration monétaire. Il faut que l’Europe sociale arrête d’être un slogan mais devienne peu à peu une réalité – je pense à la lutte contre le chômage de masse et les exclusions, les discriminations sociales – en favorisant la convergence sociale et fiscale sur notre continent. C’est ainsi que nous réconcilierons l’Europe et les citoyens. Œuvrer pour la convergence fiscale, cela signifie concrètement, Mesdames et Messieurs les sénateurs, que la concurrence fiscale déloyale doit être combattue et la France mènera cette bataille au niveau de l’Europe.
Et quant à l’éducation et la formation tout au long de la vie – vous le savez –, c’est une priorité nationale. Mais la France plaidera pour que tous les Européens, quel que soit leur niveau de qualification, aient la possibilité de se former dans un autre pays de l’Union européenne. Et la France veillera – parce qu’il faut tourner la page de ces dérives – au respect du principe de subsidiarité pour en finir avec cette Europe des pratiques tatillonnes, des réglementations inutiles. Et là, on pourrait multiplier les exemples mais je ne vais pas m’étendre davantage, vous les connaissez tous. L’Europe doit se concentrer sur ses missions essentielles.
Et puis pour nous, Français, particulièrement, c’est la question des services publics. Mais nous ne sommes pas non plus les seuls en Europe. C’est pour cela que la France travaillera à l’élaboration d’une directive-cadre sur les services d’intérêt économique général pour préserver, justement, une certaine idée des services publics qui est la nôtre.
Et puis l’Europe doit se doter enfin d’une grande politique industrielle qui ne peut pas se réduire aux règles de la concurrence. Souvent, on a ce sentiment que la politique économique et industrielle de l’Europe, c’est la seule loi de la concurrence. Et on sait bien que ça ne peut pas marcher ! Cette politique passe par l’engagement de deux grands chantiers : celui de l’innovation et celui de la réindustrialisation. On sait que la recherche européenne est performante, mais elle est souvent peu traduite en projets innovants. Nous devons donc maintenant inventer les Airbus de demain, éliminer les freins à l’innovation, relever le défi de la compétitivité.
Le président de la République s’est prononcé pour une Communauté européenne de l’énergie et une politique environnementale à l’échelle du continent. Voilà un formidable défi pour l’avenir ! Si nous savons consacrer les moyens nécessaires, la transition énergétique sera au cœur du processus de croissance verte et permettra la création de millions d’emplois en Europe. Et pour améliorer notre compétitivité, nous avons besoin aussi d’une Europe qui sache défendre ses intérêts à l’échelle du commerce mondial.
Cette politique doit être fondée sur le juste échange, sur la réciprocité et elle doit être mise en œuvre à l’échelle de l’Europe. Si nous voulons préserver nos intérêts, les intérêts non seulement de la France, mais de l’Europe, à l’échelle du commerce mondial, il nous faut promouvoir des règles du jeu, les affirmer et les imposer, qui prennent en compte notamment les normes sociales et environnementales auxquelles nous, Européens, nous sommes particulièrement attachés.
Très souvent, l’Europe fait preuve de naïveté, même vis-à-vis de partenaires parmi les plus avancés, parmi les mieux intentionnés mais qui savent aussi préserver leurs intérêts. Et donc, sur ce plan-là, face à des concurrents qui n’hésitent pas à défendre pied à pied leurs positions, l’Europe – et la France y veillera – doit aussi être capable de le faire. C’est une des conditions non seulement de la confiance des Européens dans l’Europe, mais c’est une des conditions d’une Europe qui continuera d’exister avec force sur le plan économique et commercial, sinon nous amorcerons aussi, pas seulement à l’échelle de la France mais à l’échelle de toute l’Europe, un déclin dont nous ne voulons pas.
Mesdames, Messieurs les sénateurs, les dirigeants européens auront à se prononcer aussi sur les perspectives financières et budgétaires de l’Europe. La majorité précédente avait fait de la baisse de la contribution française sa seule priorité. Ce n’est pas la volonté de mon Gouvernement. Nous sommes favorables au maintien à un niveau élevé, bien-sûr, en tenant compte des contraintes de chacun, y compris les nôtres, sur le plan budgétaire, mais à un niveau élevé parce que si la seule logique, c’est la baisse, alors ça ne sert à rien de faire des discours sur la défense de la politique agricole commune, ça ne sert à rien de faire des discours sur la cohésion, sur les fonds structurels, sur le Fonds social européen ! Et donc un budget à un niveau suffisant ! Et là, il y a un accord à trouver, en particulier avec l’Allemagne, c’est défendre aussi les intérêts de l’Europe mais les intérêts de la France. Donc soyons cohérents. Je vous appelle à être vigilants sur ce point.
Mesdames, Messieurs les sénateurs, je vais conclure mon propos et vous laisser débattre. Hier, les députés, à l’Assemblée nationale, ont ouvert la voie à la ratification. La très large majorité qui s’est exprimée en faveur de la ratification (quatre cent soixante-dix-sept voix contre soixante-dix) donnera à la France – je dis bien à la France… Et tant mieux qu’il n’y ait pas que les députés de gauche qui aient voté pour ce traité. Ou alors ça voudrait dire que la tactique l’aurait emporté sur l’intérêt national. Et moi, il n’y a qu’une chose qui me préoccupe, c’est l’intérêt de la France ! C’est l’intérêt de la France ! Et de ce point de vue-là, le vote de Sénat sera aussi décisif. Plus le vote sera large, plus l’élan que vous donnerez après le vote de l’Assemblée nationale, eh bien plus vous donnerez de chance à la réorientation de l’Europe qui doit se poursuivre absolument dans l’intérêt des Européens et de ses peuples. Cette réorientation est en marche. Elle doit être confortée. C’est ce que les Français, par leur vote, ont voulu, mais c’est aussi le vote du Parlement qui en garantira la mise en œuvre. Je vous remercie à l’avance du soutien que vous apporterez.
Source http://www.gouvernement.fr, le 12 octobre 2012