Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Cest un grand plaisir pour moi dêtre présente aujourdhui, devant vous, à loccasion du 30ème anniversaire de la loi Quilliot.
Je souhaiterais commencer par vous remercier chaleureusement pour votre invitation car vous me donnez lopportunité de rendre hommage à lun de mes prédécesseurs, un homme engagé et humaniste, dont lexemple mest cher.
Cet homme cest celui qui, à une époque où la France senfonçait dans la crise en regrettant les trente glorieuses, a su bouleverser la politique du logement en France par une loi audacieuse et novatrice. Cest aussi celui qui, en affirmant dans sa lettre dadieu ne pas avoir un tempérament de spectateur, nous rappelle encore aujourdhui que laction politique nest jamais vaine, que la volonté peut toujours changer les règles du jeu, quil ne faut jamais céder au renoncement et à la facilité de limmobilisme.
La première chose que nous enseigne la loi Quilliot est quune loi peut avoir, dans sa forme originelle, une durée de vie finalement assez brève, être amendée à de nombreuses reprises, modifiée par la loi Méhaignerie en 1986 et par la loi Mermaz en 1989, et demeurer cependant un texte fondamental des politiques du logement, dont lhéritage conserve encore aujourdhui toute sa force.
Cette force émane du fait que la loi Quilliot est une loi de rupture. Elle est le produit dun moment historique où la puissance publique prend acte des déséquilibres dun marché locatif privé incapable de sadapter à lampleur de la crise des années 80 et décide dagir. Le choix qui est fait est décisif. Cest un choix de nécessité. Cest celui de la régulation du secteur privé.
I. En affirmant dans son article 1er que « le droit à lhabitat est un droit fondamental », la loi Quilliot affirme un principe essentiel. Le logement ne peut pas se réduire à une simple marchandise. Il est au contraire un bien de première nécessité. Il est un droit. La protection des plus faibles face à des situations locatives déséquilibrées et donc un impératif majeur.
En cela, la loi Quilliot pose une pierre fondatrice, elle constitue le socle des politiques du logement qui lont suivi et qui continueront à la suivre. Comment ne pas voir dans la consécration du droit au logement opposable par la loi de 2007 le prolongement abouti de larticle 1er de la loi Quilliot ? Noublions pas ces filiations, ces interactions, elles sont essentielles, elles orientent nos politiques, elles nous rappellent le principe quil nous faut maintenir et tenir coûte que coûte : le respect du droit de propriété doit sarrêter là où se trouve bafoué le droit de tous à se loger dignement.
Or les faits sont là : nous vivons aujourdhui une crise du logement dune grande dureté. Plus de 3.6 millions de personnes souffrent de mal logement, près d1,7 millions de ménages attendent lattribution dun logement social. Cette crise possède de multiples visages. Celui de lenserrement progressif dun pouvoir dachat grevé par la hausse des dépenses de logement. Celui de la précarité énergétique qui touche plus de 8 millions de nos concitoyens. Celui de lhabitat indigne pour lequel les frontières de linacceptable sont trop souvent repoussées, des situations intolérables trop souvent banalisées.
Nous faisons donc face à des défis immenses. Mais ce constat ne doit pas être celui du défaitisme. Bien au contraire, il doit être celui de la mobilisation générale face à un marché de limmobilier qui dysfonctionne. Comme il y a trente ans, la puissance publique doit intervenir dans le secteur du logement. Nous le revendiquons : cest là lhéritage fondateur du ministre Quilliot.
Cette intervention de la puissance publique, je souhaite la décliner à travers quatre grands principes :
1. Il sagit dabord de mettre en place une politique de régulation luttant contre les dysfonctionnements du marché et ses défaillances. Un locataire du parc privé sur cinq dépense plus de 40 % de ses revenus pour se loger. Je ne peux pas laccepter. Cest la raison pour laquelle jai pris dès cet été un décret durgence pour encadrer les hausses excessives de loyer. Cest un signal fort. La régulation du secteur constitue bien lun des fondements sur lequel je conçois laction de mon ministère.
2. Il sagit ensuite de lancer sans attendre une politique de mobilisation générale en faveur de la construction. Sans un développement massif de loffre de logements là où sont les besoins, nous ne pourrons pas apporter de réponse pérenne au mal-logement. La loi qui vient récemment dêtre ré-adoptée par lAssemblée Nationale est une première brique. LEtat participera pleinement à leffort national de construction à travers la libération du foncier public. La mise en place dune fiscalité nouvelle qui pénalisera la rétention des terrains à bâtir garantira quil en sera de même pour les terrains privés.
3. Il nous faut également construire une politique de lutte contre les inégalités d'accès au logement. Tout le monde doit avoir le droit à un toit, quelques soient ses revenus, ou ceux de ses parents, quelque soit aussi la couleur de sa peau ou sa religion. Renforcement de la loi SRU, réquisition, captation des logements du parc privé, tous les moyens d'action à notre disposition sont légitimes et seront utilisés pour lutter contre cette exclusion.
4. Il nous faut, enfin, une politique de légalité des territoires. Car là où sévissent la ségrégation ou le délaissement, l'Etat doit intervenir au nom de la solidarité nationale. Laccès aux services publics essentiels, les soins médicaux, la Culture, la mobilité, laccès aux services numériques qui conditionnent bien souvent tout le reste, doivent être disponibles pour tous, quelque soit son lieu de résidence. Cest notre responsabilité. Cest lune des missions centrales de mon action.
II. En affirmant la nécessité de lintervention publique, la loi Quilliot a valeur de principe. Cet héritage fondamental se fonde avant tout sur la transformation radicale des rapports entre bailleurs et locataires. Cest là lavancée majeure de ce texte. Pour la première fois, des règles claires ont été instaurées. Les relations entre logés et logeurs sont passées dun rapport de forces à un rapport de droit. Le contrat de bail est devenu la norme, les « droits et obligations des parties » ont été clarifiés.
Cette question difficile de léquilibre des rapports locatifs demeure un sujet dune grande actualité que lon ne doit jamais traiter à la marge. Le parc locatif continue et doit continuer à jouer un rôle de premier plan en France. Sa composante privée est essentielle pour la mobilité des ménages, leurs parcours résidentiels. Sa composante publique est primordiale pour laccueil des ménages des classes moyennes et modestes qui nont pas les moyens de se loger dans le parc privé ou daccéder à la propriété.
Un an après son arrivée, le gouvernement de Pierre Mauroy sétait pleinement saisi de cet enjeu. Nous partageons la même ambition. Un an après son arrivée, le Gouvernement auquel jai lhonneur de participer portera dans la loi cadre sur le logement et lurbanisme qui sera élaborée au premier semestre 2013 un grand projet de modernisation des rapports locatifs.
Il ne sagit pas de changer la loi pour le plaisir de marquer notre différence. Et cela ne sera certainement pas une partie de plaisir ! Mais nous devons le faire parce quil sagit dune nécessité pour nos concitoyens : pour les locataires dont les taux deffort salourdissent sans cesse, pour les propri??taires modestes qui sont parfois démunis face à des locataires de mauvaise foi.
Cest également une nécessité pour le développement du parc locatif privé. Le désengagement des investisseurs institutionnels a du être compensé par la montée en puissance des investisseurs particuliers qui détiennent maintenant près de 90% du parc. Le pilier sur lequel repose désormais lessentiel du marché ne peut tenir sans le soutien dune fiscalité incitative que proposent les dispositifs daides à linvestissement locatif. A lévidence le marché est aujourdhui sous perfusion. Le sevrer brutalement serait irresponsable et aggraverait davantage la situation. Cest la raison pour laquelle jai décidé de mettre en place un nouveau dispositif daide à linvestissement qui reste incitatif mais qui soit également plus exigeant. Cette situation nest cependant pas durable. Nous devons réfléchir à un nouvel équilibre. Les rapports locatifs en sont lun des facteurs clefs.
Je souhaite placer ce chantier de modernisation au service de trois principes.
1. Le premier principe est léquilibre des relations entre propriétaires et locataires.
Je nignore pas que cet équilibre est une chose fragile. Nombreux sont ceux qui considèrent que la loi de 89 est parvenue à une stabilité, démontrée par le temps, quil convient de ne pas perturber. Mais léquilibre ne doit pas être une excuse pour limmobilisme. Ma conviction est quon peut faire bouger les lignes, moderniser le cadre de la location, ladapter à la réalité des besoins nouveaux de notre société, sans rompre cet équilibre.
2. Le deuxième principe est celui de la sécurisation.
Cest un objectif fondamental et je suis convaincue quune meilleure sécurisation des relations entre bailleurs et locataires sera bénéfique pour tous. Cest un gain partagé. Des relations apaisées, sécurisées et stables, cest avant tout une protection pour le locataire, et cest indispensable, mais cest aussi une garantie pour les revenus et les intérêts du propriétaire.
Je la conçois notamment par la création dun véritable mécanisme de sécurisation locative. Son objectif sera de permettre, dune part, un accès renforcé au parc locatif privé pour les plus précaires et, dautre part, un traitement à la fois efficace et social des impayés de loyer pour indemniser les propriétaires. La garantie des risques locatifs a constitué une première étape qui a montré la voie. Elle a également montré certaines limites dont il nous faut aujourdhui tiré les leçons. Cest dans ce but, que nous avons confié, avec le ministre de léconomie et des Finances, Pierre Moscovici, une mission à linspection générale des finances et au conseil général de lenvironnement et du développement durable pour tirer le bilan du dispositif et émettre des propositions en vue de la mise en place dun mécanisme de sécurisation amélioré, potentiellement à vocation universelle.
Je la conçois aussi par lamélioration de la prévention des expulsions. Nous devons tout faire pour empêcher la casse humaine que cause une expulsion. Pour cela, nous le savons, il est nécessaire dintervenir le plus en amont possible, dès le premier impayé de loyers. Au-delà de lamélioration nécessaire de la coordination des acteurs que devra permettre la montée en puissance des CCAPEX, une garantie généralisée des revenus locatifs pourrait apporter un levier fondamental en favorisant le signalement précoce des impayés. Sécurisation et prévention des expulsions sont deux sujets intrinsèquement liés.
3. Enfin, le troisième principe de modernisation sera celui dune régulation actualisée du marché.
Parvenir à une réelle maitrise des loyers et de leurs évolutions est indispensable pour préserver le pouvoir dachat de nos concitoyens. Cest le seul moyen pour renforcer laccès au logement et permettre à chacun davoir un toit. Oui, je souhaite encadrer le niveau des loyers là où cela est nécessaire. Le décret durgence de cet été a permis den encadrer la hausse. Nous allons maintenant changer la loi pour aller jusquau bout de cette logique. Cela nest pas infaisable, cela ne détruira pas nos ville comme certains Cassandres le laissent entendre ! Les nombreux exemples étrangers, dont celui de lAllemagne, prouvent au contraire que cette régulation est possible, quelle souhaitable.
Pour quelle puisse fonctionner, elle nécessitera une plus grande transparence des marchés locaux de lhabitat, une connaissance plus fine des prix. Cest lobjectif poursuivi par la mise en place des observatoires locaux des loyers que jinitierai vendredi prochain en installant le comité scientifique de la démarche et en annonçant la liste des territoires pilotes qui participeront à la phase dexpérimentation.
Trouver le bon modèle de régulation pour la décennie 2010 supposera daborder tous les aspects des rapports locatifs. Nous devrons traiter la question de la recherche de logements et de locataires, c'est-à-dire les enjeux relatifs à létablissement du bail, à lélaboration de létat des lieux, à la définition des surfaces, à la rémunération des intermédiaires, à la liste des pièces à fournir. Mais nous devrons aussi aborder les questions propres à loccupation et à la sortie du logement : la durée du bail, les conséquences du non respect des règles, la question des charges
Comme vous le voyez, les chantiers qui souvrent sont nombreux et complexes. Ils devront être appréhendés avec finesse et attention. Ils touchent directement des millions de ménages. Ma méthode sera donc celle de la concertation, de léchange et du dialogue.
Cest la condition nécessaire dune réforme pérenne. Là encore, je crois minscrire pleinement dans la continuité de Roger Quilliot, pour qui les rapports locatifs devaient être régulés par des instances de négociation comprenant aussi bien des associations représentatives des locataires que des propriétaires, pour qui la résolution des conflits par le dialogue, la concertation et les accords collectifs était la voie à suivre.
Jai décidé de confier la réalisation de cette concertation ouverte à Isabelle Massin, présidente de la commission nationale de conciliation, et à Patrick Laporte du conseil général de lenvironnement et du développement durable. Ils ont dores et déjà engagé le dialogue avec lensemble des partenaires et me transmettront les conclusions de cette concertation au cours du mois de février 2013.
Cette première approche sarticulera également avec celle portant sur la prévention des expulsions qui sinscrit dans les travaux de la « conférence contre la pauvreté et pour linclusion sociale » qui se réunira lundi 10 et mardi 11 décembre prochains.
Ces deux démarches viendront alimenter les dispositions législatives du projet de loi cadre sur le logement et lurbanisme qui sera déposée au premier semestre 2013 et structurera la politique du logement de ce Gouvernement pour la durée du quinquennat.
Vous le voyez, notre ambition est grande même si le travail ne fait que commencer. Nous aurons à faire face à des objectifs qui sembleront parfois contradictoires : renforcer la protection des locataires tout en incitant à linvestissement locatif, baisser les coûts des transactions immobilières tout en assurant un service de qualité. Ma conviction profonde est que ces impératifs peuvent se concilier, que lespace de dialogue que nous ouvrons permettra de faire émerger ces points de convergence. Cest le coeur de ma démarche.
« Jaime agir et bâtir » déclarait Roger Quilliot. Trente ans plus tard, je me place dans le même état desprit. Lintervention de la puissance publique, quelle soit portée par lEtat ou par les collectivités, est lun des leviers indispensables pour réguler les excès du marché. Je compte assumer pleinement cette responsabilité.
Je vous remercie.
Source http://www.territoires.gouv.fr, le 7 décembre 2012
Cest un grand plaisir pour moi dêtre présente aujourdhui, devant vous, à loccasion du 30ème anniversaire de la loi Quilliot.
Je souhaiterais commencer par vous remercier chaleureusement pour votre invitation car vous me donnez lopportunité de rendre hommage à lun de mes prédécesseurs, un homme engagé et humaniste, dont lexemple mest cher.
Cet homme cest celui qui, à une époque où la France senfonçait dans la crise en regrettant les trente glorieuses, a su bouleverser la politique du logement en France par une loi audacieuse et novatrice. Cest aussi celui qui, en affirmant dans sa lettre dadieu ne pas avoir un tempérament de spectateur, nous rappelle encore aujourdhui que laction politique nest jamais vaine, que la volonté peut toujours changer les règles du jeu, quil ne faut jamais céder au renoncement et à la facilité de limmobilisme.
La première chose que nous enseigne la loi Quilliot est quune loi peut avoir, dans sa forme originelle, une durée de vie finalement assez brève, être amendée à de nombreuses reprises, modifiée par la loi Méhaignerie en 1986 et par la loi Mermaz en 1989, et demeurer cependant un texte fondamental des politiques du logement, dont lhéritage conserve encore aujourdhui toute sa force.
Cette force émane du fait que la loi Quilliot est une loi de rupture. Elle est le produit dun moment historique où la puissance publique prend acte des déséquilibres dun marché locatif privé incapable de sadapter à lampleur de la crise des années 80 et décide dagir. Le choix qui est fait est décisif. Cest un choix de nécessité. Cest celui de la régulation du secteur privé.
I. En affirmant dans son article 1er que « le droit à lhabitat est un droit fondamental », la loi Quilliot affirme un principe essentiel. Le logement ne peut pas se réduire à une simple marchandise. Il est au contraire un bien de première nécessité. Il est un droit. La protection des plus faibles face à des situations locatives déséquilibrées et donc un impératif majeur.
En cela, la loi Quilliot pose une pierre fondatrice, elle constitue le socle des politiques du logement qui lont suivi et qui continueront à la suivre. Comment ne pas voir dans la consécration du droit au logement opposable par la loi de 2007 le prolongement abouti de larticle 1er de la loi Quilliot ? Noublions pas ces filiations, ces interactions, elles sont essentielles, elles orientent nos politiques, elles nous rappellent le principe quil nous faut maintenir et tenir coûte que coûte : le respect du droit de propriété doit sarrêter là où se trouve bafoué le droit de tous à se loger dignement.
Or les faits sont là : nous vivons aujourdhui une crise du logement dune grande dureté. Plus de 3.6 millions de personnes souffrent de mal logement, près d1,7 millions de ménages attendent lattribution dun logement social. Cette crise possède de multiples visages. Celui de lenserrement progressif dun pouvoir dachat grevé par la hausse des dépenses de logement. Celui de la précarité énergétique qui touche plus de 8 millions de nos concitoyens. Celui de lhabitat indigne pour lequel les frontières de linacceptable sont trop souvent repoussées, des situations intolérables trop souvent banalisées.
Nous faisons donc face à des défis immenses. Mais ce constat ne doit pas être celui du défaitisme. Bien au contraire, il doit être celui de la mobilisation générale face à un marché de limmobilier qui dysfonctionne. Comme il y a trente ans, la puissance publique doit intervenir dans le secteur du logement. Nous le revendiquons : cest là lhéritage fondateur du ministre Quilliot.
Cette intervention de la puissance publique, je souhaite la décliner à travers quatre grands principes :
1. Il sagit dabord de mettre en place une politique de régulation luttant contre les dysfonctionnements du marché et ses défaillances. Un locataire du parc privé sur cinq dépense plus de 40 % de ses revenus pour se loger. Je ne peux pas laccepter. Cest la raison pour laquelle jai pris dès cet été un décret durgence pour encadrer les hausses excessives de loyer. Cest un signal fort. La régulation du secteur constitue bien lun des fondements sur lequel je conçois laction de mon ministère.
2. Il sagit ensuite de lancer sans attendre une politique de mobilisation générale en faveur de la construction. Sans un développement massif de loffre de logements là où sont les besoins, nous ne pourrons pas apporter de réponse pérenne au mal-logement. La loi qui vient récemment dêtre ré-adoptée par lAssemblée Nationale est une première brique. LEtat participera pleinement à leffort national de construction à travers la libération du foncier public. La mise en place dune fiscalité nouvelle qui pénalisera la rétention des terrains à bâtir garantira quil en sera de même pour les terrains privés.
3. Il nous faut également construire une politique de lutte contre les inégalités d'accès au logement. Tout le monde doit avoir le droit à un toit, quelques soient ses revenus, ou ceux de ses parents, quelque soit aussi la couleur de sa peau ou sa religion. Renforcement de la loi SRU, réquisition, captation des logements du parc privé, tous les moyens d'action à notre disposition sont légitimes et seront utilisés pour lutter contre cette exclusion.
4. Il nous faut, enfin, une politique de légalité des territoires. Car là où sévissent la ségrégation ou le délaissement, l'Etat doit intervenir au nom de la solidarité nationale. Laccès aux services publics essentiels, les soins médicaux, la Culture, la mobilité, laccès aux services numériques qui conditionnent bien souvent tout le reste, doivent être disponibles pour tous, quelque soit son lieu de résidence. Cest notre responsabilité. Cest lune des missions centrales de mon action.
II. En affirmant la nécessité de lintervention publique, la loi Quilliot a valeur de principe. Cet héritage fondamental se fonde avant tout sur la transformation radicale des rapports entre bailleurs et locataires. Cest là lavancée majeure de ce texte. Pour la première fois, des règles claires ont été instaurées. Les relations entre logés et logeurs sont passées dun rapport de forces à un rapport de droit. Le contrat de bail est devenu la norme, les « droits et obligations des parties » ont été clarifiés.
Cette question difficile de léquilibre des rapports locatifs demeure un sujet dune grande actualité que lon ne doit jamais traiter à la marge. Le parc locatif continue et doit continuer à jouer un rôle de premier plan en France. Sa composante privée est essentielle pour la mobilité des ménages, leurs parcours résidentiels. Sa composante publique est primordiale pour laccueil des ménages des classes moyennes et modestes qui nont pas les moyens de se loger dans le parc privé ou daccéder à la propriété.
Un an après son arrivée, le gouvernement de Pierre Mauroy sétait pleinement saisi de cet enjeu. Nous partageons la même ambition. Un an après son arrivée, le Gouvernement auquel jai lhonneur de participer portera dans la loi cadre sur le logement et lurbanisme qui sera élaborée au premier semestre 2013 un grand projet de modernisation des rapports locatifs.
Il ne sagit pas de changer la loi pour le plaisir de marquer notre différence. Et cela ne sera certainement pas une partie de plaisir ! Mais nous devons le faire parce quil sagit dune nécessité pour nos concitoyens : pour les locataires dont les taux deffort salourdissent sans cesse, pour les propri??taires modestes qui sont parfois démunis face à des locataires de mauvaise foi.
Cest également une nécessité pour le développement du parc locatif privé. Le désengagement des investisseurs institutionnels a du être compensé par la montée en puissance des investisseurs particuliers qui détiennent maintenant près de 90% du parc. Le pilier sur lequel repose désormais lessentiel du marché ne peut tenir sans le soutien dune fiscalité incitative que proposent les dispositifs daides à linvestissement locatif. A lévidence le marché est aujourdhui sous perfusion. Le sevrer brutalement serait irresponsable et aggraverait davantage la situation. Cest la raison pour laquelle jai décidé de mettre en place un nouveau dispositif daide à linvestissement qui reste incitatif mais qui soit également plus exigeant. Cette situation nest cependant pas durable. Nous devons réfléchir à un nouvel équilibre. Les rapports locatifs en sont lun des facteurs clefs.
Je souhaite placer ce chantier de modernisation au service de trois principes.
1. Le premier principe est léquilibre des relations entre propriétaires et locataires.
Je nignore pas que cet équilibre est une chose fragile. Nombreux sont ceux qui considèrent que la loi de 89 est parvenue à une stabilité, démontrée par le temps, quil convient de ne pas perturber. Mais léquilibre ne doit pas être une excuse pour limmobilisme. Ma conviction est quon peut faire bouger les lignes, moderniser le cadre de la location, ladapter à la réalité des besoins nouveaux de notre société, sans rompre cet équilibre.
2. Le deuxième principe est celui de la sécurisation.
Cest un objectif fondamental et je suis convaincue quune meilleure sécurisation des relations entre bailleurs et locataires sera bénéfique pour tous. Cest un gain partagé. Des relations apaisées, sécurisées et stables, cest avant tout une protection pour le locataire, et cest indispensable, mais cest aussi une garantie pour les revenus et les intérêts du propriétaire.
Je la conçois notamment par la création dun véritable mécanisme de sécurisation locative. Son objectif sera de permettre, dune part, un accès renforcé au parc locatif privé pour les plus précaires et, dautre part, un traitement à la fois efficace et social des impayés de loyer pour indemniser les propriétaires. La garantie des risques locatifs a constitué une première étape qui a montré la voie. Elle a également montré certaines limites dont il nous faut aujourdhui tiré les leçons. Cest dans ce but, que nous avons confié, avec le ministre de léconomie et des Finances, Pierre Moscovici, une mission à linspection générale des finances et au conseil général de lenvironnement et du développement durable pour tirer le bilan du dispositif et émettre des propositions en vue de la mise en place dun mécanisme de sécurisation amélioré, potentiellement à vocation universelle.
Je la conçois aussi par lamélioration de la prévention des expulsions. Nous devons tout faire pour empêcher la casse humaine que cause une expulsion. Pour cela, nous le savons, il est nécessaire dintervenir le plus en amont possible, dès le premier impayé de loyers. Au-delà de lamélioration nécessaire de la coordination des acteurs que devra permettre la montée en puissance des CCAPEX, une garantie généralisée des revenus locatifs pourrait apporter un levier fondamental en favorisant le signalement précoce des impayés. Sécurisation et prévention des expulsions sont deux sujets intrinsèquement liés.
3. Enfin, le troisième principe de modernisation sera celui dune régulation actualisée du marché.
Parvenir à une réelle maitrise des loyers et de leurs évolutions est indispensable pour préserver le pouvoir dachat de nos concitoyens. Cest le seul moyen pour renforcer laccès au logement et permettre à chacun davoir un toit. Oui, je souhaite encadrer le niveau des loyers là où cela est nécessaire. Le décret durgence de cet été a permis den encadrer la hausse. Nous allons maintenant changer la loi pour aller jusquau bout de cette logique. Cela nest pas infaisable, cela ne détruira pas nos ville comme certains Cassandres le laissent entendre ! Les nombreux exemples étrangers, dont celui de lAllemagne, prouvent au contraire que cette régulation est possible, quelle souhaitable.
Pour quelle puisse fonctionner, elle nécessitera une plus grande transparence des marchés locaux de lhabitat, une connaissance plus fine des prix. Cest lobjectif poursuivi par la mise en place des observatoires locaux des loyers que jinitierai vendredi prochain en installant le comité scientifique de la démarche et en annonçant la liste des territoires pilotes qui participeront à la phase dexpérimentation.
Trouver le bon modèle de régulation pour la décennie 2010 supposera daborder tous les aspects des rapports locatifs. Nous devrons traiter la question de la recherche de logements et de locataires, c'est-à-dire les enjeux relatifs à létablissement du bail, à lélaboration de létat des lieux, à la définition des surfaces, à la rémunération des intermédiaires, à la liste des pièces à fournir. Mais nous devrons aussi aborder les questions propres à loccupation et à la sortie du logement : la durée du bail, les conséquences du non respect des règles, la question des charges
Comme vous le voyez, les chantiers qui souvrent sont nombreux et complexes. Ils devront être appréhendés avec finesse et attention. Ils touchent directement des millions de ménages. Ma méthode sera donc celle de la concertation, de léchange et du dialogue.
Cest la condition nécessaire dune réforme pérenne. Là encore, je crois minscrire pleinement dans la continuité de Roger Quilliot, pour qui les rapports locatifs devaient être régulés par des instances de négociation comprenant aussi bien des associations représentatives des locataires que des propriétaires, pour qui la résolution des conflits par le dialogue, la concertation et les accords collectifs était la voie à suivre.
Jai décidé de confier la réalisation de cette concertation ouverte à Isabelle Massin, présidente de la commission nationale de conciliation, et à Patrick Laporte du conseil général de lenvironnement et du développement durable. Ils ont dores et déjà engagé le dialogue avec lensemble des partenaires et me transmettront les conclusions de cette concertation au cours du mois de février 2013.
Cette première approche sarticulera également avec celle portant sur la prévention des expulsions qui sinscrit dans les travaux de la « conférence contre la pauvreté et pour linclusion sociale » qui se réunira lundi 10 et mardi 11 décembre prochains.
Ces deux démarches viendront alimenter les dispositions législatives du projet de loi cadre sur le logement et lurbanisme qui sera déposée au premier semestre 2013 et structurera la politique du logement de ce Gouvernement pour la durée du quinquennat.
Vous le voyez, notre ambition est grande même si le travail ne fait que commencer. Nous aurons à faire face à des objectifs qui sembleront parfois contradictoires : renforcer la protection des locataires tout en incitant à linvestissement locatif, baisser les coûts des transactions immobilières tout en assurant un service de qualité. Ma conviction profonde est que ces impératifs peuvent se concilier, que lespace de dialogue que nous ouvrons permettra de faire émerger ces points de convergence. Cest le coeur de ma démarche.
« Jaime agir et bâtir » déclarait Roger Quilliot. Trente ans plus tard, je me place dans le même état desprit. Lintervention de la puissance publique, quelle soit portée par lEtat ou par les collectivités, est lun des leviers indispensables pour réguler les excès du marché. Je compte assumer pleinement cette responsabilité.
Je vous remercie.
Source http://www.territoires.gouv.fr, le 7 décembre 2012