Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs les présidents et les secrétaires généraux,
Mesdames, Messieurs,
« La manière dont une société développée traite les personnes en difficulté en dit au moins autant sur son modèle que son niveau de PIB ». Cette phrase, tirée du rapport du groupe de travail piloté par Catherine Barbaroux et Jean-Baptiste de Foucauld, reflète, je le crois, notre ??tat d'esprit à tous et l'ambition de cette conférence.
Et l'ambition de cette conférence, car tous nous partageons depuis plusieurs années un diagnostic et ce diagnostic est sans appel, la double incidence de la crise économique et de politiques libérales qui sont conduites depuis des années ont profondément fragilisé notre modèle de société. Les chiffres parlent d'eux-mêmes, la pauvreté progresse de nouveau depuis 10 ans, de 12, 9 % de la population en 2002, nous sommes passés à 14,1 en 2010 et sans doute davantage en 2011 et en 2012. Sans volonté forte de notre part, elle va continuer à s'accroitre. Le chômage et les contrats précaires minent notre pacte républicain et fragilisent notre protection sociale. Celle-ci laisse de côté un nombre croissant de citoyens à trouver ou retrouver le chemin du droit commun. Logement, travail, santé, éducation, ce sont les droits les plus élémentaires de millions de Français qui ne sont plus correctement assurés.
Je parle bien sûr des personnes les plus démunies, momentanément ou durablement en situation de grande pauvreté, mais je parle aussi des jeunes, abandonnés à leur sort, sans qualification suffisante, pour accéder à un emploi stable. Je parle des travailleurs précaires de plus en plus nombreux et qui peinent à boucler leur fin de mois. Je parle de tous ceux qui vivent des parcours chaotiques alternant rechutes et rebonds. Beaucoup de ceux qui pourraient prétendre au soutien de la solidarité nationale ne font même pas valoir leurs droits, faute d'information souvent face à la complexité administrative. Mais pas seulement, aussi par crainte de renvoyer une mauvaise image d'eux-mêmes, comme une atteinte à leur propre dignité. Ils finissent par renoncer à ce que la République leur garantit, c'est ce qu'on appelle le non recours. Je le dis et je le répète, ces constats sont connus, en tout cas ils sont très connus par tous les participants de cette conférence. Face à cette situation une première attitude consiste à considérer que ce délitement social est comme inéluctable, « c'est comme ça, il y aura toujours des pauvres », entend-t-on parfois. Et puis pire encore, « c'est de leur faute aux pauvres, ils pourraient s'en sortir s'ils le voulaient. Et puis après tout s'ils ne réclament rien ».
Laissez-moi vous le dire clairement, mon gouvernement n'accepte pas et n'acceptera jamais le cynisme, ni la stigmatisation. La pauvreté n'est pas une fatalité, la précarité n'est pas un fléau qui s'abat au hasard sur une partie de la population, ce n'est pas non plus une marque d'infamie. La précarité est le fait de processus économiques et sociaux que l'on peut combattre à condition d'être déterminés, on peut les combattre si l'on estime que chaque citoyen a droit à sa juste place dans la société. C'est l'un des principes du nouveau modèle français que je souhaite construire, un modèle qui n'oppose pas les politiques les unes aux autres, il n'y a pas d'un côté une politique économique, il n'y a pas d'un côté une politique de lutte contre la pauvreté, il n'y a pas d'un côté une politique de l'emploi et du travail et de l'autre côté une politique fiscale ou encore une politique de l'éducation. Il y a une politique cohérente du gouvernement qui est à la fois juste, mais qui est aussi fondée sur un pacte. Ce pacte de compétitivité, il doit être à la fois de compétitivité économique, il doit être aussi de compétitivité sociale : c'est un pacte de solidarité. C'est ce que j'ai voulu marquer en organisant cette conférence dans le même lieu que les autres conférences, c'est-à-dire les conférences sociales et la conférence environnementale. Non seulement la pauvreté peut être combattue, mais elle peut être anticipée et elle peut être prévenue. Pour cela nous devons nous appuyer sur les capacités de chacun, de chaque personne à s'en sortir, sans faire croire que l'on peut et que l'on doit se débrouiller tout seul, quelles que soient les circonstances. Patrick SAVIDAN l'a rappelé, l'égalité doit se construire chaque jour et ce combat ne concerne pas seulement les personnes en difficulté. Tout le monde a intérêt à ce qu'aucun citoyen ne soit laissé sur le bord du chemin. Pourtant depuis la Révolution française jusqu'à aujourd'hui, malgré l'attachement de notre nation à l'égalité des citoyens, l'histoire politique a connu d'incessants revirements, entre tentation de l'indifférence et volontarisme des acteurs du progrès, et c'est vrai aussi, au rythme des alternances politiques.
Mesdames et messieurs, je le revendique devant vous, les politiques sociales sont nobles. Le sens de cette conférence, c'est justement de mettre fin à une décennie de fatalismes et de stigmatisations pour inaugurer une étape nouvelle de responsabilité solidaire partagée, fondement du nouveau modèle français que je viens d'évoquer. La solidarité n'est-elle pas justement l'un de nos principes fondateurs ? Est-il besoin de rappeler qu'au terme du préambule de la constitution de 1946, « la nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement et garantit à tous la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ». Le texte de notre loi fondamentale poursuit : « tout être humain qui en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ». Vous me direz, c'est une évidence, mais il est parfois nécessaire de rappeler des évidences, et plus encore lorsqu'il s'agit d'un extrait de la constitution de la République française.
J'en appelle donc à la mobilisation de chacun, des élus, des administrations publiques, des collectivités publiques, des partenaires sociaux, des associations, de tous les citoyens qui croient à ces principes et à ces valeurs. Vous tous qui êtes rassemblés ici, vous avez déjà depuis longtemps répondu à cet appel et avec quelle détermination, avec quel enthousiasme. C'est le souffle de vos débats et de vos propositions tout au long de la préparation de la conférence qui nous anime aujourd'hui. Je voudrais vous en remercier chaleureusement et saluer en particulier les personnalités qualifiées qui ont conduit les travaux des groupes. La qualité des rapports produits et publics est exceptionnelle. Le gouvernement - les ministres ont été fortement impliqués dans cette conférence ; pas moins de 11 d'entre eux y ont participé - s'en inspirera bien sûr pour bâtir son plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale. Ce plan ne se résumera pas à une liste de mesures, aussi indispensables soient-elles, il sera le cadre de notre action pendant tout le quinquennat.
J'entends d'abord réformer la gouvernance de l'action sociale, selon deux lignes directrices. La première, c'est la participation des personnes en situation de pauvreté et de précarité à l'élaboration et au suivi des politiques publiques. Le conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale en a été le précurseur, avec la création de son 8ème collège. Nous nous en sommes inspirés pour la préparation de cette conférence. Je suis fier que mon gouvernement ait été le premier à associer de façon aussi méthodique des citoyens en difficulté à un travail de conception politique d'une telle ampleur. Et la table ronde qui vient de se dérouler parle beaucoup plus que tous les discours, est bien la preuve que c'est la bonne méthode. Ces démarches diverses auxquelles vous travaillez déjà depuis longtemps doivent servir de référence aux administrations et aux collectivités territoriales. Bien sûr cette participation citoyenne ne se substitue pas au travail des élus, ni à celui des partenaires sociaux et des associations.
La seconde ligne directrice que je voudrais évoquer en matière de gouvernance, chère à Michel DINET et Michel THIERRY, consiste à mettre de l'ordre dans le millefeuille des politiques sociales et dans les relations entre pouvoir public et partenaires associatifs. Sur le terrain, en partenariat étroit avec les conseils généraux, chefs d'orchestre de l'action sociale, nous allons travailler sur l'identification des chefs de file sectoriels, sur le développement de conventions pluriannuelles d'objectifs avec les associations, ainsi que sur la généralisation de la pratique des conférences de financeurs. J'entends aussi faire de l'évaluation et pas seulement de l'observation des politiques sociales, une pratique habituelle des autorités publiques. Enfin je réactiverai le comité interministériel de lutte contre l'exclusion qui n'a pas été réuni une seule fois lors du quinquennat précédent.
En somme je veux m'appuyer sur un Etat stratège, sur des collectivités ayant les moyens de leurs missions, sur des associations assurées dans la durée dans leurs projets, et sur des citoyens confortés dans leurs engagements solidaires. Notre objectif, c'est bien entendu un meilleur accès aux droits et aux biens essentiels. Par biens essentiels j'entends d'abord l'alimentation. Le gouvernement a affirmé haut et fort son soutien au programme européen d'aide aux plus démunis, nous continuerons à nous battre pour que ces crédits soient maintenus. Je pense aussi à l'accès à l'énergie. Hier le gouvernement a décidé l'extension par voie réglementaire des tarifs sociaux du gaz et de l'électricité aux bénéficiaires de l'aide à la complémentaire santé. Cette mesure doit nous permettre de passer de deux millions à huit millions de bénéficiaires. Je pense enfin à l'accès à la culture, à la création artistique, aux sports, aux loisirs et aux vacances.
Du côté de l'accès aux droits, il nous faut combler le gouffre du non-recours. Je l'ai évoqué il y a quelques instants et il en a été souvent question dans cette conférence. Je dois constater d'ailleurs que grâce à cette conférence, grâce à votre travail et aux rapports que vous avez publiés, la presse s'est fait l'écho de cette situation du non recours que beaucoup de Français ignorent, que les observateurs aussi ignoraient. Aujourd'hui on le sait. On le sait enfin que près de 70 % des bénéficiaires potentiels du RSA activité n'y ont pas recours, ce e qui représente plus de 800 000 personnes. Quel symbole. Je souhaite réduire le non recours. Des campagnes d'information et de promotion des droits, je dis bien des droits sociaux, seront lancées en 2013. Elles seront accompagnées d'un sérieux effort en matière de domiciliation des personnes. Nous mettrons au point des objectifs de baisse des taux de non recours, prestation par prestation, et nous simplifierons les démarches administratives en liaison bien entendu avec les acteurs de terrain.
Mais je n'ai pas non plus l'intention d'éluder la question de la pauvreté monétaire. Si les ménages pauvres sont pauvres, c'est d'abord parce qu'ils manquent de moyens financiers. C'est une évidence, comme l'est aussi la lente érosion du niveau relatif du principal filet de sécurité de nos politiques sociales, c'est-à-dire hier le RMI, aujourd'hui le RSA socle. Le RMI lors de sa création en 1989 s'élevait à 50 % du Smic, et se maintenait au même niveau jusqu'en 2002. En 2012, son successeur, le RSA socle, ne représente plus que 43 %. 43 % du salaire minimum. Eh bien cela veut dire que notre société est moins solidaire en 2012 qu'elle ne l'était, il y a 10 ou 20 ans.
Cette dérive doit s'arrêter, je m'y engage. Avec les moyens qui sont les nôtres, vous les connaissez. Suivant les recommandations et les orientations proposées par Bertrand FRAGONARD, j'ai décidé de redresser la courbe de progression du RSA socle pour amener son niveau à 50 % du Smic. Si on voulait le faire en un instant, il faudrait l'augmenter de 17 %. Je souhaite que d'ici 2017, c'est-à-dire à la fin du quinquennat, il ait augmenté de 10 % en plus de l'indexation annuelle sur l'inflation avec une première revalorisation dès septembre 2013. A terme en 10 ans, il devra avoir retrouvé son niveau relatif d'origine. Cette décision, je le sais aura des conséquences sur les finances publiques, elle aura des conséquences sur les départements. Ces conséquences feront l'objet, je m'y engage d'une compensation intégrale ; ce serait très injuste de leur demander de prendre à leur charge évidemment cette décision du gouvernement.
On pourrait vouloir aller plus vite, mais au regard de la situation de nos finances publiques et de la dette qu'on nous a laissée, il est clair que c'est un choix politique. Ce choix est ambitieux. Il est cohérent avec les mesures déjà adoptées. Je pense à l'allocation de rentrée scolaire augmentée de 25 % à la rentrée dernière - on a entendu beaucoup de critiques sur cette décision politique - comme à la pérennisation de la prime de Noël. Ces augmentations, ces efforts budgétaires réels seront critiqués par ceux qui croient que nous n'aurions pas une vision vertueuse de la gestion de nos finances publiques. Eh bien ce choix je l'assume pleinement avec tout le gouvernement.
Quant au RSA activité, personne ne remet ici en cause sa finalité. Il s'agit de venir en aide aux travailleurs qu'on appelle travailleurs pauvres, - même si cette formule n'est pas extraordinaire, c'est une réalité ; il ne faut pas avoir peur des mots qui traduisent des réalités. Mais force est de constater que ce RSA activité n'a pas atteint ses objectifs. Il est donc impératif de le réformer, avec la prime pour l'emploi d'ailleurs puisqu'ils ont le même objectif. Je m'engage à proposer cette réforme dès le premier semestre 2013.
Mais, pour lutter contre la pauvreté et la précarité, vous le savez aussi bien que moi, on ne saurait se contenter d'une approche strictement monétaire. Au cœur de notre pacte de solidarité, il y a l'accompagnement des personnes. La qualité et le renouveau de l'intervention sociale ont occupé une grande part des discussions des groupes de travail et ils étaient au cœur, ce matin, de l'exposé de Patrick VIVERET. C'est un fil conducteur que le plan de lutte contre la pauvreté devra suivre tout au long du quinquennat. Les personnes qui vivent ou ont vécu une période de difficultés sont unanimes, c'est grâce au soutien d'un agent du service public, de l'emploi, d'un travailleur social, d'un professionnel de la santé ou de l'éducation ou encore d'une personne bénévole qu'ils ont pu ou comptent pouvoir rebondir.
Renouveler l'intervention sociale c'est identifier sur le terrain des référents disponibles, c'est privilégier une approche globale et pluridisciplinaire des publics, c'est aller chercher ceux qui ne demandent rien. C'est enfin penser en termes de prévention des ruptures et de droits au parcours jusqu'à l'insertion réussie. On sait par exemple que les ménages modestes pâtissent tous tout à la fois d'un faible accès au service bancaire et d'un usage inadapté des crédits qui les mènent trop souvent au surendettement. Conformément aux recommandations de François SOULAGE, nous développerons une politique d'accompagnement pour prévenir le surendettement en nous appuyant sur un observatoire de l'inclusion bancaire et un réseau de point conseil budget. Mais la création d'un registre national des crédits aux particuliers - le fichier positif - est engagée et cette création sera incluse dans le projet de loi sur la consommation qui sera présentée en début 2013.
La responsabilisation des banques sera également renforcée dans la future loi bancaire présentée au Parlement en début d'année prochaine, qui intègrera les éléments relatifs au plafonnement des frais pour les publics les plus fragiles. Mais l'accompagnement n'est pas moins nécessaire pour garantir l'accès au logement.
Bien sûr les enjeux de l'hébergement et du logement se situent d'abord du côté du nombre de logements du bâti du parc privé comme des logements sociaux, des maisons relais comme des places d'hébergement.
Vous connaissez les engagements du gouvernement en termes de constructions, 150.000 logements sociaux par an. Cet engagement sera tenu mais c'est un défi, il exige une véritable mobilisation de tous les acteurs : pas seulement l'Etat qui mobilise les crédits mais aussi es représentants de l'Etat sur le terrain les collectivités territoriales, les bailleurs. Je prendrai une initiative en janvier pour réunir tous les acteurs qui sont prêts à s'engager pour obtenir des résultats concrets.
Le 1er novembre j'ai annoncé la fin de la gestion du thermomètre concernant l'hébergement d'urgence,. Eh bien pour cela, pour que ce ne soit pas une formule, le gouvernement engage les efforts nécessaires pour que cet engagement soit respecté. En plus des moyens supplémentaires accordés à l'automne 2012 et qui seront consolidés en 2013, nous créerons 4.000 nouvelles places de Cada et 4.000 places d'hébergement d'urgence supplémentaires qui s'ajouteront aux 1.000 places déjà budgétées.
Ce n'est évidemment pas tout, Christophe ROBERT et Alain REGNIER l'ont parfaitement exprimé, notre politique doit marcher sur deux pieds : la mise à l'abri des personnes à la rue et l'accompagnement du plus grand nombre vers des solutions pérennes, en particulier les ménages prioritaires au regard du droit au logement opposable ; c'est pourquoi je prévois un effort supplémentaire à même hauteur que les fonds destinés à créer de nouvelles places d'hébergement et d'asile pour favoriser le logement durable et le retour au droit commun.
Je pense à différents types de mesures, la prévention des expulsions, l'intermédiation locative, le logement adapté, l'accompagnement vers et dans le logement. Les familles aujourd'hui à l'hôtel pourront être ainsi accueillies dans des conditions dignes et une gestion plus souple des crédits justement pour les hôtels permettra, j'en suis sûr, de développer des projets alternatifs. Plusieurs associations que j'ai rencontrées m'ont fait d'ailleurs des propositions très concrètes et efficaces sur ce point.
D'un point de vue structurel, une réforme des modalités d'attribution des logements sociaux sera engagée. Enfin, pour lutter contre les discriminations à l'entrée dans le logement notamment pour les travailleurs modestes et les jeunes, nous travaillons à la mise en œuvre d'une garantie universelle des risques locatifs dont les modalités sont en cours d'expertise.
Il n'est pas acceptable que l'on refuse un logement à quelqu'un qui est en CDD ou même en intérim. J'ai rencontré il y a quelques temps, je cite cet exemple parce qu'il m'a beaucoup frappé - mais vous en connaissez autant que moi et plus - d'une personne qui était en foyer et qui me dit « je travaille et je gagne bien ma vie » m'a-t-il dit, c'est son expression, il gagnait 2.300 euros par mois, plombier chauffagiste, mais en intérim, ayant un contrat renouvelé en permanence, mais il dit, « je ne peux pas avoir de logement parce que je suis en intérim. Donc ma compagne est retournée chez ses parents et mes deux enfants, j'ai préféré, avec ma compagne, que nous les placions en famille d'accueil pour les protéger ».
C'est une situation que je trouve profondément choquante et intolérable. On doit la régler, pas seulement sur le plan individuel. On doit la régler par des solutions concrètes, c'est-à-dire en mettant en œuvre des droits, des nouveaux droits. Parce que si nous ne mettons pas ces nouveaux droits en œuvre, nous pourrions mettre en œuvre toutes les politiques du logement que nous voudrons, nous ne résoudrons pas la situation de cette personne comme celle de beaucoup d'autres.
Et puis je le disais, c'est aussi par l'accompagnement que nous ferons accéder les personnes durablement éloignées du travail à un emploi de qualité. Je dis bien « emploi de qualité » car c'est cela que nous visons à travers notamment les négociations qui sont en cours entre les partenaires sociaux sur la sécurisation de l'emploi. Parmi les sujets majeurs il y a celui du temps partiel subi, qui concerne essentiellement les femmes, et les contrats précaires - 65 % des embauches en 2011 se sont faites en CDD de moins d'un mois.
Comment peut-on avec cette situation trouver un logement ? Comment peut-on s'installer, comment peut-on repartir ? Et donc je voudrais saluer à cet instant le travail des partenaires sociaux dans leur négociation, je sais qu'elle n'est pas facile mais c'est toujours comme ça quand on part de loin et qu'on a le souhait de négocier et de trouver des solutions. Je souhaite vraiment qu'un accord soit trouvé - et ça sera leur responsabilité - dans la lutte contre la précarité du travail. Parce qu'on ne pourra pas sortir les gens de la pauvreté si on ne fait pas reculer la précarité des contrats de travail.
Les multiples études qui ont suivi la mise en œuvre du RMI et du RSA sont tout à fait claires, la réussite d'un parcours d'insertion professionnelle, je le disais, repose sur un accompagnement adapté, plaçant la personne au cœur du dispositif et traitant à la fois des obstacles sociaux et professionnels à l'accès à l'emploi y compris lorsqu'il s'agit d'une création d'entreprise. C'est avec les personnes et non plus seulement pour elles qu'il faut construire leur parcours professionnel en ayant pour maîtres mots la prévention, la continuité, la souplesse.
Outre le renforcement de l'insertion par l'activité économique, nous développerons massivement les stratégies de médiation active et d'accompagnement dans l'emploi ou encore la progressivité du temps de travail dans les contrats aidés. Nous veillerons enfin à orienter beaucoup plus massivement la formation professionnelle en direction des publics qui en bénéficient le moins, c'est-à-dire les personnes les moins qualifiées. Toutes ces mesures seront comprises dans le plan à venir et devront s'appuyer sur la mobilisation des employeurs.
Je veux insister sur un enjeu de première importance pour l'avenir de notre pays, l'insertion des jeunes qui ne sont nulle part, ni en emploi, ni en formation, qui sont confrontés à l'isolement, souvent hors du foyer familial, et à la précarité. Ces jeunes inoccupés, dont de nombreux décrocheurs du système scolaire, sont les éternels oubliés des politiques publiques. La priorité à la jeunesse a été affirmée par le président de la République, c'est aussi une priorité pour ces jeunes en grande difficulté.
C'est pourquoi j'annonce ici la mise en œuvre d'une « garantie jeune », dès la rentrée de septembre 2013 qui s'appuiera techniquement sur un dispositif existant pour éviter d'en inventer un nouveau, qui est le CIVIS.
Il s'agira d'un contrat d'un an renouvelable qui sera signé entre le jeune en grande difficulté d'insertion et le service public de l'emploi, précisant les engagements de chacun. L'institution s'engagera à offrir aux jeunes un accompagnement soutenu. Un travailleur social identifié devra établir avec lui un projet d'insertion et lui faire régulièrement des propositions adaptées de formation ou d'emploi, dont bien entendu les emplois d'avenir et les contrats de génération. Je précise qu'après la négociation réussie et l'accord de tous les partenaires sociaux, un projet de loi sur les contrats de génération sera soumis au Parlement au début de l'année2013.
De son côté, le jeune signataire sera tenu de respecter les étapes programmées du parcours, et d'accepter les propositions adaptées qui lui seront faites. Il bénéficiera alors pendant ces périodes d'inactivité d'une garantie de ressource, d'un niveau équivalent au RSA.
Le contrat sera d'un an renouvelable et cette aide financière d'un niveau équivalent au RSA dans les périodes d'inactivité.
Ce dispositif qui effectivement demande de mobiliser des moyens et une organisation sera mis en place en septembre 2013 dans dix territoires pilote avant d'être étendu à l'échelle nationale. Nous visons en rythme de croisière 100 000 jeunes par an. Cela veut dire 100 000 jeunes qui vont enfin retrouver un avenir.
Cette jeunesse qui peine à trouver sa place dans la société me conduit naturellement à la question de l'enfance en difficulté. Et plus largement des familles en situation de pauvreté ou en situation précaire. Dominique VERSINI et Pierre-Yves MADIGNIER ont appelé de leurs vœux le décloisonnement des dispositifs et l'amélioration de l'accompagnement afin de prévenir les ruptures familiales et de faciliter l'accès aux services collectifs des familles en situation de précarité. Nous nous inspirerons bien sûr de ces recommandations importantes.
Le statut de centre parental sera inscrit dans le code de l'action sociale pour permettre la coexistence de deux modes de prise en charge, celui des mères seules avec enfant et celui des deux parents avec enfant.
Comme je l'ai annoncé lors du Comité interministériel des droits des femmes, la scolarisation des enfants de moins de trois ans sera fortement développée notamment dans les zones d'éducation prioritaire où elle devra concerner au moins 30 % d'une classe d'âge.
Nous faciliterons aussi l'accès aux crèches et à la cantine scolaire pour les enfants de famille modeste. Plus largement nous avons pour objectif la réussite éducative des enfants en situation de précarité, dans le cadre de la grande ambition de la refondation de l'école.
Mais faut-il encore que les enfants et leurs familles vivent dans des conditions matérielles décentes. Notre pays comptait en 2010, 2 millions 700 000 enfants pauvres. C'est profondément inacceptable. C'est inacceptable pour eux comme pour leurs parents. Parce que c'est une injustice sociale terrible dans un pays comme le nôtre, un pays riche comme la France. Dans le cadre d'une réflexion générale sur la politique familiale menée au premier trimestre 2013, nous demanderons à Bertrand FRAGONARD de proposer une amélioration conséquente des aides aux familles monoparentales et aux familles nombreuses confrontées à la pauvreté.
L'allocation de soutien familial et le complément familial seront donc adaptés. Je n'accepte pas que tant de familles soient étouffées par des taux d'effort insoutenables notamment en matière de logement.
Pour les enfants, pour les familles, pour toutes les personnes en situation précaire, l'injustice sociale se manifeste de manière choquante dans des inégalités de santé.
Rendez-vous compte que dans un pays comme le nôtre et de tradition égalitaire, l'espérance de vie en bonne santé reste si profondément diversifiée, différenciée socialement. L'espérance de vie sans incapacité d'un cadre est de dix ans supérieure à celle d'un ouvrier. La France a également décroché par rapport à ses partenaires européens dans le domaine de la périnatalité, du fait précisément d'une moins bonne prise en charge des mères en situation de précarité.
En accord avec les recommandations de Michel LEGROS, notre plan intègrera un large volet relatif à l'accès aux soins, et à la couverture complémentaire pour tous. Ainsi le plafond de la CMU complémentaire sera révisé, de façon à couvrir 500 000 personnes de plus. En lien avec le programme de lutte contre les déserts médicaux, qui est en cours d'élaboration, nous encouragerons le déploiement de services publics locaux d'accès à la santé, et de structures pluridisciplinaires comme les centres et maisons de santé. Et nous redonnerons toute leur vigueur au dispositif d'accès aux droits, ou situés à la charnière des politiques sociales et médico-sociales, tels que les permanences d'accès aux soins de santé, les lits halte-soins-santé ou les lits d'accueil médicalisé.
Pour les personnes en situation de précarité, nous veillerons à ce que soient mieux pris en compte les enjeux de santé publique, comme la santé mentale, ou la lutte contre les addictions.
J'ai déjà été long, je ne veux pas entrer davantage dans les détails d'un plan qui reste bien sûr à finaliser. Ce plan sera adopté par le Comité interministériel de lutte contre l'exclusion que je réunirai à cet effet le 22 janvier 2013.
J'espère être parvenu à vous faire partager mon ambition d'une action riche et cohérente, visant précisément ce que les personnes fragiles ne soient plus les premières victimes de la crise. Ce plan, je l'ai dit, c'est d'abord le vôtre puisque vous en avez inspiré les termes, mais ce sera demain celui des ministres. Chacun d'entre eux aura sa propre feuille de route afin que la solidarité soit au cœur de toutes les politiques publiques qu'ils auront à conduire. Ce sera aussi l'engagement de l'Etat sur le terrain et j'y veillerai personnellement, pour qu'avec les Préfets, la vigilance et l'engagement soient les mêmes partout sur le territoire de la République.
Et pour veiller à la bonne application de ces mesures, on a parlé d'observatoire, on a parlé d'évaluation, je proposerai à une personnalité une mission de suivi du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale.
Je lui demanderai d'abord de me proposer une stratégie de suivi des mesures adoptées et des feuilles de route ministérielles, en s'appuyant sur un ensemble d'indicateurs équilibrés. Je lui demanderai ensuite, et cela me tient particulièrement à cœur, d'élaborer une méthodologie de déclinaison territoriale du plan afin qu'il devienne un objet de débat sur l'ensemble du territoire national et que tous les Français, tous les citoyens puissent se l'approprier.
Les problèmes de l'Outre-mer feront l'objet d'un volet distinct de notre plan avec un accent sur la question du pouvoir d'achat, de la vie chère, ou encore sur l'accès à l'emploi, je l'ai évoqué hier avec Victorin LUREL, qui est présent, devant les partenaires économiques et sociaux, et les élus de l'Outre-mer.
Avant de conclure je voudrais insister sur un point ; l'intervention que je fais devant vous ne saurait résumer tous les contenus, toute la richesse de notre plan, il abordera aussi de façon approfondie la question de l'évolution du travail social, et celle des publics dont les difficultés d'inclusion sociale mérite une approche particulière. Je pense aux personnes placées sous main de justice ; je pense aux femmes plus exposées que les hommes à la pauvreté ; je pense aux personnes âgées. Et je salue ici l'opération de mobilisation contre l'isolement des personnes âgées ; je pense aux gens du voyage dont le statut sera bientôt à l'étude à l'Assemblée nationale ; je pense aux personnes handicapées dont je mesure les difficultés spécifiques d'accès à l'emploi et pour beaucoup d'entre elles à des conditions de vie décente ; je pense aussi aux migrants, premières victimes des stigmatisations, à commencer par les familles Rom contraintes d'habiter dans des campements de fortune. Toutes ces personnes, toutes ces situations ne seront pas oubliées.
Mesdames, Messieurs, voilà la grande ambition qui est la nôtre. Je l'assumerai avec l'ensemble des membres du gouvernement, au premier rang desquels Marisol TOURAINE et Marie-Arlette CARLOTTI. Je les cite, sans citer tous les autres, mais particulièrement parce qu'elles n'ont pas ménagé leurs efforts pour préparer avec vous cette conférence.
Et je vous remercie toutes et tous pour votre mobilisation si précieuse, pas seulement aujourd'hui, hier et demain, parce que je sais qu'elle va se poursuivre, et que sans vous rien n'est possible.
Et mon dernier message sera simple : contrairement aux idées reçues, oui je dis bien aux idées reçues, les Français ont conscience de l'ampleur de la crise et des profondes injustices qui en résultent. Ils attendent de la part du gouvernement une politique de solidarité nouvelle, qui s'attaque à l'urgence du moment tout en réformant durablement notre modèle social, ce nouveau modèle français dont j'ai parlé à plusieurs reprises et que je défends avec conviction, qui repose tout autant sur la redistribution et la solidarité publique que sur la compétitivité de nos entreprises.
Le 6 mai dernier les Français ont fait le choix du redressement dans la justice et la solidarité. Et pour défendre la cohésion de notre corps social, nous devons faire preuve à la fois de courage, d'imagination, et d'audace. Soyons en conscients, c'est un combat, c'est un combat contre l'injustice, c'est un combat pour la dignité, c'est un combat contre tous les conformismes et les routines, les pesanteurs et les fatalités.
Mais je ne doute pas que nous réussirons. Je ne doute pas de notre attachement à la solidarité. Il trouve sa source dans les valeurs même de la République. Quand les Français doutent, c'est autour de ces valeurs qu'ils peuvent se retrouver et se dépasser.
Dans son discours du Bourget le président de la République François HOLLANDE parlant de la France avait dit « chaque nation a une âme et l'âme de la France c'est l'égalité ». Eh bien c'est ma feuille de route, c'est ce qui m'inspire, c'est ce qui inspire le gouvernement et c'est ce qui doit nous mobiliser tous ensemble. En tout cas en ce qui me concerne je ne m'écarterai pas de ce chemin, j'en prends l'engagement devant vous.
Merci et bon courage.
Source http://www.gouvernement.fr, le 12 décembre 2012