Texte intégral
PATRICK COHEN
Bonjour Jean-Marc AYRAULT.
JEAN-MARC AYRAULT
Bonjour.
PATRICK COHEN
Vous voici pourvu d'un président social-démocrate, une appellation que vous aviez revendiquée il y a plus d'un an. Mais désormais, avec une politique clairement tournée vers les entreprises, qui bouscule la gauche et déchire la droite, pour la droite, c'était sans doute l'un des objectifs, mais la gauche, qu'est-ce qui lui reste à la gauche aujourd'hui ou au moins, à cette partie de la gauche de votre électorat qui pense que vous avez assez donné aux patrons, sans en recueillir de résultats, et surtout, que vous êtes aux antipodes des engagements de campagne de François HOLLANDE ?
JEAN-MARC AYRAULT
Mais absolument pas, au contraire, nous sommes dans la cohérence de ce que François HOLLANDE a engagé depuis qu'il est président de la République. Parce qu'il faut voir d'où nous partons, le pays était en très grande difficulté, et il ne les a pas toutes surmontées, et comme ma priorité, et celle de tout gouvernement, c'est de gagner la bataille de la croissance, la bataille de l'emploi et en même temps, et c'est là la cohérence politique, j'allais dire social-démocrate, sauver le modèle social français et républicain, ce n'est pas seulement la redistribution, la solidarité, la Sécurité sociale, les retraites, c'est aussi le modèle républicain, c'est-à-dire l'égalité des droits, les valeurs, eh bien pour ça, il faut faire des réformes, il faut être courageux. Donc le président de la République, lors de sa conférence de presse, a choisi de parler vrai sur la situation du pays, c'est-à-dire, ses forces et il y en a beaucoup et ses faiblesses, il y en a, d'ailleurs, on les reprendra si vous voulez bien. Pourquoi ?
PATRICK COHEN
Oui, et
JEAN-MARC AYRAULT
Pourquoi il a parlé comme ça ? Parce qu'il a voulu adresser un message à toutes les forces vives du pays. On a quand même en ce moment tendance à s'auto-dénigrer parfois.
PATRICK COHEN
Les forces vives, mais particulièrement les entreprises
JEAN-MARC AYRAULT
Là, il s'agit de mobiliser les entreprises, les salariés et les forces politiques, qui le veuillent bien, pour que, au moment où la croissance est en train de repartir en France, et pour une part, c'est les décisions que nous avons prises qui en sont la conséquence, mais aussi en Europe, parce que c'est très important, nous ne sommes pas isolés, il ne faut pas rater le coche, donc pour ça, il y a en quelque sorte à amplifier, à accélérer la mise en mouvement de toutes les forces. Alors, c'est un pacte qui est proposé, c'est un pacte pour ceux qui voudront bien y contribuer
PATRICK COHEN
En accédant, Jean-Marc AYRAULT, à ce qui était la principale revendication du MEDEF, c'est-à-dire la suppression des cotisations familiales pour les entreprises d'ici à 2017.
JEAN-MARC AYRAULT
Moi, je suis social-démocrate, vous l'avez dit, le président de la République aussi, il l'a affirmé, il assume totalement cette identité, c'est donnant/donnant, c'est gagnant/gagnant, ce n'est pas tout pour les entreprises, mais c'est aussi pour les salariés et pour les droits nouveaux, et puis, c'est
PATRICK COHEN
Vous espérez des emplois alors ? Vous espérez des emplois
JEAN-MARC AYRAULT
Oui.
PATRICK COHEN
Combien ?
JEAN-MARC AYRAULT
Attendez, ce n'est pas comme ça que les choses se font
PATRICK COHEN
Alors, qu'est-ce qui vous garantit que la baisse des cotisations n'ira pas dans la poche des actionnaires ou des salariés au lieu de déboucher sur des embauches ?
JEAN-MARC AYRAULT
Laissez-moi laissez-moi expliquer vous avez posé plein de questions au début, je n'ai pas encore répondu à tout
PATRICK COHEN
Non
JEAN-MARC AYRAULT
Je vais vous donner un exemple du donnant/donnant, la bataille pour la croissance et l'emploi, je le répète, c'est ma bataille centrale, il n'y en a pas d'autre, parce que derrière, ce sont des jeunes qui veulent travailler, ce sont des seniors qu'on jette, parce que, soi-disant qu'ils sont trop vieux, et puis, je pourrais décrire les situations de souffrance humaine et sociale, et puis, une certaine désespérance qui s'installe dans certaines régions et certains territoires, et moi, je ne vis pas en chambre à Matignon ou dans un bureau, je vais aussi sur le terrain, et j'attends, et je vois qu'il y a une attente forte. Mais ce que me disent les Français, c'est qu'il faut non pas aider les patrons, comme vous l'avez dit tout à l'heure, aider le MEDEF, ce n'est pas ça l'enjeu
PATRICK COHEN
Les entreprises
JEAN-MARC AYRAULT
L'enjeu, c'est d'aider les entreprises pour leur redonner des marges de manoeuvre pour investir, innover, embaucher. Et là, je vais prendre un exemple pour comparer avec notre principal partenaire, qui est l'Allemagne, parce que c'est aussi là que ça se joue, nous sommes c'est-à-dire que nous fournissons, nous échangeons, c'est l'Europe, et en particulier l'Allemagne, qui est plus dynamique que nous, ce qui n'était pas le cas il y a dix ans. Eh bien, là, on regarde la situation de ce que paient les entreprises, en termes de cotisations sur les salaires, donc appuyées sur les salaires, sur la valeur travail, les cotisations en France sont beaucoup plus élevées qu'en Allemagne, bon ça, je prends cet exemple donc, et puis, si je prends l'impôt sur les sociétés, il est aussi plus élevé en France qu'en Allemagne, donc il y a ces deux chantiers que nous avons ouverts, mais il y a aussi un chantier social, Monsieur COHEN, parce que nous, nous avons reproché à l'Allemagne de ne pas avoir de salaire minimum, qui était aussi une distorsion de concurrence à l'égard des entreprises françaises, je pense notamment au secteur de l'agriculture, eh bien, les choses bougent en Europe, elles bougent en Allemagne, la grande coalition va instaurer le salaire minimum, ça, ça va dans le sens du progrès. Donc ce que nous voulons, c'est le progrès, le progrès, c'est l'emploi, le progrès, ce sont des droits, donc c'est le pacte que propose François HOLLANDE, qu'il faut mettre en mouvement en France. Donc ça veut dire que chacun doit prendre ses responsabilités, parce qu'il a bien parlé de pacte de responsabilité
PATRICK COHEN
Alors l'emploi
JEAN-MARC AYRAULT
Et personne ne peut échapper à la question qui est posée : que voulons-nous ? Est-ce qu'on veut contribuer au redressement de la France et à la bataille pour l'inversion durable de la courbe du chômage ? C'est ça l'enjeu.
PATRICK COHEN
Alors l'emploi, ce sont les contreparties que vous attendez, ce seront des engagements de la part du patronat ou des objectifs, parce que le patronat, lui, ne parle que d'objectifs ?
JEAN-MARC AYRAULT
Ecoutez, une entreprise, ce n'est pas une administration, et donc une entreprise, c'est quelque chose de vivant, c'est une sorte d'écosystème. Ce qu'il faut, c'est être clair, ce qu'il faut, c'est être clair. Et quand je dis par exemple que nous voulons harmoniser, pour qu'il n'y ait pas de distorsion à l'égard de nos entreprises françaises, je vais prendre l'exemple des cotisations payées par les entreprises, et donc qu'est-ce qu'on constate ? Il y a plusieurs types de cotisations, les cotisations pour l'assurance-maladie, pour la retraite, pour l'assurance-chômage, et puis, il y a en plus une cotisation pour financer la politique familiale, les Allocations familiales, il n'est pas question de remettre en cause les Allocations familiales, elles continueront d'être payées, c'est ce que nous avons décidé
PATRICK COHEN
Et les prestations ne baisseront pas ?
JEAN-MARC AYRAULT
Absolument pas. Et quelle est la question, est-ce que c'est juste, est-ce que c'est efficace que ça soit payé essentiellement par les entreprises, cette politique familiale ? Eh bien, la réponse est non. Le président de la République a pris un engagement de supprimer ces cotisations payées par les entreprises, de les financer autrement, et pour les financer autrement, il a aussi pris un autre engagement, c'est qu'on n'aille pas vers un transfert de fiscalité des entreprises vers les ménages, ce qui veut dire qu'en même temps, il y a un programme d'économies volontariste de cinquante milliards qui doit être mis en oeuvre, c'est ça l'engagement, il est cohérent, et c'est ce que nous allons faire.
PATRICK COHEN
On va revenir sur les économies de dépenses dans quelques minutes
JEAN-MARC AYRAULT
Ça veut dire des réformes.
PATRICK COHEN
Mais je reviens sur les engagements que vous attendez de la part des entrepreneurs à l'égard de l'emploi
JEAN-MARC AYRAULT
Eh bien, les engagements que nous attendons, c'est des engagements sur l'emploi, mais je
PATRICK COHEN
Mais ça veut dire avec un mécanisme de sanctions pour les secteurs qui n'embaucheraient pas ?
JEAN-MARC AYRAULT
Nous avons déjà écoutez, nous ne sommes pas dans une économie administrée, moi, je n'ai pas été chef d'entreprise, j'ai été maire pendant trente-cinq ans, j'ai en permanence discuté avec les chefs d'entreprise, la réalité, je la connais
PATRICK COHEN
Donc ça reposera sur la confiance ?
JEAN-MARC AYRAULT
C'est un engagement qui doit être soumis aussi à la discussion dans les entreprises entre les chefs d'entreprise et les représentants des salariés ; pourquoi voulons-nous le dialogue social ? Pourquoi est-ce que toutes les réformes qu'on a engagées depuis le début marchent ? C'est parce qu'il y a eu négociation. La réforme sur le marché du travail, c'est-à-dire la sécurisation de l'emploi, c'est le fruit d'une négociation. La réforme des retraites, c'est le fruit d'une concertation. La réforme de la formation professionnelle, c'est la même chose ; ça veut dire que le dialogue social permet d'arriver à des compromis, et des compromis gagnants/gagnants, et qui font que la réforme, et les réformes se font et réussissent. Ça doit être la même chose. je reviens un petit peu en arrière, nous avons, après le rapport GALLOIS, que j'avais commandé, pour avoir un état réel de la situation des entreprises françaises, vous vous souvenez de ce diagnostic qui était très sévère, et qui allait dans le même sens de ce que nous disons ce matin, nous avons pris des mesures, nous avons pris notamment une mesure qui consistait à baisser le coût du travail de 4%, ça va être effectif en 2014, sauf pour les entreprises qui avaient demandé l'anticipation. Et puis en 2015, ça sera moins 6%. Donc il y a déjà un effort qui a été fait. Mais que dit la loi sur le crédit d'impôt, le crédit d'impôt que vont recevoir les entreprises dans quelques semaines, eh bien, la loi dit qu'il y a obligation pour les chefs d'entreprise, notamment là où il y a un comité d'entreprise, de présenter aux entreprises le montant exact qu'ils ont perçu du crédit d'impôt, quel usage en a été fait, parce que la loi dit aussi que ce n'est pas fait pour les dividendes, c'est fait pour l'investissement. Donc les salariés c'est pour ça qu'on a aussi souhaité que les salariés soient davantage représentés dans les conseils d'administration des entreprises, des grandes entreprises, les salariés, les syndicats doivent dans le cadre du dialogue social pouvoir jouer pleinement leur rôle. Et les salariés dans les entreprises, ils sont capables de comprendre que l'argent du crédit d'impôt, il doit aller d'abord à l'investissement et à l'innovation, parce que quand on est salarié d'une entreprise et qu'on voit qu'il n'y a plus d'investissement, les salariés me disent souvent, il y a longtemps que j'ai entendu ça, mais : notre entreprise va se casser la figure. Donc c'est ça l'enjeu. Et ça, c'est un enjeu de progrès, c'est un enjeu d'avenir, c'est un enjeu qui concerne tous les Français, et c'est en ce sens que je dis que nous sommes des sociaux-démocrates, et pas des sociaux libéraux, parce que le libéralisme, c'est le marché tout seul, qui dirige tout, qui décide tout, la fameuse main invisible du marché qui régulerait nos problèmes. Or, on sait bien, depuis la crise des subprimes, encore davantage, que ce n'est pas vrai et qu'il faut qu'il y ait une intervention de l'Etat. Et d'ailleurs, quand il y a une difficulté dans une entreprise, qu'une entreprise risque de fermer, que font les chefs d'entreprise et les salariés, ils viennent vers qui ? Vers l'Etat. Bon, il faut une nouvelle donne, c'est ce que François HOLLANDE a proposé, c'est ce pacte qu'il propose, il vaut mieux s'y engager parce que c'est l'intérêt de tout le monde.
PATRICK COHEN
Est-ce que, parallèlement à la baisse des cotisations, vous pourriez envisager une baisse de l'impôt sur les sociétés ?
JEAN-MARC AYRAULT
Je l'ai évoquée, il faut harmoniser avec l'Allemagne, il ne s'agit pas de baisser pour baisser, mais là, je veux vous rappeler la méthode, Patrick COHEN, le président de la République a fait sa conférence de presse le 14 juin (sic), le 21, la semaine prochaine, il présente ses voeux aux forces vives, économiques et sociales. Il va donc retracer la perspective de ce qu'il a engagé. Ensuite, le 27, je reçois à Matignon, avec les ministres concernés, chaque organisation patronale et syndicale, et nous allons mettre tout sur la table, tous les enjeux, décrire les revendications des uns et des autres pour avancer, mais ça sera clair. Et puis, ensuite, j'installerai les Assises de la fiscalité des entreprises, avec tous ceux qui seront autour de la table, entreprises, représentants du Parlement, les organisations syndicales. J'installerai à peu près le même jour le chantier de la fiscalité des ménages, je vous rappelle que j'avais annoncé avant les fêtes la fiscalité des ménages
PATRICK COHEN
Donc la réforme fiscale
JEAN-MARC AYRAULT
La réforme fiscale, la remise à plat de la fiscalité
PATRICK COHEN
Elle est toujours là ? Même si ce n'est plus la priorité ?
JEAN-MARC AYRAULT
Pas du tout, vous avez
PATRICK COHEN
Ah bah
JEAN-MARC AYRAULT
Patrick COHEN, est-ce que
PATRICK COHEN
Elle n'était pas au centre du discours présidentiel avant-hier à l'Elysée
JEAN-MARC AYRAULT
Ce qui était au centre du discours présidentiel, c'était tout faire pour ne pas rater le rendez-vous de la croissance, qui est maintenant là, et qui est le fruit d'un travail que nous avons engagé, qui est le fruit d'une situation en Europe où on a sauvé l'euro, où l'union bancaire est en marche, il y a des choses qui se passent, il ne faut pas être à côté de la plaque, il faut être au rendez-vous, mais je rappelle que le président de la République a évoqué le chantier de la fiscalité des entreprises, le chantier du financement de la protection sociale et la remise à plat de la fiscalité des ménages, et il a employé cette expression je vous le rappelle c'est un bloc, oui, c'est un bloc, parce que, effectivement, les Français attendent de la clarification, de la simplification, mais aussi de la justice, ça vaut pour les entreprises, ça vaut pour les ménages.
PATRICK COHEN
On va reparler dans quelques minutes du financement des économies de dépenses que vous voulez faire, et puis aussi de la question des fusions de collectivités, de la réduction du nombre de régions, peut-être de départements, mais d'abord, un mot, quelques mots de politique, vous n'avez pas ignoré évidemment que des centristes ont été séduits par le discours présidentiel, et ils pourraient voter votre pacte à l'Assemblée nationale ; est-ce que ça peut être le prélude à un rapprochement politique, Jean-Marc AYRAULT ?
JEAN-MARC AYRAULT
Vous savez, je pense qu'il faut éviter de faire de la tactique politicienne, ce qui est important, c'est l'intérêt du pays, et chacun est face à ses responsabilités. Je dis bien pacte de responsabilité. Aujourd'hui, nous héritons d'une situation où la France a vu ses conditions, sa dette et ses conditions de vie se dégrader depuis dix ans. Et en particulier depuis cinq ans, depuis le déclenchement de la crise, je rappelle que pendant cinq ans, 2007-2012, la croissance était en moyenne de 0%, ça fait des dégâts humains, ça fait des dégâts sociaux, ça fait du chômage, ça fait de la précarité, ça fait des régions impactées. Aujourd'hui, il y a une main qui est tendue à tous ceux qui veulent la prendre pour redresser le pays durablement, aller au-delà encore de ce que nous avons entrepris. Ceux qui seront prêts à le faire, ils sont les bienvenus, d'ailleurs, le président de la République a proposé que a annoncé plutôt que le Conseil des ministres autoriserait le gouvernement à engager sur ce pacte sa responsabilité, c'est-à-dire que chacun prendra ses responsabilités à tous les niveaux
PATRICK COHEN
Votre gouvernement, votre gouvernement ?
JEAN-MARC AYRAULT
Oui, le gouvernement de la France
PATRICK COHEN
C'est vous qui monterez à la tribune en juin
JEAN-MARC AYRAULT
Moi, eh bien écoutez, qui est chargé de mettre en oeuvre ce que je viens de vous indiquer ? Eh bien, c'est mon travail, donc je ne me pose pas cette question. Ma question, et la seule question, c'est : est-ce qu'on est capable de réussir pour la France, pour redonner de la confiance, et qu'on sorte de ce pessimisme ambiant
PATRICK COHEN
Et, Jean-Marc AYRAULT, aujourd'hui, vous avez une majorité pour voter cette politique ?
JEAN-MARC AYRAULT
Oui, je suis convaincu que nous avons une majorité, mais la majorité, vous savez, moi, je suis toutes les semaines à l'Assemblée nationale, je discute avec les parlementaires, je vais rencontrer les différents groupes de la majorité, j'y rencontre aussi parfois ceux de l'opposition, mais les parlementaires ne sont pas des béni-oui-oui, et ce ne sont pas non plus des godillots, ça n'existe pas, ils ont leur mot à dire
PATRICK COHEN
C'est pour ça que la question se pose
JEAN-MARC AYRAULT
Mais oui, mais attendez, la question, elle se pose, mais elle ne se pose pas sur l'envie de réussir. S'il y a une chose qui est partagée, mais oui, quelle que soit la sensibilité, les socialistes en particulier, eux qui sont le coeur de la majorité, ils veulent réussir pour la France, et quand ils voient les électeurs, les électeurs leur dire : alors, est-ce que vous pensez que ça va marcher, ça ne va pas assez vite, il faudrait que le chômage recule plus vite, il faudrait que les réformes, par exemple celle de l'Education, celle de la Réussite scolaire, Vincent PEILLON propose aujourd'hui son plan contre l'échec scolaire, eh bien, c'est un des grands enjeux de la France, eh bien, c'est ça que veulent tous les socialistes, quels que soient leur sensibilité et leurs débats parfois, mais comment faire autrement que de débattre, la démocratie, c'est ça aussi.
PATRICK COHEN
Jean-Marc AYRAULT, invité de FRANCE INTER jusqu'à 08h55. On vous retrouve dans quelques minutes, après « La revue de presse » avec d'autres questions, celles des auditeurs, qui nous appellent au : 01.45.27.7000, et des chroniqueurs de FRANCE INTER.
8h40 Partie avec les auditeurs
PATRICK COHEN
Le Premier ministre est donc avec nous ce matin jusqu'à neuf heures moins cinq. Des questions au standard pour vous, monsieur AYRAULT. David qui nous appelle de Toulouse, bonjour. Nous vous écoutons.
DAVID, AUDITEUR DE TOULOUSE
Oui, bonjour. Bonjour monsieur AYRAULT, merci de prendre ma question.
MONSIEUR LE PREMIER MINISTRE JEAN-MARC AYRAULT
Bonjour.
DAVID
J'ai une petite entreprise d'une vingtaine de salariés et ce qui nous pousse à employer des gens, à recruter ou à investir, c'est surtout l'activité. C'est-à-dire que nous embauchons des gens lorsque nous en avons besoin et pas parce qu'on nous fait des cadeaux fiscaux ou des baisses de charges, premièrement. Deuxièmement, nous investissons, nous créons de nouvelles entreprises, lorsque le rapport bénéfices/risques nous est favorable. Personnellement, j'ai commencé en 1995. J'ai connu une époque où pour mettons cent euros de bénéfice avant impôt, il m'en restait en revenus et situation familiale constante cinquante. Aujourd'hui, il ne m'en reste plus qu'entre vingt et trente à cause de la CSG, à cause de l'impôt à vingt-et-un pourcents que vous avez crée cette année, à cause de beaucoup d'éléments qui sont venus s'ajouter à notre fiscalité. Donc, je voudrais savoir comment vous comptez agir sur ces deux éléments qui sont prépondérants si vous voulez que les entreprises se développent et embauchent des gens. Merci.
PATRICK COHEN
Merci à vous David. Jean-Marc AYRAULT vous répond.
JEAN-MARC AYRAULT
D'abord, il y a un contexte général que vous venez d'évoquer qui est celui de la croissance. S'il n'y a pas de croissance, même s'il y a des aides pour les entreprises, ça ne suffira pas. Vous avez parfaitement raison, c'est du bon sens. Mais si nous voulons accélérer ce que nous avons entrepris depuis maintenant vingt mois, et surtout après la remise du rapport Gallois et la présentation du pacte pour la compétitivité, la croissance et l'emploi, c'est parce que justement en Europe, après les risques de disparition de l'euro c'était la situation qu'a trouvée François HOLLANDE lorsqu'il a été élu on a vécu pendant cinq ans de crise sans croissance, à part quelques pays comme l'Allemagne qui s'en sort bien et quelques pays nordiques. C'était donc important de retrouver une sécurité. C'est ce qui s'est passé : l'euro a été sauvé, l'union bancaire enfin va être mise en place, donc on est dans une période maintenant où tout a été remis en marche et c'est cette croissance qui repart, et c'est à ce moment-là qu'il ne faut pas que la France soit en retard. Pour répondre aussi à la deuxième partie de votre question, on vous donne des marges. Ces marges de manoeuvre supplémentaires, vous les avez évoquées d'ailleurs, vous allez les avoir. Vous avez une entreprise de vingt salariés : vous allez recevoir là, dans quelques mois, au maximum au mois de mai, le crédit d'impôt, moins quatre pourcents sur la valeur, la masse salariale de votre entreprise, jusqu'à 2,5 fois le smic.
PATRICK COHEN
Pour les bas salaires.
JEAN-MARC AYRAULT
2,5 fois le smic, ce qui est déjà beaucoup. Et donc, ça va vous redonner des marges. Qu'est-ce que vous pouvez en faire de ces marges ? C'est d'investir parce qu'il faut toujours investir, innover et puis aussi embaucher si dans le contexte économique de redémarrage de la croissance effectivement les choses s'améliorent. C'est ça que nous voulons faire, ce n'est pas des cadeaux, je l'ai dit, aux patrons. Avec tout le respect que je vous dois, je ne veux pas vous faire un cadeau, pour vous personnellement. Ce que je veux, c'est que votre entreprise retrouve de la dynamique et c'est ce que vous souhaitez, puis c'est ce que vos salariés espèrent, attendent. Vous voyez, par exemple on vient de connaître aujourd'hui les chiffres des défaillances d'entreprises.
PATRICK COHEN
Oui.
JEAN-MARC AYRAULT
Il est très fort. Ça montre bien qu'il faut être encore plus réactif, plus offensif, et chacun doit y prendre sa part. Comme vous l'avez dit vous-même, c'est à la fois les chefs d'entreprises, c'est aussi les salariés, qui doivent tous se mettre en mouvement.
PATRICK COHEN
Une autre question sur le pacte. Benoît, qui nous appelle de Basse-Normandie. Bonjour Benoît. Nous vous écoutons.
BENOIT, AUDITEUR DE BASSE-NORMANDIE
Bonjour.
JEAN-MARC AYRAULT
Bonjour monsieur.
BENOIT
Oui. J'étais au Bourget, au discours de François HOLLANDE quand il a déclaré que la finance était son ennemi. C'est la seule phrase que j'ai retenue. J'aimerais savoir comment Jean-Marc AYRAULT va s'assurer que la baisse de cotisations familiales ne va pas aller pour les dividendes mais bien pour l'emploi.
JEAN-MARC AYRAULT
Ça fait partie du pacte, je l'ai dit tout à l'heure. Je crois que ce que nous avons déjà entrepris, que je viens d'évoquer, le crédit d'impôt, ce sera la même chose pour tous les autres engagements que nous allons prendre. Il n'est pas question que la priorité soit les dividendes. La priorité, ça doit être la performance des entreprises, l'investissement, l'innovation.
PATRICK COHEN
Mais la question, c'est qu'est-ce qui vous le garantit Jean-Marc AYRAULT ?
JEAN-MARC AYRAULT
C'est un pacte qui est proposé et qui sera ensuite soumis au vote du Parlement.
PATRICK COHEN
Et s'il n'est pas respecté ?
JEAN-MARC AYRAULT
Écoutez, je crois que chacun pourra apprécier mais je pense que, je l'ai dit tout à l'heure, les entreprises c'est un écosystème. Ce n'est pas une administration, ce n'est pas une bureaucratie. Vous le savez très bien.
PHILIPPE LEFÉBURE
À propos de bureaucratie, vous créez un observatoire des contreparties.
JEAN-MARC AYRAULT
Oui, pour que les Français soient témoins, pour que les partenaires sociaux puissent regarder la situation en face, qu'on ne cache rien, qu'on soit dans une transparence absolue et à ce moment-là, chacun sera face à ses responsabilités.
PHILIPPE LEFÉBURE
Observatoire des contreparties, plus le conseil de simplification, le conseil stratégique de la dépense : vous n'avez pas assez d'organismes publics pour faire ce travail au lieu de monter cette usine à gaz ?
JEAN-MARC AYRAULT
Conseil stratégique de la dépense, qui sera mis en place autour du président de la République, et se réunira régulièrement avec le Premier ministre et les ministres, c'est de vérifier que les engagements qui ont été pris par le président de la République se mettent bien en oeuvre, donc ce n'est pas un « machin » de plus. Il n'y a pas besoin de ça. Simplement, c'est un engagement.
PATRICK COHEN
Mais l'observatoire, oui.
JEAN-MARC AYRAULT
L'observatoire c'est les partenaires sociaux qui vont se mettre ensemble autour de la table de façon durable. Durable, et pas seulement pour une seule négociation. Ça, c'est donc un processus nouveau qu'il faut absolument faire vivre. C'est indispensable, c'est la base de la confiance. Moi, je rencontre le patronat, les différentes organisations séparément, je rencontre les dirigeants syndicaux avant la rencontre officielle du 27 que je vais tenir à Matignon et ils me demandent tous que le dialogue soit durable, qu'on soit dans un climat de confiance. La confiance, ça ne se décrète pas : ça se construit. Il faut savoir ce qu'on veut. Est-ce qu'on veut que la France réussisse ? est-ce qu'on veut que la situation des Français s'améliore ? que le chômage recule ? qu'il y ait une espérance pour la jeunesse ? C'est ça l'enjeu. Arrêtons les jeux ! les jeux tactiques !
PATRICK COHEN
Une autre question d'auditeur, d'auditrice. Émilie nous appelle de Montpellier. Bonjour Émilie.
ÉMILIE, AUDITRICE DE MONTPELLIER
Oui, bonjour. Voilà, je me permets de vous appeler pour revenir sur les cotisations sociales au niveau patronal qui allaient diminuer. Vous en avez déjà parlé tout à l'heure en disant qu'elles n'allaient pas être modifiées elles-mêmes, mais par contre vous n'avez pas dit comment elles allaient être subventionnées.
PATRICK COHEN
Voilà, comment on finance ?
JEAN-MARC AYRAULT
Écoutez, c'est par un programme d'économies. Pas par un transfert de fiscalité des ménages des entreprises vers les ménages. Le président de la République l'a rappelé hier : ça, ce n'est pas possible. Ce serait injuste. Encore une fois, je voudrais corriger pas ce qui a été par votre journaliste pour la revue de presse, ce qui est écrit par certains journaux qui disent en citant L'Humanité qui dit : « On veut mettre fin au financement de la protection sociale par les cotisations par le travail ». C'est totalement faux ! La protection sociale, ce n'est pas la politique familiale. La protection sociale, c'est la retraite, c'est l'assurance maladie, c'est l'assurance chômage. Ça, ça va continuer à être financé par les cotisations pour l'essentiel, qui sont assises sur le travail, sur les salaires. Mais par contre, la politique familiale on a dit : « C'est une vieille idée du patronat ». Non ! c'est une vieille idée qui fait débat entre les partenaires sociaux et aussi au niveau politique depuis des années en effet. Est-ce qu'une politique de solidarité qui n'est pas liée à l'activité du travail elle-même qui est la politique familiale, qui concerne tous les Français qui ont des enfants, est-ce que ça doit être payé par des cotisations assises sur le travail ? Non ; nous pensons que ça doit être financé par la solidarité nationale et ça n'est pas la mise en cause de la protection sociale. C'est comme si on disait : « L'éducation nationale doit être financée par des cotisations par les entreprises sur le travail ». Ça n'a pas de sens, tout le monde sera d'accord.
PATRICK COHEN
Les économies de dépenses : Jean-Marc AYRAULT, un peu plus de cinquante milliards d'économies programmés d'ici à 2017. Comment est-ce que vous envisagez que l'État abandonne certaines de ses missions ?
JEAN-MARC AYRAULT
Il faut absolument engager des réformes en profondeur parce que la dépense publique, Patrick COHEN
PATRICK COHEN
Oui, mais la réforme en profondeur, les gens ne voient pas ce que ça veut dire.
JEAN-MARC AYRAULT
Je vais vous en donner deux exemples, voire même trois si vous voulez. Vous, vous dites tout de suite l'État, mais la dépense publique ça n'est pas que l'État. La dépense publique, c'est l'État pour un tiers de la dépense publique un tiers seulement et le reste c'est la protection sociale dans son ensemble, la sécurité sociale et les collectivités locales. Donc il y a trois piliers, le plus gros c'est la protection sociale. Si on veut faire des économies, ce n'est pas pour détruire le modèle social français : c'est le rendre plus efficace. Ça veut dire qu'il faut aussi donc le réformer. Si je prends la santé, nous avons adopté une stratégie nationale de santé que j'ai présentée l'année dernière, qui consiste à réorganiser le parcours de soins, depuis le médecin de famille jusqu'à l'hôpital et ensuite, les soins de post-cure. Il est vrai qu'il y a énormément de choses à changer. Il y a aussi par exemple, dans l'hôpital, si on veut faire l'hôpital du vingt-et-unième siècle ce qu'on va faire il faut investir dans des nouveaux établissements, les rénover, mais c'est davantage d'ambulatoire. C'est-à-dire que pour des interventions mineures, vous n'êtes pas obligé de rester deux jours.
PATRICK COHEN
Mais ça ne suffira pas pour les années à venir, Jean-Marc AYRAULT.
JEAN-MARC AYRAULT
Je vais prendre un autre exemple.
PHILIPPE LEFÉBURE
Ambulatoire, c'est cinq milliards d'euros d'économies seulement. Il en reste quarante-cinq.
JEAN-MARC AYRAULT
Cinq milliards d'économies par an et vous trouvez que ce n'est rien ? C'est énorme !
PHILIPPE LEFÉBURE
Il en reste quarante-cinq.
JEAN-MARC AYRAULT
Mais moi, je vous remercie de citer ce chiffre.
PHILIPPE LEFÉBURE
Oui, c'est la Cour des comptes.
JEAN-MARC AYRAULT
On pense toujours que c'est rien, eh bien c'est beaucoup et il faut le faire. Parce qu'avant de le dire, il ne faut pas se contenter de le dire mais il faut le faire. Nous allons le faire. Je prends un deuxième exemple : pourquoi est-ce que la France est un des pays où le médicament générique est le moins utilisé ? Ça, c'est plusieurs milliards en perspective. Je voudrais prendre d'autres exemples. Je vais prendre les collectivités locales. Tout le monde se plaint de la complexité du millefeuille. Le président de la République a fixé des objectifs. Moi-même à Rennes, lorsque je suis allé présenter le pacte d'avenir pour la Bretagne, j'ai annoncé une réforme pour donner plus de responsabilités aux régions qui sont aujourd'hui exercées par l'État, qui le seront demain par les régions : formation professionnelle, développement économique, innovation et aussi un pouvoir réglementaire, donc beaucoup plus de responsabilités aux régions.
PATRICK COHEN
Ce sera très long, Jean-Marc AYRAULT.
JEAN-MARC AYRAULT
Ça va se faire. Le projet de loi
PATRICK COHEN
Les départements et des régions ne vont pas être supprimés cette année ou l'an prochain.
JEAN-MARC AYRAULT
Alors c'est extraordinaire parce que vous voulez des réformes en profondeur
PATRICK COHEN
C'est une question.
JEAN-MARC AYRAULT
Vous dites qu'on n'en fait pas assez, qu'on n'est pas assez audacieux. On propose des choses audacieuses et vous dites : « Non, mais ça va être long ».
PATRICK COHEN
Non mais on connaît les résistances ! On l'a vu pour la discussion du projet de Marylise LEBRANCHU. Ça va être très long !
JEAN-MARC AYRAULT
Mais je sais qu'il y a des résistances, qu'il y a des conservatismes. Il y en a partout ! Il y en a même à FRANCE TÉLÉVISIONS quand il faut se réformer ou se réorganiser, ou à RADIO FRANCE.
PATRICK COHEN
Et en plus, la loi impose un référendum. Jean-Marc AYRAULT, la loi impose un référendum. On l'a vu en Alsace avec la fusion des deux départements : les Alsaciens n'ont pas voulu de cette fusion.
JEAN-MARC AYRAULT
Alors il faut des règles du jeu qui facilitent les choses mais surtout il faut expliquer les enjeux.
PATRICK COHEN
Ça veut dire qu'on supprime la consultation des habitants ?
JEAN-MARC AYRAULT
Non, je ne dis pas ça. Simplement, il faut à la fois simplifier les processus mais il faut surtout expliquer aux citoyens ce qu'on veut faire. Moi, j'ai effectivement souvenir que lorsque la réforme qui avait été proposée aux Alsaciens et que la loi permet, c'est-à-dire la fusion des départements avec la région, qui n'a pas été acceptée par le vote populaire, c'est regrettable. Pour ma part, je le regrette. Je pense que la campagne a été mal faite, elle ne s'est adressée qu'aux élus, elle n'a pas présenté aux citoyens sans les associer en amont sur quel était l'enjeu. L'enjeu, quand c'est perçu comme une régression cette réforme, si on dit : « Ça va être moins bien pour vous. Vous aurez moins accès aux services publics, les services publics seront moins bien assurés », alors à ce moment-là les citoyens disent non. Il faut donc expliquer le défi. Je vais prendre l'exemple des caisses de retraite. Lorsque j'ai annoncé la réforme des retraites, j'ai annoncé qu'il y avait trente-quatre caisses de retraite qui, pour certains retraités ou futurs retraités, rendaient leur parcours très compliqué pour être informés de leurs droits, et qu'il fallait mutualiser ces moyens-là donc mieux informer les retraités. L'enjeu, c'est être plus efficace et en même temps, gagner au passage plusieurs milliards d'euros. Ça, c'est des réformes. Moi, je suis un réformiste mais je ne suis pas un réformiste seulement par conviction : je suis un réformiste par pratique, parce que je veux que ça marche, je veux que ça réussisse. Et pour ça, il faut une méthode. La méthode, c'est la méthode démocratique, c'est associer tout le monde. Par exemple, si on veut améliorer la fonction publique, vous croyez que ça se fera tout seul sans associer les fonctionnaires ? Ils ont leur mot à dire, je serai à Metz la semaine prochaine pour le dire.
PATRICK COHEN
Une question de Philippe LEFÉBURE.
PHILIPPE LEFÉBURE
Cinquante milliards, ça va être difficile, mais est-ce que c'est le bon chiffre ? Il y a une impasse budgétaire dans le pacte présenté par François HOLLANDE : les dix à quinze milliards d'allègements de charges supplémentaires ne sont pas financés. Est-ce que c'est un pari sur la croissance ou est-ce que ce sont des économies cachées ?
JEAN-MARC AYRAULT
Écoutez, si on ne parie pas sur la croissance, alors ça veut dire qu'on va continuer à avoir une croissance zéro ou autour de 0,1 ou 0,2. Non, on ne peut pas accepter ça, donc nous nous battons pour la croissance. C'est tout le défi du pacte mais en même temps, fixer un objectif pour trois ans qui sera soumis au Parlement bientôt, de diminuer la dépense publique de cinquante milliards toutes les dépenses publiques, je l'ai dit tout à l'heure, et pas protection sociale et collectivités locales c'est une performance qui n'a jamais été atteinte jusqu'à présent. Alors avant de dire : « Ce n'est pas assez », vous pourriez me demander : « Est-ce que vous allez y arriver ? » Je dis : « Oui, nous allons y arriver parce que c'est indispensable pour le pays ».
THOMAS LEGRAND
Est-ce que vous pensez que le président de la République aurait pu être élu en tenant le discours qu'il a tenu le 14 ?
PATRICK COHEN
14 janvier.
THOMAS LEGRAND
Le 14 janvier.
JEAN-MARC AYRAULT
D'abord il a tenu un discours de vérité et si vous reprenez son discours du Bourget, il l'a lui-même rappelé
THOMAS LEGRAND
Non, le discours du Bourget, c'est : « La finance est mon ennemi ». Ce n'était pas : « Le déficit est mon ennemi ».
JEAN-MARC AYRAULT
Non. « La finance est mon ennemi », moi je considère que la finance qui spécule, la finance qui fraude, qui se réfugie dans les paradis fiscaux, oui c'est l'ennemi.
THOMAS LEGRAND
Bien sûr.
JEAN-MARC AYRAULT
C'est l'ennemi et ça le reste. Ça le reste. J'ai répondu hier à une question à l'Assemblée nationale à ce sujet. Qu'est-ce que nous avons fait depuis que nous sommes au pouvoir ? Parce que quand même, la finance qui est l'ennemie, c'est la finance des subprimes. C'est celle qui a fait que des banques se sont effondrées et qu'il a fallu les renflouer par l'argent des contribuables.
THOMAS LEGRAND
C'est le monde de la finance d'ailleurs
JEAN-MARC AYRAULT
C'est le monde de la finance, et des subprimes et de la spéculation qui a fait que pendant cinq ans, l'euro a failli disparaître et qu'il y a eu croissance zéro en Europe et que ça a conduit à des souffrances
THOMAS LEGRAND
Oui, mais ce que vous voulez dire par-là, c'est que le discours du 14 janvier était le même que celui de la campagne ?
JEAN-MARC AYRAULT
Mais non, mais je ne dis pas que c'est le même
THOMAS LEGRAND
Voilà c'est ça, pourquoi ne pas l'avoir tenu avant ?
JEAN-MARC AYRAULT
Ce qui est important, c'est de dire la vérité aux Français sur
THOMAS LEGRAND
C'est ce que je suis en train de vous demander
JEAN-MARC AYRAULT
Et en même temps d'identifier où sont les adversaires, je viens de vous le rappeler, et dire aussi ce que nous avons fait, parce que quand nous luttons contre la fraude fiscale par exemple, vous avez remarqué tous que ça a donné des résultats, et ce matin, sur France Inter
PATRICK COHEN
Le président n'en a pas parlé
JEAN-MARC AYRAULT
Sur France Inter, j'entendais
PATRICK COHEN
Avant-hier
JEAN-MARC AYRAULT
Sur France Inter, j'entendais que vous étiez étonné que ça marche ! Eh bien oui, la lutte contre la fraude fiscale est menée de façon résolue, et ça marche. L'argent revient dans les caisses, et ce n'est pas fini. La lutte contre les paradis fiscaux, elle ne fait que commencer. La mise en place d'une Banque publique d'investissement, c'est nous qui l'avons décidée. La réforme bancaire pour séparer les activités plus à risque et spéculatives des banques et les activités qu'elles doivent financer, c'est la France qui l'a votée, c'est le seul pays qui l'a fait. Nous ne sommes pas en retard, mais nous voulons continuer ce combat. Ce que nous voulons, c'est à la fois le progrès économique, mais aussi le progrès social, et sauver ce que nous sommes, c'est-à-dire le modèle social et républicain français. Si on ne le réforme pas, alors, il disparaîtra.
PHILIPPE LEFÉBURE
Où est passée votre réforme fiscale ? Pour les entreprises, on voit où on va, à peu près
JEAN-MARC AYRAULT
Je l'ai évoqué tout à l'heure, vous ne m'avez pas entendu
PHILIPPE LEFÉBURE
Pour les ménages, mais pour les ménages, précisément, est-ce que
JEAN-MARC AYRAULT
Le même mois, la même semaine où j'installe
PHILIPPE LEFÉBURE
Là, la fusion par exemple, l'impôt sur le revenu/CSG, c'est définitivement abandonné ?
JEAN-MARC AYRAULT
Tout sera sur la table, tout sera sur la table, je l'ai dit, tout sera sur la table
PHILIPPE LEFÉBURE
Tout reste sur la table ? On n'a pas l'impression, on n'a plus cette impression
JEAN-MARC AYRAULT
Non, tout reste sur la table, bien entendu, je sais, je connais les petits jeux qui sont jolis, je lis des bouts de papier, et puis, qui intéressent les commentateurs pendant trois jours ou huit jours, quinze jours, et puis après, on passe à autre chose
PHILIPPE LEFÉBURE
Les impôts intéressent beaucoup de monde, plus que les
JEAN-MARC AYRAULT
Non, non, non, je parle de la remise à plat de la fiscalité, je l'ai annoncée, elle est engagée, mais ça ne se fait pas comme ça, en claquant du doigt, c'est complexe. Vous avez évoqué : il y a le prélèvement à la source, il y a le rapprochement IR/CSG, comment il faut rendre l'impôt sur le revenu plus juste, comment faire en sorte aussi que la fiscalité locale soit plus juste pour les ménages, etc., eh bien, je veux dire, le chantier est vaste
PHILIPPE LEFÉBURE
C'est un ajustement du barème simplement ?
JEAN-MARC AYRAULT
Non, non, le chantier est engagé, la même semaine où j'installe les Assises de la fiscalité des entreprises, j'installe aussi les groupes de travail avec les parlementaires, les partenaires sociaux qui vont discuter de cette réforme, et nous proposerons leurs solutions.
PHILIPPE LEFÉBURE
Est-ce que le citoyen AYRAULT, ancien maire de Nantes, voterait pour une fusion Pays-de-Loire/Bretagne ?
JEAN-MARC AYRAULT
Non, parce que je pense
PATRICK COHEN
Ou pour un rattachement du département de Loire-Atlantique à la Bretagne ?
JEAN-MARC AYRAULT
Non, non, ce n'est pas le bon débat
THOMAS LEGRAND
Conservatisme, Monsieur AYRAULT
JEAN-MARC AYRAULT
Conservatisme, de quoi ?
THOMAS LEGRAND
Je ne sais pas, vous disiez tout à l'heure ceux qui ne votent pas pour les rattachements, etc., c'est des conservatistes
JEAN-MARC AYRAULT
Mais ce n'est pas un problème de rattachement, la question, il faut la poser autrement, et moi, je veux me la poser à moi-même, c'est : est-ce que 22 régions, c'est trop ou est-ce qu'on peut regrouper certaines régions, mais pas prendre des bouts
THOMAS LEGRAND
Cas par cas
JEAN-MARC AYRAULT
Pas prendre des bouts de régions pour les mettre avec une autre. Ce n'est pas comme ça que les choses se font
THOMAS LEGRAND
La Bretagne est assez grande
JEAN-MARC AYRAULT
Oui, écoutez, je pense que c'est une question sérieuse, mais je pense que ce chantier, il faut absolument l'engager, parce que ça fait des années et des années qu'on parle qu'il faut réformer le millefeuille territorial, moi, j'ai une grande expérience de maire, j'ai mis en place la communauté urbaine de Nantes en 2000, et j'ai commencé la mutualisation des services, et je souhaite que cette mutualisation des services dans les intercommunalités se développe, on a besoin de métropoles, on vient de le décider, et autour des métropoles, il faut sûrement simplifier, simplifier, par exemple : est-ce que dans les métropoles, il faut garder le département, eh bien, le président de la République a évoqué ce sujet, voilà un chantier, eh bien, ça ne peut pas se faire, là aussi, du jour au lendemain, mais il faut s'y attaquer à fond ! Je prends la métropole de Paris, eh bien, moi, je suis favorable à ce qu'on aille vers la suppression des départements de la première couronne.
PATRICK COHEN
C'est-à-dire, Seine-Saint-Denis, Hauts-de-Seine, Val-de-Marne
JEAN-MARC AYRAULT
Faire la métropole, faire la métropole, les communes, les communes et la métropole
PATRICK COHEN
Bon courage avec les Hauts-de-Seine.
JEAN-MARC AYRAULT
Ah ben vous voyez que c'est bien ce que vous venez de me dire, Monsieur COHEN, parce que vous voyez les difficultés, mais vous saluez ma volonté et ma détermination, et je n'ai pas envie de renoncer. Je n'ai pas envie de renoncer.
PATRICK COHEN
Merci Jean-Marc AYRAULT d'être venu ce matin au micro de France Inter à Paris, bientôt Paris métropole.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 janvier 2014
Bonjour Jean-Marc AYRAULT.
JEAN-MARC AYRAULT
Bonjour.
PATRICK COHEN
Vous voici pourvu d'un président social-démocrate, une appellation que vous aviez revendiquée il y a plus d'un an. Mais désormais, avec une politique clairement tournée vers les entreprises, qui bouscule la gauche et déchire la droite, pour la droite, c'était sans doute l'un des objectifs, mais la gauche, qu'est-ce qui lui reste à la gauche aujourd'hui ou au moins, à cette partie de la gauche de votre électorat qui pense que vous avez assez donné aux patrons, sans en recueillir de résultats, et surtout, que vous êtes aux antipodes des engagements de campagne de François HOLLANDE ?
JEAN-MARC AYRAULT
Mais absolument pas, au contraire, nous sommes dans la cohérence de ce que François HOLLANDE a engagé depuis qu'il est président de la République. Parce qu'il faut voir d'où nous partons, le pays était en très grande difficulté, et il ne les a pas toutes surmontées, et comme ma priorité, et celle de tout gouvernement, c'est de gagner la bataille de la croissance, la bataille de l'emploi et en même temps, et c'est là la cohérence politique, j'allais dire social-démocrate, sauver le modèle social français et républicain, ce n'est pas seulement la redistribution, la solidarité, la Sécurité sociale, les retraites, c'est aussi le modèle républicain, c'est-à-dire l'égalité des droits, les valeurs, eh bien pour ça, il faut faire des réformes, il faut être courageux. Donc le président de la République, lors de sa conférence de presse, a choisi de parler vrai sur la situation du pays, c'est-à-dire, ses forces et il y en a beaucoup et ses faiblesses, il y en a, d'ailleurs, on les reprendra si vous voulez bien. Pourquoi ?
PATRICK COHEN
Oui, et
JEAN-MARC AYRAULT
Pourquoi il a parlé comme ça ? Parce qu'il a voulu adresser un message à toutes les forces vives du pays. On a quand même en ce moment tendance à s'auto-dénigrer parfois.
PATRICK COHEN
Les forces vives, mais particulièrement les entreprises
JEAN-MARC AYRAULT
Là, il s'agit de mobiliser les entreprises, les salariés et les forces politiques, qui le veuillent bien, pour que, au moment où la croissance est en train de repartir en France, et pour une part, c'est les décisions que nous avons prises qui en sont la conséquence, mais aussi en Europe, parce que c'est très important, nous ne sommes pas isolés, il ne faut pas rater le coche, donc pour ça, il y a en quelque sorte à amplifier, à accélérer la mise en mouvement de toutes les forces. Alors, c'est un pacte qui est proposé, c'est un pacte pour ceux qui voudront bien y contribuer
PATRICK COHEN
En accédant, Jean-Marc AYRAULT, à ce qui était la principale revendication du MEDEF, c'est-à-dire la suppression des cotisations familiales pour les entreprises d'ici à 2017.
JEAN-MARC AYRAULT
Moi, je suis social-démocrate, vous l'avez dit, le président de la République aussi, il l'a affirmé, il assume totalement cette identité, c'est donnant/donnant, c'est gagnant/gagnant, ce n'est pas tout pour les entreprises, mais c'est aussi pour les salariés et pour les droits nouveaux, et puis, c'est
PATRICK COHEN
Vous espérez des emplois alors ? Vous espérez des emplois
JEAN-MARC AYRAULT
Oui.
PATRICK COHEN
Combien ?
JEAN-MARC AYRAULT
Attendez, ce n'est pas comme ça que les choses se font
PATRICK COHEN
Alors, qu'est-ce qui vous garantit que la baisse des cotisations n'ira pas dans la poche des actionnaires ou des salariés au lieu de déboucher sur des embauches ?
JEAN-MARC AYRAULT
Laissez-moi laissez-moi expliquer vous avez posé plein de questions au début, je n'ai pas encore répondu à tout
PATRICK COHEN
Non
JEAN-MARC AYRAULT
Je vais vous donner un exemple du donnant/donnant, la bataille pour la croissance et l'emploi, je le répète, c'est ma bataille centrale, il n'y en a pas d'autre, parce que derrière, ce sont des jeunes qui veulent travailler, ce sont des seniors qu'on jette, parce que, soi-disant qu'ils sont trop vieux, et puis, je pourrais décrire les situations de souffrance humaine et sociale, et puis, une certaine désespérance qui s'installe dans certaines régions et certains territoires, et moi, je ne vis pas en chambre à Matignon ou dans un bureau, je vais aussi sur le terrain, et j'attends, et je vois qu'il y a une attente forte. Mais ce que me disent les Français, c'est qu'il faut non pas aider les patrons, comme vous l'avez dit tout à l'heure, aider le MEDEF, ce n'est pas ça l'enjeu
PATRICK COHEN
Les entreprises
JEAN-MARC AYRAULT
L'enjeu, c'est d'aider les entreprises pour leur redonner des marges de manoeuvre pour investir, innover, embaucher. Et là, je vais prendre un exemple pour comparer avec notre principal partenaire, qui est l'Allemagne, parce que c'est aussi là que ça se joue, nous sommes c'est-à-dire que nous fournissons, nous échangeons, c'est l'Europe, et en particulier l'Allemagne, qui est plus dynamique que nous, ce qui n'était pas le cas il y a dix ans. Eh bien, là, on regarde la situation de ce que paient les entreprises, en termes de cotisations sur les salaires, donc appuyées sur les salaires, sur la valeur travail, les cotisations en France sont beaucoup plus élevées qu'en Allemagne, bon ça, je prends cet exemple donc, et puis, si je prends l'impôt sur les sociétés, il est aussi plus élevé en France qu'en Allemagne, donc il y a ces deux chantiers que nous avons ouverts, mais il y a aussi un chantier social, Monsieur COHEN, parce que nous, nous avons reproché à l'Allemagne de ne pas avoir de salaire minimum, qui était aussi une distorsion de concurrence à l'égard des entreprises françaises, je pense notamment au secteur de l'agriculture, eh bien, les choses bougent en Europe, elles bougent en Allemagne, la grande coalition va instaurer le salaire minimum, ça, ça va dans le sens du progrès. Donc ce que nous voulons, c'est le progrès, le progrès, c'est l'emploi, le progrès, ce sont des droits, donc c'est le pacte que propose François HOLLANDE, qu'il faut mettre en mouvement en France. Donc ça veut dire que chacun doit prendre ses responsabilités, parce qu'il a bien parlé de pacte de responsabilité
PATRICK COHEN
Alors l'emploi
JEAN-MARC AYRAULT
Et personne ne peut échapper à la question qui est posée : que voulons-nous ? Est-ce qu'on veut contribuer au redressement de la France et à la bataille pour l'inversion durable de la courbe du chômage ? C'est ça l'enjeu.
PATRICK COHEN
Alors l'emploi, ce sont les contreparties que vous attendez, ce seront des engagements de la part du patronat ou des objectifs, parce que le patronat, lui, ne parle que d'objectifs ?
JEAN-MARC AYRAULT
Ecoutez, une entreprise, ce n'est pas une administration, et donc une entreprise, c'est quelque chose de vivant, c'est une sorte d'écosystème. Ce qu'il faut, c'est être clair, ce qu'il faut, c'est être clair. Et quand je dis par exemple que nous voulons harmoniser, pour qu'il n'y ait pas de distorsion à l'égard de nos entreprises françaises, je vais prendre l'exemple des cotisations payées par les entreprises, et donc qu'est-ce qu'on constate ? Il y a plusieurs types de cotisations, les cotisations pour l'assurance-maladie, pour la retraite, pour l'assurance-chômage, et puis, il y a en plus une cotisation pour financer la politique familiale, les Allocations familiales, il n'est pas question de remettre en cause les Allocations familiales, elles continueront d'être payées, c'est ce que nous avons décidé
PATRICK COHEN
Et les prestations ne baisseront pas ?
JEAN-MARC AYRAULT
Absolument pas. Et quelle est la question, est-ce que c'est juste, est-ce que c'est efficace que ça soit payé essentiellement par les entreprises, cette politique familiale ? Eh bien, la réponse est non. Le président de la République a pris un engagement de supprimer ces cotisations payées par les entreprises, de les financer autrement, et pour les financer autrement, il a aussi pris un autre engagement, c'est qu'on n'aille pas vers un transfert de fiscalité des entreprises vers les ménages, ce qui veut dire qu'en même temps, il y a un programme d'économies volontariste de cinquante milliards qui doit être mis en oeuvre, c'est ça l'engagement, il est cohérent, et c'est ce que nous allons faire.
PATRICK COHEN
On va revenir sur les économies de dépenses dans quelques minutes
JEAN-MARC AYRAULT
Ça veut dire des réformes.
PATRICK COHEN
Mais je reviens sur les engagements que vous attendez de la part des entrepreneurs à l'égard de l'emploi
JEAN-MARC AYRAULT
Eh bien, les engagements que nous attendons, c'est des engagements sur l'emploi, mais je
PATRICK COHEN
Mais ça veut dire avec un mécanisme de sanctions pour les secteurs qui n'embaucheraient pas ?
JEAN-MARC AYRAULT
Nous avons déjà écoutez, nous ne sommes pas dans une économie administrée, moi, je n'ai pas été chef d'entreprise, j'ai été maire pendant trente-cinq ans, j'ai en permanence discuté avec les chefs d'entreprise, la réalité, je la connais
PATRICK COHEN
Donc ça reposera sur la confiance ?
JEAN-MARC AYRAULT
C'est un engagement qui doit être soumis aussi à la discussion dans les entreprises entre les chefs d'entreprise et les représentants des salariés ; pourquoi voulons-nous le dialogue social ? Pourquoi est-ce que toutes les réformes qu'on a engagées depuis le début marchent ? C'est parce qu'il y a eu négociation. La réforme sur le marché du travail, c'est-à-dire la sécurisation de l'emploi, c'est le fruit d'une négociation. La réforme des retraites, c'est le fruit d'une concertation. La réforme de la formation professionnelle, c'est la même chose ; ça veut dire que le dialogue social permet d'arriver à des compromis, et des compromis gagnants/gagnants, et qui font que la réforme, et les réformes se font et réussissent. Ça doit être la même chose. je reviens un petit peu en arrière, nous avons, après le rapport GALLOIS, que j'avais commandé, pour avoir un état réel de la situation des entreprises françaises, vous vous souvenez de ce diagnostic qui était très sévère, et qui allait dans le même sens de ce que nous disons ce matin, nous avons pris des mesures, nous avons pris notamment une mesure qui consistait à baisser le coût du travail de 4%, ça va être effectif en 2014, sauf pour les entreprises qui avaient demandé l'anticipation. Et puis en 2015, ça sera moins 6%. Donc il y a déjà un effort qui a été fait. Mais que dit la loi sur le crédit d'impôt, le crédit d'impôt que vont recevoir les entreprises dans quelques semaines, eh bien, la loi dit qu'il y a obligation pour les chefs d'entreprise, notamment là où il y a un comité d'entreprise, de présenter aux entreprises le montant exact qu'ils ont perçu du crédit d'impôt, quel usage en a été fait, parce que la loi dit aussi que ce n'est pas fait pour les dividendes, c'est fait pour l'investissement. Donc les salariés c'est pour ça qu'on a aussi souhaité que les salariés soient davantage représentés dans les conseils d'administration des entreprises, des grandes entreprises, les salariés, les syndicats doivent dans le cadre du dialogue social pouvoir jouer pleinement leur rôle. Et les salariés dans les entreprises, ils sont capables de comprendre que l'argent du crédit d'impôt, il doit aller d'abord à l'investissement et à l'innovation, parce que quand on est salarié d'une entreprise et qu'on voit qu'il n'y a plus d'investissement, les salariés me disent souvent, il y a longtemps que j'ai entendu ça, mais : notre entreprise va se casser la figure. Donc c'est ça l'enjeu. Et ça, c'est un enjeu de progrès, c'est un enjeu d'avenir, c'est un enjeu qui concerne tous les Français, et c'est en ce sens que je dis que nous sommes des sociaux-démocrates, et pas des sociaux libéraux, parce que le libéralisme, c'est le marché tout seul, qui dirige tout, qui décide tout, la fameuse main invisible du marché qui régulerait nos problèmes. Or, on sait bien, depuis la crise des subprimes, encore davantage, que ce n'est pas vrai et qu'il faut qu'il y ait une intervention de l'Etat. Et d'ailleurs, quand il y a une difficulté dans une entreprise, qu'une entreprise risque de fermer, que font les chefs d'entreprise et les salariés, ils viennent vers qui ? Vers l'Etat. Bon, il faut une nouvelle donne, c'est ce que François HOLLANDE a proposé, c'est ce pacte qu'il propose, il vaut mieux s'y engager parce que c'est l'intérêt de tout le monde.
PATRICK COHEN
Est-ce que, parallèlement à la baisse des cotisations, vous pourriez envisager une baisse de l'impôt sur les sociétés ?
JEAN-MARC AYRAULT
Je l'ai évoquée, il faut harmoniser avec l'Allemagne, il ne s'agit pas de baisser pour baisser, mais là, je veux vous rappeler la méthode, Patrick COHEN, le président de la République a fait sa conférence de presse le 14 juin (sic), le 21, la semaine prochaine, il présente ses voeux aux forces vives, économiques et sociales. Il va donc retracer la perspective de ce qu'il a engagé. Ensuite, le 27, je reçois à Matignon, avec les ministres concernés, chaque organisation patronale et syndicale, et nous allons mettre tout sur la table, tous les enjeux, décrire les revendications des uns et des autres pour avancer, mais ça sera clair. Et puis, ensuite, j'installerai les Assises de la fiscalité des entreprises, avec tous ceux qui seront autour de la table, entreprises, représentants du Parlement, les organisations syndicales. J'installerai à peu près le même jour le chantier de la fiscalité des ménages, je vous rappelle que j'avais annoncé avant les fêtes la fiscalité des ménages
PATRICK COHEN
Donc la réforme fiscale
JEAN-MARC AYRAULT
La réforme fiscale, la remise à plat de la fiscalité
PATRICK COHEN
Elle est toujours là ? Même si ce n'est plus la priorité ?
JEAN-MARC AYRAULT
Pas du tout, vous avez
PATRICK COHEN
Ah bah
JEAN-MARC AYRAULT
Patrick COHEN, est-ce que
PATRICK COHEN
Elle n'était pas au centre du discours présidentiel avant-hier à l'Elysée
JEAN-MARC AYRAULT
Ce qui était au centre du discours présidentiel, c'était tout faire pour ne pas rater le rendez-vous de la croissance, qui est maintenant là, et qui est le fruit d'un travail que nous avons engagé, qui est le fruit d'une situation en Europe où on a sauvé l'euro, où l'union bancaire est en marche, il y a des choses qui se passent, il ne faut pas être à côté de la plaque, il faut être au rendez-vous, mais je rappelle que le président de la République a évoqué le chantier de la fiscalité des entreprises, le chantier du financement de la protection sociale et la remise à plat de la fiscalité des ménages, et il a employé cette expression je vous le rappelle c'est un bloc, oui, c'est un bloc, parce que, effectivement, les Français attendent de la clarification, de la simplification, mais aussi de la justice, ça vaut pour les entreprises, ça vaut pour les ménages.
PATRICK COHEN
On va reparler dans quelques minutes du financement des économies de dépenses que vous voulez faire, et puis aussi de la question des fusions de collectivités, de la réduction du nombre de régions, peut-être de départements, mais d'abord, un mot, quelques mots de politique, vous n'avez pas ignoré évidemment que des centristes ont été séduits par le discours présidentiel, et ils pourraient voter votre pacte à l'Assemblée nationale ; est-ce que ça peut être le prélude à un rapprochement politique, Jean-Marc AYRAULT ?
JEAN-MARC AYRAULT
Vous savez, je pense qu'il faut éviter de faire de la tactique politicienne, ce qui est important, c'est l'intérêt du pays, et chacun est face à ses responsabilités. Je dis bien pacte de responsabilité. Aujourd'hui, nous héritons d'une situation où la France a vu ses conditions, sa dette et ses conditions de vie se dégrader depuis dix ans. Et en particulier depuis cinq ans, depuis le déclenchement de la crise, je rappelle que pendant cinq ans, 2007-2012, la croissance était en moyenne de 0%, ça fait des dégâts humains, ça fait des dégâts sociaux, ça fait du chômage, ça fait de la précarité, ça fait des régions impactées. Aujourd'hui, il y a une main qui est tendue à tous ceux qui veulent la prendre pour redresser le pays durablement, aller au-delà encore de ce que nous avons entrepris. Ceux qui seront prêts à le faire, ils sont les bienvenus, d'ailleurs, le président de la République a proposé que a annoncé plutôt que le Conseil des ministres autoriserait le gouvernement à engager sur ce pacte sa responsabilité, c'est-à-dire que chacun prendra ses responsabilités à tous les niveaux
PATRICK COHEN
Votre gouvernement, votre gouvernement ?
JEAN-MARC AYRAULT
Oui, le gouvernement de la France
PATRICK COHEN
C'est vous qui monterez à la tribune en juin
JEAN-MARC AYRAULT
Moi, eh bien écoutez, qui est chargé de mettre en oeuvre ce que je viens de vous indiquer ? Eh bien, c'est mon travail, donc je ne me pose pas cette question. Ma question, et la seule question, c'est : est-ce qu'on est capable de réussir pour la France, pour redonner de la confiance, et qu'on sorte de ce pessimisme ambiant
PATRICK COHEN
Et, Jean-Marc AYRAULT, aujourd'hui, vous avez une majorité pour voter cette politique ?
JEAN-MARC AYRAULT
Oui, je suis convaincu que nous avons une majorité, mais la majorité, vous savez, moi, je suis toutes les semaines à l'Assemblée nationale, je discute avec les parlementaires, je vais rencontrer les différents groupes de la majorité, j'y rencontre aussi parfois ceux de l'opposition, mais les parlementaires ne sont pas des béni-oui-oui, et ce ne sont pas non plus des godillots, ça n'existe pas, ils ont leur mot à dire
PATRICK COHEN
C'est pour ça que la question se pose
JEAN-MARC AYRAULT
Mais oui, mais attendez, la question, elle se pose, mais elle ne se pose pas sur l'envie de réussir. S'il y a une chose qui est partagée, mais oui, quelle que soit la sensibilité, les socialistes en particulier, eux qui sont le coeur de la majorité, ils veulent réussir pour la France, et quand ils voient les électeurs, les électeurs leur dire : alors, est-ce que vous pensez que ça va marcher, ça ne va pas assez vite, il faudrait que le chômage recule plus vite, il faudrait que les réformes, par exemple celle de l'Education, celle de la Réussite scolaire, Vincent PEILLON propose aujourd'hui son plan contre l'échec scolaire, eh bien, c'est un des grands enjeux de la France, eh bien, c'est ça que veulent tous les socialistes, quels que soient leur sensibilité et leurs débats parfois, mais comment faire autrement que de débattre, la démocratie, c'est ça aussi.
PATRICK COHEN
Jean-Marc AYRAULT, invité de FRANCE INTER jusqu'à 08h55. On vous retrouve dans quelques minutes, après « La revue de presse » avec d'autres questions, celles des auditeurs, qui nous appellent au : 01.45.27.7000, et des chroniqueurs de FRANCE INTER.
8h40 Partie avec les auditeurs
PATRICK COHEN
Le Premier ministre est donc avec nous ce matin jusqu'à neuf heures moins cinq. Des questions au standard pour vous, monsieur AYRAULT. David qui nous appelle de Toulouse, bonjour. Nous vous écoutons.
DAVID, AUDITEUR DE TOULOUSE
Oui, bonjour. Bonjour monsieur AYRAULT, merci de prendre ma question.
MONSIEUR LE PREMIER MINISTRE JEAN-MARC AYRAULT
Bonjour.
DAVID
J'ai une petite entreprise d'une vingtaine de salariés et ce qui nous pousse à employer des gens, à recruter ou à investir, c'est surtout l'activité. C'est-à-dire que nous embauchons des gens lorsque nous en avons besoin et pas parce qu'on nous fait des cadeaux fiscaux ou des baisses de charges, premièrement. Deuxièmement, nous investissons, nous créons de nouvelles entreprises, lorsque le rapport bénéfices/risques nous est favorable. Personnellement, j'ai commencé en 1995. J'ai connu une époque où pour mettons cent euros de bénéfice avant impôt, il m'en restait en revenus et situation familiale constante cinquante. Aujourd'hui, il ne m'en reste plus qu'entre vingt et trente à cause de la CSG, à cause de l'impôt à vingt-et-un pourcents que vous avez crée cette année, à cause de beaucoup d'éléments qui sont venus s'ajouter à notre fiscalité. Donc, je voudrais savoir comment vous comptez agir sur ces deux éléments qui sont prépondérants si vous voulez que les entreprises se développent et embauchent des gens. Merci.
PATRICK COHEN
Merci à vous David. Jean-Marc AYRAULT vous répond.
JEAN-MARC AYRAULT
D'abord, il y a un contexte général que vous venez d'évoquer qui est celui de la croissance. S'il n'y a pas de croissance, même s'il y a des aides pour les entreprises, ça ne suffira pas. Vous avez parfaitement raison, c'est du bon sens. Mais si nous voulons accélérer ce que nous avons entrepris depuis maintenant vingt mois, et surtout après la remise du rapport Gallois et la présentation du pacte pour la compétitivité, la croissance et l'emploi, c'est parce que justement en Europe, après les risques de disparition de l'euro c'était la situation qu'a trouvée François HOLLANDE lorsqu'il a été élu on a vécu pendant cinq ans de crise sans croissance, à part quelques pays comme l'Allemagne qui s'en sort bien et quelques pays nordiques. C'était donc important de retrouver une sécurité. C'est ce qui s'est passé : l'euro a été sauvé, l'union bancaire enfin va être mise en place, donc on est dans une période maintenant où tout a été remis en marche et c'est cette croissance qui repart, et c'est à ce moment-là qu'il ne faut pas que la France soit en retard. Pour répondre aussi à la deuxième partie de votre question, on vous donne des marges. Ces marges de manoeuvre supplémentaires, vous les avez évoquées d'ailleurs, vous allez les avoir. Vous avez une entreprise de vingt salariés : vous allez recevoir là, dans quelques mois, au maximum au mois de mai, le crédit d'impôt, moins quatre pourcents sur la valeur, la masse salariale de votre entreprise, jusqu'à 2,5 fois le smic.
PATRICK COHEN
Pour les bas salaires.
JEAN-MARC AYRAULT
2,5 fois le smic, ce qui est déjà beaucoup. Et donc, ça va vous redonner des marges. Qu'est-ce que vous pouvez en faire de ces marges ? C'est d'investir parce qu'il faut toujours investir, innover et puis aussi embaucher si dans le contexte économique de redémarrage de la croissance effectivement les choses s'améliorent. C'est ça que nous voulons faire, ce n'est pas des cadeaux, je l'ai dit, aux patrons. Avec tout le respect que je vous dois, je ne veux pas vous faire un cadeau, pour vous personnellement. Ce que je veux, c'est que votre entreprise retrouve de la dynamique et c'est ce que vous souhaitez, puis c'est ce que vos salariés espèrent, attendent. Vous voyez, par exemple on vient de connaître aujourd'hui les chiffres des défaillances d'entreprises.
PATRICK COHEN
Oui.
JEAN-MARC AYRAULT
Il est très fort. Ça montre bien qu'il faut être encore plus réactif, plus offensif, et chacun doit y prendre sa part. Comme vous l'avez dit vous-même, c'est à la fois les chefs d'entreprises, c'est aussi les salariés, qui doivent tous se mettre en mouvement.
PATRICK COHEN
Une autre question sur le pacte. Benoît, qui nous appelle de Basse-Normandie. Bonjour Benoît. Nous vous écoutons.
BENOIT, AUDITEUR DE BASSE-NORMANDIE
Bonjour.
JEAN-MARC AYRAULT
Bonjour monsieur.
BENOIT
Oui. J'étais au Bourget, au discours de François HOLLANDE quand il a déclaré que la finance était son ennemi. C'est la seule phrase que j'ai retenue. J'aimerais savoir comment Jean-Marc AYRAULT va s'assurer que la baisse de cotisations familiales ne va pas aller pour les dividendes mais bien pour l'emploi.
JEAN-MARC AYRAULT
Ça fait partie du pacte, je l'ai dit tout à l'heure. Je crois que ce que nous avons déjà entrepris, que je viens d'évoquer, le crédit d'impôt, ce sera la même chose pour tous les autres engagements que nous allons prendre. Il n'est pas question que la priorité soit les dividendes. La priorité, ça doit être la performance des entreprises, l'investissement, l'innovation.
PATRICK COHEN
Mais la question, c'est qu'est-ce qui vous le garantit Jean-Marc AYRAULT ?
JEAN-MARC AYRAULT
C'est un pacte qui est proposé et qui sera ensuite soumis au vote du Parlement.
PATRICK COHEN
Et s'il n'est pas respecté ?
JEAN-MARC AYRAULT
Écoutez, je crois que chacun pourra apprécier mais je pense que, je l'ai dit tout à l'heure, les entreprises c'est un écosystème. Ce n'est pas une administration, ce n'est pas une bureaucratie. Vous le savez très bien.
PHILIPPE LEFÉBURE
À propos de bureaucratie, vous créez un observatoire des contreparties.
JEAN-MARC AYRAULT
Oui, pour que les Français soient témoins, pour que les partenaires sociaux puissent regarder la situation en face, qu'on ne cache rien, qu'on soit dans une transparence absolue et à ce moment-là, chacun sera face à ses responsabilités.
PHILIPPE LEFÉBURE
Observatoire des contreparties, plus le conseil de simplification, le conseil stratégique de la dépense : vous n'avez pas assez d'organismes publics pour faire ce travail au lieu de monter cette usine à gaz ?
JEAN-MARC AYRAULT
Conseil stratégique de la dépense, qui sera mis en place autour du président de la République, et se réunira régulièrement avec le Premier ministre et les ministres, c'est de vérifier que les engagements qui ont été pris par le président de la République se mettent bien en oeuvre, donc ce n'est pas un « machin » de plus. Il n'y a pas besoin de ça. Simplement, c'est un engagement.
PATRICK COHEN
Mais l'observatoire, oui.
JEAN-MARC AYRAULT
L'observatoire c'est les partenaires sociaux qui vont se mettre ensemble autour de la table de façon durable. Durable, et pas seulement pour une seule négociation. Ça, c'est donc un processus nouveau qu'il faut absolument faire vivre. C'est indispensable, c'est la base de la confiance. Moi, je rencontre le patronat, les différentes organisations séparément, je rencontre les dirigeants syndicaux avant la rencontre officielle du 27 que je vais tenir à Matignon et ils me demandent tous que le dialogue soit durable, qu'on soit dans un climat de confiance. La confiance, ça ne se décrète pas : ça se construit. Il faut savoir ce qu'on veut. Est-ce qu'on veut que la France réussisse ? est-ce qu'on veut que la situation des Français s'améliore ? que le chômage recule ? qu'il y ait une espérance pour la jeunesse ? C'est ça l'enjeu. Arrêtons les jeux ! les jeux tactiques !
PATRICK COHEN
Une autre question d'auditeur, d'auditrice. Émilie nous appelle de Montpellier. Bonjour Émilie.
ÉMILIE, AUDITRICE DE MONTPELLIER
Oui, bonjour. Voilà, je me permets de vous appeler pour revenir sur les cotisations sociales au niveau patronal qui allaient diminuer. Vous en avez déjà parlé tout à l'heure en disant qu'elles n'allaient pas être modifiées elles-mêmes, mais par contre vous n'avez pas dit comment elles allaient être subventionnées.
PATRICK COHEN
Voilà, comment on finance ?
JEAN-MARC AYRAULT
Écoutez, c'est par un programme d'économies. Pas par un transfert de fiscalité des ménages des entreprises vers les ménages. Le président de la République l'a rappelé hier : ça, ce n'est pas possible. Ce serait injuste. Encore une fois, je voudrais corriger pas ce qui a été par votre journaliste pour la revue de presse, ce qui est écrit par certains journaux qui disent en citant L'Humanité qui dit : « On veut mettre fin au financement de la protection sociale par les cotisations par le travail ». C'est totalement faux ! La protection sociale, ce n'est pas la politique familiale. La protection sociale, c'est la retraite, c'est l'assurance maladie, c'est l'assurance chômage. Ça, ça va continuer à être financé par les cotisations pour l'essentiel, qui sont assises sur le travail, sur les salaires. Mais par contre, la politique familiale on a dit : « C'est une vieille idée du patronat ». Non ! c'est une vieille idée qui fait débat entre les partenaires sociaux et aussi au niveau politique depuis des années en effet. Est-ce qu'une politique de solidarité qui n'est pas liée à l'activité du travail elle-même qui est la politique familiale, qui concerne tous les Français qui ont des enfants, est-ce que ça doit être payé par des cotisations assises sur le travail ? Non ; nous pensons que ça doit être financé par la solidarité nationale et ça n'est pas la mise en cause de la protection sociale. C'est comme si on disait : « L'éducation nationale doit être financée par des cotisations par les entreprises sur le travail ». Ça n'a pas de sens, tout le monde sera d'accord.
PATRICK COHEN
Les économies de dépenses : Jean-Marc AYRAULT, un peu plus de cinquante milliards d'économies programmés d'ici à 2017. Comment est-ce que vous envisagez que l'État abandonne certaines de ses missions ?
JEAN-MARC AYRAULT
Il faut absolument engager des réformes en profondeur parce que la dépense publique, Patrick COHEN
PATRICK COHEN
Oui, mais la réforme en profondeur, les gens ne voient pas ce que ça veut dire.
JEAN-MARC AYRAULT
Je vais vous en donner deux exemples, voire même trois si vous voulez. Vous, vous dites tout de suite l'État, mais la dépense publique ça n'est pas que l'État. La dépense publique, c'est l'État pour un tiers de la dépense publique un tiers seulement et le reste c'est la protection sociale dans son ensemble, la sécurité sociale et les collectivités locales. Donc il y a trois piliers, le plus gros c'est la protection sociale. Si on veut faire des économies, ce n'est pas pour détruire le modèle social français : c'est le rendre plus efficace. Ça veut dire qu'il faut aussi donc le réformer. Si je prends la santé, nous avons adopté une stratégie nationale de santé que j'ai présentée l'année dernière, qui consiste à réorganiser le parcours de soins, depuis le médecin de famille jusqu'à l'hôpital et ensuite, les soins de post-cure. Il est vrai qu'il y a énormément de choses à changer. Il y a aussi par exemple, dans l'hôpital, si on veut faire l'hôpital du vingt-et-unième siècle ce qu'on va faire il faut investir dans des nouveaux établissements, les rénover, mais c'est davantage d'ambulatoire. C'est-à-dire que pour des interventions mineures, vous n'êtes pas obligé de rester deux jours.
PATRICK COHEN
Mais ça ne suffira pas pour les années à venir, Jean-Marc AYRAULT.
JEAN-MARC AYRAULT
Je vais prendre un autre exemple.
PHILIPPE LEFÉBURE
Ambulatoire, c'est cinq milliards d'euros d'économies seulement. Il en reste quarante-cinq.
JEAN-MARC AYRAULT
Cinq milliards d'économies par an et vous trouvez que ce n'est rien ? C'est énorme !
PHILIPPE LEFÉBURE
Il en reste quarante-cinq.
JEAN-MARC AYRAULT
Mais moi, je vous remercie de citer ce chiffre.
PHILIPPE LEFÉBURE
Oui, c'est la Cour des comptes.
JEAN-MARC AYRAULT
On pense toujours que c'est rien, eh bien c'est beaucoup et il faut le faire. Parce qu'avant de le dire, il ne faut pas se contenter de le dire mais il faut le faire. Nous allons le faire. Je prends un deuxième exemple : pourquoi est-ce que la France est un des pays où le médicament générique est le moins utilisé ? Ça, c'est plusieurs milliards en perspective. Je voudrais prendre d'autres exemples. Je vais prendre les collectivités locales. Tout le monde se plaint de la complexité du millefeuille. Le président de la République a fixé des objectifs. Moi-même à Rennes, lorsque je suis allé présenter le pacte d'avenir pour la Bretagne, j'ai annoncé une réforme pour donner plus de responsabilités aux régions qui sont aujourd'hui exercées par l'État, qui le seront demain par les régions : formation professionnelle, développement économique, innovation et aussi un pouvoir réglementaire, donc beaucoup plus de responsabilités aux régions.
PATRICK COHEN
Ce sera très long, Jean-Marc AYRAULT.
JEAN-MARC AYRAULT
Ça va se faire. Le projet de loi
PATRICK COHEN
Les départements et des régions ne vont pas être supprimés cette année ou l'an prochain.
JEAN-MARC AYRAULT
Alors c'est extraordinaire parce que vous voulez des réformes en profondeur
PATRICK COHEN
C'est une question.
JEAN-MARC AYRAULT
Vous dites qu'on n'en fait pas assez, qu'on n'est pas assez audacieux. On propose des choses audacieuses et vous dites : « Non, mais ça va être long ».
PATRICK COHEN
Non mais on connaît les résistances ! On l'a vu pour la discussion du projet de Marylise LEBRANCHU. Ça va être très long !
JEAN-MARC AYRAULT
Mais je sais qu'il y a des résistances, qu'il y a des conservatismes. Il y en a partout ! Il y en a même à FRANCE TÉLÉVISIONS quand il faut se réformer ou se réorganiser, ou à RADIO FRANCE.
PATRICK COHEN
Et en plus, la loi impose un référendum. Jean-Marc AYRAULT, la loi impose un référendum. On l'a vu en Alsace avec la fusion des deux départements : les Alsaciens n'ont pas voulu de cette fusion.
JEAN-MARC AYRAULT
Alors il faut des règles du jeu qui facilitent les choses mais surtout il faut expliquer les enjeux.
PATRICK COHEN
Ça veut dire qu'on supprime la consultation des habitants ?
JEAN-MARC AYRAULT
Non, je ne dis pas ça. Simplement, il faut à la fois simplifier les processus mais il faut surtout expliquer aux citoyens ce qu'on veut faire. Moi, j'ai effectivement souvenir que lorsque la réforme qui avait été proposée aux Alsaciens et que la loi permet, c'est-à-dire la fusion des départements avec la région, qui n'a pas été acceptée par le vote populaire, c'est regrettable. Pour ma part, je le regrette. Je pense que la campagne a été mal faite, elle ne s'est adressée qu'aux élus, elle n'a pas présenté aux citoyens sans les associer en amont sur quel était l'enjeu. L'enjeu, quand c'est perçu comme une régression cette réforme, si on dit : « Ça va être moins bien pour vous. Vous aurez moins accès aux services publics, les services publics seront moins bien assurés », alors à ce moment-là les citoyens disent non. Il faut donc expliquer le défi. Je vais prendre l'exemple des caisses de retraite. Lorsque j'ai annoncé la réforme des retraites, j'ai annoncé qu'il y avait trente-quatre caisses de retraite qui, pour certains retraités ou futurs retraités, rendaient leur parcours très compliqué pour être informés de leurs droits, et qu'il fallait mutualiser ces moyens-là donc mieux informer les retraités. L'enjeu, c'est être plus efficace et en même temps, gagner au passage plusieurs milliards d'euros. Ça, c'est des réformes. Moi, je suis un réformiste mais je ne suis pas un réformiste seulement par conviction : je suis un réformiste par pratique, parce que je veux que ça marche, je veux que ça réussisse. Et pour ça, il faut une méthode. La méthode, c'est la méthode démocratique, c'est associer tout le monde. Par exemple, si on veut améliorer la fonction publique, vous croyez que ça se fera tout seul sans associer les fonctionnaires ? Ils ont leur mot à dire, je serai à Metz la semaine prochaine pour le dire.
PATRICK COHEN
Une question de Philippe LEFÉBURE.
PHILIPPE LEFÉBURE
Cinquante milliards, ça va être difficile, mais est-ce que c'est le bon chiffre ? Il y a une impasse budgétaire dans le pacte présenté par François HOLLANDE : les dix à quinze milliards d'allègements de charges supplémentaires ne sont pas financés. Est-ce que c'est un pari sur la croissance ou est-ce que ce sont des économies cachées ?
JEAN-MARC AYRAULT
Écoutez, si on ne parie pas sur la croissance, alors ça veut dire qu'on va continuer à avoir une croissance zéro ou autour de 0,1 ou 0,2. Non, on ne peut pas accepter ça, donc nous nous battons pour la croissance. C'est tout le défi du pacte mais en même temps, fixer un objectif pour trois ans qui sera soumis au Parlement bientôt, de diminuer la dépense publique de cinquante milliards toutes les dépenses publiques, je l'ai dit tout à l'heure, et pas protection sociale et collectivités locales c'est une performance qui n'a jamais été atteinte jusqu'à présent. Alors avant de dire : « Ce n'est pas assez », vous pourriez me demander : « Est-ce que vous allez y arriver ? » Je dis : « Oui, nous allons y arriver parce que c'est indispensable pour le pays ».
THOMAS LEGRAND
Est-ce que vous pensez que le président de la République aurait pu être élu en tenant le discours qu'il a tenu le 14 ?
PATRICK COHEN
14 janvier.
THOMAS LEGRAND
Le 14 janvier.
JEAN-MARC AYRAULT
D'abord il a tenu un discours de vérité et si vous reprenez son discours du Bourget, il l'a lui-même rappelé
THOMAS LEGRAND
Non, le discours du Bourget, c'est : « La finance est mon ennemi ». Ce n'était pas : « Le déficit est mon ennemi ».
JEAN-MARC AYRAULT
Non. « La finance est mon ennemi », moi je considère que la finance qui spécule, la finance qui fraude, qui se réfugie dans les paradis fiscaux, oui c'est l'ennemi.
THOMAS LEGRAND
Bien sûr.
JEAN-MARC AYRAULT
C'est l'ennemi et ça le reste. Ça le reste. J'ai répondu hier à une question à l'Assemblée nationale à ce sujet. Qu'est-ce que nous avons fait depuis que nous sommes au pouvoir ? Parce que quand même, la finance qui est l'ennemie, c'est la finance des subprimes. C'est celle qui a fait que des banques se sont effondrées et qu'il a fallu les renflouer par l'argent des contribuables.
THOMAS LEGRAND
C'est le monde de la finance d'ailleurs
JEAN-MARC AYRAULT
C'est le monde de la finance, et des subprimes et de la spéculation qui a fait que pendant cinq ans, l'euro a failli disparaître et qu'il y a eu croissance zéro en Europe et que ça a conduit à des souffrances
THOMAS LEGRAND
Oui, mais ce que vous voulez dire par-là, c'est que le discours du 14 janvier était le même que celui de la campagne ?
JEAN-MARC AYRAULT
Mais non, mais je ne dis pas que c'est le même
THOMAS LEGRAND
Voilà c'est ça, pourquoi ne pas l'avoir tenu avant ?
JEAN-MARC AYRAULT
Ce qui est important, c'est de dire la vérité aux Français sur
THOMAS LEGRAND
C'est ce que je suis en train de vous demander
JEAN-MARC AYRAULT
Et en même temps d'identifier où sont les adversaires, je viens de vous le rappeler, et dire aussi ce que nous avons fait, parce que quand nous luttons contre la fraude fiscale par exemple, vous avez remarqué tous que ça a donné des résultats, et ce matin, sur France Inter
PATRICK COHEN
Le président n'en a pas parlé
JEAN-MARC AYRAULT
Sur France Inter, j'entendais
PATRICK COHEN
Avant-hier
JEAN-MARC AYRAULT
Sur France Inter, j'entendais que vous étiez étonné que ça marche ! Eh bien oui, la lutte contre la fraude fiscale est menée de façon résolue, et ça marche. L'argent revient dans les caisses, et ce n'est pas fini. La lutte contre les paradis fiscaux, elle ne fait que commencer. La mise en place d'une Banque publique d'investissement, c'est nous qui l'avons décidée. La réforme bancaire pour séparer les activités plus à risque et spéculatives des banques et les activités qu'elles doivent financer, c'est la France qui l'a votée, c'est le seul pays qui l'a fait. Nous ne sommes pas en retard, mais nous voulons continuer ce combat. Ce que nous voulons, c'est à la fois le progrès économique, mais aussi le progrès social, et sauver ce que nous sommes, c'est-à-dire le modèle social et républicain français. Si on ne le réforme pas, alors, il disparaîtra.
PHILIPPE LEFÉBURE
Où est passée votre réforme fiscale ? Pour les entreprises, on voit où on va, à peu près
JEAN-MARC AYRAULT
Je l'ai évoqué tout à l'heure, vous ne m'avez pas entendu
PHILIPPE LEFÉBURE
Pour les ménages, mais pour les ménages, précisément, est-ce que
JEAN-MARC AYRAULT
Le même mois, la même semaine où j'installe
PHILIPPE LEFÉBURE
Là, la fusion par exemple, l'impôt sur le revenu/CSG, c'est définitivement abandonné ?
JEAN-MARC AYRAULT
Tout sera sur la table, tout sera sur la table, je l'ai dit, tout sera sur la table
PHILIPPE LEFÉBURE
Tout reste sur la table ? On n'a pas l'impression, on n'a plus cette impression
JEAN-MARC AYRAULT
Non, tout reste sur la table, bien entendu, je sais, je connais les petits jeux qui sont jolis, je lis des bouts de papier, et puis, qui intéressent les commentateurs pendant trois jours ou huit jours, quinze jours, et puis après, on passe à autre chose
PHILIPPE LEFÉBURE
Les impôts intéressent beaucoup de monde, plus que les
JEAN-MARC AYRAULT
Non, non, non, je parle de la remise à plat de la fiscalité, je l'ai annoncée, elle est engagée, mais ça ne se fait pas comme ça, en claquant du doigt, c'est complexe. Vous avez évoqué : il y a le prélèvement à la source, il y a le rapprochement IR/CSG, comment il faut rendre l'impôt sur le revenu plus juste, comment faire en sorte aussi que la fiscalité locale soit plus juste pour les ménages, etc., eh bien, je veux dire, le chantier est vaste
PHILIPPE LEFÉBURE
C'est un ajustement du barème simplement ?
JEAN-MARC AYRAULT
Non, non, le chantier est engagé, la même semaine où j'installe les Assises de la fiscalité des entreprises, j'installe aussi les groupes de travail avec les parlementaires, les partenaires sociaux qui vont discuter de cette réforme, et nous proposerons leurs solutions.
PHILIPPE LEFÉBURE
Est-ce que le citoyen AYRAULT, ancien maire de Nantes, voterait pour une fusion Pays-de-Loire/Bretagne ?
JEAN-MARC AYRAULT
Non, parce que je pense
PATRICK COHEN
Ou pour un rattachement du département de Loire-Atlantique à la Bretagne ?
JEAN-MARC AYRAULT
Non, non, ce n'est pas le bon débat
THOMAS LEGRAND
Conservatisme, Monsieur AYRAULT
JEAN-MARC AYRAULT
Conservatisme, de quoi ?
THOMAS LEGRAND
Je ne sais pas, vous disiez tout à l'heure ceux qui ne votent pas pour les rattachements, etc., c'est des conservatistes
JEAN-MARC AYRAULT
Mais ce n'est pas un problème de rattachement, la question, il faut la poser autrement, et moi, je veux me la poser à moi-même, c'est : est-ce que 22 régions, c'est trop ou est-ce qu'on peut regrouper certaines régions, mais pas prendre des bouts
THOMAS LEGRAND
Cas par cas
JEAN-MARC AYRAULT
Pas prendre des bouts de régions pour les mettre avec une autre. Ce n'est pas comme ça que les choses se font
THOMAS LEGRAND
La Bretagne est assez grande
JEAN-MARC AYRAULT
Oui, écoutez, je pense que c'est une question sérieuse, mais je pense que ce chantier, il faut absolument l'engager, parce que ça fait des années et des années qu'on parle qu'il faut réformer le millefeuille territorial, moi, j'ai une grande expérience de maire, j'ai mis en place la communauté urbaine de Nantes en 2000, et j'ai commencé la mutualisation des services, et je souhaite que cette mutualisation des services dans les intercommunalités se développe, on a besoin de métropoles, on vient de le décider, et autour des métropoles, il faut sûrement simplifier, simplifier, par exemple : est-ce que dans les métropoles, il faut garder le département, eh bien, le président de la République a évoqué ce sujet, voilà un chantier, eh bien, ça ne peut pas se faire, là aussi, du jour au lendemain, mais il faut s'y attaquer à fond ! Je prends la métropole de Paris, eh bien, moi, je suis favorable à ce qu'on aille vers la suppression des départements de la première couronne.
PATRICK COHEN
C'est-à-dire, Seine-Saint-Denis, Hauts-de-Seine, Val-de-Marne
JEAN-MARC AYRAULT
Faire la métropole, faire la métropole, les communes, les communes et la métropole
PATRICK COHEN
Bon courage avec les Hauts-de-Seine.
JEAN-MARC AYRAULT
Ah ben vous voyez que c'est bien ce que vous venez de me dire, Monsieur COHEN, parce que vous voyez les difficultés, mais vous saluez ma volonté et ma détermination, et je n'ai pas envie de renoncer. Je n'ai pas envie de renoncer.
PATRICK COHEN
Merci Jean-Marc AYRAULT d'être venu ce matin au micro de France Inter à Paris, bientôt Paris métropole.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 janvier 2014